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AU FIL D’UN FLEUVE ET DES RESEAUX DE RELATIONS

Chapitre 3 : Méthodes d'observations et d'analyses multi-situées

C) LA NOTION DE RESEAU EN ANTHROPOLOGIE

Enfin la complexité méthodologique de l’enquête m’a permis d’aborder des champs théoriques différents entre fonctionnalisme, structuralisme, théorie du don et analyse des réseaux sociaux. J’essaierai brièvement de situer méthodologiquement mon approche à la jonction de ces différents mouvements. La notion de réseau notamment, dans la mesure où elle a été fortement mobilisée, nécessite que l’on s’y attarde un peu.

a) La notion de réseaux en sciences sociales

Dans le sens commun ou journalistique, le terme « réseau » a été pendant longtemps la marque de ce qui échappe au contrôle, renvoyant à des connexions dissimulées ou « parallèles ». Considérées comme « réseaux d’immigrés », les tontines ont pu d’ailleurs être perçues en France comme des corporations mafieuses, notamment à travers l’exemple asiatique, parce qu’elles ont permis l’implantation et l’expansion de commerces familiaux et ethniques prolifiques. Quand les sciences sociales s’emparent de ce concept, c’est notamment pour le débarrasser de ce caractère occulte, et pour montrer qu’il y a sûrement quelque chose de plus fondamental qui se joue derrière.

Le « réseau » se définit en sciences sociales comme un ensemble constitué d’unités et des relations qui les relient les unes aux autres, dès lors que le nombre de ces unités dépasse la paire (auquel cas l’on ne sort pas du stade de la relation). Les tontines fonctionnent bien, alors, comme des réseaux, en ce sens qu’elles mettent des individus en relation entre eux, par l’échange. Pour de nombreux sociologues, le concept de réseau apparaît aussi comme une forme de représentation graphique ou métaphorique du capital social 144. Le volume du capital économique, social et culturel d’un individu dépend du volume de relations que ce dernier peut effectivement mobiliser, en comptant sur ses relations directes et sur les relations de ses relations, et sur le capital effectivement possédé par ces relations. Le capital social fait la richesse, non seulement matérielle, mais aussi bien souvent symbolique, des individus. On peut alors, à toutes fins utiles, s’interroger sur la nature des relations constitutives de ce capital : qu’est-ce

144

M. GRANOVETTER, « The Strengh of Weak Ties », The American Journal of sociology, 78 (1973), pp .1360-1380 ; P. BOURDIEU, « Le capital social, notes provisoires », Actes de la Recherche en

Sciences Sociales 31, (1980), pp. 2-3 ; R. S. BURT, « Social Capital, Structural Holes and the

qui est à l’origine de ces liens sociaux et de leur caractère durable ? Et au-delà même de l’approche matérialiste, la question revêt une certaine importance, car ces relations effectives et obligées sont précieuses, tandis que leur déchéance, lorsqu’elle survient, pose un grave problème individuel et collectif, en désocialisant et donc déshumanisant les animaux parlants que nous sommes.

Le réseau de relations et le capital social ne sont pas donnés comme tels, ils sont le produit d’un travail d’instauration et d’entretien au sein de réseaux de relations contingentes constituées autour de la parenté, du voisinage, du travail etc.. Pour la région du fleuve Sénégal, il semble que les femmes aient à cet égard un rôle particulier à jouer, à travers notamment les liens sociaux qu’elles tissent dans les cérémonies familiales autour du baptême et du mariage. Or les tontines apparaissent comme la première source de financement et de recrutement des rôles féminins joués lors de ces cérémonies. On aurait tendance à penser qu’en Afrique, c’est la parenté classificatoire et élargie qui est la source des liens solidaires, et c’est d’ailleurs ce que les représentations véhiculées par les acteurs eux-mêmes donnent à voir. Mais à y regarder de plus près, on verra que ce n’est finalement pas du tout la parenté, au sens biologique de filiation, qui définit les règles strictes de solidarité systématique. On cherchera donc dans ce travail à saisir ce qui fait le sens des relations pour les femmes de Bafoulabé, à Saint-Louis et Paris ? Quels sont les liens honorés dans le discours et la pratique ? Et comment le sont-ils ?

b) Réseaux et structure selon Radcliffe-Brown

L’apport théorique de l’anthropologie classique au concept de réseau est considérable bien que négligé dans l’effervescence théorique actuelle que ce dernier suscite. Comme le souligne Michel Bergès dans un article consacré à cette question 145, la dimension réticulaire de la société se trouve pourtant énoncée plus ou moins explicitement par les fondateurs de l’anthropologie sociale, fonctionnaliste, structurale et dynamique, sur le plan de la définition de la « structure sociale ».

L’anthropologie s’est en effet appliquée à étudier le fonctionnement réticulaire et codifié des relations sociales, et plus particulièrement à comprendre comment les

145 M. BERGÈS, « Claude Lévi-Strauss et les réseaux : parenté et politique », in Hommage à

réseaux primaires de la parenté s’articulent à des réseaux plus vastes pour fonder la société. En ce sens, l’étude approfondie des tontines et cérémonies familiales se situant au fondement d’un lien social s’inscrit dans des débats anthropologiques sur lesquels il est essentiel pour nous de revenir brièvement.

D’innombrables travaux se sont attachés à étudier les systèmes originaux de relations entre groupes sociaux ou entre individus, comme ce fut le cas d’Edward Evan Evans-Pritchard chez les Nuers ou de Robert Lowie chez les Indiens d'Amérique par exemple 146. Mais Alfred Reginald Radcliffe-Brown fut le premier, à partir des travaux pionniers, à problématiser le lien social comme dépendant d’une structure réticulaire à définir. On trouve un résumé de ses positions théoriques sur la question dans un article intitulé « On social structure » publié en 1940, puis repris en des termes très similaires dans l’introduction de Structure et fonction dans la société primitive, publié en 1952 147. L’auteur, qui considère l’anthropologie comme une science naturaliste, et l’étude des sociétés humaines comme celle des relations entre organismes individuels, décrit le processus de la vie sociale comme composé d’actions, de transactions et d’interactions d’êtres humains agissant individuellement ou en groupe. Selon cet auteur, le réseau (network) est constitutif de la structure sociale :

« Direct observation does reveal to us that human beings are connected by a complexe network of social relations, I use the term social structure to denote this network of actually existing relations »148.

Alors que la dimension spatialement très éclatée des réseaux sociaux lui paraissait déjà insaisissable, la structure fut saisie, dans ses travaux, comme un réseau bien réel, persistant, qui dépasse ses membres :

« Les phénomènes sociaux observables dans toute société humaine ne résultent pas immédiatement des individus humains qui la composent, mais résultent de la structure sociale qui les unit » 149.

Le concept de réseau définit donc à la fois une relation et une structure. Radcliffe-Brown entend par structure sociale non seulement toutes les relations de personnes à

146

E.-E. EVANS-PRITCHARD, Les Nuers. Description des modes de vie et des institutions

politiques d'un peuple nilote, Paris, Gallimard, 1939 ; R. LOWIE, Traité de sociologie primitive, Paris,

Payot, 1969.

147

A.-R. RADCLIFFE-BROWN, « On Social Structure », The journal of the royal anthropological

institute of Great Britain and Ireland, 70, 1 (1940), p. 1-12 ; et du même Structure et fonction dans la société primitive, Paris, Éditions de Minuit, 1972.

148

A.-R RADCLIFFE-BROWN, 1940, art.cit., p. 2.

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personnes dans une société, mais aussi la différentiation des individus et des groupes selon leurs rôles sociaux. Au niveau du réseau primaire de la parenté par exemple, quelle que soit son extension, simple ou élargie, bilatérale ou unilatérale, la position dans le réseau de parenté définit le statut des individus. Celui-ci repose sur un ensemble de droits, de contraintes, de tabous et de devoirs concernant les rapports entre personnes et des personnes au groupe. Ces relations statutaires constituent une « structure sociale », qui se manifeste de manière réticulaire, mais ne se limite pas aux relations sociales présentes et apparentes. Ce qui intéresse Radcliffe-Brown réside dans l’observation d’une forme de « continuité dynamique » des systèmes de relations au-delà des relations elles-mêmes. Le maintien de certaines de ces formes permet de comprendre l’existence d’un système social. Le problème que se pose l’anthropologue est celui de savoir comment les structures sociales persistent. Quels sont les mécanismes qui permettent le maintien d’un réseau de relations sociales delà de la parenté, au-delà du temps et de l’espace ?

Pour définir plus précisément ce qui unit les hommes au-delà des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, Radcliffe-Brown aura recours au concept d’institution. Selon lui, toutes les relations directes et indirectes par rapport à la structure réticulaire d’une société donnée sont déterminées par des modèles de comportements (tabous, étiquette, morale, droit, règlement des conflits, logiques d’intérêts, valeurs etc.), auxquels se conforment les individus et les groupes. L’exemple de la parenté à plaisanterie présenté ci-dessus illustre assez bien cette logique. Ces modèles de programmation des réseaux concrets de relations sociales sont précisément ce qu’il désigne par le terme d’institution :

« Les institutions sociales, comprises comme des modes normalisés de comportement, constituent le mécanisme qui conditionne l’existence et la permanence d’une structure sociale ou d’un réseau de relations sociales. » 150

Les tontines ou les cérémonies font partie de ces institutions, et l’intériorisation des règles par les individus donne aux réseaux sociaux leur caractère durable et systémique. Ce qui n'empêche pas d'en considérer le dynamisme, car ces institutions sont travaillées par les acteurs au sein d'un système de relations qu'ils actualisent sans cesse pour le faire correspondre à leur réalité.

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c) L’approche de l’anthropologie structurale

Par la suite, Claude Lévi-Strauss a critiqué le fonctionnalisme théorique de Radcliffe-Brown pour insister sur la nature symbolique de cette structure sociale. La « structure » qui prévaut sur les relations est pour Lévi-Strauss inséparable de systèmes de signes codifiés, sur lesquels nous reviendrons en détail dans la troisième partie de cette thèse.

La métaphore réticulaire apparaît cependant en filigrane dans la réflexion lévi-straussienne sur la structure et les systèmes de parenté, et en particulier dans l’analyse serrée des mécanismes de dépassement de la parenté. Par exemple, dans sa description de l’orientation patrilatérale des Bororo du Brésil, il souligne que les alliances matrimoniales ne constituent qu’une partie des liens d’échange réciproque, car la structure sociale se complexifie en mettant en relation plus d’individus selon des systèmes de représentation élargi de la parenté 151. Claude Lévi-Strauss n’utilise pas le terme de réseau pour caractériser ces relations sociales qui, dépassant la parenté, attachent les lignages, mais certains Indiens utilisent la métaphore du « grand filet de pêche », qui fait écho à l’origine étymologique du mot réseau, du latin rete = filet. C’est également ce qui se passe dans les tontines et cérémonies familiales. Ces modes universels de dépassement de la parenté se retrouvent dans cette pratique qui consiste dans le discours à appeler un bon ami « mon frère », mais peuvent avoir des implications sociales concrètes bien plus construites. Ces désignations impliquent d’une manière ou d’une autre l’émergence de réseaux inédits de relations sociales par le dépassement de la parenté, pour l’élargissement du réseau à la société. Des relations qui impliquent symboliquement la parenté sont ainsi réintroduites entre camarades de tontine à travers la pratique des « marrainages » (ndeyele et denbadiala au Sénégal et au Mali) ou du ndeye dické (au Sénégal). Le fait de nommer en position de mère (ndeye ou

denba) une camarade de tontine pour une cérémonie familiale est très courant et vécu

comme une marque d’honneur.

Les tontines ne sont pas des « maisons » au sens lévi-straussien, en ce sens qu’au-delà d’un petit capital gardé en propre elles ne possèdent pas de biens matériels et immatériels. Et qu’elles n’ont pas, contrairement aux maisons, de liens entre elles,

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structurant de manière englobante la société. Mais on verra que dans les modes de recrutement de leurs membres, elles utilisent des mécanismes similaires de dépassement de la parenté :

« même quand leur noyau est d’essence lignagère, elles intègrent sans difficulté des membres supplémentaires recrutés sur la base de l’alliance matrimoniale, de la parenté cognatique, du patronage économique ou du parrainage politique » 152.

On soulignera et on illustrera ainsi, avec l’usage à la fois métaphorique et analytique de la notion de réseau, la souplesse des tontines et des cérémonies qui, de la parenté au voisinage, et jusqu’aux relations de travail, intègrent un grand nombre d’individus dans un tissu social serré.

d) L’analyse des réseaux sociaux et ses limites

Au-delà de la métaphore, le concept d’analyse des réseaux sociaux prend aujourd’hui la forme d’un outil de connaissance permis notamment par le développement de logiciels informatiques adaptés. En plein essor parmi les sociologues et les historiens, cette analyse correspond à la mise en œuvre d’un ensemble de concepts, de théories et d’outils graphiques qui consistent à prendre pour objets d’étude non pas les attributs des individus ou les structures sociales, mais les systèmes de relations et la position des individus dans ces systèmes 153. Ainsi, la structure sociale n'apparaît plus seulement comme le résultat de normes et des attributs rapportés aux acteurs sociaux, elle est aussi dépendante de la position des acteurs qui la forment et de leurs interactions. Cette position peut déterminer leurs opportunités et leurs contraintes, et jouer sur l'allocation des ressources sociales et économiques. Dans le cas des tontines, on va voir par exemple que la mise en œuvre de réseaux financiers activés permet de diminuer l’impact des cérémonies sur le budget des familles, et l’on étudiera aussi, à travers le concept de réseau, le rôle économique de la parenté. Le propos de l’analyse

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C. LEVI-STRAUSS, 1984, op.cit, p. 200.

153 J'ai découvert plus précisément ce courant épistémologique dit « Analyse des réseaux sociaux » (Social Network Analysis) en participant à un séminaire thématique du CNRS organisé à Cargèse en Corse du 15 au 20 septembre 2008. Lire notamment A. DEGENNE et M. FORSE, Réseaux Sociaux, Paris, éditions Armand Collin, 2004. P. MERCKLE, Sociologie des réseaux sociaux, La découverte, 2004. K. HAMBERGER, M. HOUSEMAN et C.GRANGE « La parenté radiographiée : un nouveau logiciel pour le traitement et l’analyse des structures matrimoniales », L’Homme 191 (2009), pp. 107-137.

des réseaux sociaux est en effet de « restituer aux comportements individuels la complexité des systèmes de relations sociales dans lesquels ils prennent sens, et auxquels ils donnent sens. »154

Dans le cadre de ce courant épistémologique, la représentation en graphes des réseaux de relations étudiés permet de donner à voir un fonctionnement, puisque ces graphes montrent les interrelations ou les interactions entre les unités sociales : individus, institutions, événements etc., et que les liens entre les éléments du réseau représentent, sous formes d'arêtes, les relations qui vont de la simple connaissance à la relation matrimoniale, en passant par la transaction monétaire etc..

Un des écueils auquel se heurte la méthode de l’analyse des réseaux sociaux est celui de l’infinitude des réseaux relationnels, car « un réseau social n’a pas de frontières naturelles » 155. Les tenants de l’analyse des réseaux sociaux procèdent à des relevés exhaustifs d’ensembles de relations dont les limites sont souvent problématiques. En effet, d’après la théorie du Petit Monde, élaborée à partir d’une expérience de Stanley Milgram156, chaque individu sur terre est potentiellement relié à n’importe quel autre individu par une courte chaîne de relations. De même, on se représente assez facilement que les réseaux égocentrés, partant d’un individu vers ses relations et ainsi de suite (méthode dite boule-de-neige) peuvent rapidement s’avérer presque infinis. Une des solutions est alors de s’atteler à la description des relations au sein de groupes sociaux construits a priori sur des critères de classe sociale, de groupe d’âge, d’origine, de métier etc.. Une sociologie véritablement analytique et empirique des groupes sociaux ne devrait pourtant travailler sur l’existence de tels groupes que quand elle a découvert des réseaux finis de relations suffisamment denses entre un certain nombre d’individus. Le problème réside en fait dans la caractérisation du lien, qui apparaît elle-même comme un point encore critique de l’analyse des réseaux sociaux.

Car ces types de réseaux, s’ils existent, sont relativement rares, et se définissent par une forme d’échange réciproque. En ce sens, les tontines pourraient apparaître comme un cas d’école, de même par extension que d’autres institutions d’assistance mutuelle, comme la Sécurité sociale en France. Alain Caillé, dans sa recherche d’un Tiers Paradigme, entre individualisme et holisme méthodologique, auquel pourrait

154

P. MERCKLE, 2004, op. cit., p. 4.

155

A. DEGENNE et M. FORSE, 2004, op. cit., p. 17.

156 S. MILGRAM et J. TRAVERS, « An experimental study of the small world problem »,

correspondre une théorie aboutie des réseaux sociaux, a soulevé une deuxième limite de l’analyse des réseaux sociaux, qui me paraît en fait liée à la première. Il considère en effet que l’analyse des réseaux sociaux a pour défaut de se borner à la graphie et la description d’interactions, l’une et l’autre plus ou moins empiriques, mais d’interactions amputées du sens symbolique qui leur donne corps 157. Or ces lignes réticulaires, tracées dans l’abstraction de la sociographie, représentent en réalité des interactions dont il faudrait peut-être essentiellement définir la nature. En ce sens les observations et les réflexions sur le thème des tontines permettent de percevoir que, pour qu’elle ait un sens concret, la notion de réseau social devrait donc plutôt désigner un ensemble de personnes qui entretiennent entre elles des relations d’échanges, dans la mesure où, comme le dit Alain Caillé : « Cette alliance généralisée en quoi consiste les réseaux, aujourd’hui comme dans les sociétés archaïques, ne se crée qu’à partir du don et de la confiance »158.

En effet, et c'est l'une des leçons de Marcel Mauss dans l’Essai sur le don, la cohésion sociale s’entretient par la force symbolique de l’échange, et les réflexions d’Alain Caillé s’inscrivent d’ailleurs dans ce courant de la théorie du don. Cependant il faut pouvoir qualifier un peu plus cet échange. Si en effet on prend l’échange au sens commercial du terme, on risque facilement de retomber dans le piège de l’infinitude, à partir du moment où l’on essaye de restituer un réseau. L’échange effectué pour sceller une relation ou une interrelation doit contraindre au lien, impliqué par une « obligation de rendre » différée. Or c’est justement cette obligation différée qui se trouve annulée dans le cadre d’une transaction commerciale. L’échange doit donc avoir cette force symbolique, qu’il soit matériel ou immatériel, pour contraindre à une relation directe ou indirecte. Reste à savoir ce qui fait la force symbolique contraignante d’un échange. Au-delà du constat selon lequel on serait tous dans liés les uns aux autres de manière abstraite (Milgram), l’analyse des réseaux sociaux ne peut qu’être associée à une réflexion anthropologique pour offrir l’espoir de parvenir à caractériser le lien vécu et structurant des paysages relationnels. Michel Bergès dans son article consacré à la notion de réseau en Anthropologie, relève les contradictions dans la pensée structuraliste, en soulignant que les « maisons » des Indiens Bororo décrites par Claude Lévi-Strauss ressemblent davantage à « une institution plus relationnelle, en termes de

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A. CAILLE, Anthropologie du don, Le Tiers Paradigme, Paris, Editions Desclée de Brouwer, 2000, p. 60.

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réseaux, qu’à un code symbolique objectif, abstrait, qui programmerait de façon univoque et inconsciente les individus d’une société élargie »159. Pour ma part, je