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2.1.1 Généralités sur la bactérie Lpn

2.1.2.3 Mécanismes de ressuscitation chez Lpn

Chez Lpn, le retour à une forme cultivable a tout d’abord été mis en évidence en laboratoire

sur des œufs fécondés. L’injection, à des embryons des poulets (sac vitellin), d’échantillons d’eau

dans lesquels Lpn avait perdu son caractère cultivable, se traduit par une importante mortalité des

embryons parallèlement à un retour des formes cultivables de Lpn (Hussong, et al., 1987).

Il est maintenant reconnu qu’une multiplication intra-cellulaire dans les amibes permet

également à Lpn de retrouver sa forme cultivable. Ce phénomène a été observé initialement avec

Acanthamoeba castellanii, mais de nombreuses espèces d’amibes permettent la multiplication intra-cellulaire de Lpn (chapitre 2.3.2) (Steinert, et al., 1997).

2.1.2.4 Techniques de dénombrement des formes VBNC

Le terme d’ANC (Actives mais non cultivables) semble plus précis que le terme de VBNC, car la plupart des méthodes de détection de ces formes sont basées sur une activité cellulaire, qui n’est pas directement reliée à la capacité de reproduction des cellules (Barer & Harwood, 1999).

L’utilisation de sondes physiologiques ne peut s’adresser directement aux cellules en division, mais cible soit certaines activités métaboliques, soit l’intégrité des structures de la cellule (Figure 2). Les cellules dans lesquelles une activité métabolique est détectée, quelle que soit sa nature, peuvent être considérées comme actives. Si aucune activité métabolique n’est détectable, mais que l’enveloppe est intègre, elles sont dites inactives. Dans les cas intermédiaires, certaines cellules dont les membranes sont intactes ne sont pas suffisamment actives pour pouvoir être détectées. D’une manière générale, les cellules dont la membrane est endommagée sont considérées comme mortes (Joux & Lebaron, 2000).

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La méthode du DVC (Direct Viable Count) comprend une étape d’incubation d’un échantillon d’eau enrichi par une source de carbone assimilable, en présence d’acide nalidixique. L’acide nalidixique est un antibiotique inhibant l’ADN gyrase chez de nombreuses bactéries Gram-. Les cellules touchées s'allongent car elles poursuivent leur croissance mais sans division du corps cellulaire. L’incubation est suivie par un marquage et un dénombrement en microscopie des cellules

allongées (Kogure, et al., 1979). Cette technique doit être adaptée à chaque écosystème car les

concentrations d’antibiotiques dépendent des souches bactériennes (Joux & LeBaron, 1997). Elle

n’est pas adaptée au cas de Lpn, en raison de sa capacité naturelle à prendre une forme filamenteuse

dans les cultures en milieu liquide (Hussong, et al., 1987, Steinert, et al., 1997).

L’ATP (Adénosine TriPhosphate) est une molécule produite par les cellules viables, qui disparaît rapidement dans les cellules mortes et moribondes mais qui reste en concentration importante dans les cellules VBNC (Oliver, 2005). Cette molécule peut être dosée et constitue alors un marqueur de viabilité potentiel. Son dosage s’effectue grâce à une réaction enzyma tique de bioluminescence. En présence d’ATP, d’ADP ou d’AMP, la luciférase transforme la luciférine, toutes deux ajoutées successivement à l’échantillon, en un composé bioluminescent. L’émission lumineuse est fonction de la teneur en ATP (ADP ou AMP) et donc de la concentration en micro-organismes vivants. Elle est mesurée à l’aide d’un luminomètre et exprimée en RLU ou Relative Light Unit (Jarraud & Freney, 2011).

Les marquages fluorescents permettent de tester différentes fonctions physiologiques ou certaines structures cellulaires (Figure 2). Dans un second temps, les cellules ainsi colorées sont dénombrées sous microscope à épifluorescence avec les filtres appropriés.

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Figure 2 : Sites cellulaires pouvant être ciblés par les sondes fluorescentes physiologiques ou taxonomiques (Joux & Lebaron, 2000)

Les premières sondes présentées ici sont basées sur le potentiel membranaire de la cellule. Ce potentiel est créé par l’activité métabolique de la cellule (lors de la respiration ou de l’hydrolyse de l’ATP par exemple). Des colorants sensibles au voltage peuvent être utilisés. Selon la charge du colorant, il s’accumule dans les cellules polarisées (colorants cationiques) ou dépolarisées (colorants anioniques). Dans des conditions appropriées, la quantité de colorant peut être directement reliée au niveau énergétique du métabolisme cellulaire (Joux & Lebaron, 2000). Le colorant le plus utilisé est un colorant cationique, la rhodamine 123. L’échantillon doit subir un prétraitement avant la coloration, généralement par un ajout d’EDTA, mais qui varie selon l’environnement et l’espèce bactérienne. Pour cette raison, ce colorant est peu utilisé à l’échelle de la communauté bactérienne.

L’utilisation d’une carbocyanine (DiOC6 ; 3,3’-dihexyloxacarbocyanine) permet d’éviter le

prétraitement, mais elle se lie non spécifiquement aux régions hydrophobes de la cellule. Elle est alors à l'origine d'un "quenching" de la fluorescence (Joux & Lebaron, 2000).

Parmi les méthodes basées sur l’activité enzymatique, certaines ciblent l’activité estérasique des cellules. Les estérases sont présentes dans tous les organismes vivants. Elles transforment un substrat non fluorescent soluble dans l’eau en un produit fluorescent (fluorescéine ou un dérivé) polaire, retenu dans les cellules dont la membrane est intacte. Les principaux substrats utilisés sont le FDA (fluorescéine diacétate), le CFDA (carboxyfluorescéine diacétate) ou le ChemChrome B (Chemunex). Ces cellules estérase-actives ont toutes une membrane intacte, car chez les cellules mortes ou mourantes, lorsque la membrane est endommagée, la perte de la coloration s’effectue rapidement, même si la cellule présente encore des traces d’activité estérasique. Le ChemChrome B marque une plus grande diversité d’espèces Gram+ et Gram- que le FDA et le CFDA. Il peut donc être utilisé avec un plus grand nombre d’espèces bactériennes et il est plus efficace sur des échantillons

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L’activité respiratoire peut également être mesurée à l’aide de sels de tétrazolium. Le CTC (5-cyano-2,3-ditolyl tetrazolium chloride) est un composant non coloré, auquel la membrane plasmique est perméable, qui produit un précipité fluorescent rouge (formazan) dans la cellule lorsqu’il est réduit par le système de transport des électrons et/ou par différentes déshydrogénases de la cellule. Le CTC est, en effet, un accepteur artificiel d’électrons. Dans les cellules qui respirent, le système de transport des électrons est directement lié au métabolisme énergétique de la cellule. La capacité des cellules à réduire un sel de tétrazolium peut donc être considérée comme un indicateur de l’activité bactérienne. Le CTC est utilisé en écologie microbienne, à la fois dans les systèmes aquatiques et terrestres (Rodriguez, et al., 1992, Joux & Lebaron, 2000, Créach, et al., 2003, Lew, et al., 2010). Il existe tout de même certaines controverses à ce marquage, au sujet notamment d’un effet toxique

du CTC sur le métabolisme bactérien à partir d’une certaine concentration (Ullrich, et al., 1996). L’INT

(Iodonitrotetrazolium), un autre sel de tétrazolium, peut également être utilisé mais il est plus

difficilement réduit dans les bactéries que le CTC (Créach, et al., 2003). Le marquage par le CTC est

mieux détecté et plus sensible que celui effectué avec l’INT, le CTC-formazan est aussi plus stable que l’INT-formazan (Rodriguez, et al., 1992).

Certains colorants peuvent être activement expulsés des cellules actives à travers l’activité des pompes cellulaires. C’est le cas de la rhodamine 123, de la carboxyfluoroscéine et du bromure d’éthidium, par exemple. Ce phénomène peut donc biaiser les résultats lors de l’utilisation de ces composés en tant que sondes. Cette activité d'exportation de composés peut être mesurée précisément à l'aide de bromure d’éthidium. Cette méthode n'est applicable qu'à quelques espèces en culture. Elle n’est pas assez universelle pour être appliquée à des échantillons environnementaux (Joux & Lebaron, 2000).

La détermination des bactéries actives peut également se baser sur les bactéries présentant une membrane cytoplasmique intacte et fonctionnelle. Il est reconnu que les bactéries sont potentiellement actives si leur membrane cellulaire est intacte, tandis qu’elles sont potentiellement mortes si leur membrane est endommagée. En effet, la perte de l’intégrité membranaire cause des dommages significatifs pour la cellule en relation avec de multiples fonctions liées à la membrane plasmique (barrière perméable, transport, activité respiratoire…). La perte de l’intégrité membranaire est généralement considérée comme irréversible. L’analyse de l’intégrité membranaire est basée sur la capacité d’entrée de différents composés chimiques (composés fluorescents) qui, même à faible concentration, ne traversent pas les membranes cellulaires intactes et fonctionnelles

(Joux & Lebaron, 2000, Lew, et al., 2010). Deux fluorochromes sont utilisés classiquement : le SYTO9

et l’iodure de propidium (IP). Ils diffèrent à la fois dans leurs caractéristiques spectrales et leur

capacité à pénétrer dans les cellules bactériennes (Howard-Jones, et al., 2001). Le SYTO9 est un

marqueur des acides nucléiques (ADN et ARN) qui pénètre et s’accumule dans les bactéries vivantes dont les membranes sont intactes. Il fluoresce en vert lorsqu’il est excité par des longueurs d’ondes situées dans le bleu. L’IP, de plus grande taille, pénètre seulement dans les cellules mortes dont la

membrane est endommagée, les colorant alors en rouge (Joux & Lebaron, 2000, Lew, et al., 2010).

Comme cela a été décrit au cours d’un chapitre précédent (Chapitre 2.1.2.1), ce marquage peut être

couplé à la technique de cytométrie en flux, ceci a été testé sur Lpn au cours des études effectuées

par Allegra et al. (2008, 2011).

Un marquage FISH (Fluorescent In Situ Hybridization) s’effectue à l’aide d’une sonde oligonucléotidique spécifique marquée grâce à un fluorochrome. Les sondes ciblent généralement des ARNr. Les ARNr sont présents dans toutes les cellules vivantes avec un nombre de copies

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Le fluorochrome utilisé peut avoir un effet sur la performance du marquage. Les cyanines (Cy) permettent, en effet, un marquage plus fort et sont plus stables vis-à-vis du phénomène de "photobleaching", nom donné à l'extinction de la fluorescence lors de l’excitation de l’échantillon marqué (Bouvier & Del Giorgio, 2003). Différents facteurs environnementaux peuvent également influencer la performance de ce marquage : type d’écosystème vis-à-vis de la ressource nutritive principale, groupe phylogénétique dominant, état physiologique des cellules, type de communauté (bactérioplancton/biofilm) (Bouvier & Del Giorgio, 2003).

Compte tenu du fait que le contenu en ARNr de nombreuses espèces bactériennes varie en fonction de leur taux de croissance, et qu’il diminue rapidement dans les cellules inactives, cette méthode a été proposée par certains auteurs pour estimer l’état physiologique des cellules. Seules les cellules viables et fortement actives, c’est-à-dire qui possèdent un nombre suffisant de ribosomes

non-endommagés, sont marquées par cette technique (Christensen, et al., 1999, Lew, et al., 2010).

Tandis que pour d’autres, le contenu en ARNr est un mauvais indicateur de l’activité en raison d’une trop grande stabilité des ARNr (Joux & Lebaron, 2000). La corrélation entre le contenu en ARNr et le taux de croissance ne serait valable que pour les bactéries à croissance rapide mais pas pour les

organismes à croissance lente ou en état de carence (Christensen, et al., 1999). La présence d’ARNr

n’est alors pas directement une preuve de l’activité métabolique, mais indique au moins que la

cellule est potentiellement active (Créach, et al., 2003). Les sondes ARNr restent toutefois des sondes

spécifiques à une espèce, un genre ou un groupe bactérien, elles sont donc qualifiées de sondes taxonomiques (Joux & Lebaron, 2000).

Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients (Tableau 1). Seules quelques sondes (réduction des sels de formazan, activité estérasique, sondes ANRr) ont pu être appliquées à

des communautés naturelles dans le but de décrire l’hétérogénéité physiologique des cellules (Lew,

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Tableau 1 : Avantages et désavantages des différentes techniques basées sur la fluorescence pour la

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La liste de méthodes décrites ci-dessus est bien sûr non-exhaustive. Les VBNC sont ensuite estimées comme la différence entre les bactéries actives ou viables et les bactéries cultivables. Toutefois, ces techniques ne sont généralement pas spécifiques à une espèce bactérienne. Lorsque l’on s’intéresse à une espèce spécifique au sein d’une communauté bactérienne, il est nécessaire de coupler ces techniques à un marquage spécifique. Mais les doubles marquages posent toutefois de nombreux problèmes : incompatibilité entre le premier marquage et un réactif du second ; superposition des spectres d’absorption/d’émissions des différentes sondes. La combinaison entre une sonde taxonomique (sondes ARNr ou anticorps fluorescents) et une sonde physiologique reste un challenge dans le but de déterminer spécifiquement le nombre de cellules en fonction de leur état physiologique (Joux & Lebaron, 2000).

De la même manière certains doubles marquages peuvent combiner des sondes ciblant différentes activité physiologiques. Il s’agit généralement de marquages complexes en raison du phénomène de "quenching" (baisse du signal de fluorescence) lié aux interactions entre différents fluorophores. De plus, l’instrumentation disponible pour l’analyse de la fluorescence peut limiter les doubles marquages possibles (Joux & Lebaron, 2000).