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L’objectif central de ce travail de thèse est d’évaluer l’effet de

l’hypoxie environnementale sur le tissu musculaire en croissance.

La littérature publiée à ce jour s’accorde à dire que l’exposition à une hypoxie sévère

entraîne une diminution de la masse musculaire chez l’homme et conduit à un ralentissement

de la croissance musculaire au cours du développement post-natal chez l’animal. A l’heure

actuelle, les mécanismes moléculaires régulant la croissance musculaire en hypoxie ne sont

pas clairement identifiés. Une étude récente a permis de montrer que l’effet freinateur de

l’hypoxie sur la croissance musculaire au cours du développement post-natal est associé à une

altération de la voie mTOR, conséquence probable d’une activation du facteur sensible à

l’hypoxie REDD1 (Favier, et al. 2010). Cependant, des données récentes suggèrent que

d’autres acteurs moléculaires pourraient contribuer à inhiber l’activité de mTOR dans le

muscle en réponse à l’hypoxie ; le rôle de ces facteurs (notamment l’AMPK et BNIP-3)

dans le contexte de l’exposition à l’hypoxie reste à évaluer. Enfin, l’importance de

l’hypoxie sur la croissance tissulaire peut être évaluée en mettant en concurrence ses effets

freinateurs et les effets hypertrophiants de la surcharge fonctionnelle, reproduite par le modèle

d’overload.

Ces résultats nous conduisent à émettre l’hypothèse que l’effet freinateur de

l’hypoxie sur le développement de la masse musculaire pourrait être majoré au cours

de l’hypertrophie de surcharge.

Outre ses effets sur le développement de la masse musculaire, l’hypoxie sévère

influence les propriétés contractiles et métaboliques du muscle. Elle semble conduire au

ralentissement de la transition du phénotype rapide vers lent associée à la maturation

post-natale mais cette réponse phénotypique est souvent rapportée à la diminution de l’activité

spontanée en hypoxie. Elle pourrait par ailleurs altérer les capacités oxydatives et la biogenèse

mitochondriale du muscle, et de manière plus prononcée lorsque le stimulus hypoxique est

combiné à une activité contractile importante.

Ces résultats suggèrent que l’effet freinateur de l’hypoxie sur la transition vers un

profil contractile plus lent pourrait être amplifié au niveau d’un muscle recruté de manière

prolongée et confronté à des contraintes mécaniques intenses. Par ailleurs, le rôle délétère

de l’hypoxie sur les capacités oxydatives et sur la biogenèse des mitochondries pourrait être

accentué dans un muscle fortement sollicité, tant au plan de son recrutement que des

contraintes mécaniques induites par sa contraction.

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Afin de répondre à ces hypothèses, notre première expérimentation a consisté à

soumettre le plantaris de rats femelles à une surcharge fonctionnelle après l’ablation bilatérale

de ses muscles agonistes. Trois jours après l’opération chirurgicale, les animaux ont été

exposés soit à une hypoxie hypobare correspondant à une altitude simulée de 5500m, soit

maintenus en normoxie et nourris ad libitum, soit maintenus en normoxie mais restreints en

nourriture, avec une prise alimentaire appariée à celle des animaux hypoxiques. 3 temps

expérimentaux ont été évalués : 5, 12 et 56 jours après l’opération chirurgicale.

L’objectif principal de ce premier travail est d’analyser l’évolution de la masse

du muscle soumis à une hypertrophie de surcharge lors de l’exposition à l’hypoxie,

et d’examiner les mécanismes moléculaires mis en jeu en étudiant :

- la voie Akt/mTOR impliquée dans la synthèse protéique

- les inhibiteurs endogènes de mTOR, liés au métabolisme (l’AMPK) ou au

stimulus hypoxique propre (REDD1 et BNIP-3)

- certains acteurs régulant la protéolyse (la myostatine, MURF1 et MAFbx)

Cette étude, acceptée très récemment dans l’American Journal of Physiology –

Regulatory, Integrative and Comparative Physiology, est présentée dans la partie

« Résultats ». L’article accepté est en annexe.

L’objectif secondaire concerne l’étude de l’orientation du phénotype du muscle

soumis à la surcharge fonctionnelle lors de l’exposition à l’hypoxie, et en particulier :

- d’évaluer l’adaptation du phénotype contractile (distribution des isoformes

de MHC)

- de suivre l’évolution des capacités oxydatives (CS et COX)

- d’étudier certains acteurs contrôlant le phénotype contractile (voie de la

calcineurine) et la biogenèse mitochondriale (PGC-1α, p38)

D’autre part, des données récentes de la littérature mettent en évidence que

l’hypoxie sévère entraîne une inhibition de la myogenèse in vitro, en freinant la

différenciation des myoblastes et la formation des myotubes et en altérant l’expression de

certains facteurs myogéniques. Les résultats in vitro sur des myoblastes en culture

laissent penser que la voie mTOR, connue pour réguler également la myogenèse, pourrait

être réprimée en hypoxie. La régénération musculaire après lésions étendues constitue

une situation de myogenèse post-natale durant laquelle les cellules satellites activées vont

agir parallèlement aux systèmes de protéosynthèse pour favoriser la récupération de la

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masse musculaire. A ce jour, le retentissement de l’hypoxie sur la régénération

musculaire in vivo n’est pas connu.

Notre hypothèse est que l’hypoxie pourrait réprimer la récupération de la masse

musculaire au cours de la régénération du muscle.

Au cours de la régénération musculaire, le muscle réexprime transitoirement les

isoformes immatures de MHC avant d’exprimer les isoformes rapides et de récupérer son

phénotype contractile adulte (phénotype lent pour le soléaire). L’activité des enzymes

oxydatives et glycolytiques est fortement réprimée durant les phases précoces du processus de

régénération, puis retourne progressivement à leur niveau initial. A ce jour, il n’existe aucune

donnée sur l’influence de l’hypoxie sur le phénotype d’un muscle en reconstruction.

Nous formulons l’hypothèse que l’hypoxie pourrait jouer un rôle freinateur dans la

récupération des propriétés contractiles et métaboliques au cours de la régénération.

Pour vérifier ces hypothèses, notre deuxième expérimention s’est basée sur l’étude des

muscles soléaires de rats après lésions étendues induites par injection d’un myotoxique, la

notexine. La moitié des animaux, initialement acclimatés à l’hypoxie hypobare (5500m), a été

ensuite réexposée en hypoxie, tandis que les autres animaux étaient maintenus en normoxie. 4

temps expérimentaux ont été envisagés : 3, 7, 14 et 28 jours après la dégénerescence initiale.

L’objectif principal de ce deuxième protocole expérimental est d’évaluer la

récupération de la masse du muscle lésé exposé en hypoxie, et d’analyser les

mécanismes moléculaires mis en jeu en étudiant :

- l’implication de la voie mTOR

- le rôle joué par les trois inhibiteurs endogènes de mTOR : l’AMPK, REDD1

et BNIP-3

- l’influence de l’hypoxie sur l’expression des facteurs de régulation

myogénique MyoD et la myogénine.

L’objectif secondaire consiste à évaluer la récupération des propriétés

contractiles et métaboliques du muscle lésé au cours de la régénération en hypoxie, à

partir de l’étude de :

- l’évolution de la distribution des isoformes de MHC

- la récupération de l’activité de certaines enzymes (LDH et CS)

- certains acteurs contrôlant le phénotype contractile (voie de la calcineurine)

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L’objectif périphérique de ce travail de thèse a été d’améliorer

l’utilisation d’outils de génomique (RT-qPCR) nécessaires à l’étude de la

croissance musculaire.

L’étude du contrôle de la croissance musculaire nécessite l’utilisation de techniques de

biologie moléculaire. L’analyse par RT-qPCR est la technique actuelle la plus fiable et précise

pour quantifier des niveaux d’ARNm. Néanmoins, la quantification requiert de normaliser les

ARNm cibles par une valeur de référence afin de s’affranchir de certaines variations

techniques accumulées au cours des différentes étapes techniques. Généralement, un seul gène

de référence est utilisé dans les études sur la croissance musculaire pour normaliser les

ARNm cibles, une méthode insuffisante compte tenu des variations d’expressions géniques

potentiellement attribuables aux conditions expérimentales. De plus, les variations de

concentrations en ARN

tot

ne sont jamais prises en compte dans la normalisation.

Afin d’améliorer les méthodes de normalisation dans les situations de croissance

musculaire, une étude a été réalisée sur la méthode de normalisation à gènes multiples

en RT-qPCR. Les objectifs de ce travail ont été de:

- mettre en évidence les limites de l’utilisation de la méthode de normalisation à

plusieurs gènes de référence une situation de croissance musculaire

- perfectionner cette méthode de référence et la rendre valide dans les modèles de

croissance musculaire

- proposer une procédure méthodologique afin d’éviter d’utiliser de manière

inappropriée cet outil de normalisation dans les situations de croissance

musculaire

Pour cela, nous avons évalué les niveaux d’ARNm de plusieurs gènes de référence

couramment sélectionnés en biologie moléculaire et utilisé la méthode de normalisation à

gènes multiples développée par Vandesompele et al. (2002). Cette analyse a été effectuée sur

les muscles de l’expérimentation «Hypertrophie de surcharge en hypoxie ». Seuls les muscles

des animaux normoxiques ad libitum ont été traités dans ce travail. Les résultats principaux

sont présentés dans le chapitre « V.4. Quantification des niveaux d’ARNm » de la partie

« Matériels et Méthodes ». La publication scientifique, publiée dans la revue internationale

Physiological Genomics, est présentée en annexe.

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