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NEED + NOT

It is the final proof of God's omnipotence that He need not exist in order to save us.

Peter de Vries

NEED est entré tardivement dans le système des auxiliaires de modalité. On sait en effet que ce verbe n’appartenait pas à la classe fermée des prétérito-présents, dont sont issus tous les autres modaux contemporains. De manière intéressante, son intégration au sein du système s’effectue alors que ce dernier se met en place, à partir du 14ème siècle, et en particulier au moment où MUST perd sa valeur de prétérit modal pour exprimer une contrainte à part entière. Quelles que soient les motivations qui expliquent l’apparition d’un nouvel auxiliaire sur le plan diachronique, ce chapitre cherchera à montrer, qu’en anglais contemporain, NEED peut s’analyser comme un marqueur de l’Extérieur du domaine notionnel auquel renvoie MUST. Dans une première partie, ce sont les emplois dits « radicaux » de NEED qui seront examinés, en comparaison avec MUST. Il s’agira, d’une part, de montrer que NEED n’est pas à proprement parler une « forme supplétive » de MUST, et d’autre part, d’expliquer pourquoi les emplois de l’auxiliaire sont incompatibles avec les contextes non-assertifs. Cette première partie prendra pour point de départ les énoncés interrogatifs. C’est en effet uniquement dans ce type de contexte que NEED et MUST peuvent éventuellement commuter. L’étude des interrogatives servira ainsi à mettre en évidence la différence entre ces deux marqueurs avant de les étudier dans leur rapport de complémentarité. Dans une seconde partie, je traiterai le cas des emplois épistémiques. Pour ce qui concerne les différentes valeurs, il faut reconnaître que NEED n’a jamais vraiment fait l’objet d’un développement aussi important que les autres modaux. Il est même vrai qu’il a souvent été traité de manière assez sommaire par les auteurs anglophones auxquels j’ai fait référence plus haut (Palmer, Coates, Leech).

Lorsqu’il est traité, néanmoins, ces auteurs limitent leur analyse de NEED à deux types de contexte : déontique (levée d’une obligation) et épistémique (construction d’une contingence par négation d’une nécessité logique). Cette approche binaire est toutefois incomplète. P. Larreya (1984) reconnaît également un emploi implicatif qui, comme on le verra, se démarque clairement des emplois déontiques et épistémiques, notamment en raison d’une relation interpropositionnelle. De même, P. Cotte (1988) commente un ensemble d’exemples qui expriment une non-nécessité objective. C’est autour de ces quatre emplois que s’organisera ce chapitre.

1 LES PROPRIETES SYNTAXIQUES

On sait que NEED et DARE sont en partie comparables. Ils se distinguent notamment des autres modaux par le fait qu’ils peuvent fonctionner parfois comme des auxiliaires à part entière, et parfois avec la syntaxe d’un verbe lexical. Ces deux marqueurs ont, en outre, pour point commun de n’être employés que dans des contextes non-assertifs, comme je vais le rappeler. Néanmoins, leurs comportements morphosyntaxiques ne sont pas totalement analogues. On verra effectivement que DARE ne peut pas se ramener à deux cas de figure bien délimités. Pour NEED, en revanche, un examen morphosyntaxique permet de distinguer deux types d’emplois, auxquels correspondent des valeurs sémantiques différentes. Voici un bref rappel des caractéristiques de l’auxiliaire.

1.1 LES CRITERES MORPHOSYNTAXIQUES

La morphosyntaxe de l’auxiliaire correspond à celle des autres auxiliaires modaux :

- Pas de désinence –s au présent pour la troisième personne : - La négation de type NOT peut être enclitique.

- La forme interrogative se construit par inversion de l’ordre sujet – modal.

Etc.

Une autre caractéristique ressort lorsque l’on observe le comportement de NEED dans les contextes passés : employé comme auxiliaire, NEED ne se rencontre en effet jamais sous la forme “needed”. Il apparaît bien dans des contextes révolus, notamment dans du discours rapporté ou discours indirect libre, mais toujours sous la forme “need”44 :

Discours indirect :

(178) In the afternoon the rain came on again, and Marian said that they need not work any more. But if they did not work they would not be paid; so they worked on.

http://www.blackmask.com/olbooks/tessd.htm Discours indirect libre :

(179) Mrs Brooks, thinking that the speaker was coming to rush out of the door, hastily retreated down the stairs. She need not have done so, however, for the door of the sitting-room was not open.

http://www.blackmask.com/olbooks/tessd.htm Cette particularité est d’autant plus intéressante qu’elle s’observe également avec MUST, renforçant ainsi l’idée que les deux marqueurs relèvent du même domaine notionnel.

44 À propos du parallèle avec MUST, et notamment au sujet de l’hypothèse d’un phénomène d’haplologie, voir O. Jespersen, 1931, p. 11.

1.2 NEED : CONTEXTES NON-ASSERTIFS

Si NEED auxiliaire a un comportement syntaxique semblable aux autres modaux sur bien des points, il présente également une différence essentielle : celle de ne pas pouvoir apparaître dans des contextes assertifs positifs. On ne peut effectivement accepter un énoncé tel que : *She need come. Alors que Need she come ? ou She needn’t come ne posent aucun problème. À côté de ces deux cas clairement identifiables, on voit également NEED apparaître dans tout un ensemble d’énoncés qui, bien que ni interrogatifs ni négatifs, ne peuvent être considérés comme assertifs :

Contextes à valeur hypothétique :

(180) If you need call us Toll free at (888) 861-0111 and we’ll direct you http://www.worldwidefishing.com/northcarolina/b721/index.html Contextes où la proposition principale véhicule une négation ("negative raising") :

(181) I don't think he need trouble overmuch about that.

http://www.sfw.org/books/attic.html Contextes où l’on a affaire à une négation préconstruite en raison d’un adverbe :

(182) Head To Head Training programmes are flexible, you need only stay on the programme for the time you need to train.

http://www.htht.co.uk/services.htm Une négation affecte un des groupes nominaux de la proposition :

(183) We have built enough liveboards to permit casual use: they have been placed in ordinary conference rooms and open areas, and no one need sign up or give advance notice before using them.

http://www.ubiq.com/hypertext/weiser/SciAmDraft3.html Un comparatif ou d’un superlatif :

(184) “You did try for domesticity once. You need not give up on that dream, any more than I need give up on my dream to have a child of my own”. [MA]

Et on peut bien évidemment menionner le cas de marqueur négatifs autres que NOT :

(185) Little need be added to what has already been said.

http://www.augustana.ab.ca/~emmer/Texts/harvard_lecture2_1923.html La notion de « contextes non-assertifs » n’est généralement définie qu’en extension, en proposant une liste de contextes (comme je viens de le faire). Néanmoins, ces contextes ne se limitent pas à la présence de marqueurs négatifs. Il pourra s’agir d’interrogatives ou d’hypothétiques, ou encore, de manière plus générale, de contextes qui se caractérisent par un préconstruit négatif. De manière plus formelle, on pourra montrer que NEED est un marqueur représentatif de l’Extérieur du domaine notionnel de la nécessité. On peut ainsi parler de polarité négative, pour souligner cette affinité avec l’Extérieur du domaine. Une des raisons qui justifient ce choix est que, dans le cas des interrogatives, on trouve aussi bien des occurrences de NEED que de MUST ; mais on verra que NEED, à la différence de MUST, est orienté vers le négatif. Il s’agira en outre de décrire l’opération qui rend compte de cette polarité négative.

1.3.1 NEED : FORME SUPPLETIVE DE MUST ?

La question centrale de cette section sera la suivante : comment rendre compte de l’impossibilité de trouver NEED auxiliaire dans des énoncés assertifs affirmatifs ? Avant de répondre à cette question, je commencerai par revenir sur la complémentarité sémantique de MUST(+NOT) et NEED(+NOT). L’analyse de la portée de la négation révèle qu’avec MUST+NOT, il ne s’agit jamais de négativer une nécessité. En revanche, NEED+NOT s’interprète systématiquement comme l’expression d’une

« non-nécessité ». Le système modal de l’anglais offre donc deux formes complémentaires pour exprimer ces deux négations: MUST+NOT pour la « nécessité de ne pas », et NEED+NOT pour « la non-nécessité ». Partant de cette symétrie, et de la constatation qu’il est impossible pour MUST+NOT d’exprimer une « non-nécessité », P.

Larreya formule l’idée selon laquelle, pour MUST :

« [NEED] sert en quelque sorte de substitut, à la forme négative, lorsque la négation porte sur la nécessité (et non l’événement), et dans certains cas à la forme interrogative . »

(P. Larreya,1984, p. 341, c’est moi qui souligne) On retrouve une idée similaire chez R. Quirk et al. (1972, pp. 385-394), ainsi que chez M. Perkins (1983, p. 29), qui présente NEED “as a suppletive form of MUST”.

Soulignons cependant qu’en appréhendant les données de cette manière les variations sémantiques sont réduites à un jeu de « formes », où NEED se « substitue » à MUST. Toutes les analyses syntaxiques confirment effectivement ce phénomène. Cependant, la dimension descriptive adoptée dans ce cas ne permet de rendre compte ni des opérations en jeu pour chacun de ces marqueurs, ni des incompatibilités distributionnelles qu’elles entraînent. En d’autres termes, elle ne permet pas de comprendre pourquoi l’auxiliaire NEED est incompatible avec les orientations positives.

En outre, parmi les critiques que suscite l’idée de forme supplétive, il en est une qui se présente assez naturellement : NEED auxiliaire a des emplois non-supplétifs. C’est le cas dans les énoncés interrogatifs, où à la fois NEED et MUST sont envisageables. Ils ne sont cependant jamais exactement équivalents. En effet, comme cela a pu être souligné, ces deux modaux, bien que proches par leur sens dans les contextes interrogatifs, diffèrent au niveau de leur orientation :

« […] à côté de must I on aura need I listen ? Mais alors nous retrouvons une distinction connue :