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8.   DESCRIPTION DES RÉSEAUX URBAINS DE L’EAU DANS LE PÉRIMÈTRE ÉTUDIÉ

8.1.   D ESCRIPTION DE L ’ ENSEMBLE DES INFRASTRUCTURES ET DE L ’ INFOSTRUCTURE

Pour appréhender le fonctionnement d’un réseau d’eau, nous nous référons au mode de description tel que pratiqué par Curien (2005). Selon cet auteur, un réseau représente une structure stratifiée composée par une segmentation verticale d’activités (2005 : 9) et se divisant selon trois couches : infrastructure, infostructure et services finaux.

Il est indispensable d’étudier tant les éléments matériels (captages, stations de traitement, conduites, stations d’épuration, etc.) que les informations ou savoir-faire permettant de délivrer biens et services à partir du réseau. Ainsi, selon Curien, le réseau se compose d’une couche basse représentée par les infrastructures, d’une couche médiane représentée par l’infostructure et d’une couche haute représentant les services finaux. Ces différentes parties sont indissociables, elles ne peuvent effectuer leur mission indépendamment l’une de l’autre. Nous présentons dans un premier temps l’infrastructure de la station de Crans-Montana, puis explicitons la mise en œuvre du concept d’infostructure et les enjeux en découlant pour l’approvisionnement de la station touristique.

8.1.1. L’infrastructure réseau de la station touristique de Crans-Montana

Lorsque l’on observe la gestion de l’eau de Crans-Montana, il est frappant de voir la multitude de réseaux d’eau imbriqués, leur répartition entre différentes fonctions et usages faits par plusieurs types d’acteurs. Que l’on parle de réseau d’eau potable, d’eau usée, d’eau d’irrigation ou de production de neige artificielle, nous constatons la multitude et la diversité des infrastructures prélevant et utilisant la ressource en eau afin de produire un grand nombre d’usages divers et variés.

14 Voir chapitre 3.2.5. du cadre d’analyse.

Analysant la gestion des services urbains de l’eau, notre étude se concentre sur le réseau des eaux potables et sur celui des eaux usées tout en tenant compte des relations qu’elles entretiennent avec d’autres usages majeurs tels que l’hydroélectricité et l’enneigement artificiel. Il s’agit de mieux comprendre la gestion des eaux urbaines sur le Haut plateau, à travers la production et la distribution d’eau potable, ainsi que les modalités d’évacuation, de traitement, et de réintroduction des eaux usées.

Bien qu’entièrement maillée, l’infrastructure réseau est gérée à travers les intérêts particuliers de communes et donc de stratégies divergentes selon les situations. Les politiques de gestion diffèrent tout d’abord selon la quantité d’eau disponible et les possibilités d’approvisionnement (sources, rivières, forages, barrage, etc.). Elles sont ensuite influencées par la taille et le type de population concernés par la gestion des eaux urbaines (nombre d’individus à desservir, densité du bassin de population, nombre de résidents annuels versus nombre de résidents saisonniers ou touristiques). L’importance du phénomène touristique joue ainsi un rôle primordial dans la structure des réseaux d’eau des différentes communes. Une commune au centre de la station, fortement concernée par des habitations touristiques, gère différemment son réseau qu’une commune en périphérie de la station, moins concernée par la problématique des hôtels ou des résidences secondaires.

Le réseau d’approvisionnement en eau potable

Le réseau d’eau potable de Crans-Montana se divise entre les six communes du Haut plateau. Il dispose de différents types d’approvisionnement. L’eau de source est l’approvisionnement le plus utilisé. Celle-ci présente tout d’abord l’avantage de la gratuité avec des sources appartenant aux communes. De plus, généralement de bonne qualité, elle ne nécessite qu’un traitement superficiel avant son introduction dans le réseau. D’autres solutions d’approvisionnement s’offrent ensuite aux communes telles que les captages au cours de l’eau (pratiqués à travers la conduite de Randogne sur la Tièche), les prélèvements d’eau sur le barrage de Tseuzier ou encore les forages entrepris par la commune de Lens au pied du Mont-Lachaux. Bien que les infrastructures soient gérées de façon fragmentée par les différents services communaux de l’eau voire d’autres acteurs privés (La Lienne SA, grande bourgeoisie, consortages de bisse), le réseau d’eau potable de la station de Crans-Montana est entièrement interconnecté. L’eau potable transite à travers les communes depuis les différentes sources d’approvisionnement. Ainsi, comme démontré par Reynard (2000), la gestion de l’eau potable de la station se caractérise par de nombreux transferts, échanges et ventes d’eau entre les communes.

Cette gestion est également marquée par une répartition des fonctions entre les communes.

Si certaines communes sont essentiellement consommatrices d’eau (le cas de Montana et Randogne), d’autres jouent un rôle d’approvisionnement (Icogne avec le vallon de l’Ertense, Mollens avec la Tièche) ou se spécialisent dans les infrastructures de transfert et de stockage (Lens avec la station de pompage de Tseuzier et la conduite de Lens, Chermignon avec le barrage de Chermignon).

54 │ Le cas de Crans-Montana (Suisse) pour une illustration du modèle de gestion « public local fort »

Figure 12 : Carte du réseau d’approvisionnement des eaux potables (Bonriposi, 2010)

Réseau des eaux usées

Le réseau des eaux usées est également structuré selon une logique de gestion communale.

Les six communes disposent de leur propre réseau d’évacuation. Elles adoptent des stratégies différentes dans la structure du réseau, dans le type d’infrastructures impliquées et dans la connexion à la station d’épuration (STEP). Le réseau des eaux usées est dimensionné selon l’occupation maximale de la station. Le gros du réseau est en séparatif (séparation des eaux usées et des eaux claires) et les eaux usées finissent leur course dans trois STEP : Icogne dispose de sa propre installation d’épuration, Lens épure ses eaux à la STEP de Granges, Chermignon partage ses eaux usées entre la STEP de Noës et celle de Granges, enfin, Montana, Randogne et Mollens utilisent la STEP intercommunale de Noës. Ces différents regroupements de communes s’inscrivent dans l’association pour l’épuration des eaux usées de Sierre et environs. Comme le stipule l’article 20 de la loi cantonale valaisanne concernant l’application de la loi fédérale sur la protection des eaux contre la pollution15 : « Lorsque plusieurs communes ou des tiers intéressés à construire et à exploiter en commun des réseaux d'égouts, des stations d'épuration d'eaux usées, des services de ramassage et de traitement des ordures, ils passent entre eux une convention ou constituent une association de droit public, conformément aux dispositions de la législation en la matière ». L’association est gestionnaire de l’épuration des eaux usées pour une dizaine de communes.

8.1.2. Infostructure des réseaux de la station touristique de Crans-Montana

A Crans-Montana, l’infostructure se concrétise de façons variables selon les entités communales, leur position dans la structure géographique du réseau et la structure des réseaux respectifs. Si certaines communes ont la majorité du réseau sous télégestion, d’autres font le choix d’une télégestion limitée à certains secteurs ou au maintien d’un contrôle de visu des installations.

Tableau III : Usage de le la télégestion par les communes de Crans-Montana Communes Situation actuelle (2010) En cours Mollens Réservoirs équipés individuellement ;

Pas de télégestion centralisée.

En cours d’équipement pour l’ensemble du réseau.

Randogne En place depuis 5 ans ;

L’intégralité du réseau n’est pas couverte ; Utilisation des débitmètres pour la mesure des débits ;

Utilisation de contrôles de visu sur le réseau.

Usage de la télégestion sur les réservoirs les plus importants et sur la station de traitement.

Montana Télégestion installée sur le réseau de distribution et sur la station de traitement ; Contrôle de visu sur certains réservoirs.

Installation de la télégestion sur l’ensemble des réservoirs.

15 Loi concernant l’application de la loi fédérale sur la protection des eaux contre la pollution du 16 novembre 1978, RS 814.2.

56 │ Le cas de Crans-Montana (Suisse) pour une illustration du modèle de gestion « public local fort »

Chermignon Pas de télégestion installée ;

Utilisation des contrôles de visu uniquement et de flotteurs d’alarme sur les réservoirs d’eau potable.

Volonté d’installation mais pas d’action concrète jusqu’à présent.

Lens Télégestion installée sur les réservoirs du haut de la commune (zone la plus touristique) ;

Réservoirs du village équipés de flotteurs d’alarme.

Volonté de mieux contrôler l’ensemble des débits et l’état des réseaux mais pas de projets prévus pour l’instant.

Icogne Mise en télégestion des captages (zone de l’Er de Lens et de l’Ertense) depuis 4 ans ; Télégestion sur le haut de la commune dans la zone connectée à la station de potabilisation de Lens.

Volonté de mieux contrôler l’ensemble des débits et l’état des réseaux mais pas de projets prévus pour l’instant.

Il semble qu’il existe un lien entre les enjeux de disponibilité de l’eau et l’infostructure. Les communes, à l’exception de Chermignon16, investissent actuellement dans la gestion à distance des infrastructures. Toutes les communes, selon leur position respective dans le réseau, trouvent un intérêt à une télégestion performante. Les communes riches en eau perçoivent dans la télégestion un moyen de mesure des quantités d’eau vendues ou échangées. C’est notamment le cas d’Icogne qui, bénéficiant d’une redevance hydroélectrique sur les prélèvements d’eau du barrage de Tseuzier, perçoit la télégestion comme indispensable pour le contrôle des flux et donc de la facturation. Les communes pauvres en ressource semblent percevoir, quant à elles, la télégestion comme un outil d’optimisation de la distribution des ressources transitant dans le réseau.

Il est également intéressant de noter que l’emphase des communes porte sur la mise en télégestion du réseau de la station touristique. Le conseiller communal en charge du dicastère des eaux de Mollens souligne l’importance de la télégestion dans le développement de la partie touristique de la commune : « Pour nous c’est (la mise du réseau en télégestion) important aussi par rapport aux écologistes qui disent que l’on n’est pas capable d’assumer un projet tel qu’Aminona17. L’idée c’est de leur montrer, l’eau n’est pas un souci à condition de faire un bassin »18. Les communes d’Icogne et de Lens mettent également l’accent sur la partie supérieure du réseau avec une télégestion limitée aux réservoirs de la partie touristique de la commune. Enfin, Montana et Randogne, au centre de la station touristique et peu dotées en ressource, utilisent la télégestion afin d’optimiser leur approvisionnement durant et hors des périodes touristiques. Comme le souligne le responsable du service des eaux de la commune de Randogne : « On sait comment paramétrer les réservoirs pour dire à telle heure, tel niveau. Je donne la marge d’erreur, et le réservoir travaille sans être plus bas que telle limite... Si on est en dessous, alors il y a une vanne automatique qui s’ouvre et on va chercher l’eau ailleurs. Le système fonctionne toujours de manière identique, mais en certaines saisons

16 La structure du réseau de Chermignon est moins centrée sur la station, la commune est donc moins touchée par la variation de la population. De plus, le réseau est relativement simplement organisé avec une retenue d’eau (barrage de Chermignon), puis une distribution gravitaire de l’eau à chaque étage de la commune.

17 Voir chapitre 8.2.1.

18 Entretien réalisé le 15 mars 2010 avec le conseiller communal de Mollens en charge du dicastère des eaux.

il ne va pas travailler car il y aura de toute façon toujours assez d’eau. S’il y a moins de populations, sur certains endroits on remplit moins les réservoirs, mais dans les endroits où j’ai un renouvellement d’eau assez important, je le laisse plein »19.

Si la mise en télégestion du réseau d’adduction d’eau potable semble être une des actions prioritaires, cet objectif contraste cependant avec l’état des infrastructures de réseaux qui connaissent pour certaines des taux de perte de 65% (le cas de Randogne notamment). La télégestion semble ici constituer une solution palliative et temporaire pour une gestion fine des eaux disponibles. Elle permet d’améliorer l’approvisionnement d’un réseau aux infrastructures nécessitant des rénovations plus importantes et plus onéreuses. L’infostructure permet une amélioration de la situation sans porter sur les problématiques structurelles du réseau (l’âge et la qualité des conduites par exemple).

De plus, nous constatons la diversité d’utilisation de l’infostructure selon la position des communes. Si la fonction première de la télégestion (la gestion des infrastructures et des quantités d’eau) est effectivement utile, nous notons également des usages plus insoupçonnés.

Le cas de Mollens dénote d’une certaine instrumentalisation de l’infostructure. Il s’agit ici de mieux connaître les données infostructurelles pour justifier les capacités de développement touristique de la commune face aux associations de protection de la nature. L’infostructure permet de démontrer la disponibilité de l’eau en cas d’essor touristique. Enfin, nous constatons l’usage de l’infostructure pour un meilleur contrôle des prélèvements sur un périmètre de source. Icogne favorise ainsi le développement des outils infostructurels pour un meilleur suivi des prélèvements d’eau sur lesquels la commune dispose d’un droit (en l’occurrence une redevance hydroélectrique issue du contrat de concession du barrage de Tseuzier). Le président de la commune souligne l’intérêt de ce type d’outil : « C’est comme à la pompe, si le compteur marche, vous payez ce que vous prélevez, sinon vous aurez des conflits avec le pompiste »20.

8.2. Interfaces nodales et enjeux centraux de la gestion des infrastructures