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2.4 Lpn dans les biofilms

2.4.1 Définition et structure des biofilms .1Découverte et Définition

2.4.1.2 Les organismes des biofilms

Les bactéries sont les organismes dominant des biofilms. Leur concentration est supérieure

d’un facteur 10 à celle des autres organismes (Geesey, et al., 1978, Pedersen, 1982, Hunt & Parry,

1998, Manz, et al., 1999). De plus, dans un environnement naturel, la majorité des bactéries se situe

dans les biofilms (95% à 99% des bactéries environnementales) à l’inverse des cellules en suspension

dans la colonne d’eau (Bryers, 1982, Costerton, et al., 1995, Costerton, 2007, Nikolaev & Plakunov,

2007).

Malgré des variations saisonnières et annuelles de sa composition et donc de son activité, le

biofilm mature est généralement dominé par deux groupes bactériens : les β-protéobactéries et les

bactéries du groupe Cytophaga-Flavobacterium (Manz, et al., 1999, Chenier, et al., 2003). Le

développement du biofilm dans le temps correspond également à une succession d’espèces bactériennes (chapitre 2.4.2.4).

La colonisation d’un substrat est très rapide (Henrici, 1933, Zobell, 1943, Hunt & Parry, 1998,

Pohlon, et al., 2010). La concentration en bactéries totale dépasse les 104 bact/cm² dès les premières

heures d’immersion d’une lame de verre dans une rivière, après 12h elle atteint 9x104 bact/cm². Un

biofilm de 7 jours abrite 2x106 bact/cm². Quant aux biofilms matures, âgés de plusieurs mois, ils

contiennent entre 5x106 et 15x107 bact/cm² (Lazar, Hunt & Parry, 1998, Stoodley, et al., 2001,

Pohlon, et al., 2010).

Cette abondance de bactéries correspond au fait que le biofilm représente un milieu favorable à leur activité métabolique : la proportion d’organismes présentant une activité respiratoire est

supérieure dans les biofilms par rapport à celle des communautés planctoniques (Araya, et al., 2003).

Mais le type d’interface où se développe le biofilm a aussi une influence sur sa communauté bactérienne : ceux de l’interface solide-eau possèdent une communauté bactérienne plus dense et plus active que ceux de l’interface air-eau. Ce phénomène s’explique par une concentration des

nutriments au niveau des interfaces du type solide-eau (Araya, et al., 2003).

En plus des bactéries, le biofilm abrite également des protistes et des algues. En termes de concentrations, les flagellés hétérotrophes représentent le groupe d’organismes le plus abondant après les bactéries. A l’inverse, les flagellés autotrophes et les chlorophytes sont les moins représentées dans les biofilms quel que soit leur niveau de maturation. En raison de leur taille, les bactéries contribuent assez peu à la biomasse du biofilm. Ce sont alors les algues qui représentent la

majeure partie de la biomasse fixée : la production primaire du biofilm est donc importante (Geesey,

et al., 1978, Hunt & Parry, 1998).

Les 3 groupes de protistes (flagellés, ciliés, amibes) sont présents dans les biofilms d’eau douce, quel que soit le type de substrat, naturel ou artificiel (Parry, 2004). Ils sont importants dans ce

milieu à la fois par une concentration comprise entre 102 et plus de 106 cellule/cm² et par leur

fonction de brouteur au sein même du biofilm (Franco, et al., 1998, Hunt & Parry, 1998, Kathol, et al., 2009, Wey, et al., 2009).

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Les protistes associés aux biofilms peuvent être séparés en 4 catégories en fonction de leur mode de vie et par conséquent de leur impact sur le développement du biofilm (Parry, 2004) :

• Les protistes principalement planctoniques qui peuvent nager à proximité du biofilm.

• Les protistes fixés au substrat mais qui se nourrissent de proies en suspensions.

• Les protistes qui peuvent être planctoniques et se nourrir de proies en suspension mais

qui sont aussi capable de parcourir le substrat et qui se nourrissent alors de proies fixées.

• Les amibes qui sont uniquement capables de parcourir le substrat et qui se nourrissent

de proies fixées.

Une grande partie des protistes appartient donc à des groupes qui se nourrissent de proies en suspension dans la colonne d’eau plutôt que de proies présentes dans le biofilm : il s’agit principalement des ciliés et des rotifères. Ces protistes n’affectent donc pas directement l’état physiologique des bactéries du biofilms, mais ils occupent de l’espace sur le substrat. Par conséquent, ils limitent la colonisation par les autres organismes et augmentent la compétition spatiale. Ils permettent tout de même d’augmenter le flux d’éléments essentiels du biofilm à travers

leur rôle dans la boucle microbienne (Hunt & Parry, 1998, Weitere, et al., 2003, Parry, 2004, Kathol,

et al., 2009).

La composition taxonomique du biofilm est modifiée à travers le phénomène de broutage exercé par les protistes (Parry, 2004). En raison de leur petite taille (2-20 µm), les flagellés se nourrissent en sélectionnant la taille de leurs proies : les bactéries dont la taille est inférieure à 1.6 µm sont les plus vulnérables, tandis que celle supérieures à 2.4 µm sont les plus résistantes au broutage. Par ailleurs, chez ces organismes, chaque vacuole digestive ne contient qu’une seule proie (Parry, 2004).

Grâce à leur taille supérieure, les ciliés peuvent exploiter une plus grande diversité de proies, comme des algues, des flagellés ou même d’autres ciliés (Parry, 2004). Mais ils présentent un comportement alimentaire particulier, influencé par le micro-habitat et sa topographie. Les conséquences du broutage par les ciliés sont alors variables dans l’espace et dans le temps. Des mécanismes chimio-sensoriels semblent, en effet, leur permettre d’identifier et de localiser les zones du biofilm contenant plus de proies (bactéries). Ce phénomène paraît d’ailleurs plus important pour les espèces les moins mobiles, mais le mécanisme qui en est responsable n’est pas compris à ce jour

(Dopheide, et al., 2011). La composition de la communauté de ciliés est différente sur des biofilms

développés sur des substrats naturels ou artificiels. Des espèces comme Vorticella sp., Plagiopyla sp.

ou Stentor sp. sont absentes sur des galets et présentes sur les substrats artificiels (papier de verre

dans cette étude). De telles variations existent également chez les flagellés (absence d’Heteromita

sp. sur les galets) et les amibes (absence de Nuclearia sp., de kystes d’Acanthamoeba, de Naegleria

et d’Hartmanella par exemple). La diversité des protistes est également plus forte sur les substrats artificiels (Hunt & Parry, 1998, Risse-Buhl & Küsel, 2009).

Le rôle des ciliés sur la structure du biofilm ne s’arrête pas aux seules bactéries. En effet, lorsque la concentration des ciliés est forte, la concentration des flagellés hétérotrophes s’en trouve réduite. Ce phénomène n’engendre, par contre, aucun effet sur la concentration bactérienne dans les micro-colonies (Wey, et al., 2008).

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Le taux d’ingestion est important chez les ciliés (1254 bactérie/cilié/heure), il est beaucoup plus faible chez les flagellés (2-300 bactérie/flagellé/heure) tandis qu’il est le plus variable chez les amibes (0.2-1465 bactérie/amibe/heure). Du fait de leur concentration supérieure, les flagellés sont considérés comme le prédateur dominant des bactéries dans les systèmes aquatiques (Parry, 2004). Les différents groupes de protistes contribuent ainsi au transfert de carbone et d’énergie depuis le biofilm vers les niveaux trophiques supérieurs à travers leur pression de prédation sur les bactéries (Dopheide, et al., 2011).

De leur côté, les bactéries peuvent répondre au broutage par les protistes en développant des structures et des mécanismes de résistance telles que la formation de micro-colonies, mais également en produisant des facteurs anti-protistes (certains acides aminés inhibent les ciliés). Les protistes modifient ainsi directement et indirectement la morphologie du biofilm (Parry, 2004, Dopheide, et al., 2011).

Des relations autres que la prédation existent dans les biofilms naturels, c’est le cas des relations syntrophiques et commensales. Ces relations impliquent le transfert de métabolites entre les différents organismes, et peuvent donc dépendre des interactions qui gèrent la distribution spatiale des organismes (Nielsen, et al., 2000, Chenier, et al., 2006).

Ces interactions peuvent impliquer les organismes autotrophes et les hétérotrophes. Ainsi, les composés excrétés par les algues suite à la photosynthèse, ou par les bactéries autotrophes, sont ensuite utilisés par les bactéries hétérotrophes (Nielsen, et al., 2000, Chenier, et al., 2006).

Des relations commensales entre les bactéries sont également présentes et jouent un rôle déterminant dans la distribution spatiale des bactéries au sein des micro-colonies, qui contiennent à la fois des utilisateurs primaires et des utilisateurs secondaires des métabolites. Cette distribution est d’ailleurs permise grâce à la motilité bactérienne (Nielsen, et al., 2000).

Le biofilm est donc une structure complexe. Bien que des morphotypes différents dominent les communautés en cas de vitesses contrastées, tous les groupes fonctionnels contribuent à la mise en place du biofilm et permettent l’apparition de tous les liens trophiques de la boucle microbienne (Risse-Buhl & Küsel, 2009). Ainsi, dans son ensemble, la communauté du biofilm est essentielle dans la production et la dégradation de la matière organique, mais aussi dans la dégradation de certains polluants environnementaux, ainsi que dans le cycle de l’azote et du soufre (Davey & O'Toole, 2000). 2.4.1.3 Composition de la matrice du biofilm

La composition de la matrice varie en fonction des espèces microbiennes, de leur état physiologique, des nutriments disponibles mais également des conditions environnementales dans lesquelles se développe le biofilm (Sutherland, 2001).

Elle est constituée à plus de 97% d’eau, mais aussi de polymères sécrétés par les bactéries elles-mêmes, de nutriments absorbés, de métabolites, de produits issus de la lyse cellulaire et même de déchets provenant de l’environnement immédiat du biofilm. Toutes les catégories de macromolécules y sont représentées. On retrouve des protéines, des polysaccharides, de l’ADN et des ARN, mais aussi du peptidoglycane, des lipides, des glycolipides, des phospholipides, des

surfactants, des vésicules membranaires, et différentes espèces ioniques (Ca2+ par exemple) (Zobell,

1943, Sutherland, 2001, Karatan & Watnick, 2009). Après avoir longtemps considéré la matrice comme récalcitrante à la dégradation par les microorganismes, il semblerait, en fait, qu’elle soit en partie biodégradable (Battin, et al., 1999, Zhang & Bishop, 2003, Parry, 2004)

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Les exopolysaccharides (EPS) sont les composants principaux de la matrice de la plupart des biofilms. Ils peuvent représenter près de 80% des polysaccharides totaux du biofilm lorsque celui-ci est jeune, mais cette proportion diminue au cours de la colonisation du biofilm jusqu’à ne représenter plus que 36% des polysaccharides dans le cas d’un biofilm mature (Karatan & Watnick,

2009, Diaz Villanueva, et al., 2011). La quantité d’exopolysaccharides dépend également de la vitesse

d’écoulement : elle est significativement supérieure lors des écoulements les plus rapides (Battin, et

al., 2003).

Même si certains EPS sont communs, une multitude d’EPS peuvent être synthétisés par différentes espèces bactériennes. Ces EPS sont ensuite biodégradables, que ce soit par les producteurs eux-mêmes ou par d’autres organismes. Ils représentent alors un substrat enzymatique et sont utilisés plus rapidement que d’autres classes de molécules telles que les protéines (Zhang & Bishop, 2003). Ces molécules jouent un rôle important dans le développement du biofilm. En effet, en cas d’absence de synthèse et d’exportation d’EPS, les bactéries peuvent généralement adhérer à une surface, mais elles sont incapables de former un biofilm multicouche (Karatan & Watnick, 2009). La composition en EPS détermine également des propriétés importantes du biofilm, telles que sa solidité, son élasticité et sa capacité d’adsorption (Zhang & Bishop, 2003, Karatan & Watnick, 2009).

La matrice contient également des monosaccharides, principalement du glucose, mais aussi du galactose et du mannose lorsque le biofilm est jeune. Bien que les monomères majoritaires restent les mêmes, les concentrations en monosaccharides se modifient au cours du développement du biofilm en fonction des conditions environnementales. Dans le cas d’un cours d’eau lent, la concentration en glucose diminue tandis que celles en arabinose, rhamnose, galactose, mannose et xylose augmentent (Battin, et al., 2003).

Le biofilm, à travers sa matrice, possède une activité enzymatique importante. Il s’agit

principalement d’une activité leucine-aminopeptidase, et β-glucosidase. A l’inverse, l’activité β

-glucosaminidase est la plus faible (Romani, et al., 2008, Diaz Villanueva, et al., 2011). La

leucine-aminopeptidase est impliquée dans la décomposition des peptides, tandis que la β-glucosidase

intervient dans l’étape finale de la décomposition de la cellulose et des polysaccharides et que la β

-glucosaminidase permet la décomposition du peptidoglycane et de la chitine (Romani, et al., 2008).

L’augmentation de l’activité enzymatique extra-cellulaire totale au cours de la formation du biofilm intervient suite à l’augmentation de la biomasse et des polysaccharides. Après 4 jours,

l’activité des enzymes β-glucosidase et leu-aminopeptidase représente 65 à 81% de l’activité de

l’ensemble des enzymes du biofilm puis leur importance diminue avec le développement du biofilm : dans un biofilm mature, elle ne représente plus que 13 à 37% de l’activité enzymatique totale.

L’activité de la troisième enzyme (β-glucosaminidase) dans la matrice est faible, elle varie avec le

temps mais semble-t-il, sans corrélation significative avec la biomasse (Romani, et al., 2008).

Par sa composition, la matrice joue un rôle de tampon face aux changements de concentration en matière organique du milieu. Elle représente également une protection contre les UV, les changements de pH, les chocs osmotiques et la dessiccation (Flemming, 1993, Freeman & Lock, 1995).

65 2.4.1.4 Structure du biofilm

On distingue, tout d’abord, les biofilms dits monocouches lorsque les bactéries sont uniquement liées à la surface immergée, des biofilms multicouches lorsque les cellules bactériennes forment des amas et sont donc attachées à la fois à la surface et aux cellules adjacentes (Karatan & Watnick, 2009). Les premiers sont principalement rencontrés lors de culture pure de certaines souches bactériennes tandis que les derniers sont rencontrés dans les milieux naturels mais aussi lors de cultures. Les biofilms multicouches présentent une structure complexe.

L’évolution des techniques en microscopie (microscopie optique associée à la microscopie assistée par ordinateur, microscopie confocale à balayage laser...) a permis de mieux décrire la structure des biofilms (Figure 6) et ainsi de montrer qu’ils possèdent un arrangement spatial

particulier constituant son architecture (Lawrence, et al., 1991).

Figure 6: Représentation schématique de l'architecture d'un biofilm avec la présence d'amas cellulaires (cell cluster), des portions effilées de la masse qui rejoignent l’eau libre circulante et à partir desquelles se produisent des décrochages et un essaimage de cellules (streamers), mais aussi d'espaces ne contenant pas de bactéries (void). Les canaux (channel) permettent une circulation d’eau et de nutriments à travers la base

du biofilm notamment (P. Dirckx, 1997).

Dans les biofilms environnementaux matures, les cellules sont généralement regroupées dans certaines zones de la matrice pour former des amas qui peuvent prendre la forme de colonnes mais aussi de "champignons". La distance entre les cellules est comprise entre 4 et 10 µm. Mais, même dans les amas, la répartition cellulaire n’est pas uniformes, formant alors des zones de vide (voids) où

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La matrice laisse la place à des espaces extra-cellulaires qui peuvent prendre la forme de canaux grâce auxquels un flux de liquide s'établit dans les parties les plus profondes du biofilm. Ce flux permet le transport de nutriments, d’enzymes, de métabolites, de déchets et d’autres solutés à travers le biofilm, toutes des conditions micro-environnementales qui vont permettre la maturation du biofilm. L’itinéraire du flux dépend de la forme des canaux, tandis que sa vitesse dépend des paramètres physico-chimiques tels que la structure locale ou l’importance des vides à l’intérieur du biofilm. Elle augmente progressivement depuis la base jusqu’à la partie supérieure du biofilm. Autour des amas, un flux à contre-courant peut parfois être observé. Ces canaux véhiculent les solutés dans les parties profondes du biofilm où les cellules peuvent ainsi continuer à être actives. Par contre, ils ne permettent pas le transport des solutés à l’intérieur des amas cellulaires. C’est le processus de diffusion qui s’en charge alors. Il se forme donc un gradient de concentrations des solutés à

l’intérieur des amas cellulaires (Lawrence, et al., 1991, Stoodley, et al., 1994, Sutherland, 2001,

Stoodley, et al., 2002, Stewart, 2003). La présence des canaux peut aussi permettre le déplacement

des protistes dans les parties plus profondes du biofilm (Parry, 2004).

Une structure tertiaire est parfois observée au sein des amas cellulaires dans les biofilms environnementaux : il s’agit d’une structure en nid d’abeille. Cette propriété se perd généralement dans le cas d’une culture monospécifique. Le rôle de cette structure n’a pas été déterminé, mais il est possible qu’elle soit impliquée dans le contrôle des variations des conditions environnementales (Costerton, 2007).

Les biofilms monospécifiques permettent d’observer la formation d’architectures spécifiques à certaines espèces. Les bactéries peuvent par exemple se situer plus ou moins profondément dans la

matrice du biofilm. En effet, les biofilms à Pseudomonas présentent une plus forte densité cellulaire à

la surface du biofilm, tandis que les biofilms à Vibrio parahaemolyticus ont une plus forte densité de

cellules à proximité du substrat. Ces biofilms présentent également plus de canaux et de pores

c’est-à-dire de zone où les bactéries sont absentes (Lawrence, et al., 1991).

Dans des biofilms monospécifiques d’E.coli, les cellules sont connectées entre elles par de

multiples pili impliqués à la fois dans les processus de conjugaison mais aussi dans des mécanismes de localisation. Ces pili peuvent donc être responsables de la position des cellules au sein des biofilms monospécifiques (Costerton, 2007).

L’estimation du développement d’un biofilm peut s’effectuer soit à travers la mesure de la surface colonisée, soit à travers la mesure de l’épaisseur du biofilm. D’une manière générale, l’épaisseur du biofilm varie avec son âge et en fonction de l’hydrodynamisme environnant. En mésocosme, des biofilms âgés d’une semaine font 30±17 µm tandis que des biofilms matures

atteignent 200±58 µm (Stoodley, et al., 1999, Augspurger, et al., 2010).

Ils peuvent également être caractérisés par leur porosité, c’est-à-dire par la portion d’une section de biofilm qui est occupée par de l’eau, sans tenir compte de l’eau intra-cellulaire des organismes du biofilm. Cette porosité passe de 84-93% en surface du biofilm à 58-67% dans les couches profondes. A l’inverse, le diamètre moyen des pores du biofilm diminue de 1.7-2.7µm à 0.3-0.4µm (Zhang & Bishop, 1994).

Une structure supplémentaire est observée sur les biofilms matures développés uniquement dans des conditions turbulentes. Il s’agit de "streamers" qui forment une sorte de faisceau à

l’extrémité des amas cellulaires (Figure 6) (Stoodley, et al., 1999, Augspurger, et al., 2010). Ces

streamers sont définis comme des structures complexes, d’apparence filamenteuse, fixées sur la face aval d’un amas de cellules et dont la pointe est elle-même dirigée vers l’aval. Leur formation provient uniquement de la division cellulaire en présence d’importantes forces de cisaillement. Ces forces ont pour effet de positionner les cellules filles vers l’aval, de manière à former une sorte de filament (Lewandowski & Stoodley, 1995, Stoodley, et al., 1998).

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Les "streamers" oscillent dans la colonne d’eau avec une amplitude qui dépend de l’hydrodynamisme dans le cas des vitesses les plus lentes, et des propriétés des matériaux du biofilm dans le cas des vitesses les plus rapides. Cette amplitude d’oscillation est limité par la flexibilité du

streamer (Stoodley, et al., 1998). L’augmentation de la vitesse d’écoulement au contact du biofilm

(dans une gamme comprise entre 2.4 et 50.5 cm/s) est responsable de l’arrachage de fragments du

biofilm. Le détachement de cellules peut alors s’effectuer à deux niveaux (Stoodley, et al., 1998) :

• au niveau d’un amas de cellules : il reste alors une fine couche de biofilm sur le substrat,

montrant que les liaisons entre le substrat et la base du biofilm sont plus solides que les liaisons internes au biofilm.

• au niveau d’un "streamer" : la rupture du streamer peut se faire à proximité de l’amas

cellulaire ou plus loin sur le streamer lui-même.

En raison de leurs oscillations dans le courant, ces structures peuvent jouer un rôle dans le

recrutement de nouvelles cellules bactériennes (Augspurger, et al., 2010).

D’une manière générale, l’architecture du biofilm est éphémère : il est souvent élastique et l’ensemble des composants répondent aux différents stress présents. Ainsi, l’architecture visible à un moment donné est le résultat d’une séquence de développement modifiée par les forces de cisaillement. De plus, les relations spatiales entre les cellules dans la matrice semblent dépendre des nutriments présents (Costerton, 2007).

2.4.1.4.1 Le biofilm : une structure hétérogène

Le biofilm est une structure spatialement hétérogène, à la fois sur un plan chimique et biologique (Characklis & Marshall, 1990, Stewart & Franklin, 2008).

2.4.1.4.1.1 Hétérogénéité chimique

Comme cela a été évoqué précédemment, le transport des solutés à l’intérieur des amas cellulaires s’effectue principalement grâce au processus de diffusion. Les limites de la diffusion sont responsables de la mise en place de différents gradients de concentration des solutés. Ces gradients concernent donc les substrats du métabolisme des microorganismes mais aussi leurs produits. Le temps nécessaire à l’équilibre d’un soluté dans un biofilm peut durer entre une fraction de seconde et une dizaine de minutes (Stewart, 2003, Stewart & Franklin, 2008). Trois paramètres permettent alors de déterminer la distribution des solutés dans le biofilm : leur production, leur consommation et leur diffusion (Stewart & Franklin, 2008).

Le gradient de concentration en oxygène est le plus étudié, il diffère selon les biofilms et le