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Comme spécifié ci-dessus, malgré les demandes répétées de l’AMIG dès la fin 2003, la direction des HUG n’a initialement pas souhaité collaborer avec les principaux concernés à savoir les médecins assistants et les chefs de service. Elle a élaboré de manière unilatérale ses directives d’application.32 Suite à la diffusion de ce document ainsi que celle de sa

« synthèse » (annexe 11), l’AMIG et la DRH se sont rencontrées à plusieurs reprises afin d’évoquer ensemble leurs contenus. Sans entrer dans les détails, l’AMIG a fait part de son désaccord sur l’interprétation de plusieurs points de la loi figurant dans ces documents et surtout de la non application de ceux-ci dans les services. La DRH a précisé à cette occasion que « son rôle dans la mise en vigueur de la LTr est de proposer au comité de direction, pour validation, le cadre ainsi que les modes d’application de la loi et d’en assurer ensuite le contrôle. La hiérarchie reste garante et responsable de la mise en vigueur aux seins des services » (annexe 12). Cette phrase résume parfaitement la situation ubuesque des rapports entre l’AMIG et la DRH : tout résultat de négociation entre ces deux partenaires doit être validé par le comité de direction occasionnant des pertes de temps importantes et des illusions souvent déçues d’une part, d’autre part l’application des décisions de la DRH, prises en accord ou non avec les partenaires représentant le personnel, n’ont aucune garantie d’être mises en œuvre dans les services. Il incomberait néanmoins à la DRH d’assurer un contrôle de l’application des ses directives, rôle qu’elle se refuse à endosser pleinement ne souhaitant pas s’immiscer dans le fonctionnement des divisions et des services.

Suite à la réponse des chefs de service au courrier de la DRH leur demandant quels étaient leurs besoins en postes pour appliquer la LTr, la direction des HUG a approuvé la création de 30 postes médicaux supplémentaires sur les 60 demandés. Les critères de répartition ne sont pas connus de l’AMIG.

Devant le refus de la DRH de créer une commission paritaire consacrée au suivi de l’implémentation de la LTr aux HUG, refus motivé par l’absence de pouvoir décisionnel d’un tel organe, les désaccords profonds sur l’application de la LTr et la stagnation du dossier, ainsi que la persistance de conflits du travail entre les médecins et les HUG antérieurs à la LTr, l’AMIG a décidé de solliciter l’OCIRT (annexe 13) et le seco (annexe 14) en dénonçant le non respect des accords antérieurs à 2005 et surtout le non respect de la LTr aux HUG.

Devant les faits relevés par l’AMIG, l’OCIRT a décidé de transférer le dossier devant la Chambre des Relations Collectives de Travail (CRCT).

Mais qu’est ce que la CRCT ? Comment fonctionne-t-elle? Quelles sont ses compétences ? La CRCT est composée d’un président et de 4 juges assesseurs (2 employeurs et 2 salariés) nommés par les juges prud’hommes. La CRCT, ne s’occupe que des conflits collectifs concernant les conditions de travail, c’est-à-dire lorsque, en principe 6 salariés au moins sont directement concernés.

Elle prévient et concilie les différents d’ordre collectif concernant les conditions de travail, y compris l’application de la loi fédérale sur l’égalité, suscite la conclusion de conventions collectives de travail (CCT), édicte des contrats types de travail (CTT) d’office ou sur la

proposition d’intéressés, juge les litiges, comme instance judiciaire cantonale unique dans le limites fixées par la loi et tranche les différents collectifs en tant que tribunal arbitral public.

Les deux parties en conflit peuvent chacune requérir une conciliation de la CRCT. L’accord accepté par les deux parties est alors signé conjointement et déploie les effets d’un jugement exécutoire. En cas d’échec de la conciliation, la Chambre peut émettre une recommandation. Si elle est refusée, le Conseil d’Etat peut, exceptionnellement, désigner un médiateur ou tenter lui-même une conciliation. La Chambre se saisit d'office lorsque la situation sociale le rend nécessaire.

La Chambre est compétente pour trancher tout litige relatif à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective de travail (CCT), à la demande des parties contractantes d'une CCT ou de l'une d'entre elles. De même, elle peut juger tout litige concernant les rapports de travail soumis par une organisation professionnelle ayant la qualité pour agir selon le droit fédéral. Le jugement est exécutoire, sous réserve du recours au Tribunal fédéral.

Enfin, lorsque les deux parties en conflit le souhaitent (associations d’employeurs et de salariés ou l’employeur avec ses salariés et inversement), elles peuvent demander un arbitrage (concernant des salaires par exemple). La sentence de la Chambre est alors équivalente à un jugement et ne peut faire l’objet d’un recours sur le plan cantonal.

Les débats en conciliation ont lieu à huis clos. Au surplus, les membres de la Chambre sont tenus de garder le secret absolu sur les renseignements, documents et autres pièces dont ils ont connaissance dans leurs fonctions.

Jusqu’à la fin de la procédure de conciliation, et sous peine d’amende en cas de violation, les parties doivent s’abstenir de toute médiatisation et de toutes mesures de combat telles que suspension générale ou partielle du travail, grève, lock-out ou boycottage. Toutefois, après consultation des parties, la Chambre peut renseigner le public par voie de communiqué de

presse sur l’état de la procédure de conciliation

(www.geneve.ch/ocirt/relation_travail/conflits_collectifs.asp)

Comme spécifié dans son règlement, il n’est pas possible d’évoquer ici le contenu des négociations toujours en cours de devant la chambre puisque les parties sont soumises à la confidentialité des débats. Il est cependant permis, à la lecture du descriptif ci-dessus, de tirer certaines informations intéressantes.

Il paraît évident que conformément à ses compétences, la CRCT s’est saisie elle-même du dossier puisque ni l’AMIG ni les HUG ne l’ont sollicitée. Il a donc été estimé que la

« situation sociale » rendait cette saisine nécessaire. La convocation de l’AMIG et des HUG par une instance judiciaire est une révolution dans les rapports qu’entretenaient jusqu’alors ces partenaires. Pour la première fois, les négociations entre l’institution et l’AMIG quittent les murs des HUG pour être évoqués devant un tiers. Cette évolution des rapports entre partenaires n’est pas anodine et si elle peut éventuellement apporter un nouvel équilibrage des forces, elle a surtout pour but de tenter de débloquer une situation figée par des mois de négociations infructueuses entre des partenaires fatigués voire lassés, et qui ont parfois pu perdre leur capacité à négocier de manière fructueuse et sereine.

Si la convocation des parties a surpris autant les HUG que l’AMIG, il faut admettre que pour cette dernière cette voie juridique présente l’avantage essentiel qu’elle évite à l’un de ses membres de déposer un dossier devant les prud’hommes, une démarche individuelle qui au vu des contrats annuels des médecins pourrait s’assimiler à un suicide professionnel.

Par contre, comme relaté dans le descriptif ci-dessus, on se rend compte de manière évidente que cette juridiction est moins « tranchante » que la justice des prud’hommes puisque qu’elle a pour but principal d’amener les partenaires à la conciliation.

Conformément à la demande de la Chambre, l’AMIG a constitué un dossier relatant de manière formelle ses prétentions et les violations de la LTr observées aux HUG (annexe 15).

Le 27 mai 2007, soit après plus de 15 mois de procédure, la CRCT a donné raison à l’AMIG sur les points relatifs à la non compensation des heures supplémentaires 2004 soit antérieures à l’entrée vigueur de la LTr. Elle demande aux HUG soit de compenser financièrement les heures de travail effectuée, soit de motiver individuellement à chaque médecin les raisons de la non compensation. Ces recommandations de la CRCT (annexe 16) ont ouvert une nouvelle ère au sein des HUG puisque désormais, si la hiérarchie aura toujours le droit de ne pas reconnaître les heures de travail supplémentaires effectuées, elle sera astreinte à en expliciter les motifs individuellement aux médecins concernés. Ce qui peut sembler évident et qui existe dans toute entreprise, aura nécessité aux HUG une procédure de près de deux ans et la dépense de plusieurs milliers de francs (frais juridiques) pour finalement obtenir le respect du travail accompli et donc un peu plus de respect pour les médecins assistants.

En ce qui concerne les violations de la LTr, la CRCT a renvoyé le dossier devant l’OCIRT qui courant de l’été 2007 a effectué une enquête au sein des HUG afin d’objectiver les violations dénoncées par l’AMIG.

En date du 14 septembre 2007, l’OCIRT a rendu son rapport (annexe 17), confirmant les nombreuses violations de la LTr constatées par l’AMIG et enjoignant les HUG à modifier leurs procédures dès le courant 2008. Sans entrer dans les détails, l’AMIG a salué ces conclusions, mais estimant que les exigences à l’encontre des HUG pour enfin appliquer la LTr aux médecins assistants étant trop laxistes en terme de délai principalement, l’AMIG a dénoncé cette situation au seco à Berne, autorité supérieure de l’OCIRT (annexe 18).

Finalement, devant les pressions du seco et de l’OCIRT, les HUG ont édité un nouveau règlement d’application de la LTr (annexe 19), conforme au texte de loi, devant entrer en vigueur au 1er octobre 2008. Les HUG devraient ainsi devenir l’un des derniers hôpitaux suisses à se conformer à la LTr, entrée en vigueur au 1er janvier 2005. Affaire à suivre…

10. LA DUREE HEBDOMADAIRE DU TRAVAIL DES MEDECINS AILLEURS DANS LE