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dynamique des lipides chez le parasite apicomplexe Toxoplasma

A. Compartimentation membranaire des cellules de T gond

5. Les organites semi autonomes

• La mitochondrie

T. gondii possède une mitochondrie unique dont la structure est tubulaire. Mise à part cette forme allongée, la mitochondrie est structuralement semblable aux autres mitochondries, à savoir qu’elle possède une enveloppe mitochondriale constituée de deux membranes. Chez T. gondii, la mitochondrie semble avoir été acquise par endosymbiose simple, à l’instar des autres eucaryotes. L’import des protéines mitochondriales codées par le noyau se fait par les complexes protéiques TOM (Translocon of the Outer Membrane) et TIM (Translocon of the

Inner Membrane) permettant le passage de la membrane externe et interne, après reconnaissance d’un peptide d’adressage, clivé après import. Les apicomplexes sont connus pour posséder le génome mitonchondrial le plus réduit des organismes eucaryotes : sa taille est d’environ 6-7 kb (Gray 2003 ; [ToxoDB]). Il semblerait que de manière similaire à d’autres Apicomplexes, la mitochondrie de T. gondii ne code que pour trois gènes. La division de la mitochondrie est intimement liée à celle de l’apicoplaste (voir apicoplaste).

La mitochondrie est responsable de fonctions classiques de la cellule eucaryote comme la respiration (via la chaîne de transporteurs d’électrons), la phosphorylation oxydative ou encore la synthèse des hèmes. Les enzymes responsables du cycle de Krebs sont présentes dans le génome de T. gondii mais leur localisation et leur fonctionnement restent à découvrir. Il a été proposé que la mitochondrie pourrait abriter la voie métabolique de synthèse des acides gras de type I, la FASI (Coppens 2006). Cependant, au vu de la taille massive du complexe protéique FASI chez T. gondii (>10.000 kDa), et ce malgré une localisation proche ou interne à la mitochondrie, il semble peu vraisemblable que la mitochondrie puisse contenir une telle structure. Alternativement, le complexe FAS I pourrait être localisé au niveau d’invaginations des membranes de la mitochondrie englobant une portion du cytosol que l’on retrouve toujours à proximité du réticulum endoplasmique et du Golgi : l’OMC (ovoïd mitonchondrial cytoplasmic complex) (Köhler 2006). T. gondii est capable d’effectuer la synthèse du PG et du DPG et la mitochondrie possède les enzymes nécessaires à leur synthèse. Elle semble aussi posséder une des acyltransférases pemettant la synthèse de l’AP : l’ACT2 (Bisanz et al. 2006).

• L’apicoplaste

Une des caractéristiques des Apicomplexes, à l’exception notable des cryptosporidies, est l’existence d’un plaste vestigial non photosynthétique, l’apicoplaste. Cet organite qui possède un génome circulaire de 35 kb, a été initialement décrit par ses caractéristiques morphologiques, à savoir la présence de quatre membranes délimitantes (pour revue Siddall 1992). Dans la fin des années 1990, deux groupes ont finalement donné la preuve de l’origine végétale de l’apicoplaste par hybridation in situ de sondes ARN et ADN et analyses de phylogénie moléculaire (McFadden et al. 1996, Köhler et al. 1997). Des études de mutants de division montrent que l’apicoplaste est indispensable à la survie du parasite, (Fischera et Roos 1997, He et al. 2001) et qu’il remplit de ce fait, des fonctions essentielles, en particulier pour la synthèse de lipides.

- Origine de l’apicoplaste

L’apicoplaste est issu de l’endosymbiose secondaire d’une algue, probablement de la lignée rouge (Figure 34) (pour revue Waller et McFadden 2005). L’endosymbiose primaire a donné naissance aux deux membranes plastidiales des plantes supérieures, des algues vertes, des algues bleues et des algues rouges (voir paragraphe III. B.). L’endosymbiose secondaire a pour conséquence, la formation et la conservation de membranes supplémentaires : les plastes complexes issus de ce type d’évolution possèdent donc trois ou quatre membranes. La

membrane la plus externe serait rémanente de la membrane du phagosome et donc issue du système endomembranaire. La membrane sous-jacente, aussi appelée membrane périplasmique (PPM), correspondrait à la membrane plasmique de l’endosymbionte secondaire (Cavalier-Smith 2003), elle aussi issue du système endomembraire.

Ce type de plaste secondaire aux membranes sur-numéraires, est retrouvé entre autres parmi les Dinoflagellés, très proches des Apicomplexa du point de vue de l’evolution (Zhang et al. 2000), les cryptomonades, les euglénoïdes et les chloroarachniophytes, tous deux possédant des plastes secondaires issus de la lignée verte. Les cryptomonades, dont le plaste est issu de la lignée rouge, et les chloroarachniophytes possèdent un noyau rémanant de l’endosymbionte secondaire : le nucléomorphe, coincé entre la deuxième et la troisième membrane du plaste secondaire. Cette singularité, non présente chez les Apicomplexa, a permis se soutenir l’hypothèse de l’endosymbiose secondaire comme origine de l’apicoplaste (Cavalier-Smith 2003, Archibald et Keeling 2002). La Figure 34 résume le modèle évolutif à l’origine des plastes secondaires traités dans ce paragraphe.

endosymbiose secondaire Cryptomonades Haptophytes Hétérokontes Ciliés Apicomplexes Dinoflagellées Euglenides Chlorarachniophytes 44 44 4/-4/- 44 33 3/2/- 3/2/- 44 --

xx = nombre de membranes entourant le plaste

Figure 34 : Origine de grands phylums de protistes suivant l’hypothèse d’endosymbioses

- Localisation et import des protéines de l’apicoplaste

Le génome circulaire de l’apicoplaste constitue le plus petit ADN plastidial connu, car il ne code que pour une trentaine de protéines (Köhler et al. 1996, Wilson et al. 1996). La grande majorité des gènes des protéines plastidiales ont donc été transférées dans le génome nucléaire au cours de l’évolution de l’apicoplaste. Chez Plasmodium, les prédictions bioinformatiques, basées sur les séquences d’adressage à l’apicoplaste, ont montré qu’il existe 545 protéines putativement localisées dans l’apicoplaste et codées dans le noyau. Les gènes d’origine plastidiale représenteraient donc environ 10 % du génome (Ralph et al. 2004). L’ensemble de ces protéines dont 70% ont un rôle inconnu, est importé vers l’apicoplaste (Foth et al. 2003).

Les plastes primaires voient leurs protéines importées grâce à la présence d’un transit peptide localisé en général, en position N-terminale. Du fait de la dualité ontogénique des membranes de l’apicoplaste, le parasite requiert une séquence d’adressage supplémentaire afin qu’elles puissent traverser les membranes supplémentaires, issues du système endomembranaire. La séquence peptidique requise est un peptide signal, comme pour les protéines destinées à la voie de sécrétion. Le peptide signal et le transit peptide associés forment la séquence bipartite nécessaire et suffisante à l’import des protéines vers l’apicoplaste. La suppression du transit peptide empèche l’import vers l’apicoplaste et dirige les protéines vers la voie de sécrétion ; la suppression de peptide signal empêche l’entrée des protéines dans l’apicoplaste ; celles-ci restent alors cytosoliques (DeRocher et al. 2000, Harb et al. 2004, Waller et al. 2000).

Plusieurs modèles ont été proposés concernant le trafic des protéines depuis le RE jusqu’à l’apicoplaste. Le premier proposait un transfert depuis le Golgi (voire le trans Golgi), mécanisme le plus répandu chez les protéines adressées vers d’autres systèmes membranaires post- voie de sécrétion. Ce modèle a récemment montré ses limites. En effet, ni la Bréfeldine A, un inhibiteur du transport vésiculaire entre le RE et le Golgi, ni un abaissement de température (lui aussi connu pour inhiber le trafic golgien) n’ont empêché l’adressage des protéines jusqu’à l’apicoplaste (DeRocher et al 2005). De plus, des constructions protéiques contenant une séquence bipartite avec un transit peptide de l’apicoplaste et une séquence de rétention dans le RE, sont tout de même dirigées vers l’apicoplaste (DeRocher et al. 2005, Tonkin et al. 2006). Il semblerait donc que l’import des protéines de l’apicoplaste ne transite pas par l’appareil de Golgi.

Deux autres possibilités sont envisageables (Figure 35) :

(i) la présence de l’apicoplaste à l’intérieur même du RE, la membrane externe de l’apicoplaste correspondrait alors à celle du RE (Figure 35B);

(ii) l’apicoplaste serait un branchement latéral et terminal d’un système endomembranaire possédant un transport vésiculaire spécifique (Figure 35A).

Le premier modèle est toujours possible car plus parcimonieux. Les observations de l’apicoplaste faites en microsopie électronique et de fluorescence montrent une association physique intime entre l’apicoplaste et le RE (Tonkin et al. 2006) mais aucun contact physique réel n’a encore été décrit et aucun ribosome n’est visible sur la membrane externe de l’apicoplaste, l’excluant ainsi du RE granulaire. De plus, Karnataki et al. (2007) ont récemment décrit la présence d’une protéine membranaire de l’apicoplaste incluse dans des vésicules autour de l’apicoplaste chez T. gondii. Cette découverte renforce le modèle d’un apicoplaste hors du RE. Le second modèle nécessiterait la présence d’un récepteur du RE encore inconnu qui reconnaitrait les ~500 protéines de l’apicoplaste parmi l’ensemble des protéines empruntant cette voie et autorisant leur empaquettage dans un système de vésicules spécialisées. Quel que soit le modèle, il semble que l’apicoplaste soit maintenu localisé dans la continuité du RE. Cette localisation serait-elle due aux fonctions que doit remplir l’apicoplaste au sein de la cellule parasitaire, comme l’approvisionnement en certaines classes d’acides gras ou bien de lipides ?

Autres destinations sécrétoires

BFA Golgi RE Noyau Ap reconnaissance du peptide de transit avant le transfert vésiculaire?

Autres destinations sécrétoires BFA Golgi RE Noyau Ap Zone de reconnaissance du peptide de transit A B

Figure 35 : Modèles de la localisation de l’apicoplaste et de l’import de ses protéines chez T. gondii.

(A) L’apicoplaste est un branchement terminal du RE. La reconnaissance des protéines à destinée plastidiale est déterminée avant le transport vésiculaire vers l’apicoplaste. (B) L’apicoplaste est localisé dans le RE. Sa membrane externe est commune avec celle du RE. La reconnaissance des protéines est réalisée à la surface de la membrane périplasmique, seconde membrane de l’apicoplaste.

Mises à part les nombreuses études sur les séquences d’adressage requises pour l’import des protéines dans l’apicoplaste, très peu de choses sont connues sur le mécanisme d’import en lui-même. Quelque soit le modèle utilisé, l’entrée dans le réticulum se fait par reconnaissance du peptide signal via le complexe protéique Sec61 (Tonkin et al. 2007). Après clivage du peptide signal, les protéines doivent encore traverser trois membranes : la PPM (membrane périplasmique), la membrane externe et la membrane interne. Pour la PPM, Tonkin et al. (2007) proposent que de manière similaire aux cryptomonades (Sommer et al. 2007), il existerait un complexe, Der1, sur la PPM,. Ce complexe initialement prévu pour

renvoyer les protéines mal pliées du RE vers le cytosol, permettrait leur import vers l’intérieur de l’apicoplaste.

Chez les plantes, la traversée de l’enveloppe du plaste se fait par l’intermédiaire des complexes de translocation TOC et TIC qui reconnaissent le transit peptide. Chez les Apicomplexa, la fonction de reconnaissance du transit peptide se retrouve au niveau de la PPM. De nombreuses protéines analogues à celles participant au complexe TOC ont d’ailleurs été retrouvées sur cette membrane. Le composant central du complexe, Toc75, reste introuvable. La encore, Tonkin et al. (2007) proposent que le passage se fasse grâce à un deuxième analogue de Der1 retrouvé chez les cryptomonades (Sommer et al. 2007). Enfin, l’import à travers la membrane interne de l’apicoplaste semble réalisé par un analogue du complexe TIC, identifié dans le genome de T. gondii (Tonkin et al. 2007).

- Fonctions métaboliques de l’apicoplaste

Le rôle de l’apicoplaste a été débattu depuis sa découverte. Les premières hypothèses étaient basées sur les connaissances des plastes non photosynthétiques, à savoir la synthèse des hèmes pour la respiration mitochondriale, la synthèse des acides gras, le stockage de l’amidon ou encore la synthèse d’acides aminés aromatiques (Wilson et al. 1991, Palmer 1992, Kölher et al. 1997). On a vite découvert que l’apicoplaste est indispensable à la cellule. En effet, les antibiotiques dirigés contre la réplication, la transcription et la traduction du génome de l’apicoplaste entrainent la mort du parasite (Fishera et Roos 1997, Ralph et al. 2001). De plus, des mutants dont la ségrégation de l’apicoplaste est altérée voient les parasites dépourvus de plastes mourir (He et al. 2001). Enfin, la voie FASII est essentielle pour la survie du parasite (Bisanz et al., 2006 ; Mazumdar et al. 2006).

L’invalidation de l’apicoplaste entraine la mort du parasite après un délai, c’est-à-dire à la génération suivante. Ce phénomène qui est appelé « parasite delayed death » (la mort du parasite après délai), n’est toujours pas complètement élucidé. La solution réside dans la compréhension exacte du rôle de l’apicoplaste. Les produits fournis par l’apicoplaste sont en tous cas indispensables au bon fonctionnement de la cellule parasitaire, peut-être au niveau de la VP. L’apicoplaste pourrait aussi fournir une ressource requise lors de l’invasion de la cellule hôte. De nombreuses approches biochimiques et moléculaires ajoutées à une récente étude menée in silico sur les protéines adressées à l’apicoplaste (Ralph et al. 2004) ont permis de dresser une carte des fonctions métaboliques caractérisées chez l’apicoplaste (Figure 36). Les isoprénoïdes semblent être exclusivement synthétisés au niveau de l’apicoplaste par la voie du 1-déoxy-D-xylulose 5-phosphate présente chez les plantes, les algues et la plupart des eubactéries (Eisenreich et al. 2004). Ces composés sont à l’origine des résidus farnésyl et géranyl-géranyl qui peuvent être liés aux protéines de façon post-traductionnelle, ce qui leur permet d’interagir avec les membranes cellulaires. Ils ont un rôle dans la prolifération cellulaire et modifient la structure des ARNt pour une traduction correcte du génome de l’apicoplaste (Ralph et al. 2004). De plus, l’apicoplaste joue, comme le chloroplaste, un rôle essentiel dans la synthèse des acides gras grâce à la présence de la voie complète de la FASII. La synthèse des hèmes est en partie réalisée dans l’apicoplaste, l’autre partie dans la

mitochondrie, mais on ne connaît pas les voies métaboliques auxquelles ces composés participent dans l’apicoplaste.

Figure 36 : Schéme des premières voies métaboliques élucidées chez l’apicoplaste (d’après Ralph et

al, 2004)

L’apicoplaste est le second site de biosynthèse des groupements [Fe-S] après la mitochondrie (Ellis et al. 2001, Seeber 2002). Ceux-ci sont attachés aux protéines pour leur fournir un potentiel redox. Quatre protéines de l’apicoplaste possédent ce type de structure : 2 enzymes de synthèse des isoprénoïdes, la lipoate synthase et la ferredoxine (Ralph et al. 2004, Seeber et al. 2005). La présence de cette dernière est très surprenante car ellen’avait jusqu’alors été detectée que dans la chaîne de transporteurs d’électrons du chloroplaste des algues et des plantes. L’apicoplaste est aussi capable de la synthèse de l’acide lipoïque nécessaire à la lipoylation du complexe pyruvate deshydrogénase (PDH) (Ralph et al. 2004, Mazumdar et al. 2006).

L’apicoplaste serait aussi un lieu de synthèse de phosphoglycérolipides. Il possède en tous cas, l’ensemble des enzymes responsables de la synthèse du lyso-AP, précurseur de nombres d’entre eux (par la voie de l’AP ou voie de Kennedy ; voir paragraphe II). Des extraits totaux de T. gondii peuvent par ailleurs synthétiser des lipides dont les propriétés de migration sur chromatographie sur couche mince sont indiscernables de celles du MGDG et du DGDG, galactolipides caractéristiques du chloroplaste, en faisant usage des mêmes substrats que les MGDG synthases et DGDG synthases du chloroplaste, c’est-à-dire l’UDP- Gal (Maréchal et al. 2002) et le DAG dérivé d’un marquage métabolique avec de l’acétate (Bisanz et al. 2006). Bien que la composition lipidique exacte de l’apicoplaste soit encore inconnue, l’hypothèse de la présence des galactolipides dans les membranes de l’apicoplaste a donc été émise.

L’acquisition de l’apicoplaste par endosymbiose a permis l’apparition de voies métaboliques qui n’étaient pas présentes chez l’hôte de départ mais aussi de voies redondantes. Grâce aux processus « d’évolution réductrice », les gènes superflus ont pu

disparaître. De ce fait, mais aussi de par l’origine végétale et procaryotique de l’apicoplaste, celui-ci arbore de nombreuses voies métaboliques qui lui sont exclusivement spécifiques. Les protéines impliquées dans ces voies sont autant de nouvelles cibles potentielles pour des herbicides ou des antibiotiques aux propriétés anti-parasitaires.