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Évaluation des principales options de politique

4.3 Option 3 : Fractionnement d’Air Canada

Une option toujours possible devant un problème structurel comme le retranchement d’une entreprise dominante, c’est la solution structurelle. Les solutions structurelles peuvent influer sur l’entreprise dominante directement en la fractionnant en morceaux (souhaitons-le) concurrentiels ou elles peuvent agir sur les obstacles structurels à l’accès au marché qui empêchent le

développement d’une nouvelle concurrence. Dans l’option 3, nous examinons la première de ces solutions, l’option 4 portant sur les obstacles à l’accès au marché.

Le fractionnement d’une grande entreprise pour stimuler la concurrence et prévenir les abus de position dominante est la solution de concurrence la plus interventionniste et la plus risquée, ce qui explique pourquoi on y a recours aussi rarement. L’application relativement récente de cette solution aux États-Unis pour stimuler la concurrence dans une autre industrie à réseaux – les télécommunications – et son utilisation proposée pour régler les préoccupations soulevées par

solde de billets « deux pour un ».

la position dominante de Microsoft nous indiquent qu’il nous faudrait au moins réfléchir à ce que cela pourrait signifier pour l’industrie canadienne du transport aérien.

Il est évident que pour qu’un fractionnement améliore le bien-être économique général en favorisant la concurrence, les « morceaux » doivent être viables individuellement. Il faut aussi que ces morceaux deviennent des concurrents effectifs les uns contre les autres ou que le fractionnement permette de faciliter grandement l’arrivée d’autres nouveaux concurrents. Au chapitre 4, nous avons défini trois façons par lesquelles Air Canada peut être fractionnée en deux entités ou plus : un fractionnement horizontal, vertical ou géographique.

Peu importe la méthode retenue, la période de transition serait longue – et les coûts de transaction considérables – afin d’éviter de « brouiller les œufs ». De plus, nous nous attendrions à voir le transporteur perdre une partie des avantages des économies d’échelle et de sa portée.

Tout démembrement d’Air Canada – maintenant que Canadien International est presque

entièrement intégrée à celle-ci – doit prendre en considération l’intégration de ses trois éléments constitutifs principaux : les liaisons intérieures (liaisons principales et liaisons d’apport), les liaisons transfrontalières et les autres liaisons internationales.

Avec un fractionnement vertical, nous aurions toujours des entreprises dominantes sur chaque segment. Par exemple, si un fractionnement vertical créait « Air Canada – Vols intérieurs » et « Air Canada – Vols internationaux » (qui inclurait le trafic transfrontalier), les deux transporteurs à propriété indépendante souhaiteraient sûrement établir un certain type d’entente réciproque d’apport. De plus, si ce mode de fractionnement était choisi, il ne

permettrait pas, dans les faits, l’augmentation de la concurrence sur le marché intérieur : « Air Canada – Vols intérieurs » aurait toujours plus de 75 p. 100 des PMP, il serait le transporteur dominant, mais il aurait environ la moitié de la taille d’Air Canada aujourd’hui. La même chose serait vraie si les transporteurs d’apport régionaux étaient séparés du transporteur principal. Les deux parties ont besoin l’une de l’autre et finiraient vraisemblablement par conclure une alliance stratégique, car il est peu probable que l’une ou l’autre chercherait à percer sur l’autre marché.

Dans le cas de Microsoft,163 la solution structurelle proposée (séparer le secteur du système d’exploitation du secteur des applications) est verticale et se fonde sur la conviction que chaque partie pourrait finir par pénétrer le marché de l’autre ou serait, du moins, plus accommodante pour d’autres nouveaux entrants. Bien entendu, il est important de noter que la solution

structurelle proposée dans l’affaire Microsoft est très controversée et pourrait ne pas survivre à l’appel. Il est également important de noter que Microsoft a été reconnue comme l’auteur d’un certain nombre d’actions que nous pourrions appeler abus de position dominante et que nombreux sont ceux qui estiment que l’entrée sur le marché des systèmes d’exploitation alors que Microsoft détient une telle part du marché des applications est presque impossible. Bien qu’ils soient certainement importants, les obstacles à l’entrée sur le marché du transport aérien au Canada ne seraient pas perçus comme étant aussi grands.

Le fractionnement de AT&T au début des années 1980 – perçu comme une réussite par de nombreux observateurs – était à la fois vertical et horizontal et présentait certaines complications de réseaux, comme ceux des réseaux de transport aérien. Toutefois, ce fractionnement était également perçu par certains comme la seule solution à un problème de concurrence perpétué par des obstacles presque infranchissables à l’accès au marché. Sans un accès aux réseaux locaux contrôlés par AT&T, d’autres fournisseurs de communications interurbaines ne pouvaient offrir leurs services.

Un fractionnement géographique ne laisserait que deux entreprises dominantes ou plus dans leur région géographique, sacrifiant les économies de portée géographique. Un fractionnement en

« Air Canada Est » et « Air Canada Ouest » peut ne pas être si compliqué à concevoir pour ce qui est des marchés intérieurs, mais comment les routes transfrontalières et internationales seraient-elles alors subdivisées? Et surtout, si bon nombre des liaisons principales devaient franchir la frontière Manitoba-Ontario, il est certain qu’il y aurait concurrence entre les deux nouveaux transporteurs sur ces liaisons (dont un bon nombre sont également desservies par d’autres transporteurs à l’heure actuelle). À part ces liaisons Est-Ouest principales, il n’y aurait aucune augmentation de la concurrence à moins que les deux nouveaux transporteurs envahissent le

163. À propos des diverses propositions de solutions (y compris les solutions structurelles) dans l’affaire Microsoft, voir Romaine et Salop (1999) et Lopatka et Page (1999). Le jugement initial ordonnant le fractionnement a été prononcé le 7 juin 2001. Voir The Economist, 10 juin 2000, p. 67.

« territoire » de l’autre. « Air Canada Est » disposerait encore d’une énorme plaque tournante forteresse à Toronto et dominerait le lucratif triangle de l’Est. « Air Canada Ouest » serait toutefois plus petite que son prédécesseur et aurait à affronter une forte concurrence de WestJet.

Il y a des raisons de croire que les passagers, surtout les grands voyageurs, seraient les grands perdants d’un tel fractionnement, comme le pays perdrait un transporteur offrant des services complets sur un important réseau national capable de satisfaire aux besoins des clients d’un océan à l’autre et dans le monde entier. Il faut cependant reconnaître que cette situation serait probablement temporaire, car on pourrait s’attendre à ce chacun des deux transporteurs étende ses services dans le territoire de l’autre, même sur le plan du financement et des licences.

Et cela stimulerait la concurrence.

Un fractionnement horizontal n’est pas une notion très bien définie. Par fractionnement horizontal, nous entendons simplement que les employés et les éléments d’actif seraient divisés en deux groupes ou plus et que chacun serait alors libre de décider des liaisons qu’il veut exploiter et comment il le ferait. Si la méthode horizontale était adoptée, ce serait un cauchemar que de décider exactement où fractionner et de s’assurer ensuite que les nouveaux transporteurs soient raisonnablement comparables sur le plan de la structure des dessertes et de la santé financière. Bien entendu, cette solution soulèverait encore la question : le Canada est-il assez grand pour soutenir deux transporteurs nationaux offrant des services complets et jouant chacun un rôle majeur sur les marchés transfrontaliers et les autres marchés internationaux? Il est certain que les tenants de l’argument « le Canada est trop petit… » affirmeraient qu’une telle mesure serait un retour en arrière. Chaque transporteur séparément serait moins efficace qu’un unique transporteur et, avec le temps, on assisterait à un autre échec comme celui de Canadien

International et nous nous retrouverions à la case départ. Ou c’est ce que l’on pourrait avancer.

Bien entendu, l’histoire se répète rarement de façon aussi nette.

Évaluation sommaire de l’option 3 relativement aux trois critères

Nous reconnaissons n’avoir pas examiner les solutions de fractionnement aussi en détail qu’il serait nécessaire si cette option jouissait d’un soutien considérable. Mais elle ne jouit pas d’un tel soutien. Parmi les personnes que nous avons consultées, peu s’intéressaient à cette option. Les coûts de la réorganisation (notamment à la lumière des difficultés de l’intégration

d’Air Canada et de Canadien International) et la perte de l’option d’un transporteur national (même si elle n’était que temporaire) suffisait à décourager même les personnes les plus inquiètes de la position dominante d’Air Canada.

Si le bien-être économique général devait jamais augmenter grâce à cette option, ce ne serait qu’après quelques années, après la croissance de deux solides transporteurs qui se feraient mutuellement concurrence. Et rien ne garantit que les deux puissent prospérer. Si l’on ajoute à cela l’inquiétude que les nouveaux transporteurs ne réalisent pas les économies d’échelle ou de portée perdues par l’actuelle Air Canada, force nous est de reconnaître que les gains d’efficacité sont loin d’être assurés.

Sur le plan administratif, cela présenterait des problèmes extrêmement complexes de réorganisation et entraînerait probablement le gouvernement dans des litiges prolongés avec Air Canada.

Bien que les consommateurs pourraient finir par profiter d’une augmentation de la

concurrence, les voyageurs qui tiennent le plus au réseau national s’en trouveront probablement plus mal pendant quelque temps. Les employés en paieront également le prix, car bon nombre d’entre eux seront mutés et réaffectés.

Une autre inquiétude que soulève cette option est que pour qu’elle ait des chances de réussir, il faudrait que les petits transporteurs résultants continuent d’être protégés de la concurrence internationale pendant qu’ils s’ajusteraient à leur nouveau statut. Par conséquent, si cette option était retenue, cela exclurait certaine des options de libéralisation que nous expliquons plus loin.

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