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13.   ANALYSE DES EFFETS DE L’ARRANGEMENT LOCAL SUR LA DURABILITÉ DES

13.6.   C OORDINATION ENTRE  RI  DES SERVICES URBAINS DE L ’ EAU ET  RI  DE L ’ EAU

Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre 11, une grande part des biens et services issus du cycle des eaux urbaines est régulée par le cadre légal de la ressource en eau. Le RI des réseaux urbains de l’eau est donc fortement structuré par le RI de l’eau et la coordination est ainsi grandement influencée par cet encastrement. Cependant, comme nous l’indique notre analyse des RI, la faible régulation du RI des infrastructures peut avoir des effets néfastes sur la ressource en eau. C’est par exemple le cas des réseaux d’assainissement régulés par des normes qualitatives à la sortie des STEP, mais sans normes contraignantes propres à l’état des infrastructures. Ainsi, les fuites potentielles du réseau d’assainissement ont un impact sur l’état de la ressource sans pour autant être régulées par le RI des services urbains de l’eau ou par le RI de l’eau.

La coordination entre les deux RI est donc fortement structurée par le RI de l’eau et ces deux tendances de régulation : protection et exploitation de la ressource. Les faiblesses d’un régime ont donc une incidence directe sur l’autre. C’est par exemple le cas de la faiblesse des régulations sur les réseaux d’évacuation des eaux usées et de son impact sur le régime hydrographique à travers les fuites. C’est également le cas du faible contrôle des prélèvements instauré par le système des forfaits et des incidences sur le stock de ressource disponible.

Tableau XIV. Synthèse des différents critères d’évaluation de durabilité Critères de

durabilité Etat des infrastructures Cohérence du développement du réseau

Approvisionnement en eau

Prix de l’eau et obligation de service public

Coordination entre RI des réseaux urbains de l’eau et RI

de l’eau

Evaluation Mitigée Défavorable Mitigée Favorable Mitigée

Commentaire L’évaluation varie fortement entre le réseau d’adduction d’eau potable et celui des eaux usées. Si le réseau des eaux usées souffre d’un retard important avec peu de contrôles sur les infrastructures, sur le taux de fuite ainsi que sur la propriété de l’eau usée.

Le développement du réseau est fortement lié au

développement touristique de Crans-Montana.

Approvisionnant une population pouvant décupler en l’espace de quelques jours, le réseau urbain de l’eau est globalement surdimensionné si l’on considère son usage annuel effectif. De plus, Le réseau d’eau potable ne connaît donc pas de politique globale de planification, il est développé par les communes selon le développement des zones à bâtir potentielles. Le réseau des eaux usées est, quant à lui, régulé par les PGEE qui ne sont cependant pas encore mis en œuvre dans l’ensemble des communes.

L’approvisionnement de la station est dépendant d’échanges informels entre les communes, d’achats d’eau au barrage de Tseuzier, des sources communales et des droits d’eau. Deux sources

d’approvisionnement (échanges informels et achats d’eau à Tseuzier) semblent toutefois rester passablement fragiles et n’offrent aucune garantie sur le long terme. De cette situation résulte une vision mitigée de la durabilité de

l’approvisionnement, basé en grande partie sur des arrangements relativement fragiles.

La tarification de l’eau par les communes dénote d’une préoccupation politique concernant un prix de l’eau similaire pour la population résidente, pour les touristes ou propriétaires de résidences secondaires. Les

communes mettent ainsi différents dispositifs en place (compteurs, forfaits, taxe selon la surface habitable) pour une tarification proportionnelle des frais de

fonctionnement du service de l’eau. Si l’accessibilité au prix de l’eau est effective, ces différentes stratégies de tarification peuvent cependant rendre difficile l’application rigoureuse du principe de pollueur-payeur.

La coordination entre le RI des réseaux urbains de l’eau et le RI de l’eau est fortement structuré par une politique fédérale des eaux basée sur la protection de la ressource et de ses écosystèmes. Les réseaux sont fortement encadrés par des limitations de prélèvement (débits minimaux), par des normes sanitaires qualitatives de l’eau distribuées et par des normes qualitatives pour l’épuration des eaux. Nous considérons que les lacunes de régulation du RI des réseaux urbains de l’eau, en particulier celles portant sur les infrastructures d’évacuation des eaux usées, peuvent avoir des impacts non négligeables sur le réseau hydrographique naturel.

134 │ Le cas de Crans-Montana (Suisse) pour une illustration du modèle de gestion « public local fort »

13.7. Conclusion

De cette analyse de durabilité ressortent des résultats mitigés. La gestion quotidienne des services urbains de l’eau semble dépendre largement de la mise en œuvre d’un arrangement local. Celui-ci permet de pallier rapidement les manques des communes. Cependant, il ne permet pas de régler les dysfonctionnements structurels du système. L’attribution de la propriété des eaux de surface aux communes renforce notamment le déséquilibre entre communes et la nécessité de ce type d’arrangement local transitoire. En effet, nous considérons que l’attribution de la propriété de l’eau de surface aux cantons tendrait à diminuer la forte fragmentation du périmètre pour la gestion de la ressource. Elle impliquerait également une politique de planification plus globale, dépassant les limites communales. Dès lors, peut-on réellement parler de durabilité ? L’arrangement local permet aux acteurs de combler les lacunes de régime. Toutefois les principales incohérences du régime ne tendent pas vers une résolution.

Ainsi, le régime des services urbains de Crans-Montana, fortement structuré par des modes de régulation informels, se caractérise à notre sens par une forte fragilité de ses modes de gestion sur le long terme. En effet, il s’agit de questionner la robustesse d’arrangements basés sur des relations informelles. Ce type d’accords peut-il perdurer en cas d’importantes ou rapides modifications de l’état de la ressource en eau telles que des changements du cycle hydrologique (baisse de la ressource disponible consécutivement au changement climatique) ou qu’un changement de fonction de la ressource (attribution d’une valeur hydroélectrique) ? On peut également se demander si ce type d’accord peut encore fonctionner lors d’une modification importante au sein de la configuration d’acteurs instaurant ces arrangements dans les faits.

Notre évaluation tend à présenter une gestion des services urbains de l’eau de Crans-Montana ne pouvant être qualifiée de gestion durable. Bien que l’arrangement local semble être capable, pour l’instant, de pallier la forte fragmentation du périmètre et l’inégale attribution des ressources, la situation reste toutefois fragile. Elle dénote d’un équilibre local où le fonctionnement de la station touristique dépend fortement de nombreux accords informels n’offrant aucune garantie formelle d’approvisionnement. Les différents enjeux de gestion présentés dénotent à la fois de l’efficacité transitoire de l’arrangement local, mais illustrent également cette instabilité comprise dans un temps plus long.

Les stratégies actuelles des communes du Haut plateau tendent à une mise en commun de la ressource pour son exploitation hydroélectrique (voir le projet Cordonnier et Rey59). Ainsi, il existe une volonté politique de certaines communes pour plus de formalisation des accords et pour le développement d’une connaissance fine des différents droits d’eau.

L’installation ou les projets d’installation de différentes minis centrales hydroélectriques et les tensions s’y associant, illustrent également cette modification du statut de la ressource.

Enfin, les stratégies des communes dans le développement de l’approvisionnement et de sécurisation des sources dénotent d’une certaine préoccupation des acteurs. Les choses

59 Voir chapitre 10.3.

changent. L’équilibre de la gestion des services urbains de l’eau de Crans-Montana tend vers une reconfiguration du rapport de force intercommunaux. Les stratégies des communes s’orientent à présent vers une formalisation de ce marché de l’eau au niveau supra-communal de la station. La dimension touristique, objectif partagé des communes, permettra peut-être l’agencement d’un nouvel arrangement local durable allant au-delà d’une gestion fragmentée et de mise en concurrence de la ressource.

136 │ Le cas de Crans-Montana (Suisse) pour une illustration du modèle de gestion « public local fort »