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Greffe d’ovaires fœtaux

TABLE DES ILLUSTRATIONS

3.   Greffe d’ovaires fœtaux

3.1  Les  modèles  de  xénogreffe  de  gonades  humaines  existants  

 

La greffe d’organe est, comme la culture organotypique, une méthode de maintien en vie de l’organe. Le tissu ou l’organe, fœtal ou adulte, peut être greffé sur un site hétérotopique – différent du site initial – ou sur un site orthotopique – transplanté au site habituel. La greffe peut s’effectuer entre individus de même espèce (allogreffe) ou chez un receveur d’une espèce différente de celle du donneur (xénogreffe). La découverte en 1962 de la lignée de souris athymiques « Nude » présentant, suite à une mutation spontanée, un déficit en lymphocytes T a permis de réaliser les premières études de transplantation de tumeurs humaines chez la souris pour en étudier le développement in vivo (Rygaard and Povlsen, 1969). La croissance du tissu transplanté va dépendre, entre autres, de la qualité du tissu greffé, du site de greffe, de l’âge et du sexe de la souris receveuse et de l’état de santé de la souris. Chez les souris Nude, la délétion du gène Foxn1 est responsable de l’immunodéficience par absence de thymus et de l’absence de poils. Il persiste cependant certaines fonctions des lymphocytes T, un taux assez élevé d’anticorps naturels et la présence de cellules Natural killer (NK) qui peuvent interagir avec le transplant. Par la suite, d’autres lignées de souris présentant une immunodéficience plus profonde ont été créées. C’est le cas des souris Nod/SCID atteintes du syndrome d’immunodéficience de type SCID (Severe combined immunodeficiency) qui entraîne une absence complète de lymphocytes T et B par non de recombinaison VDJ du récepteur au lymphocyte T (Bosma et al., 1983). Plusieurs gènes, lorsqu’ils sont mutés, peuvent donner ce syndrome. C’est le cas, par exemple, de la mutation de Rag1 ou Rag2 (Mombaerts et al., 1992; Shinkai et al., 1992).

Lors des premières expériences de xénogreffes, des morceaux de peau de rat et de lapin ont été transplantés chez la souris Nude (Rygaard, 1974a). La technique a ensuite été étendue à la greffe de peau d’autres animaux comme des reptiles et même de la peau humaine (Rygaard, 1974b). Povlsen et col. sont les premiers à rapporter la greffe d’organes fœtaux humains chez la souris Nude en 1974. Dans leur étude, ils greffent en sous-cutané des fragments d’organes de fœtus humains âgés de 14 à 22 sg (Povlsen et al., 1974) dont notamment 5 testicules et 4 ovaires. Ils observent une bonne vascularisation du greffon, une réaction immune minime mais constatent la présence de plages de nécrose dans les tissus greffés. D’autres études rapportent la greffe de gonades fœtales humaines, mais leur nombre reste cependant limité. La xénogreffe d’ovaires fœtaux humains est utilisée dans moins de dix publications (Skakkebaek

et al., 1974; Abir et al., 2000; Abir et al., 2003; Sadeu et al., 2006; Oktem and Oktay, 2007; Abir et al., 2009; Lan et al., 2010; Wu et al., 2010). Toutes ces études relatent la greffe d’ovaires fœtaux tardifs (20 sg et plus) en capsule rénale ou en sous-cutané chez des souris immunodéficientes femelles ovariectomisées. Le développement ovarien (Skakkebaek et al., 1974), la vascularisation de l’organe après greffe (Wu et al., 2010) et l’impact de chimiothérapies sur la réserve de follicules primordiaux (Oktem and Oktay, 2007) ont été étudiés. Mais pour la plupart, le but était d’observer la folliculogénèse chez l’Homme après congélation/décongélation de cortex ovarien et de comparer l’impact de différents protocoles de cryoconservation. Ce modèle est également exploité avec des fragments de cortex d’ovaires adultes (Gook et al., 2001;  Gook et al., 2003; Kim et al., 2005;  Amorim et al., 2011; Amorim et al., 2012). La conservation de fragments de cortex ovarien est proposée à des femmes avant un traitement potentiellement stérilisant pour tenter de restaurer leur fertilité après greffe ultérieure de ces fragments de cortex. Même si cette technique est encore expérimentale, elle se pratique depuis plus de 10 ans et a permis la naissance 38 enfants à ce jour (pour revue Donnez et al., 2013). Il est donc indispensable d’optimiser les protocoles de cryoconservation de fragments de cortex ovariens postnatal pour offrir les meilleures chances aux patientes (Aubard, 2003; Van Langendonckt et al., 2014). La xenogreffe permet également de mesurer le risque de réintroduction de cellules cancéreuses après greffe (Dolmans et al., 2013).

Depuis les expériences de Polvsen et Skakkebaeck, de rares études commencent à exploiter la xénogreffe pour l’étude du testicule fœtal (Mitchell et al., 2010; Mitchell et al., 2012; Mitchell et al., 2013). Ces études ont pour but d’étudier le développement du testicule et de la lignée germinale mâle chez l’Homme par la xénogreffe de testicules fœtaux âgés de 9 à 18 sg (Mitchell et al., 2010) et l’impact de perturbateurs endocriniens comme les phtalates sur le testicule fœtal (Mitchell et al., 2012; Mitchell et al., 2013). En postnatal, la conservation de tissu testiculaire pouvant être proposée aux petits garçons avant un traitement stérilisant, la xénogreffe peut être un outil intéressant pour étudier la survie du tissu après décongélation et sa capacité à maturer (Sato et al., 2010b).

3.2  Modèle  mis  au  point  au  laboratoire  

 

La xénogreffe n’avait pas été utilisée, à notre connaissance, pour l’étude du développement précoce de l’ovaire (gonades issues d’IVG). Les gonades obtenues à partir d’IVG sont âgées de moins de 12 sg et la plupart des prélèvements obtenus se situent entre 8 et 10 sg. Les gonades issues d’IMG sont très rares et, en général, obtenues vers 20 sg. La xénogreffe d’ovaires fœtaux humains précoces nous a semblé être un modèle adapté pour comprendre et étudier le développement de l’ovaire fœtal, notamment la période d’entrée en méiose plus massive des ovogonies (vers 12-14 sg). Le modèle a été au préalable caractérisé pour vérifier un développement quasi physiologique de l’organe. Le métabolisme et le système endocrinien de l’hôte ainsi que la technique de greffe pouvant influencer les résultats, mes travaux de recherche ont débuté avec la mise au point de ce modèle au Laboratoire de Développement des Gonades au cours de mon M2.

3.2.1  Mise  au  point  de  la  greffe  

Les premières greffes d’ovaires fœtaux humains ont été réalisées dans le but de tester différents protocoles et choisir celui qui répondait le mieux à nos besoins et contraintes expérimentales. Nous avons cherché à valider un protocole à la fois simple à mettre en application routinière et qui permettait un développement quasi-physiologique des ovaires fœtaux greffés ainsi qu’un taux de récupération des greffons satisfaisant. Les critères principaux pour valider notre protocole étaient : un taux de récupération satisfaisant des greffons, une bonne vascularisation, une densité normale des cellules germinales et l’absence d’apoptose ou de nécrose dans l’organe.

Dans un premier temps, seize ovaires fœtaux humains âgés de 6,2 à 10,8 sg (6,2 ; 8,3 ; 8,7 ; 8,7 ; 8,8 ; 9,1 ; 9,1 ; 9,4 ; 9,4 ; 9,6 ; 9,7 ; 9,9 ; 9,9 ; 10,3 ; 10,8 et 10,8 sg) ont été transplantés et 29 souris immunodéficientes femelles non ovariectomisées (4 Nod-scid et 25 Nude) ont été greffées. Dans 7 cas, la greffe a été réalisée en sous-cutané, 19 souris ont été greffées en intra- musculaire et 3 souris à la fois en sous-cutané et en intramusculaire. Les greffes ont duré de 2 à 56 jours et dans 100% des cas au moins un morceau d’ovaire greffé a été récupéré au terme de l’expérience. La récupération successive des greffons nous a permis d’améliorer notre modèle au fur et à mesure des prélèvements. Afin de s’assurer de l’identité des tissus

récupérés, les 2 premiers ovaires greffés (6,2 et 9,4 sg) ont été cultivés en présence de BrdU 0,5% à J1 puis en milieu simple à J2 avant d’être greffés à J3 dans 3 souris (2 Nude et 1 Nod- scid). Des morceaux de chaque ovaire ont été fixés avant greffe et les greffes ont été récupérées au bout de 28 jours. On observe un marquage fort des cellules avant greffe (environ 80% des cellules du tissu). Le marquage persiste après 28 jours de greffe. Les cellules marquées sont moins nombreuses (environ 20%) mais le marquage est exclusivement retrouvé dans les greffons et absent du tissu murin (figure 27A). La culture en présence de BrdU a ensuite été arrêtée car elle constituait une étape supplémentaire superflue dans notre protocole de greffe, les greffons étant facilement reconnaissables dans le tissu murin à l’analyse histologique.

Au cours de la mise au point du protocole nous avons validé :