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Ontogénèse chez l’Homme

TABLE DES ILLUSTRATIONS

3.   Détermination sexuelle : « Highway to Venus »

3.2   De la gonade indifférenciée à la gonade sexuellement différenciée

3.2.1.   Ontogénèse chez l’Homme

 

Détermination primaire du sexe

La détermination du sexe de la gonade est la première étape de la différenciation sexuelle. Le sexe gonadique est déterminé par la constitution chromosomique des cellules somatiques de la gonade chez le mammifère.

Autour de 6 sg chez l’Homme, les cellules germinales primordiales (CGP) arrivent au niveau de l’ébauche gonadique et contribuent à la formation de la gonade (Motta and Makabe, 1982). L’organe est alors constitué de plusieurs types cellulaires : les cellules germinales (CG), les cellules du mésenchyme primitif et les cellules de l’épithélium cœlomique. A partir de la 8ème

semaine de gestation, la constitution chromosomique des cellules somatiques va orienter directement ou indirectement le destin sexuel de la gonade et des CG. Les cellules somatiques des individus XY expriment le gène Sex determining region of the Y (SRY) qui initiera le programme de différenciation mâle, permettant le développement d’un testicule. Chez les individus XX, le gène SRY étant absent car porté par le gonosome Y, le programme de différenciation femelle va s’exprimer pour permettre le développement d’un ovaire. Les mécanismes moléculaires impliqués dans les deux voies seront détaillés plus loin.

Chez le mâle, anatomiquement, les cordons sexuels primitifs prolifèrent et s’étendent de la périphérie de la gonade vers la zone médullaire. Les CG sont incorporées à l’intérieur des cordons et vont suivre la voie de différenciation mâle. La différenciation des cellules somatiques des cordons testiculaires en cellules de Sertoli constitue le premier événement marquant du développement testiculaire (Wartenberg, 1978; Gondos et al., 1980). S’en suivent la différenciation des CG en spermatogonies et celle des cellules stromales en cellules péritubulaires et cellules de Leydig fœtales (Huhtaniemi and Pelliniemi, 1992) ainsi que la vascularisation/innervation du testicule. Une importante prolifération cellulaire est observée et le nombre de CG dépasse le million à 19 sg (Mamsen et al., 2011). Les cordons sexuels perdent leur contact avec l’épithélium de surface qui s’épaissit pour former l’albuginée. Les cordons de la partie distale sont plus minces et forment le rete testis. On observe une organisation en cordons sexuels contenant les CG et les cellules de Sertoli. Les cordons sont entourés d’une membrane basale et des cellules péritubulaires. Ces cordons sont situés dans

du tissu conjonctif interstitiel vascularisé et innervé dans lequel sont retrouvées les cellules de Leydig fœtales (Figure 7).

Anatomiquement, chez la femelle, les cordons sexuels primitifs dégénèrent mais les cellules épithéliales de surface produisent un nouvel ensemble de cordons qui ne pénètrent pas profondément dans le mésenchyme (médullaire) mais qui restent à la surface externe de l’organe (cortex) (Funkuda, 1976). Ces travées de cellules épithéliales entrelacées entourent les CG pour former les nids ovigères. Les CG se différencient en ovogonies reconnaissables par leur grande taille et leur grand noyau rond. Les CG prolifèrent rapidement par mitoses successives et forment des amas ou « cluster » de CG reliées entre elles par des ponts cytoplasmiques suite à une cytodiérèse incomplète (Ruby et al., 1970). On estime à 5 millions le nombre de CG dans un ovaire à 5 mois de gestation (Mamsen et al., 2011). Vers la 10ème

semaine de gestation, les premières CG initient la méiose et se différencient en ovocytes. On observe la coexistence d’ovogonies prolifératives et d’ovocytes à différents stades de la première division de méiose jusqu’à des âges fœtaux avancés (Kurilo, 1981). Vers 15 sg, les premiers follicules se forment au niveau de la partie interne du cortex, là où les ovocytes ont atteint le stade diplotène de méiose I en premier. Différentes lignées de cellules somatiques vont se différencier. Les cellules épithéliales (issues de l’épithélium cœlomique) se différencient en cellules de la pré-granulosa et s’assemblent étroitement autour des ovocytes. Dans un premier temps, une couche de cellules de la granulosa aplaties entoure un ovocyte pour former un follicule primordial, premier stade de la folliculogénèse (Hoang-Ngoc et al., 1989). De nombreuses jonctions cellulaires de type gap-junction se développent entre l’ovocyte et les cellules folliculaires qui l’entourent pour maintenir l’activité métabolique du complexe ovocyte-follicule (Dvorak and Tesarik, 1980). Une membrane basale entoure cet ensemble (membrane de Slavjanski). Pendant la vie fœtale, au cours de leur croissance en follicules primaires puis secondaires puis pré-antraux, les follicules vont s’entourer de cellules de la thèque (d’origine mésenchymateuse) qui se différencient à partir des cellules stromales (Figure 7).

Au cours du développement ovarien, de nombreuses cellules germinales, à différents stades de leur différentiation (en prolifération, en méiose et en diplotène inclus dans les follicules) commencent à dégénérer (Byskov, 1982). La dégénérescence de certains ovocytes est nécessaire à la formation des follicules primordiaux, elle peut également affecter les cellules

folliculaires et les follicules en croissance (Forabosco et al., 1991). Ce processus se nomme l’atrésie et l’équilibre entre prolifération/folliculogénèse et dégénérescence conditionne le bon déroulement du développement ovarien (Gondos, 1973). Il est décrit plusieurs mécanismes expliquant l’atrésie des ovocytes au cours du développement ovarien : l’apoptose, mécanisme le plus fréquemment observé, une phagocytose par les cellules de la granulosa et une élimination des ovocytes dans la cavité péritonéale via la surface de l’épithélium ovarien (Bonilla-Musoles et al., 1975). Les complexes ovocyte-follicule primordial resteront bloqués jusqu’à la croissance folliculaire et la reprise de la méiose au moment de l’ovulation 15 à 50 ans plus tard.

 

Figure 7 : Etapes de la différenciation gonadique en testicule ou ovaire

Schéma récapitulatif des étapes de la différenciation de gonade indifférenciée soit en testicule contenant des CG et des cellules de Sertoli enfermées dans des cordons séminifères et des cellules de Leydig dans le mésenchyme ; soit en ovaire contenant des ovocytes enfermés dans des follicules (Svingen and Koopman, 2013).

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Les nombreuses études histologiques menées parallèlement chez la souris ont montré un développement plus rapide et synchrone de l’ovaire murin par rapport à celui décrit chez l’Homme. L’ovaire fœtal murin conserve globalement l’aspect inorganisé de la gonade indifférenciée, contrairement à la formation de cordons sexuels dans l’ovaire humain et de cordons séminifères visibles à 12.5 jpc chez la souris mâle XY. Dans la gonade murine XX, les CG restent dispersées puis l’ensemble de la population germinale entre en méiose à 13.5 jpc (Byskov, 1986). Cette initiation méiotique est dite « synchrone » et signe la différentiation ovarienne. Les CG parcourent la prophase de première division de méiose et se bloquent en diplotène selon un axe rostro-caudal entre 13,5 et 15,5 jpc. Peu de changements morphologiques sont observables jusqu’à la naissance (21 jpc). Il a été décrit des structures ressemblant à des nids ovigères à partir de 14 jpc (Ruby et al., 1969) dans lesquels les CG seraient adhérentes et synchronisées entre elles, et entourées par des cellules somatiques (Pepling and Spradling, 1998). La folliculogénèse s’initie en période périnatale, et non en période fœtale comme chez l’Homme. Le développement de l’ovaire fœtal murin (pour revue Ungewitter and Yao, 2013) diffère donc significativement de celui observé chez l’Homme. Le développement de l’ovaire humain est beaucoup plus long et asynchrone et l’on observe plusieurs populations de CG à différents stades de la différenciation dans un même tissu. Est- ce que la plus grande taille de l’organe humain et le nombre plus important de cellules germinales et somatiques impliquent une régulation et une diffusion des molécules différentes chez l’Homme expliqant l’asynchronie observée ? Ou bien est-ce que des mécanismes différents ou non conservés par rapport à ceux décrits chez la souris (et exposés dans les paragraphes suivants) interviennent chez l’Homme ? (Figure 8).

FIGURE 8 :Comparaison entre le développement ovarien murin et humain

Chez la souris, les CGP colonisent la gonade indifférenciée à 10,5 jpc. Après plusieurs divisions mitotiques, toutes les CG entrent en méiose à 13,5 jpc et parcourent la prophase I. Les ovocytes s’entourent de cellules folliculaires pour former des follicules après la naissance (N). Chez la femme, les CGP atteignent la gonade indifférenciée autour de 6 sg. Les CG prolifèrent par divisions mitotiques et les premières CG entrent en méiose vers 10-11 sg. Les premiers follicules se forment vers 17-20 sg. La différenciation des CG est asynchrone et l’on observe à un moment donné du développement des ovogonies en prolifération, des ovocytes à différents stades de la prophase I et des follicules en formation.  

Détermination secondaire du sexe

Elle comporte la mise en place des organes génitaux internes et externes, des voies génitales et le développement des caractères sexuels secondaires (masculinisation du cerveau, pilosité, taille, développement du cartilage œsophagien, etc.). Cette détermination est sous le contrôle des hormones sécrétées par la gonade différenciée au cours du développement fœtal mais aussi post-natal et à l’âge adulte.

Chez l’individu XY, les cellules de Sertoli fœtales produisent l’Anti-Müllerian hormone (AMH) dès 6 sg. L’AMH induit la dégénérescence des canaux de Müller (issus d’une invagination de l’épithélium cœlomique de la région antérieure du mésonéphros) à partir de 8 sg. Les cellules de Leydig vont synthétiser des androgènes dont la testostérone dès la fin de la 6ème semaine de gestation, nécessaires au développement des canaux de Wolff (canaux mésonéphrotiques) et à leur différenciation en épididymes, canaux déférents et vésicules séminales. La testostérone est également nécessaire à la masculinisation des organes génitaux

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externes. Les cellules de Leydig vont également sécréter l’insulin-like 3 (INSL3) qui en association avec la testostérone permet la descente des testicules dans le scrotum (Figure 9). A la naissance, chaque testicule contient des cellules de Leydig fœtales, des cordons séminifères sans lumière centrale contenant des CG et des cellules de Sertoli. A la puberté, l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire devient fonctionnel. Sous l’action des gonadotrophines sécrétées par l’hypophyse, les cellules de Leydig matures, appelées cellules de Leydig adultes, vont synthétiser les stéroïdes nécessaires au bon déroulement de la spermatogénèse et au maintien du phénotype mâle. Les CG initient la méiose pour produire des spermatozoïdes et les cordons testiculaires acquièrent une lumière centrale et prennent l’aspect de tubes séminifères. A l’âge adulte, le testicule a une fonction exocrine (spermatogénèse) et une fonction endocrine (stéroïdogénèse).

Chez la femelle, l’absence de sécrétion d’AMH et d’androgènes à 7 sg permet la différenciation des canaux de Müller qui donneront les oviductes, l’utérus, le col utérin et la partie supérieure du vagin et entraîne la régression des canaux de Wolff. En fin de vie fœtale, les cellules de la granulosa des follicules primaires à pré-antraux vont secréter de l’AMH et les cellules de la thèque vont secréter de la testostérone rapidement métabolisée en œstrogènes et progestérone par les cellules de la granulosa, sous l’action de l’aromatase (CYP19A1). Cette activité aromatase dans les petits follicules est atypique et spécifique de la période fœtale (Fowler et al., 2011). Ces hormones vont contribuer à la féminisation des voies génitales (Figure 9). La population de follicules primordiaux constituée pendant la vie fœtale représente un pool défini d’ovocytes disponibles ensuite pendant la vie reproductive de la femme adulte. A la naissance, le nombre de follicules primordiaux est estimé à 1-2 Millions. L’atrésie folliculaire continue pendant l’enfance et le nombre de follicules primordiaux restant au moment de la puberté est estimé à 400 000. A partir de ce moment, quelques follicules primordiaux entrent cycliquement en croissance. A chaque cycle menstruel, les follicules antraux sensibles aux gonadotrophines sont recrutés pour finir leur croissance mais un seul atteint le stade de follicule ovulatoire. L’ovocyte expulsé dans l’oviducte au moment de l’ovulation reprend la méiose en vue d’une éventuelle fécondation par un spermatozoïde. Le stock de follicules décroit et lorsque l’ovaire cesse de fonctionner, on parle de ménopause. On estime à 400-500 le nombre d’ovocytes qui seront ovulés et potentiellement fécondables durant la vie d’une femme sur les 1 Million présents à la naissance alors que des millions de spermatozoïdes sont produits continuellement chez l’homme à partir de la puberté.

FIGURE 9 :Le développement des gonades et de leurs canaux chez les mammifères D’après (Biason-Lauber, 2010; DeFalco and Capel, 2009).

Les mécanismes de détermination du sexe et de différenciation des cellules somatiques et germinales permettant l’organisation du testicule chez le mâle et de l’ovaire chez la femelle et aboutissant à un individu phénotypiquement stable mâle ou femelle à l’âge adulte vont être détaillés dans les paragraphes suivants. Pour améliorer la compréhension de ces mécanismes, nous les exposerons séquentiellement mais il est important de préciser que ces évènements sont concomitants et les mécanismes étroitement imbriqués.