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II. Description des données

II.2. Description des pratiques funéraires

II.2.2. Les dépôts de mobilier

II.2.2.8. Les autres objets aux dépôts rares

Les autres dépôts sont ceux des objets que l’on retrouve peu souvent dans les tombes, ils sont liés souvent au sexe, comme le nécessaire à couture uniquement rencontré dans les tombes féminines ou la hache dans les tombes masculines.

Les boîtes en bois

Cinq tombes présentent un dépôt de boîte en bois, soit 3% des cas (5/168), et uniquement en Iakoutie centrale (5/97, soit 5%). Deux types peuvent être évoqués, le premier consiste en des boîtes dite « de courtoisie », appelée mallaakh ihit, où les femmes rangent des affaires personnelles (4/5) et le second, à exemplaire unique, dont la fonction n’est pas précise dans la mesure où elle a été retrouvée vide, dans la sépulture multiple de Oktiom, contenant un homme et six enfants (Fig. II.123).

Elles apparaissent à la période 1700-1750, période de l’âge d’or de l’économie iakoute. Les boîtes dites « de courtoisie », appartiennent toutes à des tombes où le dépôt mobilier est important suggérant un statut social élevé. Elles ont été placées du côté des pieds, dans toutes les tombes féminines, que ce soit à l’intérieur (Odjuluun 2, Sergueleekh) ou entre les coffres (Eletcheï 1, Us Sergué 1). À l’échelle de la Iakoutie, elles sont significativement plus fréquentes dans les tombes féminines251 ; aucune autre différence n’est significative.

251 - Test de Fisher égal à 0,05.

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Dans la tombe de Odjuluun 2, elle contenait des bijoux (deux paires de boucles d’oreilles, deux brace- lets) et deux petites bourses de cuir. Dans la tombe de Sergueleekh, elle contenait un nécessaire à feu (deux gourdes, deux pierres et un sachet perlé).

Dans les tombes de Eletcheï 1, se trouvaient un peigne en os de mammouth, une lanière en écorce de bouleau (un patron ?), des petits fragments de cuir pour faire des lanières, du fil, un dé à coudre en fer, un fragment de fourrure de zibeline, une pochette de cuir avec de la fourrure à l’intérieur et enfin un fil avec des perles blanches et noires. Dans la tombe de Us Sergué 1, il est difficile de savoir ce qu’elle contenait dans la mesure où son affaissement et sa dislocation partielle ne permet pas de savoir si ce qui était à proximité était dans la boîte ou non. Elle a dû contenir a minima un peigne, trois aiguilles en bronze, appelées boto, peut-être un crochet (?).

Le nécessaire de couture

Le nécessaire de couture est différent dans sa composition dans tous les cas observés : il se compose d’éléments décoratifs (tissus, fourrure, fil, lanières de cuir, perles, pendeloques, boutons) ou d’outils tels que des aiguilles, un dé à coudre ou une paire de ciseaux.

1 cm Sergueleekh (IAKC) Odjuluun 2 (IAKC) Eletcheï 1 (IAKC) Oktiom (IAKC) Us sergué 1 (IAKC) U Femmes Hommes

Figure II.123 : Boîtes en bois découvertes dans les tombes (© P. Gérard/MAFSO) et exemples ethnographiques (Ivanova-Unarova 2017, 297).

Son dépôt est peu fréquent dans les tombes : en effet, 5/168 sujets (soit 3%) sont accompagnés au moins d’un élément susceptible d’appartenir à ce nécessaire (Fig. II.124). Il est rencontré uniquement dans les tombes de sujets adultes252, et notamment féminines (5/44) et de manière significative, à l’échelle de la Iakoutie, comme en Iakoutie centrale253.

252 - Une pièce rappelant un dé à coudre a été découverte, sans toutefois pouvoir affirmer sa nature, dans la tombe de Haras, une adolescente inhumée dans la région de la Viliouï et datée de 1700-1750. La présence de tissu conservé par les oxydes de fer à son contact, suggèrerait que la pièce était sur un vêtement, elle a donc été écartée de l’étude pour ces deux raisons, une identification et une fonction incertaines. 253 - Respectivement tests de Fisher égaux à 0,02 et à 0,05.

1 cm

1 cm

Us sergué 1 (IAKC) Arbre chamanique 1 (IAKC)

Kouloussounakh 1 (IAKC) Kureleekh 2 (Verkho)

Figure II.124 : Nécessaire à couture retrouvés dans les tombes (© P. Gérard, D. Nikolaeva/MAFSO, dessin Ch. Hochstrasser-Petit).

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Les premiers éléments apparaissent à la période 1700-1750, avec des dépôts relativement fournis (Arbre chamanique 1 et Eletcheï 1), contrairement à ceux de la période suivante où il se résume à un outil. Aucune différence régionale ou chronologique significative n’a été observée.

Le dépôt le plus complet est celui de la tombe de Arbre chamanique 1, datée de 1700-1750, où un sac à ouvrage, richement décoré, a été placé à l’extérieur du coffre, comme la plus grande partie du mo- bilier. Il contenait une série d’objets à caractère décoratif, isolés ou préassemblés (pendeloques, bou- tons, jetons, ruban et perlages), accompagnés d’une paire de ciseaux (Hochstrasser-Petit 2012, 87-92). La tombe de Eletcheï 1, de la même période, fournit également dans une boîte de courtoisie, placée entre les deux coffres, à la fois des éléments décoratifs, déjà énoncés ci-dessus, plus modestes que dans le premier cas, et un dé à coudre. Dans la région de Verkhoïansk, la tombe de Kureleekh 2 (1700- 1750) présente une paire de ciseaux, en position verticale sur le coffre, dans une zone remaniée soit par un pilleur soit par un animal fouisseur. Initialement, elle devait probablement être entre les coffres, du côté des pieds. La paire de ciseaux a été tordue, comme pour la rendre inutilisable, contrairement à la paire de la tombe de Arbre chamanique 1, située à l’extérieur du coffre. Cette position ou le fait d’avoir tordu la paire de ciseaux est à mettre en relation avec l’idée que les objets tranchants obstruent l’ascension du défunt vers l’autres monde (Troschansky 1902, 2-3, cité par Petrova 2010, 107).

Dans les tombes datées de 1750 à 1800, le dépôt se caractérise par des outils uniquement, les éléments décoratifs ayant disparu : une paire de ciseaux, déformée pour la rendre inutilisable dans la tombe de Kouloussounnakh 1 et des aiguilles utilisées pour coudre le cuir, dans la tombe de Us sergué 1.

Des éléments habituellement utilisés en couture ont pu avoir d’autres fonctions. Cela semble être le cas pour les deux alènes retrouvées dans un sac à feu, attaché à la ceinture de l’homme de Célyyssé dans la région de la Viliouï (1700-1750), même si leur fonction n’a pas encore été définie. De même, les dés à coudre ont eu une fonction décorative sur les vêtements des femmes iakoutes. Nous avons pu le constater sur un des manteaux de la femme de Boulgoun- niakh 2, dans la région de la Vi- liouï, datée de 1700 à 1750 (Fig. II.125). Plusieurs dés à coudre étaient suspendus à l’extrémité des pendeloques de perles, au même titre que les jetons. Ces éléments sont des pièces d’im- portations, que l’on retrouve sur les listes de marchandises, voire des cadeaux offerts par les Russes (Crubézy, Nikolaeva 2017, 139).

Figure II.125 : Les dés à coudre ont également une fonction décorative. Exemple d’un manteau de Boulgounniakh 2 (région de la Viliouï) (© P. Gérard/MAFSO).

La hache

5/168 inhumations recèlent une hache, soit 3%, et leur dépôt est très spécifique car il est limité à la période 1700-1750, quelle que soit la région, sans que les variations régionales ou chronologiques ne soient significatives. Le dépôt d’une hache est rencontré uniquement dans les tombes de sujets adultes. Seule la différence selon le sexe est significative, et uniquement à l’échelle de la Iakoutie et pour la période 1700-1750254.

On les retrouve dans les sépultures de Mounour Urekh 1, Kous tcharbyt et Arbre chamanique 1 en Iakoutie centrale, de Boulgounniakh 1 dans la région de la Viliouï, où elles sont toutes déposées à l’extérieur, et de Atyyr meite 1 dans la région de Verkhoïansk, où elle est placée à l’intérieur du coffre. Aucune ne porte les traces du rituel de rendre les objets inutilisables, probablement en raison de la difficulté de les casser ou de les ébrécher (Fig. II.126).

Dans toutes ces sépultures, l’équipement le plus complet possible, avec l’accumulation des objets, ca- ractérise une ostentation et définit une classe privilégiée. Toutefois, les haches n’ont pas spécialement de caractère démonstratif, puisque la plupart du temps, elles ne sont pas visibles : dans le coffre à Atyyr meite 1 et l’un des premiers objets déposés après le corps ; entre les deux coffres à Mounour Urekh 1 ; sous une selle à Arbre chamanique 1 ; recouverte d’une planche de bois à Kous tcharbyt, bien qu’elle soit parmi les derniers éléments déposés à cet endroit. Seule la tombe de Boulgounniakh 1 offre une hache visible puisqu’elle est sur le tronc et parmi les derniers éléments déposés, après l’équipement de chasseur-guer- rier et avant la selle qui la recouvre et le couteau.

Par ailleurs, les haches de Mou- nour urekh 1 et de Kous tcharbyt seraient d’importation russe en raison de la morphologie de leur lame plus courte, au tranchant large curviligne avec la présence d’une excroissance inférieure. Il est étonnant de constater que dans un environnement boisé comme la taïga, si peu de tombes recèlent une hache, dans la mesure où le défunt est censé partir avec ses biens dans l’autre monde. Elle devait être un outil relativement commun, utile au quotidien, pour faire un feu dans le but de se chauf- fer et de cuire les aliments. Comme elle constitue un bien de première nécessité, son caractère familial ou collectif est peut-être plus marqué,

254 - Respectivement test de Fisher égal à 0,04 et test de Fisher égal à 0,02.

HA C H ES TR A D IT IONNELLES HA C H ES D ’I M P ORT A T ION Boulgounniakh 1 (VIL) Mounour urekh 1 (IAKC) Arbre chamanique 1 (IAKC)

Kous tcharbyt (IAKC) Atyyr meite 1 (Verkho)

Figure II.126 : Haches retrouvées dans les tombes (© P. Gérard/MAFSO).

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contrairement à l’arc qui constitue un objet plus personnel255. Ainsi, on ne pouvait pas forcément l’offrir aux morts. C’est pourquoi il est sans doute déposé dans les tombes les mieux pourvues. Dans la me- sure où l’arme traditionnelle, la batyya, pouvait faire office de hache (Vassiliev 1995, 94-95), il n’était pas utile de la déposer dans les tombes plus modestes, où la batyya était déjà placée.

Le chasse-mouche

Le dépôt de chasse-mouche est anecdotique dans les tombes  : en effet, seulement trois ont été dé- couverts (3/168, soit 1,8%) (Fig. II.127). Deux sont retrouvés dans des tombes féminines (Eletcheï 1 et Us Sergué 1) et un dans la sépulture multiple de Arbre chamanique 1, contenant deux femmes, un homme et deux enfants. Ces dépôts, appar- tenant à la période 1700-1750, sont situés à l’extérieur du coffre pour Arbre chamanique 1 et entre les coffres, du côté des pieds pour les deux autres tombes, au sein de sacs contenant d’autres objets.

Les affaires de toilette

Sont compris dans la catégorie des affaires de toilette les instruments

dédiés aux soins corporels, les peignes et les pinces à épiler, les seuls retrouvés dans les tombes iakoutes. Peu nombreux (8/168, soit près de 5%), ils sont déposés essentiellement dans les tombes de Iakoutie centrale (5/8), sans toutefois que cela ne soit significatif. Ils apparaissent à la période 1700- 1750 avant de diminuer progressivement jusqu’au XIXe siècle (Fig. II.128). Les variations chronologiques

ne sont pas significatives. De même, bien qu’ils soient placés uniquement dans les tombes de sujets adultes et trois fois plus souvent dans les tombes féminines en moyenne, les différences selon l’âge et le sexe ne sont pas significatives.

Six peignes ont été fait l’objet d’un dé- pôt funéraire, tous dans les tombes fémi- nines256, ce qui est significatif à l’échelle de la Iakoutie257. Quatre d’entre eux appar- tiennent au XVIIIe siècle et deux sont dé- 255 - En effet, il est lié à la stature du défunt.

256 - Arbre chamanique C3, Jarama 1, Oyogosse tumula 2 (la femme dans le cercueil), Eletcheï 1, Omouk 1 et Us sergué 1. 257 - Test de Fisher égal à 0,02.

Eletcheï 1 (IAKC)

Us sergué 1 (IAKC)

Figure II.127 : Chasse-mouches retrouvés dans les tombes (© P. Gérard/ MAFSO) et exemple ethnographique (Ivanova-Unarova 2017, 191).

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 ant 1700 1700-1750 1750-1800 post 1800 po u rcentage chronologie

Fréquence des affaires de toilette dans les tombes

Iakoutie centale (n=5) Viliouï (n=2) Verkhoïansk (n=0) Indighirka (n=1) Iakoutie (n=8)

Figure II.128 : Fréquence des affaires de toilette dans les tombes, selon les régions et la chronologie.

couverts dans des tombes datées du XIXe siècle. Si la tombe de Omouk 1 offre un dépôt tardif, celui de la tombe de Oyogosse tumula 2, pour la femme inhumée en cercueil, peut être assimilé à de la parure, en raison de sa morphologie différente, appartenant aux peignes d’ornement (barette peigne ou peigne à chignon), et de son décor (Fig. II.129).

Enfin, deux pinces ont été retrouvées, quant à elles, uniquement dans les tombes masculines  : une pince à épiler dans la sépulture de Célyyssé, dans la région de la Viliouï et une autre, dont la conser- vation ne permet pas d’affirmer avec certitude cette fonction, dans la tombe de Sola 2, en Iakoutie centrale, toutes deux datées de 1700 à 1750.

L’objet mystère

Dans la sépulture multiple de Arbre chamanique 1, a été découvert un objet, dont la position et la fonction malheureusement n’a pu être précisée. Seule la partie en bois a été déposée, elle devait être emmanchée à une de ses extrémités du fait qu’elle soit en pointe avec une butée (Fig. II.130). L’autre extrémité présente deux perforations, sans pouvoir définir si elles ont un caractère fonctionnel ou décoratif.

1700

-1750

Arbre chamanique 3 (IAKC)

Jarama 1 (IAKC)

Omouk 1 (IND) Oyogosse tumula 2 (VIL)

Célyyssé (VIL) Us sergué 1 (IAKC) Eletcheï 1 (IAKC) 1750 -1800 P ost érieur e à 1800

Figure II.129 : Instruments dédiés aux soins personnels retrouvés dans les tombes (peignes et pince à épiler) (© P. Gérard/MAFSO).

Figure II.130 : Objet mystère de la tombe de Arbre chamanique 1 (© P. Gérard/MAFSO).

10,4 cm 28 cm 21,9 2,1 4 entraxe emmanchement ? 162

Après consultation de nos collègues iakoutes et de références bibliographiques, plusieurs hypothèses ont été émises, avec réserve : un chasse-mouche, un outil pour fabriquer les filets de pêche, une sorte de tarière ou un outil pour briser les os ou la glace. Toutefois, les dimensions et la morphologie aplatie de la majeure partie de la pièce ne paraissent pas correspondre à ces hypothèses. Il reste à ce jour l’objet mystère…

Les clochettes

Deux clochettes ont été découvertes dans les tombes, soit près de 1% des sépultures (2/168). Elles ont été retrouvées en Iakoutie centrale, dans des tombes féminines, datées pour celle de Arbre cha- manique 3 de 1700 à 1750 et de 1750 à 1800 pour celle de Us Sergué 1. Ces clochettes sont des im- portations russes, plutôt tardives, habituellement jamais retrouvées avant 1750 (Nikaolaeva 2016, 286). Toutefois, des clochettes sont mentionnées dans la liste des marchandises apportées en Iakoutie par les commerçants dès 1640 (Crubézy, Nikolaeva 2017, 139).

Leur localisation dans la tombe n’est pas anodine et pourrait définir deux fonctions différentes. Dans le premier cas, elle a été déposée dans le coffre, suspendue au torque, tandis que dans le second, elle est située à l’extérieur du tronc évidé, entre les deux coffres, suspendue à une pièce du harnachement du cheval, le harnais de tête (Fig. II.131). Ainsi, si cette dernière rappelle les coursiers sibériens dans la tombe de Us Sergué 1, la position de la première rappelle celles décrites par Sieroszewski sur le man- teau du chaman, alors placées sous le col. Toutefois, elles étaient sans battant et une tête de poisson était dessinée sur la partie supérieure (Czaplicka 1914, 83). Dans la mesure elle est retrouvée isolée, elle pourrait être considérée comme le substitut du tambour, comme l’évoque Lot-Falvk (Lot-Falvk 1961, 31) ou bien comme un accessoire de la cérémonie chamanique (Czaplicka 1914, 69). Elle aurait été laissée à la défunte dans la mesure où « Étant sacrés, ces accessoires ne peuvent être utilisés par quelqu’un

d’autre que le chaman » (Czaplicka 1914, 69).

Figure II.131 : Clochettes découvertes dans les tombes (© P. Gérard/MAFSO).

1 cm

1 cm 1 cm

Us sergué 1

Arbre chamanique 3 Oktiom