B. MESURES
1. Indicateurs sur la pollution des fleuves
a) Indicateurs par sources
Les principaux émetteurs de métaux lourds dans les différents
«exutoires » -fleuves, canaux, mer- sont donnés dans l’ensemble du tableau de la page suivante. Les entreprises appartiennent le plus souvent aux secteurs de la métallurgie et de la chimie.
Plomb Cadmium Mercure
Etablissements Communes Exutoire Flux kg/j
Flux
t/an Etablissements Communes Exutoire Flux kg/j
Flux
t/an Etablissements Communes Exutoire Flux kg/an ALUMINIUM
PECHINEY
Gardanne Méditerra née
52,10 17,19 METALEUROP Noyelles Godault
Canal de la Deule
4,54 1,5 ALSACHIMIE Chalampe Rhin 102
METALEUROP Noyelles Godault
Canal de la Deûle
14,8 4,88 UNION MINIERE
Auby Canal de la Deûle
2,67 0,88 ELF ATOCHEM Martigues Méditerrané e
57 M D P A
Potasse d’Alsace
Mulhouse Rhin 10,9 3,60 SFPO Boulogne
sur Mer
Manche 0,41 0,13 ELF ATOCHEM Jarrie Romanche 36,7 PROFIL
EUROP
Lorson sous Lens
Canal de Lens
5,56 1,83 M D P A Potasse d’Alsace
Mulhouse Rhin 0,23 0,08 ALBEMARLE Thann Thur 29,5
SFPO Boulogne
sur Mer
Manche 3,10 1,02 TREDI Saint
Vullas
Rhône 0,2 0,06 METALEUROP Noyelles Godault
Canal de la Deûle
27,4 Total des 57 premiers établissements 102,25 33,74 Total des 24 premiers établissements 8,86 2,92 Total des 17 premiers établissements 341,8
Arsenic Cuivre Chrome
Etablissements Communes Exutoire Flux kg/j
Flux
t/an Etablissements Communes Exutoire Flux kg/j
Flux
t/an Etablissements Communes Exutoire Flux kg/j
Flux t/an M D P A
Potasse Alsace
Mulhouse Rhin 27 8,91 ALUMINIUM
PECHINEY
Gardanne Méditerra-née
26,10 8,61 ALUMINIUM
PECHINEY
Gardanne Méditerra-née
1 689 557 SC GRANDE
PAROISSE
Le Grand Quevilly
Seine 4,84 1,60 M D P A Potasse d’Alsace
Mulhouse Rhin 16,10 5,31 RIAL Graulhet Dadou 430 142
METALEUROP Noyelles Godault
Canal de la Deûle
1,72 0,57 RHODIA Roussillon Rhône 14,83 4,89 TIOXIDE EUROPE
Calais Mer du Nord
81 26,7 HOECHST
Marion Roussel
Neuville S/Saône
Saône 0,67 0,22 ALSACHIMIE Chalampe Rhône 4,90 1,62 MILLENIUM
CHEMICALS
Le Havre Seine 63,3 20,9 ALUMINIUM
PECHINEY
Gardanne Méditerra-née
0,60 0,20 ASPOCAMP Evreux Itou 3,25 1,07 M D P A
Potasse d’Alsace
Mulhouse Rhin 37 12,2
Total des 13 premiers établissements 35,73 11,79 Total des 78 premiers établissements 99,64 32,88 Total des 20 premiers établissements 2 362 779
Source : MATE - Principaux rejets industriels en France - Bilan de l’année 1998 - février 2000
Ces informations ne donnent qu’une idée imparfaite de l’enjeu local.
Les grandes entreprises, « sous observation » permanente, contrôlent le plus souvent leurs émissions atmosphériques et leurs rejets liquides. Tel n’est pas le cas des petites entreprises artisanales, encore nombreuses dans le secteur de la métallurgie. Une simple visite chez un récupérateur de matériaux (qu’on appelait autrefois les « ferrailleurs » ) suffit à se convaincre de la marge parfois non négligeable entre l’exigence réglementaire et la réalité du terrain.
Les entreprises récupèrent les épaves. Les épaves, donc les batteries. Les batteries, donc l’acide. Le plomb est vendu aux collecteurs, et l’acide... est
« collecté dans des bacs en plastique... ». Un certain doute demeure sur le sort final de cet acide.
Une note établie par la DRIRE de Picardie rappelle les quelques infractions à la réglementation sur les rejets liquides et les enjeux financiers.
La réglementation des ICPE -installations classées pour la protection de l’environnement- impose aux industriels de traiter leurs eaux résiduaires toxiques et leur interdit de rejeter directement ces effluents dans la nappe. « En l’absence d’exutoire naturel dans le Vimeu » (sic), il était admis par les ateliers existants que ces eaux de process préalablement traitées soient dirigées vers le réseau pluvial séparatif. L’agence financière de bassin a mis en place une politique d’aides substantielles pour permettre de réaliser les investissements correspondants pour interdire tout rejet d’effluent toxique.
Malgré cette interdiction réglementaire, quelques industriels continuent de rejeter des effluents liquides de leur atelier de traitement de surface (cuivrage, chromage, nickelage de métaux, notamment pour la robinetterie) dans les fossés.
Il faut néanmoins rappeler les enjeux financiers : Société A - 10 personnes
Coût du zéro rejet : 2,85 MF d’investissement, 215.000 F de fonctionnement Société B - 20 personnes
Coût du zéro rejet : 4 MF d’investissement Société C - 10 personnes
Aucun projet technique présenté Société D - 3 personnes
Coût du zéro rejet : 1 MF d’investissement - 810.000 F de fonctionnement Société E - 21 personnes
Coût du zéro rejet : 2,2 MF d’investissement - 380.000 F de fonctionnement Ces équipements représentent des coûts de 1 à 4 MF. Des coûts très importants pour des sociétés de 3 à 20 personnes.
Il ne faut pas nier ces réelles difficultés financières. C’est bien évidemment un choix de société qui est en jeu.
b) Indicateurs par « site exutoire »
Les grands fleuves navigables traversant de grandes zones industrielles et minières - d’ailleurs souvent appelés « les fleuves industriels »-sont évidemment très contaminés par les polluants les plus divers, parmi lesquels les métaux lourds.
Les données sont très éparses, et souvent confuses, car les mesures varient considérablement selon les sources et les lieux de prélèvement, et l’appréciation peut varier selon que l’on mesure les teneurs en métaux lourds des particules en suspension dans le cours d’eau ou le flux de métal transporté.
Ainsi l’Académie des Sciences rappelle que : « Si on se base sur les teneurs mesurées dans les particules, la Seine est un des fleuves du monde les plus contaminés en métaux lourds apportés aux flux (kg de métal transporté par km2), les niveaux de la Seine sont élevés mais comparables à d’autres fleuves ».
Concentrations en métaux lourds dans les matières en suspension
de quelques fleuves (en mg/kg)
Cadmium Mercure Plomb Cuivre Zinc
Seine 3,3 0,87 147 130 510
Rhône 1,5 1,2 19,5 320 50
Rhin 3 1 123 112 574
Pô 1,7 1,6 75 75 342
Meuse 33 - 762 292 2 690
Source : Académie des Sciences - Contamination des sols par les ETM - août 1998
Concentration de mercure dans quelques fleuves (mercure dissout en µg/litre)
Seine 0,5 - 11,9 Mer du Nord 0,18 - 0,96
Rhône 0,28 - 3,3 Manche 0,3 - 0,84
Loire 0,42 - 2,02 Côte belge 0,13 - 1,42
Elbe 0,76 - 3,28 Atlantique Nord 0,31 - 0,85
Source : OSCAR 2000 - Ospar background document on Mercury
Ce dernier tableau montre une présence de mercure non négligeable dans les mers, ce qui confirme l’existence de sources naturelles d’émission.
Les teneurs relevées sont cependant très inférieures aux teneurs dans « les fleuves industriels ».
L’héritage industriel : la pollution de la Vallée de l’Orbiel par l’arsenic La Vallée de l’Orbiel, à moins de 50 km de Carcassonne (Aude) est caractérisée par la présence de filons minéralisés qui a permis l’exploitation de nombreux métaux : fer, plomb et surtout l’or, au XIXème siècle. L’or est contenu dans des roches riches en fer et en arsenic. L’extraction produit des résidus de traitement qui contiennent de l’arsenic, stockés à l’air libre ou enterrés. Au contact de l’air et/ou de l’eau, notamment à l’occasion des crues, l’arsenic se trouve mobilisable et est entraîné dans l’environnement. Les cultures localisées dans la vallée et l’alimentation en eau potable en pâtissent.
Les flux d’arsenic ont plusieurs origines : le relargage naturel lié à l’érosion du sol et des digues ; le relargage à partir du ruissellement sur les terrils de l’ancienne mine, notamment de Salsigne ; l’envol de particules; les rejets des eaux d’infiltration de la mine. Dans ce dernier cas, les rejets d’arsenic sont sous forme dissoute tandis que l’érosion, l’envol ou le ruissellement entraînent l’arsenic sous forme particulaire. Ces flux sont considérablement amplifiés en cas de crues et d’inondations. On estime qu’en période de hautes eaux, la quantité de polluants transportés est multipliée par dix.
L’arsenic est donc présent à l’état naturel, la concentration est d’origine anthropique, le relargage se produit à l’occasion d’événements naturels, qui mettent en relief et traduisent une certaine imprévoyance humaine.
Le schéma ci-après présente les différentes étapes d’enrichissement de l’eau de surface, vecteur principal de la pollution de la vallée. On observera l’augmentation considérable des contaminations en cas de crues.
Schéma d’enrichissement de l’ORBIEL en arsenic (concentration d’arsenic en µg/litre)
(moyennes eaux - hautes eaux) Orbiel
48 55 Le Grésillon
Ruisseau de la Grave (activé en cas de crue) 20 -125
35 -340 35 - 508 Le Ru Sec
7 - 190
35 - 527
Le Clamoux 30 - 480
Aude
Devant ce constat d’une pollution potentielle activée à l’occasion d’événements naturels -semble-t-il de plus en plus fréquents- les pouvoirs publics ont formulé quelques recommandations et fait part de quelques inquiétudes :
- prévention : couverture ou déplacement des stocks de résidus de fonderie, consolidation des digues, collecte des eaux de ruissellement en contact avec les terrils miniers,
- limitation de consommation de plantes ou légumes qui concentrent l’arsenic (thym...).
Plusieurs arrêtés d’interdiction de cueillette ont été pris ces deux dernières années.
- reste le « problème difficile à résoudre à court terme de la question de l’irrigation ».
La solution passe vraisemblablement par la réglementation de l’utilisation de l’eau et la recherche de nouvelles ressources. « Il faut s’en inquiéter dès aujourd’hui pour anticiper des solutions envisageables dans le futur sous peine de voir les cultures devenir impropres à la consommation de façon permanente ».
Source DRIRE - Languedoc Roussillon