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Le nouveau paysage industriel en Europe Le centre : duopole BAE Systems - EADS

Chapitre Deux

II.4 Le nouveau paysage industriel en Europe Le centre : duopole BAE Systems - EADS

II.4 Le nouveau paysage industriel en Europe

au niveau du capital, la répartition est de 55% pour MMS et de 45% pour Dasa. Avec la fusion Dasa-Aerospatiale-Matra, la part d’EADS sera de 75%, celle de BAe de 25%. Après l’évaluation des valeurs respectives, Astrium accueillera Alenia Spazio du groupe Finmeccanica74.

Dans le domaine des missiles, MBD, filiale commune 50/50 de BAe et Matra, est devenu le pôle fédérateur de l’industrie européenne.

L’intégration dans MBD des activités missiles d’Alenia Marconi Systems (AMS), joint venture italo-britannique, a été communiquée au lendemain de l’annonce de la création d’EADS. Contrôlant 80% de la production en Europe, le nouveau pôle tripartite a un CA de 2,32 milliards d’euros et plus de 10 000 employés. A la fin d’une opération très complexe, BAE Systems et EADS détiendront à parité 37,5%, Finmeccanica 25% de MBD75. Avec la fusion entre Aerospatiale-Matra et Dasa, MBD a également vocation à absorber les 70% des activités de LFK qu’il ne contrôle pas encore. A ce moment-là, la répartition au niveau du capital de MBD changera sans doute à nouveau.

Dans l’aéronautique civile, BAE Systems apporte à la nouvelle société Airbus ses activités de construction d’ailes d’avion. En échange, il détiendra 20% du capital d’AIC, correspondant à ses 20% actuels dans le GIE. Au lieu d’une soulte, il recevra des compensations financières calculées en fonction des livraisons d’Airbus A340-500/600, qui entreront en service a partir de 2002. Dans l’organisation d’AIC, BAE Systems aura deux représentants au comité d’actionnaires (cinq pour EADS) et deux au comité exécutif. Les décisions courantes seront prises à la majorité simple, certaines décisions stratégiques à l'unanimité (acquisitions et cessions d’un montant supérieur à 500 millions d'euro, approbation du plan prévisionnel à trois an et toute décision qui pourrait entraîner une dilution de BAE Systems). BAE Systems bénéficiera d'une option de vente de ses actions AIC à EADS ; ce dernier bénéficiera inversement d'une option d’achat des actions AIC détenues par BAE Systems dans le cas d'un changement de contrôle de BAE Systems76.

Dans les avions de combat, la situation entre BAE Systems et EADS est paradoxale : d’un côté, EMAC, la filiale 50/50 de Finmeccanica et d’EADS contrôlera 62,5% d’Eurofighter – BAe (37,5%) est ainsi relégué au second rang dans son propre programme d’avions de combat. De

74 Air & Cosmos n. 1721, 22 octobre 1999, p. 15.

75 Les Echos, 21 octobre 1999.

76 Les Echos, 22 juin 2000.

l’autre, l’intégration de Marconi, sous-contractant majeur pour l’Eurofighter, permet à BAE Systems d’accroître de 10% environ la valeur de sa participation et renforce encore son leadership technologique dans le programme européen. En même temps, EADS est actionnaire de 45,76% de Dassault Aviation, constructeur du Rafale, concurrent d’Eurofighter sur certains marchés d’exportation. La situation est également contradictoire pour le gouvernement français : actionnaire à 15% d’EADS, il se retrouve partie prenante au programme Eurofighter, alors qu’il est aujourd’hui l’unique client du Rafale77.

La création d’EADS pose de nouvelles questions, certes, mais en diminuant le nombre d’acteurs au sein des projets communs, elle simplifiera sans doute la coopération avec BAE Systems. Les responsables allemands et français ont déjà annoncé leur volonté de renforcer les liens existants. Les rapports entre les deux groupes semblent stables dans les satellites, dans les missiles, et, depuis le très récent accord sur l’AIC, dans les avions civils78. A long terme, la situation devra être réglée dans les avions de combat : y aura-t-il un jour un seul pôle européen, réunissant BAE Systems, Saab, Dassault et EMAC ou assistera-t-on dans ce secteur plutôt à des regroupements transatlantiques (BAE Systems - Boeing, EADS - Lockheed) ? Reste également à savoir si, désormais, l’hypothèse d’une fusion globale de BAE Systems et EADS est définitivement exclue ou si elle reste valable à long terme79. Toujours est-il que le succès de l’un est lié à celui de l’autre ; l’activité d’EADS résulte en effet à 68% des différentes co-entreprises avec BAE Systems, qui réalise 25% de son CA en coopération avec EADS80. La périphérie

Les autres sociétés européennes se regroupent autour des deux géants :

Dassault Aviation reste formellement indépendant, mais se trouve cependant dans « l’orbite » d’EADS. Après l’annonce de la fusion franco-allemande, Serge Dassault a insisté sur sa faculté de dénoncer le pacte

77 Le Monde, 28 octobre 1999.

78 Voir les Echos, 22 juin 2000.

79 Voir les déclarations divergentes des deux PDG d’EADS, Reiner Hertrich et Philippe Camus, dans Le Monde, 25 février 2000 et Les Echos, 28 février 2000.

80 Handelsblatt, 2/3 juin 2000.

d’actionnaires qui lui avait été imposé en 1998 et qui donne à Aerospatiale-Matra un droit de veto sur les décisions stratégiques de Dassault Aviation. Une clause de ce même pacte prévoit en effet que Aerospatiale-Matra doit, en cas de changement de contrôle, choisir entre la revente de ses parts ou l’abandon de ses droits privilégiés au sein de Dassault Aviation. Cette réalité, un temps contestée par Aerospatiale-Matra, semble désormais reconnue par ce dernier. Pour l’heure, EADS reste simple actionnaire de Dassault Aviation, tout en considérant cette participation comme l’un de ses métiers de base. Toujours est-il que EADS aura toujours la possibilité de bloquer toute décision nécessitant un accord des deux tiers des actionnaires. Pour bien distinguer les programmes Eurofighter et Rafale, la participation d’EADS dans Dassault Aviation est gérée au sein du groupe européen par le responsable de la stratégie (et non par le directeur des activités aéronautiques)81. Dans le futur, plusieurs scénarios sont possibles.

– Dassault Industries, holding regroupant les intérêts de la famille Dassault, pourrait scinder les activités de Dassault Aviation, conserver le civil et apporter le militaire à EADS. Cette hypothèse est pourtant peu probable : Dassault Industries serait alors obligé d’exercer son droit de préemption – ce qui est politiquement délicat.

De plus, une telle séparation couperait les activités civiles de Dassault de la R&D du militaire dont elles profitent jusqu’à présent.

– Dassault Industries pourrait apporter ses 49,9% de Dassault Aviation à EADS et devenir en contrepartie actionnaire de ce dernier. C’est l’option préférée du gouvernement français, mais les deux protagonistes la refusent pour le moment82. Dans les deux cas, Dassault Aviation fusionnerait avec EMAC, diluant la participation de Finmeccanica de 50 à 35%.

Finmeccanica, holding qui contrôle la plus grande partie de l’industrie de défense italienne, ne vise pas une participation directe à une grande alliance européenne. Le groupe est privatisé depuis juin 2000, mais l’Etat italien conserve 30% du capital de Finmeccanica. Le reste est détenu, pour la moitié, par des actionnaires institutionnels et des particuliers, avec une limitation des droits de vote à 3%83. Dans la stratégie de Finmeccanica, les fusions jouent un rôle important, mais elles restent

81 La Tribune, 17 février 2000.

82 Le Monde, 28 octobre 1999.

83 Handelsblatt, 13 mai 2000.

limitées au niveau des métiers. Les différentes filiales du groupe sont intégrées dans des entités internationales, Finmeccanica gérant directement les participations. L’explication de cette stratégie est simple : face aux grands groupes, les alliances par secteur sont la seule possibilité pour les Italiens d’obtenir un vrai pouvoir de codécision. L’idéal est une formule 50/50 ; dans les secteurs où un tel équilibre n’est pas possible à deux, Finmeccanica a choisi d’intégrer ses divisions dans des joint ventures multilatéraux (ce qui permet au partenaire minoritaire de profiter de majorités variables). L’intégration est faite pour l’électronique de défense (AMS) et programmée pour les satellites (Astrium), les missiles (MBD), les avions militaires et régionaux (EMAC). Dans les hélicoptères, l’alliance avec le britannique GKN, annoncée il y a plus de deux ans (Agusta/Westland), n’a toujours pas été finalisée ; si ce regroupement échouait, Agusta pourrait se rapprocher (à nouveau) d’Eurocopter84. Restent les avions civils : lors de l’annonce de la création d’EMAC, les partenaires d’EADS ont proposé à Finmeccanica une option de prise de participation à hauteur de 5% dans le capital de la future Airbus Integrated Company, offre valable trois ans et dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros. De plus, les Italiens sont également invités, comme partenaires à risques partagés, dans le programme A3XX jusqu’à hauteur de 10%. Ces perspectives ont probablement décidé Finmeccanica à lier Alenia Aeronautica à EADS et non à BAE Systems85.

Saab est lié à BAE Systems par un accord de commercialisation relatif au Gripen qui a débouché ensuite sur une alliance capitalistique. Il est bien possible que la coopération entre les deux s’arrête là ; la situation semble satisfaisante pour les deux groupes puisque, au lieu de se faire concurrence sur les marchés à l’exportation, ils coordonnent leurs stratégies et viennent chacun renforcer la proposition de l’autre quand elle apparaît la mieux placée. De plus, la prise de participation de 35% de BAE Systems dans Saab laisse le contrôle de la société au groupe Wallenberg, et ce dernier semble vouloir le conserver. Comme l’a indiqué le PDG de Saab, Bengt Halse en mai 1999, les fusions en France et au Royaume-Uni avaient créé deux piliers de l’aéronautique européenne trop puissants pour que Saab puisse y trouver sa place. La création d’EADS ne peut que renforcer ce jugement. D’un autre côté, Saab vient d’absorber

84 Air & Cosmos, 21 avril 2000, p. 11. Agusta a été déjà en négociation avec Eurocopter avant de se tourner vers Westland. Il semble que la création d’Agusta/Westland est actuellement suspendue par l’hypothèse d’un rachat de Westland par BAE Systems.

85 Les Echos, 14-15 avril 2000.

Celsius, le numéro deux de l’industrie de défense suédoise. Ce dernier dispose des activités fort diversifiées qui s’inscriront probablement dans des joint ventures internationaux. Les sous-marins sont déjà passés sous la tutelle du chantier naval allemand HDW ; dans les missiles, le nouveau champion nordique pourrait intégrer ses activités unifiées dans MBD86.

Thomson-CSF reste le numéro un européen dans l’électronique de défense avec un CA de 7 milliards de dollars (contre 6 milliards pour BAe et 2 milliards de dollars pour EADS). Face aux grandes restructurations européennes, Thomson-CSF a développé une stratégie spécifique qui vise à la fois le développement de ses activités civiles et la diversification géographique de ses marchés de défense. L’alliance stratégique avec l’actionnaire de référence, Alcatel, permet à Thomson-CSF de jouer pleinement les synergies entre l’électronique civile et militaire (notamment dans la télécommunication). Dans le domaine de défense, Thomson-CSF poursuit une approche « multidomestique » : afin de pénétrer les marchés d’exportation, il se fond dans l’industrie locale.

En 1999, l’électronicien a en effet renforcé sa position en Australie (l’achat d’ADI), au Brésil (prise de participation dans Embraer, avec Aerospatiale-Matra et Dassault), en Corée du Sud (l’acquisition de 50%

du capital de la filiale d’électronique de défense de Samsung), à Singapour (l’acquisition d’Avimo), en Afrique du Sud (prise de contrôle complète de sa filiale ADS) et en Grande-Bretagne (rachat de Racal et prise de contrôle complète de Shorts). En Europe, les relations de Thomson-CSF avec EADS et BAE Systems sont complexes : l’électronicien est à la fois partenaire (dans TDA et Eurosam avec EADS, dans Thomson Marconi Sonar avec BAE), fournisseur de premier rang (Airbus, Eurocopter, Dassault) et concurrent (avec BAE Systems et EADS dans l’espace, les missiles et l’électronique de défense, et avec le seul BAE Systems dans la construction navale). Cette constellation complexe persistera sans doute, même si la coopération avec EADS pourrait se renforcer dans certains domaines87.

86 Handelsblatt, 17 novembre 1999.

87 Voir les entretiens avec Philippe Camus (Les Echos, 18 octobre 1999), Serge Tchuruck (Les Echos, 25 octobre 1999) et Denis Ranque (Le Monde, 3 février 2000).

Nouveau paysage de l’industrie aéronautique et électronique de défense

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BAE Systems EADS

SAAB

Dassault

Finmeccanica

GKN

Rheinmetall