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B. QUE DEVIENNENT LES REJETS MERCURIELS ?

2. Les nouvelles dispositions

L’argument principal qui explique ce retard est lié au coût. La pose de récupérateurs est une opération onéreuse. Selon l’Ordre des Chirurgiens Dentistes, l’appareil vaut entre 10 et 20.000 F (10.000 F pour l’appareil à décantation, 20.000 F pour l’appareil à centrifugation, plus performant). La pose multiplie ce coût par deux ou trois. Il faut aussi ajouter un coût de maintenance (récupération des cassettes, purge...), de l’ordre de 4 à 5.000 F par an. Dans de nombreux cas, le dentiste en profite aussi pour changer son système d’aspiration... Il s’agit donc d’une opération lourde. Les modifications ont été mieux faites en province, où il est plus facile de réunir les dentistes, qu’à Paris et en région parisienne.

Les agences de bassin peuvent cependant cofinancer les équipements (après concentration des demandes au niveau régional) à hauteur de 30 %, voire 50 %.

L’autre argument est d’ordre administratif. La séparation n’est que le point de départ d’une filière qui doit conduire au recycleur. Une filière logique, économique, et administrative : le dentiste remplit un « bordereau de prise en charge », un « bordereau d’envoi », destiné au collecteur, mais renvoyé au producteur initial après remise au destinataire final, et un « bordereau de suivi », destiné au séparateur, qui le retourne au producteur, dûment signé, après réception.

On pourra lire en annexe, l’article 5 de l’arrêté susvisé, donnant les détails de la procédure.

Si l’on avait voulu éloigner les praticiens de la valorisation de leurs déchets, on ne s’y serait pas pris autrement ! Il y a là une méconnaissance totale des conditions de travail des praticiens, et une application caricaturale de ce que produit l’administration quand elle veut « bien faire ».

Il est impératif d’alléger les procédures.

c) Une efficacité incertaine

La séparation visait à supprimer les rejets mercuriels dans les canalisations, et à récupérer et régénérer les déchets d’amalgames.

On observera tout d’abord que le séparateur n’a aucun effet sur les vapeurs mercurielles, et que le seul objectif est la limitation des résidus polluants. Cet objectif, au moins, est-il atteint ? Il est permis d’en douter.

Le circuit de traitement fait intervenir plusieurs opérateurs : le dentiste, le collecteur, le séparateur ou regénérateur, qui assure en principe la récupération et la valorisation du déchet de mercure. A chaque étape, le « risque de perdition » du mercure n’est pas négligeable :

- pour le dentiste, l’important est d’avoir un fauteuil en état de marche. Le sort de la cassette lui importe peu. Une fois la cassette pleine, il peut s’en débarrasser ou la remettre, avec les autres déchets, à un organisme spécialisé. Selon

ses contrats et le rythme de collecte, le praticien optera pour la première ou la seconde solution.

- les collecteurs. Contrairement à l’Allemagne où l’offre est assez concentrée, en France la situation est éclatée. Il existe plusieurs petits collecteurs, l’arrêté de 1998 ayant ouvert des perspectives. Ces perspectives se sont révélées exagérément optimistes, puisque la collecte est en réalité très faible. Les sociétés qui ont misé sur ces flux ont été déçues. Il existe encore assez peu de contrats de collecte de mercure de telle sorte que celle ci est inférieure aux prévisions.

La collecte peut prendre différentes formes. Soit une collecte spécifique des cassettes et déchets mercuriels, soit une collecte regroupée avec les autres déchets de soins (piqûres, cotons...). Une société propose même aux dentistes d’adresser leurs déchets mercuriels par la poste. Tous les collecteurs travaillent avec les séparateurs, destinataires finals. Plusieurs collecteurs sont aussi liés aux fournisseurs de matériels et matériaux des dentistes et sont parfois les mêmes. Le dentiste paye le service de récupération. Le collecteur/fournisseur récupère les métaux et « rémunère » le dentiste sous forme d’un bon d’achat pour ses propres produits.

Lorsque la collecte de déchets mercuriels est regroupée avec d’autres déchets, il est alors vraisemblable que ces déchets mercuriels sont « traités » comme et avec les autres déchets, c’est-à-dire à la poubelle et en incinération.

Dans la plupart des cas, le risque mercuriel est peu et mal perçu. Les établissements de stockage des déchets d’amalgame dentaire sont d’ailleurs soumis, selon les départements, soit à autorisation (régime des installations classées), soit simplement à déclaration. Il convient d’harmoniser ces pratiques.

- les séparateurs ou « retraiteurs ». Le collecteur rassemble les déchets dans un lieu de stockage avant de les adresser -dans le meilleur des cas- au

« retraiteur ». Les sociétés qui traitent des déchets mercuriels sont peu nombreuses.

En tout, moins d’une dizaine en Europe(1).

Le rôle du séparateur est, normalement, de récupérer et d’ouvrir la cassette, de récupérer l’amalgame, de trier les métaux. Mais tout va dépendre du volume récupéré. En cas de flux réduit, il peut soit remettre la cassette en état de fonctionnement, soit ... la jeter.

(1) Les principales sont deux sociétés hollandaises : METASYS et CLAUSIUS.

Il existe aussi deux sociétés françaises : DUCLOS ENVIRONNEMENT à SEPTIME-LES-VALLONS (13) et MERCURE BOYS MANUFACTURE au MANS(72).

d) Et si le séparateur n’avait conduit qu’à un transfert de pollution ? Comme on l’a vu, à chaque étape, il existe une probabilité non négligeable que le déchet mercuriel soit traité comme et avec les autres déchets, c’est-à-dire jeté à la poubelle et incinéré... Il n’est pas possible de connaître exactement la répartition entre le circuit officiel collecte/traitement, et la pratique déviante collecte/ poubelle. Le premier est certainement dominant mais il ne faudrait pas nier que le second demeure. De telles pratiques existent.1

Ainsi, le choix d’imposer aux cabinets un équipement de récupération n’aurait finalement conduit qu’à transférer le risque sans le supprimer.

En diminuant le risque mercuriel dans l’eau, on majore le risque mercuriel dans l’air. L’un vaut-il mieux que l’autre ? Dans la mesure où le traitement des eaux est absolument incontournable et où le traitement des fumées n’est encore qu’éventuel, il est permis d’en douter.

Dans les deux cas, on observera que le coût du traitement est à la charge de la collectivité.