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2.4 Lpn dans les biofilms

2.4.4 Influence de l’environnement sur le développement des biofilms

2.4.4.1 Importance du régime hydraulique

L’un des éléments les plus influents dans le développement du biofilm est le facteur hydraulique. Comme évoqué précédemment, le régime hydraulique influence la structure même du biofilms en induisant, par exemple, la formation de "streamers" à l’extrémité des micro-colonies (chapitre 2.4.1.4).

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Les forces hydrodynamiques associées à la topographie du biofilm présent influencent le transport de cellules vers et dans le biofilm. Ultérieurement, leur intégration effective dans le biofilm, leur adaptation et leur multiplication, dépendent de l'espèce concernée. L’ensemble de ces facteurs déterminent par conséquent la composition de la communauté bactérienne et sa diversité (Augspurger, et al., 2010).

L’augmentation de la vitesse de l’eau peut avoir des effets positifs ou négatifs pour le biofilm.

Elle peut stimuler sa croissance grâce à une amélioration du transport des nutriments (O2 par

exemple) depuis la colonne d’eau mais également grâce à une augmentation du nombre de cellules

qui viennent au contact de la surface (Gantzer, et al., 1991, Lau & Liu, 1993, De Beer, et al., 1996,

Hunt & Parry, 1998, Stoodley, et al., 1999, Rochex, et al., 2008). L’augmentation de la vitesse de l’eau est aussi responsable du décrochage de cellules ou de fragments du biofilm (Lau & Liu, 1993,

Stoodley, et al., 1999, Battin, et al., 2003). L'importance de la biomasse qui se détache est en liaison

avec l’épaisseur du biofilm et donc avec son âge (Horn, et al., 2003).

Des forces de cisaillement importantes tendent à maintenir les biofilms dans un état

juvénile ou à ralentir son évolution vers le stade de maturité (Stoodley, et al., 1999, Rochex, et al.,

2008). Elles sont également responsables d’une baisse de la diversité bactérienne (Rickard, et al.,

2004, Besemer, et al., 2007, Rochex, et al., 2008).

L’hydrodynamisme a aussi une influence sur la communauté eucaryote du biofilm : les ciliés colonisent des biofilms sur substrats artificiels plus rapidement lorsque la vitesse de l’eau est plus faible. Il existerait une inhibition directe de l’attachement des ciliés sur des surfaces vierges par des vitesses trop importantes (Risse-Buhl & Küsel, 2009).

Les biofilms matures développés dans un flux plus lent sont plus épais avec une biomasse plus importante, ils sont également plus sinueux, donc moins denses et moins rugueux que les biofilms

développés dans un écoulement rapide (Characklis, 1981, Hunt & Parry, 1998, Battin, et al., 2003). Ils

peuvent être détachés par une brusque augmentation des forces de cisaillement et il a parfois été observé que leur résistance augmente lorsqu'une nouvelle communauté se développe à partir des restes de l'ancienne (Costerton, 2007).

Les biofilms se développant sous un régime laminaire sont irréguliers et composés de groupes de cellules plus ou moins circulaires séparés par des espaces vides parfois couverts par des cellules seules. A l’inverse sous un régime turbulent, les groupes de cellules prennent la forme de rides perpendiculaires au flux et se terminent par des "streamers" qui oscillent dans le flux. Les structures ridées, situées à espaces réguliers, suggèrent l’existence d’un transport de matériel cellulaire et de polymères relié aux courants, à l'interface biofilm – eau libre (Stoodley, et al., 1999).

Le régime hydraulique influence également l’importance de la surface de substrat colonisée

par le biofilm mature (Stoodley, et al., 1999). A l’inverse, la porosité et la fragmentation du biofilm ne

sont pas affectés par la vitesse de l’eau (Battin, et al., 2003).

Le changement de la densité du biofilm en fonction du régime hydraulique peut être lié à la présence de certaines espèces bactériennes, d’une réponse métabolique microbienne face au stress environnemental, et des forces de pression du fluide qui auront tendance à « essorer » le biofilm. La densité du biofilm joue un rôle important dans les processus de diffusion à l’intérieur du biofilm (Characklis, 1981).

Sous d’importantes forces de cisaillement, le rapport exopolysaccharides/cellules est élevé permettant d’augmenter l’adhérence des cellules. Ce phénomène est une réponse fonctionnelle du biofilm aux contraintes de l’érosion (Battin, et al., 2003)

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La vitesse de l’eau peut modifier l’effet causé par la rugosité du substrat sur la dynamique de la colonisation bactérienne au cours de ses premiers stades de colonisation. La présence de microrugosités sur le substrat permet d’augmenter sa colonisation par les bactéries lorsque la vitesse de l’eau est suffisante. Dans ce cas, la présence de microrugosité augmente les mouvements de convection et favorisent ainsi la colonisation bactérienne. Cet effet disparaît lorsque l’on s’intéresse à des biofilms matures (Hunt & Parry, 1998). Considérée seule, la rugosité du substrat n’a pas d’effet sur les concentrations en flagellés qu’ils soient autotrophes ou hétérotrophes (Hunt & Parry, 1998). 2.4.4.2 Influence du type de substrat et de la qualité de l’eau

Les nutriments et plus particulièrement le type et la qualité de la matière organique influencent la communauté bactérienne du biofilm (Olapade & Leff, 2006). Bien qu'ils s'établissent sur des substrats inorganiques et que les concentrations en nutriment des cours d’eau soient généralement faibles, le développement des biofilms y est rarement limité par les nutriments

(Hoellein, et al., 2010). Les biofilms développés sur des substrats organiques sont pourtant moins

sensibles aux variations des concentrations en nutriments de la colonne d’eau que ceux développés sur des substrats inorganiques (Hoellein, et al., 2010).

D’une manière générale, le type de substrat sur lequel se développe le biofilm induit des

différences fondamentales dans la structure des biofilms (Rogers, et al., 1994, Hoellein, et al., 2010).

Ainsi l’utilisation de coupons en argile ou en papier de verre engendre une plus grande diversité de protistes par rapport aux biofilms développés sur les substrats naturels (Hunt & Parry, 1998, Risse-Buhl & Küsel, 2009). Les substrats inorganiques favorisent les autotrophes, probablement à travers

une limitation des hétérotrophes par une carence en carbone organique (Hoellein, et al., 2010).

L’utilisation d’inox, de PEX (polyéthylène réticulé) ou de PVC n’a pas d’influence sur le développement du biofilm (KIWA, 2008). Par contre, l’utilisation d’un substrat en cuivre est défavorable au développement du biofilm : ce type de substrat diminue à la fois la concentration bactérienne et sa diversité. Les substrats en cuivre sont responsables de la disparition des protistes. De plus, une partie des molécules de cuivre diffuse généralement dans la colonne d’eau et s’accumule dans des biofilms situés plus en aval. Le cuivre peut donc avoir un effet inhibiteur à

distance, et plus particulièrement sur Lpn (Rogers, et al., 1994, KIWA, 2008). En laboratoire, de

nombreuses surfaces utilisées en tuyauterie permettent une présence plus importante de Lpn dans

les biofilms par rapport à une surface en verre. C’est le cas de l’inox et surtout des matières plastiques. Ces matières favorisent également la présence de l’ensemble des bactéries du biofilm,

mais d’une manière beaucoup moins importante (Rogers, et al., 1994).

La comparaison de biofilm développés sur du granite (poli ou non), de l’andésite, du polycarbonate et du plexiglas, montre, sur la base des mesures algales, bactériologiques et chimique, que le plexiglas est recommandé pour le suivi de biofilm de rivière par rapport aux autres matières

testées (Kröpfl, et al., 2006). L’utilisation du verre permet un développement de biofilm équivalent à

du squelette de corail, c’est pourquoi le verre est utilisé pour l’étude des biofilms en barrière de corail (Witt, et al., 2011).

Malgré des résultats contradictoires selon les études, les nutriments peuvent dans certaines circonstances être l’un des facteurs limitants de la production bactérienne du biofilm et influencer sa composition (Chenier, et al., 2003).

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Lorsque leur concentration est faible, la matrice mucilagineuse est moins colonisée et la

présence d’espaces vides est plus importante (Diaz Villanueva, et al., 2011). Une augmentation des

éléments limitants, carbone et azote, provoque une réponse immédiate du biofilm, à la fois en terme de biomasse, mais aussi en termes morphologiques : les structures ridées disparaissent, les amas de cellules et les "streamers" sont plus larges, certains vont même fusionner et former ainsi une structure poreuse. Ces changements morphologiques mais également de biomasse sont réversibles

lors du retour aux concentrations initiales en carbone et azote (Stoodley, et al., 1999). La

composition en nutriments a donc un impact sur l’architecture du biofilm (Moller, et al., 1997).

La composition inorganique du biofilm varie avec la composition chimique de l’eau environnante et modifie la structure physique et biologique du biofilm. Le calcium, le magnésium et le fer affectent les liaisons inter-moléculaires des polymères de la matrice, responsables de l’intégrité structurale du biofilm. Des produits de corrosion ainsi que des solides en suspension peuvent être absorbés dans la matrice du biofilm et ainsi en modifier la structure. Une limitation par l’azote provoque la production de grandes quantités de polysaccharides extra-cellulaires (Characklis, 1981). Il semblerait que les biofilms naturels, développés aussi bien sur des substrats organiques qu’inorganiques n’aient pas de préférence face à l’apport de molécules azotées lorsque les formes présentes sont NH4+ et NO3- (Hoellein, et al., 2010).

L'impact de composés toxiques sur les communautés aquatiques microbiennes dépend des conditions environnementales et peut donc varier dans le temps en liaison avec les variations de la composition chimique de l'eau. Les biofilms provenant de rivières différentes réagissent différemment à la présence d’un même polluant organique, tels que l’hexadécane, non seulement au

cours de cycles annuels mais aussi d’une année sur l’autre si la chimie de l’eau est modifiée (Chenier,

et al., 2006).

La source de carbone peut significativement influencer à la fois la production des exopolysaccharides et plus globalement la composition de la matrice (architecture et formation de glycoconjugués par exemple). Les changements de la composition des EPS peuvent aussi être attribués à des changements d’abondance relative des membres du biofilm sous l’influence de la

source de carbone (Chenier, et al., 2006).