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NEED ET MUST : FORME INTERROGATIVE

Need I penche d'emblée vers la réponse you needn't»

2 NEED ET MUST : FORME INTERROGATIVE

Concernant l’orientation négative de NEED dans les énoncés interrogatifs, on pourra prendre comme illustration les exemples suivants :

(186) “Continue,” said M. de Bellegarde. Newman lifted a finger and made it waver a little in the air.”

“Need I continue? You are trembling.”

http://www.ncteamericancollection.org/american_text_chapter21.htm (187) I visited Ireland a few years ago with my sister Louise and we both realised how Irish our family looks. [. . .] My mother was a teacher [. . .] who gave both up in the spirit of the times to raise the family. She was twenty-four when she gave birth to me, and in the ten years that followed my arrival she gave birth to four more girls and a boy. Need I add my parents were Catholic?

http://www.ozemail.com.au/~ghostv/catholic.html Dans 186, le contexte permet d’appuyer l’idée d’une orientation négative. En effet, la remarque you are trembling conduit à la conclusion : I shouldn’t continue. Pour 187, les renseignements fournis en amont − famille originaire d’Irlande, mère de famille nombreuse − frayent l’information “ my parents are catholic ”, et explique la prétérition construite par NEED. Encore une fois, on anticipe une réponse négative. Voici d’autres exemples, apparaissant dans des contextes plus restreints :

(188) Online Backtalk – need I remind you of Tim Allen????

(189) Lisette – Hanson…Need I say more? Tonnes of pics – old and new!

Cannerheim, Christoffer Tjalle – This is my homepage. Need I say more???

(190) O’Brien, Will – for where art thy instinct of thought. For never did a funny thing happen on the way to the misanthropic forum of Idiots and fishmongers. Need I digress…..no, just to rest.

(191) Superman’s Fortress of Solitude dedicated to Teri Hatcher – need I say more? I think not. In all my years she is without a doubt my favorite Lois.

(20 à 23: descriptifs de sites Internet) Les données contextuelles sont limitées, mais les conclusions auxquelles on aboutit sont identiques. Les exemples 188 et 189 sont ponctués par une série de points d’interrogation qui donnent à la question une valeur emphatique, et même fortement rhétorique. Pour 190 et 191, la réponse vers laquelle tend la question est littéralement donnée : “no”, et “I think not”.

Avant d’étendre cette analyse à la forme négative, je vais m’arrêter sur la question des interrogatives en MUST. Il s’agira de mettre en évidence le fait, qu’avec MUST, on construit une opération de parcours à part entière, où le co-énonciateur conserve, à la différence de NEED, un certain libre arbitre.

2.1. MUST : LAJUSTEMENT INTERSUBJECTIF

Les interrogatives en MUST apparaissent dans des contextes manifestement différents. Les occurrences trouvées sur Internet fournissent des exemples assez révélateurs de la différence entre ces deux types d’interrogatives.

(192) In Reply to: Must I Evacuate Using Vacuum ? posted by Joe Clarke on July 21, 1997 at 16:45:29:

Joe,

Do evacuate the system with a good vacuum pump. If you’re switching over to R-134a it is more important than ever to get rid of all moisture and non condensable gasses.

www.aircondition.com/wwwboard/messages/1449.html (193) PAIN: Must People Suffer?

DR. BORSOOK : Chronic pain is the issue; we don't know very much about it at a basic science level. I have examples of two patients, one of whom is mine.

www.med.harvard.edu/publications/On_The_...mber3/Pain.html Il est intéressant de remarquer que les questions sont ici accompagnées d’une réponse. Nous avons vu que cela n’était pas le cas pour les interrogatives en NEED,pour lesquelles aucune réponse n’était véritablement attendue. Or, avec MUST, il apparaît que les questions qui sont posées attendent véritablement une réponse. Il ne s’agit pas de questions rhétoriques. La question de l’exemple 192 attend de toute évidence une réponse de la part du conseiller qui travaille pour ce site. Dans l’exemple suivant, on ne sait pas exactement qui a formulé la question, mais il est à supposer que celui qui en est à l’origine est également celui qui y répond. Le fait que le rapport intersubjectif soit ici simulé ne change rien au problème. Cela confirme au contraire le rôle du rapport intersubjectif qui accompagne les interrogatives en MUST. Fondamentalement, on comprend que l’opération sous-jacente demeure la même. On a, tout comme avec NEED, une question (donc un parcours de valeurs) qui a pour objet la notion de nécessité. C’est essentiellement sur le plan de la stratégie intersubjective que se distinguent ces deux types d’interrogative.

Je ferai une dernière remarque au sujet des interrogatives en MUST. Il a été souligné que NEED véhiculait une orientation négative. Cette idée se trouve être corroborée par les exemples étudiés plus haut. Cependant, si la sélection de NEED semble effectivement impliquer une orientation négative, on ne peut en revanche dire que c’est la notion d’orientation négative en soi qui sélectionne NEED. MUST est lui-même compatible avec des contextes du même type :

(194) Cut the fat. Cut the alcohol. Cut the nicotine. Cut the caffeine. Must you really give up your morning mug to stay healthy? Not according to the latest research.

http://www.northside.com/online_pubs/womenfirst/fall99/pg13.htm L’argument de l’orientation ne peut pas constituer un critère ultime de description en ce qui concerne la différence de ces deux marqueurs. C’est pourquoi il me semble préférable de ne retenir que le critère mentionné plus haut : le choix de conférer au co-énonciateur un rôle à part entière dans le cadre de l’échange intersubjectif qui accompagne l’interrogative, ou au contraire de lui refuser ce rôle. Pour résumer, je dirai que si MUST reste à tout moment compatible avec une réponse négative, en revanche, celle-ci est, comme le montre les exemples, prise en charge par NEED. Si NEED est effectivement un marqueur représentatif de l’Extérieur du domaine de la notion de nécessité, on peut comprendre qu’il soit employé dans les interrogatives à des fins

rhétoriques. MUST, en revanche, constitutif de l’Intérieur du domaine, permet de construire une équipondération. P. Cotte remarque ainsi qu’avec NEED :

« L’énonciateur pose une question rhétorique ; la réponse attendue est négative ; must I say more?, en revanche, serait plus facilement une question neutre. »

(P. Cotte, 1988, p. 668) On peut également rappeler la manière dont A. Culioli présente les propriétés de la structure en came :

« Cette importance primordiale de l’identification explique sans doute la structure en came, dont j’ai parlé ailleurs, c’est à dire le caractère privilégié du terme positif comme représentant d’une lexis qui n’est ni positive ni négative, mais compatible avec le positif ou le négatif. »

(A. Culioli, 1990, pp. 96-97, c’est moi qui souligne.) MUST correspond ainsi au terme non-marqué, compatible avec le positif comme avec le négatif, alors que NEED est la trace d’une prise de position de l’énonciateur par rapport au pôle négatif.

2.2. NEED : FORME INTERROGATIVE ET REPRESENTATION

Ici encore, je retiendrai comme définition formelle du nécessaire qu’il s’agit d’une modalité qui consiste à retenir un chemin (un possible) à l’exclusion de l’autre.

Cette définition nous donne à envisager deux types de représentation possibles pour le nécessaire. Rappelons la double acception qu’A. Culioli (1985) prête à ce concept :

« Dans le cas de l'argumentation ou de l'assertion qui est un constat, vous tombez dans le domaine de ce que j'ai appelé le ‘sans plus’.

Lorsque vous avez affaire au nécessaire, ce que vous ajoutez, c'est qu’il n'y a pas d'autre chemin.

p, p’ p

p’

Vous avez donc deux possibilités pour le nécessaire l'une qui consiste à avoir un chemin : p, p’ --- p’, l'autre qui consiste à avoir un seul chemin. »

On est ici concerné par le second type de nécessité : celui exprimé par MUST. Ainsi, pour prendre un exemple simple, où MUST exprime une contrainte déontique : You must tell him the truth. On voit qu’il ne s’agit pas seulement de poser la validation de

<you - tell him the truth> comme la valeur visée, mais également comme la seule valeur envisagée : i.e. la « bonne valeur », par élimination de l’autre (i.e. la valeur « non-souhaitable »). Cette valuation négative est représentée par une branche barrée vers p’ :

p p’

p, p’

On peut vérifier qu’on a bien affaire à la nécessité de type MUST, en considérant les deux types de réponses envisageables à partir d’une interrogative en NEED :

No, you’re right, I needn’t.

Need you leave now ?

Well, actually yes, I must (*need).

On est ainsi en droit de considérer que les interrogatives citées plus haut construisent un parcours sur deux valeurs complémentaires, le nécessaire et le non-nécessaire. Autrement dit, ces interrogatives remettent en question la nécessité de valider la relation prédicative. Il vient d’être rappelé que le non-nécessaire se construisait par l’exclusion d’un des deux cas de figure (p’ en l’occurrence). En revanche, en ce qui concerne le non-nécessaire − c’est à dire, dans le cas des valeurs déontiques,

« l’autorisation », la « permission », le « facultatif » − on va rétablir cette latitude en procédant à la réouverture du cas de figure qui était exclu. Cette réouverture ne se conçoit donc qu’en opposition avec l’état précédent, où la non-validation était exclue. On a alors construction d’une valeur complémentaire, qui ne se définit et ne s’interprète que relativement à l’Intérieur du domaine : i.e. la nécessité à laquelle renvoie MUST. Je représenterai ce passage du nécessaire vers le non-nécessaire de la manière suivante :

p p’ p p’

p, p’ p, p’

<I – Continue> NECESSAIRE <I – Continue> NON NECESSAIRE

INTERIEUR EXTERIEUR

L’énonciateur ne tranche pas entre l’Intérieur (MUST) et l’Extérieur (NEED+NOT). Il construit au contraire un « parcours » sur ces deux cas de figure possibles : validation<I – continue> NECESSAIRE ou validation de <I – continue> NON NECESSAIRE .

Pour pouvoir envisager ces deux possibles, le co-énonciateur part nécessairement d’une position décrochée : notée IE. Notons que cette opération peut également être construite avec MUST. On aura dans les deux cas parcours sur les deux pôles I et E du plan de validation :

<I – Continue> NECESSAIRE <I – Continue> NON NECESSAIRE

I E

IE

<I – Continue> NECESSAIRE / NON NECESSAIRE

En d’autres termes, partant d’une position décrochée (la notion de nécessité) le co-énonciateur va prendre en compte les différentes zones du domaine de validation. Ce parcours est orienté, en ce sens que c’est d’abord le pôle positif I (le nécessaire) qui est pris en compte (étape ). Si c’est cette zone qui est retenue par le co-énonciateur, on aura pour réponse l’assertion : You must continue. Si cette zone n’est pas retenue, le co-énonciateur poursuit son parcours (étape ). La deuxième étape du parcours orienté est le pôle négatif E (le non-nécessaire). Si c’est cette zone qui est retenue, on aura pour réponse quelque chose tel que : You needn’t continue. Enfin, le co-énonciateur peut, après avoir parcouru ces deux pôles, décider de ne s’arrêter sur aucun des deux. Il poursuit alors son parcours (étape ). Dans ce cas, on revient à la position de départ IE (ni nécessaire, ni non-nécessaire). La réponse sera alors de type : I don’t know. On est de nouveau en dehors du plan de validation.

NEED est ainsi directement rattaché au pôle négatif du domaine de la nécessité.

En employant NEED, l’énonciateur biaise l’interrogative, en ayant recours à un marqueur non neutre, car constitutif de l’Extérieur du domaine notionnel parcouru. À la différence des interrogatives en MUST où la forme interrogative invite le co-énonciateur à sélectionner une zone du domaine du domaine de validation entre nécessité et non-nécessité, les interrogatives en NEED marquent explicitement la prise de position de l’énonciateur par rapport au pôle négatif. Le « choix » du co-énonciateur est en ce sens totalement orienté, et son rôle d’arbitre est considérablement réduit.