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14.1. Hypothèse 1

Plus un régime institutionnel est intégré (système de régulation caractérisé par un degré de cohérence et d’étendue élevé), moins il y a de marge de manœuvre pour la mise en place de régulations informelles dans le cadre de l’arrangement local (AL).

H1bis. Plus l’AL est dominé par un RI intégré, plus le cycle et les réseaux urbains de l’eau seront gérés durablement.

Notre étude de cas de Crans-Montana tend à montrer que la mise en œuvre de modes de gestion informel est favorisée lorsqu’un régime institutionnel se caractérise par une faible étendue. L’arrangement local semble, dans notre cas, compenser les lacunes de régulation.

Toutefois, sa concrétisation reste soumise à la condition de disposer d’une certaine marge de manœuvre laissée par le régime institutionnel : Ici, le manque de régulation des échanges d’eau entre les communes.

Notre étude de cas souligne le rôle que joue l’arrangement local en permettant de combler les lacunes mais en facilitant également la mise en œuvre du régime institutionnel selon des conditions locales marquées par une forte fragmentation institutionnelle, une forte inégalité de la dotation en ressource en eau et une importante fluctutation saisonnière de la consommation d’eau.

La mise en œuvre de l’arrangement local tend à favoriser une concrétisation sur mesure du régime institutionnel. Il semble ici permettre le bon fonctionnement de l’approvisionnement malgré d’importantes spécificités du périmètre et la présence de lacunes de régulation issues du régime institutionnel.

Le cas de Crans-Montana semble donc abonder dans le sens de cette première hypothèse. Il semble, dans ce cas, que l’instauration de l’arrangement local dépende des degrés d’étendue et de cohérence du régime institutionnel. Il peut se concrétiser si le régime leur en laisse la possibilité, respectivement si les arrangements locaux ont une raison d’être du point de vue de la régulation.

L’hypothèse H1bis tend ainsi également vers une confirmation. Si le régime institutionnel se caractérise par une forte intégration (étendue et cohérence élevée) alors les régulations ne nécessitent pas la mise en œuvre d’un arrangement local pour le compléter. L’ensemble des biens et services (et des rivalités) est d’ores-et-déjà régulé et permet une gestion plus durable des réseaux urbains de l’eau.

14.2. Hypothèse 2

Si un régime institutionnel connaît un déficit de cohérence ou / et d’étendue et que l’arrangement local ne parvient pas à compenser ce manque de régulation, alors on tend vers une gestion non durable des réseaux urbains de l’eau.

H2bis. Plus un AL est fondé sur des régulations informelles, plus la durabilité de la gestion du cycle et des services urbains de l’eau dépend de la robustesse de ces arrangements informels. Plus la structure des ressources et des intérêts est chiasmatique, plus les rapports de force sont équilibrés, plus ces arrangements sont robustes (et inversement).

H2ter. Dans le cas où les arrangements informels ne sont pas capables de compenser les faiblesses d’étendue ou les incohérences du RI, voire affaiblissent le RI existant (AL peu étendu ou incohérent), la gestion ne sera pas durable.

Le cas de Crans-Montana illustre comment l’arrangement local parvient à réglementer l’approvisionnement en eau du Haut plateau par le biais d’échanges informels intercommunaux. Sans cette réglementation locale, il semble que certaines communes ne parviendraient plus à subvenir aux besoins de la population résidente et touristique. En ce sens, nos résultats laissent envisager que l’arrangement local permet, à travers des échanges d’eau informels, de produire des biens et services indispensables au fonctionnement du réseau urbain de l’eau (c’est le cas de l’approvisionnement par exemple) et de le rendre plus durable.

Ici, la mise en œuvre de l’arrangement local semble indispensable au fonctionnement de la station touristique. Nous considérons cette hypothèse comme valide dans le cas de Crans-Montana, dans le cas d’un régime institutionnel pouvant être considéré comme simple, l’arrangement local permet de compenser ces lacunes de régulation à travers des modes de régulation informelle. Dans une perspective inverse (H2ter), nos résultats démontrent que sans la mise en œuvre d’un arrangement local, c’est l’ensemble de l’approvisionnement de la station qui serait mis à mal. En ce sens, nous pouvons considérer que sans la mise en œuvre de l’arrangement local, la gestion ne serait effectivement pas durable.

Toutefois, comme le souligne l’hypothèse H2bis, la durabilité de l’arrangement local de Crans-Montana dépend de la robustesse de ses arrangements informels et donc des rapports de force en vigueur. Ainsi, l’arrangement local ne permet pas de résoudre les problèmes structurels du périmètre liés à l’approvisionnement eau de la station touristique par exemple. Il peut ainsi être remis en question selon l’état et l’évolution de ces rapports de force. A Crans-Montana, les arrangements informels régulant les droits d’eau semblent ainsi être mis à mal lorsque la valorisation hydroélectrique de ces droits reconfigure les intérêts et les forces en présence.

138 │ Le cas de Crans-Montana (Suisse) pour une illustration du modèle de gestion « public local fort »

14.3. Hypothèse 3

Plus le régime institutionnel des services urbains de l’eau est intégré, plus il y a de risques d’accroissement de l’incohérence (et de déstabilisation) du RI de l’eau, consécutif au déséquilibre des rapports de force entre les principaux groupes d’usagers de la ressource eau (RHN).

H3bis. Une gestion durable du cycle et des services urbains de l’eau dépend non seulement d’un RI et d’un AL des services urbains de l’eau intégré, mais également d’une gestion intégrée (i.e. de l’existence d’un RI intégré) de la ressource eau.

H3ter. Une gestion durable du cycle et des services urbains de l’eau dépend uniquement d’un RI et d’un AL des services urbains de l’eau intégré, indépendamment de ses impacts sur le système de la ressource eau (hypothèse contrefactuelle).

Il est difficile d’étayer cette hypothèse en se basant sur le cas de Crans-Montana. En effet, la situation y est inverse avec un régime institutionnel des réseaux urbain simple et un régime institutionnel de l’eau tendant à l’intégration. La ressource en eau, très complète du point de vue de ses réglementations, circule ainsi dans des infrastructures peu reglementées dont l’évaluation est faite à travers les normes de qualité des eaux.

Le cas de Crans-Montana dénote d’une situation différente où le régime institutionnel des réseaux urbains de l’eau, caractérisé par un régime simple, tend à diminuer la cohérence et/ou l’étendue du régime institutionnel de l’eau. Ainsi, les fuites du réseau d’eaux usées (manque de réglementations contraignantes portant sur le taux de fuite ou le taux de renouvellement des infrastructures) ont un impact direct sur les écosystèmes environnants et sur le cycle hydrographique en général. Il diminue ici la cohérence interne des politiques publiques du régime institutionnel de l’eau, qui visent à limiter les rejets de matières polluantes dans le cycle naturel et au traitement de l’ensemble des eaux usées par le biais d’une station d’épuration.

Cet exemple démontre l’importance de l’encastrement et l’interaction de ces deux régimes institutionnels concernant la ressource en eau. Il tend à confirmer l’hypothèse H3bis.

L’étendue et la cohérence de ces deux régimes peut avoir un effet concret sur l’un ou l’autre des régimes. En ce sens, le régime des réseaux urbains de l’eau peut effectivement accroitre les incohérence du régime de l’eau. Notre étude illustre cependant cet impact dans le cas d’un régime des réseaux urbains de l’eau simple (étendue faible, cohérence élevée).