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La culture organotypique de gonades fœtales

TABLE DES ILLUSTRATIONS

2.   La culture organotypique de gonades fœtales

 

Des tissus ou organes prélevés sur un organisme vivant et, mis dans des conditions de culture adaptées, peuvent survivre en dehors de l’organisme. Cette survie in vitro présente un intérêt pour étudier le tissu ou l’organe, les relations entre les différents types cellulaires qui le composent et l’impact sur son développement de facteurs environnementaux comme la composition du milieu de culture, la température ou l’ajout de substances exogènes.

2.1  Approche  historique  

 

Les premiers essais de culture d’explants ont été réalisés par l’anatomiste et physiologiste français Alfred Vulpian en 1859 et l’embryologiste allemand Gustav Born en 1897 (Vulpian, 1859; Born, 1897). Leurs travaux ont permis de cultiver dans de l’eau simple des morceaux d’embryons de grenouille, comme la queue des animaux, et observer leurs croissance et différenciation. La culture in vitro commence à se développer au début du XXème siècle. En 1907, Ross Harrison publie une nouvelle technique de culture de tissu embryonnaire de grenouille lui permettant d’observer la différenciation et l’organisation des fibres nerveuses. L’explant était déposé sur une lamelle stérile dans une goutte de lymphe fraiche de grenouille adulte, ensuite retournée et posée sur une lame de verre présentant une dépression (technique de culture en goutte suspendue) (Harrison et al., 1907). La culture du tissu n’est possible que quelques jours. Alexis Carrel et Burrows reprennent cette technique à partir de 1910 (Carrel and Burrows, 1910; Carrel and Burrows, 1911). Ils adaptent la technique d’Harrison aux espèces à « sang chaud » (chien, chat, cobaye, rat et poulet) en utilisant du plasma frais de la même espèce. Ce « milieu plasmatique », riche en facteurs de croissance, leur permet de cultiver en goutte suspendue ou sur caillot plasmatique des tissus de différentes espèces et

même des tumeurs humaines. Carrel a beaucoup développé la culture tissulaire grâce à ses travaux sur l’asepsie et la recherche des besoins nutritionnels in vitro (Carrel, 1923).

Jusque 1950, l’essor de la culture cellulaire supplante la culture tissulaire. En effet, l’utilisation de lignées cellulaires est facile à mettre en œuvre, reproductible et compatible avec l’utilisation de milieux de culture simples. Mais elle ne permet pas d’étudier l’interaction des cellules d’un même tissu entre elles ni l’influence paracrine d’une population cellulaire sur une autre. De rares chercheurs comme Maximow et Strangeways continuent d’utiliser la culture organotypique pour leurs travaux (Maximow, 1925; Strangeways and Fell, 1926). La technique sur caillot plasmatique présente plusieurs désavantages comme la liquéfaction du caillot par les enzymes du tissu et l’immersion délétère de l’explant. La technique est optimisée à partir de 1951 par Etienne Wolff en cultivant, en chambre fermée, des organes sur un gel semi-solide d’agar-agar contenant le plasma (Wolff and Haffen, 1952). La composition exacte inconnue du plasma rend l’interprétation des résultats obtenus délicate. La mise au point de milieux de culture synthétiques permet de s’affranchir de ce biais (Wolff et al., 1953). Les conditions de culture (nutriments, température, atmosphère gazeuse) sont optimisées (Eagle, 1955; Trowell, 1959). Trowell introduit l’utilisation de grilles métalliques pour cultiver le tissu à l’interface entre le milieu nutritif et l’environnement gazeux.

La culture organotypique a prouvé son efficacité pour la culture de gonades fœtales et postnatales. Nous cultivons actuellement au laboratoire les gonades sur un filtre flottant à l’interface entre le milieu de culture et l’air pour limiter la nécrose de l’organe (Habert et al., 1991). Cette méthode a montré un avantage en terme de stéroïdogénèse (Lecerf et al., 1993), gamétogénèse (Olaso et al., 1998) ou les deux (Livera et al., 2000). Plus récemment, la culture de testicules murins néonataux a abouti à l’obtention de spermatozoïdes matures in vitro (Gohbara et al., 2010) capables de féconder un ovocyte et donner des portées bien portantes (Sato et al., 2011). La culture d’ovaire est également possible, bien que plus récemment et moins fréquemment mise en œuvre (Blandau et al., 1965). Elle permet l’étude du développement de l’ovaire fœtal murin et humain (Pesce et al., 1996) et des mécanismes impliqués dans l’entrée en méiose des CG (Le Bouffant et al., 2010). La culture organotypique a surtout été utilisée pour tenter d’obtenir des ovocytes in vitro matures à partir de fragments de cortex ovariens adultes. La maitrise de la folliculogenèse in vitro est un vrai enjeu thérapeutique. De plus en plus de patientes bénéficient d’une cryoconservation de fragments de cortex ovariens avant la mise en route d’un traitement stérilisant. Pour certaines, la greffe ultérieure de ces fragments n’est pas envisageable car elle présente un risque de

réintroduction de cellules cancéreuses (exemple des leucémies). Cultiver ces fragments in vitro pourrait leur offrir la chance d’une grossesse avec leurs propres ovocytes sans le risque de la greffe. Cette technique expérimentale a évolué chez la souris depuis l’obtention d’ovocytes au stade vésicule germinative (Eppig and O'Brien, 1996) jusqu’à l’obtention de portée à partir d’ovocytes issus de la culture in vitro de follicules pré-antraux (Wang et al., 2011). Mais aucune étape ne relate de folliculogénèse in vitro complète depuis le stade ovogonie. Chez l’Homme, la culture de cortex ovarien adulte permet d’étudier les mécanismes impliqués dans la folliculogénèse et a permis la croissance in vitro de follicules primordiaux jusqu’au stade secondaire (Telfer et al., 2008).

2.2  Culture  d’ovaires  foetaux  

2.2.1  Méthode  de  culture  

 

Les gonades sont mises en culture immédiatement après leur isolement du produit d’IVG. Afin de favoriser l’oxygénation des tissus et de limiter les phénomènes de nécrose, les gonades sont coupées en petits morceaux (<1mm) dans du milieu de culture sous une loupe binoculaire. Le nombre de morceaux dépend de l’âge du fœtus (environ une quinzaine à 10 sg). Les morceaux sont placés jointivement sur des inserts  Millicell (Millipore, Billeria, USA) qui flottent à la surface de 320µL de milieu nutritif dans une boite 4 puits (Nunc). L’insert comporte une membrane poreuse (pores de 0,45µm) sur laquelle sont placés les fragments gonadiques ce qui permet à la fois une bonne oxygénation et un apport nutritif des échantillons. La culture est réalisée dans un incubateur thermostaté à 37°C dont l’atmosphère est saturée en vapeur d’eau sous 5% de CO2 (Figure 26) et le milieu de culture est renouvelé

FIGURE 26 :Modèle de culture organotypique utilisé au LDG

Les gonades fœtales sont coupées en petits morceaux (<1mm) déposés ensuite sur des inserts de cellulose affleurant un milieu de culture simple. Le milieu de culture peut être supplémenté en facteurs de croissance ou substance à tester (Lambrot et al., 2006).

2.2.2  Réactifs  utilisés  

- Le milieu nutritif de base employé pour la culture est le Dulbecco’s Modified Eagle Medium/HamF12 (Gibco ; DMEM/F12 : 1/1 v/v), supplémenté de 80 µg/mL de gentamycine (Sigma-Aldrich) et tamponné à 1,5% (HEPES buffer 1M, Gibco).

- Pour les travaux sur la persistance de cellules mitotiques dans l’ovaire fœtal humain présentés en partie « Résultats 2 »