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sur le marché intérieur

5.1 Contexte international de réglementation de l’aviation

Le Canada est libre de modifier unilatéralement les règles de propriété étrangère de transporteurs aériens desservant seulement des points à l’intérieur du Canada (comme l’a fait l’Australie récemment). Toutefois, la modification des règles de propriété étrangère pour les transporteurs nommés dans des accords bilatéraux en vertu desquels les transporteurs aériens nationaux et étrangers sont autorisés à offrir des services entre le Canada et le pays étranger correspondant est une question beaucoup plus complexe.

131. Pour des explications plus générales, voir Haanappel (2001).

Éléments clés du « régime de Chicago » : Les origines de la présente réglementation de l’aviation commerciale internationale peuvent facilement être retracées jusqu’à une conférence à laquelle participait les représentants de quelque 54 nations à Chicago, en décembre 1944.132 L’objectif de la conférence était de prendre des dispositions pour l’établissement de lignes et services de transport aérien international provisoires et de mettre sur pied un conseil intérimaire chargé de recueillir, d’enregistrer et d’étudier des données relatives à l’aviation internationale.

Lors de cette conférence, plusieurs traités ont été ouverts à la signature :

Convention relative à l’aviation civile internationale (entrée en vigueur le 4 avril 1947)

Accord relatif au transit des services aériens internationaux (accord des deux libertés de l’air – entré en vigueur le 30 janvier 1945).133

Accord relatif au transport aérien international (accord des cinq libertés de l’air – entré en vigueur le 30 janvier1945).134

Les nombres suivants de pays ont ratifié ces accords : 187 (1995), 95 (1988), et 12 (1988) (Havel, 1997, p. 32).135 En plus de ces traités qui établissaient un cadre de travail, les règles détaillées régissant l’aviation internationale sont contenues dans plus de 4 000 accords bilatéraux entre plus de 180 membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale, dont les

fondements ont été établis par la Convention de Chicago.

Le transport aérien international est considéré comme une industrie de pointe sur le plan technologique. Pourtant, elle est régie par ce qu’on appelle « une mosaïque archaïque de traités bilatéraux restrictifs »136 basée sur une série de principes grandement restrictifs établis en 1944 et confirmés en avril 1947 (la Convention de Chicago)137. La série de trois traités a eu l’effet de

« mettre une camisole de force à l’industrie mondiale du transport aérien dans un système de

132. Le premier traité de réglementation du transport aérien international avait été la Convention de Paris sur la réglementation de la navigation aérienne, en 1919. Elle avait été ratifiée par 34 pays en 1939. Une grande partie du contenu de la présente section est adaptée de Stanbury (2000e).

133. Il y a quelques années, le Canada s’est retiré de cet accord de transit afin de pouvoir imposer des frais de survol, c.-à-d. qu’il refusait de soutenir les droits de première liberté.

134. Très peu de pays (10) ont signé cet accord. Le Canada ne se comptait pas parmi eux.

135. Les États-Unis ont signé les trois accords, mais se sont retirés de l’accord sur les cinq libertés de l’air, le 25 juillet 1947.

136. L’honorable Neil Kinnock, commissaire américain des Transports, cité dans Havel (1997, p. vii).

137. La Convention de Chicago a été amendée en 1962 et 1974 pour permettre des modifications à l’OACI qui avait été créée en vertu de la Convention de 1944.

traités bilatéraux de services aériens directs qui réservent explicitement aux gouvernements le pouvoir de morceler l’accès à l’espace aérien national pour des transporteurs étrangers (et de le leur refuser), d’exclure les transporteurs étrangers des services intérieurs directs et d’interdire aux citoyens étrangers (et à leurs sociétés aériennes) d’être propriétaires ou de contrôler les

transporteurs aériens nationaux » (Havel, 1997, p. 1).

Reconnaissance mutuelle de la souveraineté complète : Les pays signataires de la Convention de Chicago conviennent que chaque État a le droit d’exercer un contrôle complet de l’espace aérien au-dessus de son territoire. L’article 1 de la Convention stipule que « chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire. » Par conséquent, le système de Chicago est ancré dans le plus grand respect mutuel du principe de souveraineté : chaque pays doit avoir le contrôle entier de la colonne d’air au-dessus de son territoire – même en ce qui a trait au survol.

Régime fermé : Le « Régime de Chicago » est un régime fermé – l’accès aux marchés internationaux de transport aérien n’est consenti que par les gouvernements (généralement de façon réciproque) au moyen d’accords bilatéraux. Il n’est pas exagéré d’affirmer que tout commerce international de services d’aviation est interdit, sauf dans la mesure où il est spécifiquement permis par un réseau complexe d’accords bilatéraux. Ce régime est une pure anomalie dans un système d’échange mondial qui se libéralise rapidement. Il est basé sur des idées économiques de mercantilisme centrées sur la protection et la promotion des intérêts économiques nationaux. « Parmi les membres de l’OACI (plus de 180 signataires de la Convention de Chicago), il est presque pratique courante de séparer les négociations sur les traités de services aériens des initiatives diplomatiques générales en matière de commerce. » (Havel, 1997, p. 19). En général, « il existe… une incompatibilité systémique entre l’idée de Chicago d’échanges diplomatiques à somme nulle et un régime de marché libre… » (Havel, 1997, p. 30).

Réseaux d’accords bilatéraux : À la conférence de Chicago, en décembre 1944, les États-Unis ont proposé que les pays adoptent un échange multilatéral de droits d’accès aux marchés

internationaux. Toutefois, la pratique des accords bilatéraux a été adoptée immédiatement.138 En fait, la méthode d’échange bilatérale n’a pas du tout été enchâssée dans la Convention [de Chicago], mais plutôt dans le texte d’une résolution collatérale adoptée par la conférence de Chicago » (Havel, 1997, pp. 39-40). À l’époque, les accords bilatéraux étaient perçus comme des dispositions transitoires jusqu’à la création d’accords multilatéraux plus permanents. Mais, comme l’impôt sur le revenu qui avait été imposé comme mesure temporaire pour financer la Première Guerre mondiale, le nombre d’accords bilatéraux a connu une importante croissance à mesure que l’aviation internationale se développait (jusqu’à environ 2 500 accords en 1971, environ 2 000 en 1985 et plus de 4 000 en 1996).139 Ils constituent le cœur du régime de réglementation de l’aviation internationale.

Un accord bilatéral de transport aérien est considéré comme un traité-contrat, basé sur une série de concessions ou d’échanges commerciaux réciproques. La substance de ces accords porte habituellement sur les questions suivantes : choix des liaisons, identité du ou des transporteurs aériens, contrôle de la capacité (le cas échéant), régimes de tarification, dispositions sur les transporteurs à la demande et les transporteurs de marchandises et éléments accessoires, p.ex. : accès aux systèmes informatisés de réservations (Havel, 1997, p. 20). Les accords bilatéraux sont souvent assortis de lettres d’entente confidentielles qui facilitent l’application de politiques cyniques par les deux parties.

Le réseau d’accords bilatéraux est basé sur « une sorte de « politique de transport aérien », de restrictions et de compromis habiles, de diplomatie classique à somme nulle, pour défendre la part de marché du transporteur national » (Havel, 1997, p. 19). Même les accords bilatéraux présumément de « ciels ouverts » (comme l’accord bilatéral actuel entre le Canada et les

États-Unis) n’éliminent ni ne modifient deux contraintes importantes – l’interdiction du cabotage et les règles limitant la propriété et le contrôle par des intérêts étrangers. Les deux se basent sur le principe de nationalité.

138. Ironiquement, aujourd’hui, les États-Unis soutiennent très fortement l’approche bilatérale, car ils peuvent bénéficier grandement de leur importante économie, de leurs transporteurs aériens efficaces et de leur force géopolitique. De récentes percées dans l’approche multilatérale sont décrites dans Haanappel (2001).

139. Havel (1997, p. 41).

« Libertés » de l’air : La Convention de Chicago comprend la Convention relative à l’aviation civile internationale et deux autres accords qui intègrent respectivement deux et cinq « libertés de l’air ». Ces « libertés » sont les suivantes :

Première liberté – droit pour des transporteurs aériens commerciaux étrangers de survoler un pays.

Deuxième liberté – droit d’atterrir dans un pays étranger en cas d’urgence ou pour toute autre raison non commerciale, p.ex. ravitaillement en carburant.

Troisième liberté – droit pour un transporteur désigné par l’État X de transporter des passagers de l’État X à l’État Y.

Quatrième liberté – droit d’un transporteur désigné par l’État X de transporter des passagers de l’État Y à l’État X.

Cinquième liberté – il s’agit là d’une liberté permettant de mettre sur pied un réseau. Elle consiste à permettre à un transporteur désigné par l’État X de transporter des passagers de l’État Y jusqu’à un État Z avec lequel l’État X a un accord bilatéral. Il existe plusieurs versions de cette liberté : « au-delà de », « intermédiaire », etc. Une règle générale de la Convention de Chicago exige que l’exercice de droits dans le cadre d’un accord bilatéral soit relié à des modèles de liaison précis, c.-à-d. une ligne raisonnablement directe entre des villes-portes.140

Ces supposées « libertés de l’air » sont en fait des privilèges141 consentis à un pays étranger dans la mesure où le pays qui consent ces privilèges obtient la réciprocité. Dans certains cas, même la « première liberté » la plus élémentaire du survol est refusée, généralement au nom de la sécurité nationale, p. ex. dans l’ex-Union Soviétique, en Chine et en Corée du Nord. Les

restrictions en matière de survol coûtent aux passagers beaucoup de temps et d’argent – mais ont

140. Les villes-portes sont les points terminaux des services directs internationaux. Le régime de Chicago ne permet pas de prendre de nouveaux passagers à l’aéroport de la ville-porte pour un voyage au-delà de ce point à l’intérieur du territoire. Il s’agirait alors de cabotage, ce qui est strictement interdit dans le monde fermé de la Convention de Chicago.

141. Havel (1997, p. 19) indique que « ces libertés sont en réalité, un artifice protectionniste permettant d’imposer un contrôle gouvernemental sur tous les moyens d’accès concevables à l’espace aérien national (directement à partir du pays négociateur, ou indirectement par des pays tiers) ».

été réduites à la suite du fractionnement de l’Union Soviétique et de l’attrait que présentent les recettes considérables provenant des redevances de survol.142

Plus tard, d’autres « libertés de l’air » ont été définies et décrites par des observateurs et analystes de l’industrie :

Sixième liberté – droit d’accès – un passager en provenance d’une ville de l’État X passe par l’État Y dans son voyage vers une ville de l’État Z.

Septième liberté – droits de cinquième liberté exercés par un transporteur d’un État donné à l’extérieur de son propre territoire, p. ex. du Royaume-Uni au Mexique par United Airlines, sans transiter par les États-Unis.

Huitième liberté – droit de « remplissage » obtenu par un transporteur étranger lorsqu’il transite entre deux villes-portes ou plus de l’État hôte.

Neuvième liberté – cabotage sous sa forme la plus pure, p. ex. droit de British Airways de prendre et de débarquer des passagers entre des villes à l’intérieur des États-Unis.

Résumé : Les services de transport aérien international sont réglementés (sur le plan économique) par un vaste réseau d’accords bilatéraux de services aériens.143 Par exemple, à la fin de 1999, le Canada avait des accords bilatéraux avec 70 pays ou territoires (Transports Canada, 2000, tableau 13-6). Ces accords bilatéraux existent toutefois à l’intérieur du cadre de travail plus large d’accords multilatéraux, notamment celui de la Convention de Chicago de 1944. Celle-ci prévoit, entre autres, que les transporteurs nommés dans les accords bilatéraux soient la propriété majoritaire de l’État qui les désigne ou des ses citoyens et qu’ils soient sous leur contrôle. Cette disposition est la limite fondamentale à la modification des règles de propriété étrangère du Canada expliquée plus haut, mais, comme nous le montrerons plus loin, il est possible de permettre la propriété étrangère à 100 p. 100 d’un transporteur exploitant exclusivement des vols sur le marché intérieur, comme l’a déjà fait l’Australie.144

142. En 1993, la Russie a ouvert des routes aériennes dans son secteur extrême-oriental. Elle a depuis autorisé plusieurs vols de démonstration par les routes polaires par des transporteurs étrangers et permet actuellement jusqu’à 64 vols polaires internationaux par semaine, qui consentent des économies de carburant et de temps considérables.

Voir Vancouver Sun, 12 octobre 2000, p. A3.

143. Pour des explications générales, voir Havel (1997), Fox (1993), Lowenfeld (1981), Stockfish (1992).

144. Voir le Commissaire de la concurrence (1999) et Tretheway (2000).

Ainsi, certains pourraient avancer que toute libéralisation dans ce domaine doit se faire de façon multilatérale ou, du moins, bilatérale de façon à ce que les transporteurs canadiens obtiennent le droit d’exploiter des vols sur d’autres marchés. Bien que cela serait certainement possible, étant donné la situation actuelle où nous avons un très important marché de transport aérien (le quatrième marché intérieur le plus important du monde, selon certaines mesures – voir le Commissaire de la concurrence, 1999) dominé par un seul transporteur, il peut être souhaitable pour le Canada d’aller de l’avant de façon unilatérale.

L’ouverture des marchés canadiens de transport aérien à la concurrence n’est pas une proposition de « tout ou rien » – il existe un certain nombre d’options qui varient quant au degré d’exposition des entreprises nationales à la concurrence étrangère. Nous présentons ces options en ordre d’ouverture croissant : c.-à-d. à partir des options qui ouvrent les marchés canadiens le moins jusqu’à celles qui les ouvrent le plus. Ces idées ne sont pas nouvelles : elles ont été abordées depuis plusieurs années, notamment par la CELTN (1993), le Commissaire de la concurrence (1999) et Tretheway (2000).

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