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Chapitre 5 Discussion et interprétation des résultats

5.1 Retour et discussion sur les objectifs de recherche

5.1.2 Objectif 2 : Vérifier si les participants mobilisent les mêmes compétences au

L’analyse des données en fonction de cet objectif a donné lieu à des résultats très intéressants. De façon générale, il a été observé que les compétences mobilisées lors de l’expédition variaient de jour en jour et de participant en participant. Ceci est cohérent avec le cadre intégrateur du leadership présenté au chapitre 2 (figure 2, p. 25). Tel qu’expliqué dans le chapitre 2, chaque individu, qu’il soit doté d’une autorité formelle ou non, est appelé à mobiliser Figure 9 : Intégration des compétences mobilisées par les étudiants de l’étude dans le modèle des

dans l’action différentes compétences issues de ses ressources personnelles. Son choix se base sur sa compréhension, à un moment précis, des besoins de ses partenaires et des environnements interne et externe dans lesquels il se situe. Si l’on applique les principes du cadre intégrateur du leadership au contexte de l’expédition, il n’est pas surprenant de constater que chacun ait mobilisé des compétences différentes dans une même journée. Chacun possède des ressources personnelles différentes et perçoit différemment son environnement, en plus les participants devaient assumer des rôles différents.

Le cadre intégrateur du leadership présenté au chapitre 2 et les résultats obtenus en lien avec ce deuxième objectif de recherche sont tous deux cohérents avec les propos de Lièvre (2014). En effet, cet auteur affirme que :

« C’est parce que les acteurs trouvent du sens à une situation qu’ils peuvent avoir un comportement « adapté ». […] Il n’y a pas une vision objective de la situation qui s’impose à chaque acteur, mais différentes manières de l’appréhender. Les situations extrêmes sont des situations qui radicalisent les visions subjectives des acteurs. » (Lièvre, 2014, p. 16)

Sur cette base, il possible de croire que le caractère extrême11 des défis que devaient relever les participants donnait lieu à des interprétations divergentes de la réalité chez les participants. Par exemple, lors de l’ascension du Petit-Mont-Saint-Anne, chaque leader du jour a une vision différente des désirs des membres du groupe, des risques reliés aux itinéraires possibles et des enjeux de leurs décisions. Comme le mentionne Lièvre (2014), selon le sens qu’ils donnent aux situations, les participants mettent de l’avant certains comportements et mobilisent certaines compétences. Ainsi, il est normal que chacun mobilisait des compétences différentes lors d’une même situation. Il faut également préciser que les participants ont des objectifs personnels de développement et la volonté de pratiquer certains comportements dans le but d’améliorer des faiblesses personnelles qu’ils ont identifiées.

11 Une situation extrême désigne une action collective à réaliser dans un temps déterminé et dans un contexte évolutif, incertain et risqué (Lièvre, 2014)

Malgré le fait que chacun ait mobilisé des compétences différentes chaque jour de l’expédition, il est possible d’observer des similitudes, notamment en se référant au modèle de Lyndon (2013) présenté dans la section précédente. En général, la figure 9 représente bien ce qui s’est produit pendant l’expédition. C’est-à-dire qu’en moyenne, les participants ont d’abord mobilisé, et de façon majoritaire, leurs compétences personnelles (se gérer). Par exemple, une participante a noté dans son journal de bord, concernant la première journée : « Je me suis recluse pour me reposer alors que j'aurais dû rester avec le groupe ». Une autre étudiante a mentionné lors du retour de groupe de la première journée qu’elle avait adopté un comportement individualiste lors de la marche, qu’elle s’était concentrée sur sa performance au lieu d’aller vers les autres. Suite à la première journée, les compétences liées au travail d’équipe ont pris beaucoup d’importance. Par exemple, l’une des leaders de la quatrième journée a affirmé lors de sa rétrospective sur sa journée : « je pense que ça bien été surtout parce que le groupe était beaucoup plus mature, […] on se rapproche de l'équipage ». Les compétences liées à « changer son monde » ont également été de plus en plus mobilisées, quoiqu’elles ont toujours été en moyenne moins mises de l’avant que les compétences associées à « se gérer » et à « travailler en équipe ». Cela est peut-être dû à l’âge des participants (moyenne de 26 ans) et à leur expérience limitée à titre de responsable d’équipe. Peut-être que des gestionnaires actifs et plus expérimentés auraient naturellement mobilisé plus abondamment les compétences associées à « changer son monde », puisque ceux-ci sont plus fréquemment appelés à mobiliser ce type de compétences au quotidien. Par contre, il s’est avéré que les participants les plus expérimentés en gestion ont fréquemment mobilisé des compétences en lien avec « se gérer ». Ceux-ci devaient majoritairement assumer le rôle de membre au cours de l’expédition, et non de leader, ce qui s’est révélé être déstabilisant pour eux.

D’un autre côté, contrairement à « se gérer » et à « travailler en équipe », il serait problématique que tous les participants mobilisent en même temps et sur une longue durée les compétences associées à « changer son monde ». Cette hypothèse cadre avec le modèle de la participation optimale de St-Arnaud (1989). Ce dernier suggère que l’idéal, pour la participation optimale des membres d’une équipe, est que la position centrale soit occupée seulement 5% du

temps et non simultanément par plusieurs membre. Selon lui, un membre qui occupe une position centrale oriente le groupe vers l’atteinte de l’objectif commun en stimulant les autres membres, en prenant des initiatives, en apportant des solutions, en faisant le point, etc. Ainsi, « occuper une place centrale » et « changer son monde » ont beaucoup en commun. Il est donc possible de croire que naturellement, pour des questions d’équilibre et de participation optimale, les membres de l’expédition aient volontairement moins mis de l’avant leurs compétences associées à « changer son monde ». L’une des solutions aurait pu être par exemple de diviser les participants en sous-équipe plus fréquemment, pour créer davantage d’occasions pour les participants d’occuper des positions centrales. Plus le nombre de membres réunis est grand, plus cela limite les chances de chacun d’occuper des positions centrales.

Le modèle de Lyndon (2013) est schématisé par un cadrant où l’axe des abscisses (X) correspond aux étapes du développement personnel et où l’axe des ordonnées (Y) correspond au degré d’impact sur son monde. Dans le contexte de l’expédition, le modèle semblait davantage s’appliquer de manière pyramidale, de façon similaire à la pyramide des besoins de Maslow, tel que représenté par la figure 10. Plus la base était solide (se gérer), plus il était possible pour les participants de mobiliser des compétences supérieures dans la pyramide. Inversement, un bouleversement à la base de la pyramide entrainait une incapacité chez les participants à travailler avec les autres et à changer leur monde. Par exemple, la participante qui lors de sa journée de leadership s’est vue perdre le contrôle d’elle-même, a mentionné qu’elle s’est retirée du groupe pour se gérer, soit pour manger, boire et relaxer. Cinq à dix minutes plus tard, lorsqu’elle est revenue, elle était disposée à travailler en équipe et à coordonner les efforts de tout le monde en vue de monter le campement hivernal. Une autre étudiante a noté dans son journal de bord : « quand c'est devenu plus dur j'ai perdu mon esprit d'équipe, j'ai pensé à mon confort et n'ai pas aidé mes collègues ».

D’après les résultats de l’étude et ce qui a été discuté précédemment, il semblerait pertinent d’intégrer le modèle de Lyndon (2013) au cadre intégrateur du leadership. Plus spécifiquement, ce modèle s’intègrerait dans la section trois nommée « compétences de leader », figurant dans les ressources personnelles du leader. Ainsi, dans un contexte donné, une incapacité à se gérer rendrait plus laborieux le recours à des compétences supérieures de leader tel que « travailler en équipe » et « changer son monde ». L’ajout de ce modèle ajouterait une autre dimension au cadre intégrateur du leadership, cohérente avec le principe des ressources personnelles accessibles au leader dans l’action.

5.1.3 Objectif 3 : Décrire les facteurs qui favorisent la mobilisation des