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dynamique des lipides chez le parasite apicomplexe Toxoplasma

A. Compartimentation membranaire des cellules de T gond

2. Le complexe apical

La partie apicale de la cellule de T. gondii est spécialisée dans les fonctions d’invasion. De nombreuses structures y sont rattachées : le conoïde, les micronèmes, les rhoptries mais aussi les microtubules sub-pelliculaires et le complexe membranaire interne (dont nous détaillerons les fonctions avec la membrane plasmique).

• Le conoïde

Le conoïde est localisé à la pointe apicale du parasite. Le conoïde a la forme d’un cylindre légèrement conique. Il est constitué de filaments de tubuline polymérisée. Les filaments de 26 à 30 nm de long sont enroulés en spirale (Figure 26A et B) (Hu et al., 2002). Il est limité à l’avant par deux anneaux préconoïdaux et à l’arrière, par deux anneaux polaires, denses aux électrons, qui l’entourent (Figure 26A et B). Il constitue le centre organisateur des 22 microtubules subpelliculaires qui s’étendent le long de la face cytoplasmique de l’IMC (voir plus loin, le paragraphe relatif aux microtubules sub-pelliculaire). En effet, cette zone contient des protéines homologues du complexe gamma-ring, à l’origine de la nucléation de la tubuline (Hu et al 2006). D’après les données structurales, il semblerait que ces anneaux polaires soient au contact de l’IMC. Ils pourraient donc être en partie constitués de matériel membranaire de l’IMC. Le conoïde comporte également deux microtubules centraux étroitement liés l’un à l’autre dont l’un des rôles serait de servir de rails de transport aux vésicules de sécrétion (Carruthers et Sibley 1997).

Cette région sert de point focal pour l’assemblage du cytosquelette des futures cellules filles (Morissette et Sibley 2002) ainsi que d’échaffaudage pour l’assemblage de leurs futures membranes (voir paragraphe IV. A. 6.) (Hu et al. 2006). Le conoïde est une structure rétractile qui effectue des mouvements de protrusion et de rétraction dans l’anneau polaire (Figure 26). L’extrusion du conoïde peut être stimulée par un flux de calcium induit par l’ionomycine (calcium ionophore) et elle peut être inhibée par un prétraitement par la

cytochalasine D qui dépolymérise le cytosquelette d’actine. Lors de l’invasion, un flux de

calcium déclenche la protrusion du conoïde et permet ainsi la formation à travers la membrane plasmique, d’un canal de sécrétion des protéines de micronèmes et de rhoptries. La rétraction du conoïde a lieu à la fin de l’invasion et implique les filaments d’actine (Mondragon et Frixione, 1996). L’extrusion du conoïde assurerait une poussée mécanique de la membrane plasmique de l’hôte et constituerait la première étape dans la formation de la VP.

Le conoïde et plus particulièrement lees anneaux polaires, constituent aussi, lors du processus de division (paragraphe IV. A. 6.), le point de départ de l’échaffaudage à l’origine de la mise en place de l’IMC. Ce processus intervient juste après la mise en place des conoïdes des cellules filles et met en jeu la protéine MORN1 (Hu et al 2006). Cette protéine rentrerait dans la constitution d’un anneau protéique qui coulisserait depuis le futur pôle apical jusqu’au futur pôle postérieur des cellules filles pour former l’IMC (paragraphe IV. A. 6., Figure 37).

Aucune donnée n’a été collectée sur l’assemblage des lipides lors du processus de division parasitaire mais il serait intéressant, pour comprendre les premières étapes de division du parasite, de connaître le mécanisme d’arrivée des lipides sur cet échaffaudage protéique.

Figure 26 : le conoïde de T. gondii. (A)

Cliché montrant la structure du conoïde par

microscopie électronique à transmission.(Site internet D. Sibley). (B)

Schéma de la structure du cytosquelette apical (d’après Monteiro et al.). Il est formé de haut en bas de 2 microtubules internes (D), de 2 anneaux polaires (P1 et P2,) de microtubules enroulés en spirale formant le corps du conoïde (C), des anneaux pré- conoïdaux (PR1 et PR2) dont le second est le centre organisateur des 22 microtubules subpelliculaires (ST) glissant le long de la face cytoplasmique de l’IMC (IN) accolé à la membrane plasmique (OM). (C) Mécanisme calcium dépendant de l’extrusion-protrusion du conoïde (d’après Hu et al 2002).

A

B

C

• Les micronèmes

Les micronèmes sont de petites structures vésiculaires en forme de batonnets d’environ 250 nm de long pour 50 nm de large. Ils sont localisés dans la partie la plus apicale du parasite juste sous le conoïde (Figure 25). On peut en trouver jusqu’à 100 par cellule et ils apparaissent denses aux électrons. Les micronèmes sont des organites de sécrétion qui interviennent très précocemment dans le mécanisme de l’invasion de la cellule hôte par le parasite. Ils sont responsables de la sécrétion de protéines (TgMIC 1 à 12, TgAMA1, TgM2AP et TgSUB1, pour revue Dowse et Soldati 2004) dont la plupart sont des adhésines qui participent à l’attachement de T. gondii à la cellule hôte (Carruthers et al. 2000). Ces protéines sont sécrétées dès le contact du parasite avec la cellule hôte grâce à une élévation de la concentration intracellulaire en calcium (Carruthers et Sibley 1999), ce qui induit également l’extrusion du conoïde (voir paragraphe précedent). Les protéines sécrétées sont activées grâce à des protéases (Zhou et al 2005). Elles agissent de manière synergique et semblent multiplier les interactions récepteur-ligand entre le parasite et la cellule hôte. Certaines telles que TgAMA1, associées avec des protéines de rhoptries et le complexe TgMIC2-M2AP, sont indispensables à l’entrée du parasite dans la cellule hôte (pour revue Dowse et Soldati 2004).

Certaines des protéines secrétées par les micronèmes sont des protéines transmembranaires. Le complexe TgMIC2-M2AP s’ancre via le domaine trans membranaire

de MIC2 dans des zones précises et rigides de la membrane (voir plus loin, Figure 32). Cet ancrage fixe n’est pas cohérent avec la mosaïque fluide des bicouches lipidiques. Le complexe est donc probablement ancré via une interaction avec un domaine membranaire du type raft lipidique. Aucune étude n’a encore été réalisée dans ce domaine de l’ancrage des protéines par les lipides chez T. gondii. D’autre part, la composition lipidique de la membrane des micronèmes reste encore inconnue.

• Les rhoptries - Structure

Les rhoptries constituent le deuxième type d’organites de sécrétion du pôle apical. Elles sont plus grandes (0,25 µm de large et 1 à 4 µm de long) et moins nombreuses que les micronèmes (8 à 12 par cellule). Ces organites sont en forme de massues inversées (Figure 25) et présentent une partie allongée (le cou) qui traverse le conoïde et se termine au pôle apical ainsi qu’une partie plus large (le bulbe) situé dans la partie médiane du parasite. La forme de cet organite est toujour la même, même après sécrétion de son contenu mais on ignore le mécanisme qui permet de maintenir cette forme.

- Biogenèse et sécrétion

La biogenèse des rhoptries serait semblable à celle des lysosomes sécrétoires des eucaryotes qui ont pour propriété de sécréter leur contenu après stimulation via une machinerie unique (pour revue Blott et Griffiths 1992). La décharge du contenu des rhoptries est elle aussi déclenchée après stimulation mais le signal qui intervient lors de l’attachement à la cellule hôte est encore inconnu. Les rhoptries seraient donc des lysosomes modifiés, hypothèse renforcée par le fait que les rhoptries constituent le compartiment le plus acide de T. gondii (Ngo et al., 2004).

Chez les eucaryotes, la biogenèse des lysosomes sécrétoires est dépendante de la formation de corps multivésiculaires (MVB). Ces corps sont issus de la fusion de vésicules acides, provenant du réticulum endoplasmique, et de l’invagination de vésicules endosomales à l’intérieur de la vésicule acide en croissance (Denzer et al. 2000, Raposo et Marks 2002). Ce mécanisme permet la séquestration de vésicules, et donc de protéines membranaires, à l’intérieur même du MVB en formation. La destinée de ces protéines (internalisées ou non) dépend de leur association avec des domaines membranaires lipidiques qui permet leur ancrage à des zones bien déterminés. Les vésicules sont recouvertes de complexes adaptateurs tels que le complexe AP-1 et présentent à leur surface des protéines cargo transmembranaires qui possèdent des queues tyrosine cytoplasmiques ainsi que des signaux peptidiques d’adressage du type dileucine. Ce système de marquage permet le tri des vésicules déstinées à la fusion ou à l’invagination.

La biogenèse des rhoptries repose sur des organites précurseurs appelés pré-rhoptries. Ces larges vésicules contiennent un matériel dense et hétérogène. Elles se développent grâce à la fusion de petites vésicules provenant du Golgi. La biogenèse des protéines de rhoptries est

d’ailleurs sensible à l’action de la bréfeldine A (Soldati et al. 1998), un inhibiteur du trafic vésiculaire dans les endomembranes. Les structures membranaires internes des pré-rhoptries sont réminiscentes des structures retrouvées dans les MVB et les lysosomes sécrétoires (Coppens et Vielmeyer 2005).

Les Apicomplexes utilisent le système endosomal de protéines de surface (protéines rab similaires aux protéines COP de surface du système de transport du RE et du Golgi, Chaturvedi et al. 1999, Robibaro et al 2002, Stedman et al. 2003, Quevillon et al. 2003) et de protéines adaptatrices (ADP-1, Ngo et al. 2003) pour réguler le trafic vésiculaire à partir du trans-Golgi jusqu’aux rhoptries. De plus, l’adressage des protéines destinées aux rhoptries est médié par la reconnaissance des queues tyrosines cytoplasmiques ainsi que par les signaux dileucine. Les pré-rhoptries évoluent en organites matures après la condensation et l’élongation du pédoncule des rhoptries (Dubremetz, 2007) (Figure 27). Le transfert des pré- rhoptries vers les rhoptries semble être régulé grâce à la protéine chaperonne VPS4 (Yang et al. 2004).

Figure 27 : Schéma de la biosynthèse des rhoptries. Après synthèse de son contenu par la voie

RE/Golgi, des vésicules recouvertes de protéines AP-1 (spécifiques du transport vésiculaire lysosomal) se déplacent à partir du réseau trans-golgien (TGN) et fusionnent pour former les pré- rhoptries (qui correspondraient aux MVB). La protéine chaperonne VPS4 pourrait permettre de réguler le trafic vésiculaire et/ou permettre le transport du cholestérol vers les rhoptries matures (Coppens et Vielmeyer 2005).

- Contenu et fonctions

La purification des rhoptries a permis l’étude du protéome, constitué d’une trentaine de protéines (Bradley et al 2005). Il existe une ségrégation distincte entre les protéines du bulbe, i.e. les ROPs, et celles du cou des rhoptries, i.e. les RONs. Cette ségrégation est issue d’un tri latéral après leur stockage dans les pré-rhoptries (Dubremetz et al. 2007). L’ensemble de ces protéines joue un rôle durant l’invasion et notamment lors de la formation de la jonction mobile, étape qui suit l’attachement du parasite à la cellule hôte et qui précède la formation de la VP. Les protéines RONs 2/4/5 s’associent avec la protéine de micronèmes TgAMA1 lors de la sécrétion quasi-simultanée du contenu de ces deux organites (Alexander

et al. 2005, Lebrun et al. 2005). Cette association en synergie avec la machinerie de motilité actine-dépendante (Hakansson et al. 2001) permet la mise en place de la jonction mobile lors de l’invasion (Figure 28) puis de la membrane de la vacuole parasitophore. Certaines protéines ROPs sont des kinases, des phosphatases ou des protéases (Dubremetz 2007). On pense que celles-ci permettent la modification des protéines de sécrétion de T. gondii ou de celles de l’hôte, notamment pour créer de futures plateformes d’interaction entre l’hôte et le parasite par l’intermédiaire de la VP (comme l’ancrage des mitochondries hôtes sur la VP, pour revue Sinai 2007). Récemment, la kinase ROP16 et la phosphatase PP2C ont été montrées comme transportées dans le noyau de l’hôte (Saeij et al 2007, Bradley et al. 2007). ROP16 peut interférer avec la voie de signalisation STAT de l’hôte (Saeij et al. 2007). ROP18 est un facteur important de virulence de T. gondii puisque c’est une kinase qui permet de réduire la durée du cycle de réplication du parasite dans sa cellule hôte. (El Hajj et al. 2007).

Les rhoptries ont aussi un contenu riche en lipides. Les analyses préliminaires ont montré qu’elles contenaient de grandes quantités de cholestérol et de phospholipides tels que la PC et l’AP (Froussard et al. 1991). Le ratio entre cholestérol et phospholipides est proche de celui retrouvé au niveau des rafts lipidiques (1,4 dans les rhoptries ; 1,2 dans les rafts et 0,5 dans les membranes « normales », Coppens et Vielmeyer 2005). Le cholestérol pourrait servir au maintien de la forme des rhoptries car il est présent en très grande quantité dans les membranes limitantes des rhoptries (Coppens et Vielmeyer 2005). Il pourrait aussi servir au maintien des courbures vésiculaires à l’intérieur des MVB. Le cholestérol pourrait enfin participer à la formation des plateformes d’interaction sur la VP (Coppens et Vielmeyer 2005).

Figure 28 : L’invasion active de T. gondii requiert la sécrétion des protéines des micronèmes (en vert)

et de rhoptries (en rouge et gris) pour la mise en place de la jonction mobile (MJ) à l’origine de la membrane de la vacuole parasitophore (MVP). Lors de la reconnaissance de la cellule hôte, le parasite décharge le contenu des micronèmes et des rhoptries. La protéine AMA1 (en vert) s’associe avec les protéines RON2/4/5 (en rouge) au niveau de points de contacts entre le parasite et la membrane plasmique de l’hôte qui constituent la jonction mobile. Cette association permet l’entrée active du parasite à l’intérieur de la cellule hôte. La protéine AMA1 est clivée et éliminée de la surface du parasite au fur et à mesure de son entrée dans la cellule hôte. Les autres protéines des rhoptries (en gris) contribuent à la formation de la MPV, tandis que d’autres sont exportées vers d’autres compartiments comme le noyau de l’hôte. (d’après Alexander et al. 2005)