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Partie 5 : Études empiriques

2. Méthodologie employée et validations proposées

4.2. Axe 2 : De quels types de savoirs la pratique anecdotale est-elle le support ?

4.2.3.1. Niveau analytique

Concernant les savoirs de niveau analytique, les données analysées concernant le type de savoir « nature de la difficulté » indiquent plusieurs résultats : La nature de la difficulté est un savoir toujours formulé lors de l’interaction initiale (100% des anecdotes contiennent un savoir de ce type) qui est souvent reformulé (4 fois sur 5) mais jamais émergent. Par ailleurs, le taux de liaison existant entre ce type de savoir et une provenance émergente indique une forte répulsion. Ces résultats peuvent être interprétés comme le fait que la nature de la difficulté est centrale dans l’analogie entre épisode déclencheur et remarquable.

Dans ce même niveau, les autres types se distribuent de façon moins nette : 25% à 54 % de ces savoirs analytiques sont non reformulés (minima : 25% de difficultés annexes, maxima : 54% de savoirs généraux), 31% à 50% de savoirs reformulés (minima : 31% de savoirs généraux, maxima : 50% de conséquences de la difficulté et de difficulté annexe), et 6% à 25% de savoirs émergents (minima : 6% de conséquences de la difficulté, maxima : 25% de difficulté annexe)(cf.

130 facteur aggravant 45% 41% 14% non reformulés reformulés émergents caractéristique 37% 42% 21% savoirs généraux 54% 31% 15% nature 20% 80% 0% conséquence 44% 50% 6% difficulté annexe 25% 50% 25%

Figure 11 : Pourcentages des savoirs analytiques selon leurs origines

Toutefois, compte tenu des faibles effectifs recueillis (cf. Figure 12), il faut prendre ces

proportions prudemment. Facteur

aggravant Nature Caractéristique Conséquence général Savoir Difficulté annexe Non

reformulés 10 3 7 8 7 1

Reformulés 9 12 8 9 4 2

Émergents 3 0 4 1 2 1

131 4.2.3.2. Niveau opératif

Les effectifs obtenus pour le niveau opératif (cf. Figure 13) sont limités (39 savoirs). Une

catégorie apparaît cependant très nettement : il s’agit des règles d’action reformulées, 22 savoirs sur 39. Ce type d’informations (« ce qu’il faut faire dans cette situation ») correspond à l’essentiel du

message que souhaitent transmettre les instructeurs.

Règle d’action Condition d’usage Risque associé

Non reformulés 1 0 0

Reformulés 22 0 2

Emergents 4 7 3

Figure 13 : Tableau des effectifs des savoirs de niveau opératif

Chaque catégorie est composée très différemment (cf. Figure 14). Le graphique

représentant la provenance des conditions d’usage est biaisé par le fait qu’il n’y ait pas eu d’énonciation de ce type in situ : cela rend donc impossible le fait que des savoirs de ce type aient

pu être rappelés. Ainsi, les conditions d’usage sont des savoirs à 100% émergents, c’est-à-dire construits par le récepteur pour spécifier une règle d’action qui lui a été transmise de façon générale. Cela peut s’expliquer par le fait que le récepteur teste les règles d’action transmises et qu’il parvient à construire des conditions d’usage adjacentes à la règle d’action grâce à un travail réflexif. règle d'action 4% 81% 15% non reformulés refomulés émergents

condition d'usage risque associé

0%

40% 60%

132 4.2.3.3. Niveau réflexif

Les effectifs du niveau réflexif (cf. Figure 15) sont plus importants que ceux du niveau opératif.

Métaconnaissances Généralisation Apprendre de l’expérience

Non reformulés 16 12 8

Reformulés 9 37 6

Emergents 8 14 6

Figure 15 : Tableau des effectifs des savoirs de niveau réflexif

La distribution dans les modalités d’énonciation (cf. Figure 16) est assez stable pour deux

catégories d’entre eux : les métaconnaissances et les savoirs concernant l’apprentissage par l’expérience :

40% et 49% de savoirs non reformulés, 27% et 30% de savoirs reformulés, 24% et 30% de savoirs émergents. métaconnaissance 49% 27% 24% non reformulés reformulés émergents généralisation 19% 59% 22% apprendre de l'expérience 40% 30% 30%

Figure 16 : Pourcentages des savoirs réflexifs selon leur provenance

Les savoirs liés aux mécanismes d’apprentissage par l’expérience sont liés favorablement (taux de liaison = 0,85) à la modalité d’émergence, ce qui peut indiquer que ceux-ci sont construits par le récepteur à partir de sa propre exploitation de l’épisode. Les savoirs de généralisation, c'est-à-dire les savoirs où il y a projection dans des situations proches sont les plus nombreux du niveau à être reformulés (59%).

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Les niveaux opératif et analytique étant déjà connus et étudiés par la littérature (notamment par Wagemann & Percier, 1995), les savoirs de niveau réflexif ont subi une analyse qualitative de contenu plus poussée.

La pratique anecdotale est l’occasion de se projeter dans de nombreuses situations (de 1 à 8

situations différentes par anecdote), de prendre conscience de certains mécanismes d’apprentissages liés à l’expérience (de 0 à 5 mécanismes différents par anecdote) et d’identifier des métaconnaissances dans l’activité (de 0 à 4 par anecdote). Les savoirs de niveau réflexif sont verbalisés plutôt en fin d’anecdote in situ ou en fin d’entretien.

Le partage collectif des épisodes expérientiels permet une meilleure connaissance individuelle de l’activité. La pratique anecdotale est associée par les récepteurs à certaines de ces

pratiques d’exploitation de l’expérience (parmi les moins organisées) : 4.2.4. Analyse détaillée du niveau réflexif

 Constater chez l’autre une pratique réflexive et la mise en place de nouvelles habitudes,  Réfléchir à sa pratique suite à la confrontation à une situation inhabituelle,

 Réfléchir à sa pratique suite à des discussions,  Comprendre l’intérêt des cas d’école,

 Être informé par un plus expert que soi d’une expérience marquante qu’il a vécue,  Être prévenu par un pair à propos d’une expérience marquante qu’il a vécue,  Mettre en place une nouvelle règle d’action grâce à l’expérience racontée d’un pair,  Compléter la formation théorique en analysant l’expérience des autres,

 Comparer les situations pour construire la meilleure solution,

 Élargir sa compréhension des risques associables à un type de difficulté.

Ces récits d’épisodes remarquables sont donc une occasion de réfléchir aux moyens d’analyser l’expérience et d’en tirer des ressources pour la pratique. Il existe également la possibilité de penser après coup à une anecdote en lien avec une difficulté rencontrée : l’anecdote participe alors à l’analyse a posteriori de la difficulté.

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Ces savoirs réflexifs concernent une meilleure connaissance de soi et de ses capacités :  Identifier le risque de se tromper par excès de confiance,

 Connaître ses performances selon son degré de stress et apprendre à le gérer,  Savoir analyser ses difficultés,

 Identifier ses limites ou les ressources à mettre en œuvre face à la difficulté,

 S’attendre à des retournements de situations ou anticiper pour gérer des problèmes éventuels,

 Appliquer en priorité les solutions en faveur de la sécurité identifiées préalablement,  Prendre conscience des ressources qui doivent être mises en œuvre pour appliquer les

procédures théoriques,

 Envisager que les premières actions engagées peuvent ne pas suffire,  Soigner la préparation des vols ou être plus attentif à certains détails,  Mieux comprendre les situations ou effectuer des actions de contrôle,  Agir en situation dégradée.

Ou encore l’interaction avec l’équipe :

 Rester critique sur les performances de son équipe ou avoir une méfiance nécessaire avec les autres intervenants du système,

 Agir en cohérence avec le reste de l’équipe ou considérer les ressources de l’équipe et pas seulement les siennes pour réaliser une meilleure performance,

 Prendre en compte l’impact que peuvent avoir les échanges sociaux sur l’activité.

Les émetteurs ajoutent qu’un des buts pédagogiques visés est de construire un référentiel de règles d’action efficaces à partir de la diversité des situations rencontrées. Cette construction se réalise grâce à une sélection des épisodes expérientiels rencontrées (récits expérientiels ou épisodes

personnels). La résistance au conditionnement illustre bien la nécessité de se créer un référentiel en réfléchissant et en triant les expériences : cette résistance est notamment évoquée lors des

anecdotes 6 et 7. Ces deux épisodes concernent la gestion identique de deux situations proches et

dont le résultat n’a pas été évalué de la même façon par le supérieur de l’émetteur : dans le premier cas, l’émetteur s’est vu reprocher une gestion trop « prudente » de la situation, alors que dans le deuxième cas, il a été félicité pour sa gestion des risques ad hoc. La première évaluation

aurait pu décourager l’individu de renouveler son choix dans une situation similaire, mais il a décidé de considérer cette première évaluation comme non pertinente pour son activité, et a donc agi de la même façon lorsqu’une situation similaire s’est présentée.

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4.3. Axe 3 : La bibliothèque d’épisodes construite par la pratique