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III.1.1 Lactate

Comme mentionné plus haut, pour pouvoir adéquatement fournir la quantité d’énergie nécessaire aux neurones, il n’est pas suffisant de simplement leur fournir des substrats énergétiques. Les astrocytes doivent aussi être capables de détecter les augmentations de l’activité neuronale et ainsi augmenter cet apport énergétique. Les astrocytes détectent l’activité neuronale via leur capacité à transporter le glutamate relâché dans la fente synaptique par le neurone présynaptique. Magistretti et Pellerin ont proposé que cette recapture du glutamate entraîne une augmentation de l’utilisation du glucose sous forme de glycogénolyse aérobique et de glycolyse dans les astrocytes pour produire du lactate. Le lactate produit dans les astrocytes est acheminé aux neurones où il sera converti en pyruvate par le lactate dehydrogenase (LDH) et oxydé pour produire de l’ATP (Magistretti and Pellerin 1999) ou pour la synthèse de glutamate et ainsi restaurer les stocks de neurotransmetteurs du neurone (Pellerin et al. 1998). Ils proposent ainsi un modèle l’ANLS résumé dans la Figure 5 ci-dessous (Pellerin and Magistretti 1994, Magistretti 2006).

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Adapté à partir de Magistretti 2006 et Bélanger et al. 2011 Figure 5 : Couplage métabolique et modèle de la navette astrocyte-neurone du lactate.

Les astrocytes couplés aux synapses glutamatergiques sont capables de détecter l’augmentation de l’activité neuronale par la recapture du glutamate via leurs récepteurs EAAT, ce neurotransmetteur est réacheminé aux neurones sous forme de glutamine. Les astrocytes, en contact étroit avec les capillaires sanguins transportent le glucose et l’entrepose sous forme de glycogène. En réponse à l’activation neuronale, les astrocytes acheminent le lactate provenant de la glycogénolyse et la glycolyse aux neurones qui l’utilisent pour répondre à leurs besoins énergétiques ou pour la synthèse de glutamate. Abréviations : (ADP) adénosine biphosphate, (ATP) adenosine triphosphate, (GS) glutamine synthase, (GLS) glutamate synthase, (GLUT) Glucose transporter, (EAAT) Excitatory amino acid transporter, (LDH) lactate déshydrogénase, Monocarboxylate transporter (MCT).

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Le modèle de l’ANLS est en opposition à l’hypothèse classique qui stipule qu’une augmentation de l’activité neuronale entraîne une augmentation de l’utilisation du glucose à la fois dans les neurones et les astrocytes en augmentant la glycolyse ainsi que l’oxydation aérobique du glucose pour générer de l’ATP. Plusieurs observations in vitro et ex vivo supportent l’hypothèse de l’ANLS, notamment le fait que les neurones en culture oxydent préférentiellement le lactate en CO2 plutôt que le glucose. Le lactate est capable de maintenir l’activité synaptique en absence de glucose ex vivo (Bouzier-Sore et al. 2003, Itoh et al. 2003, Ivanov et al. 2011). Le profil d’expression des gènes impliqués dans le transport et le métabolisme du lactate dans les astrocytes et les neurones est compatible avec et tend à supporter l’hypothèse de l’ANLS. Les astrocytes expriment MCT1, l’isoforme associé à l’export du lactate, tandis que les neurones expriment MCT2, associé au transport intracellulaire (Broer et al. 1997, Baltan 2015). De plus, les astrocytes expriment LDH5, conversion du pyruvate en lactate, tandis que les neurones expriment LDH1 qui catalyse la réaction inverse (Bittar et al. 1996).

Cette hypothèse est aussi supportée via plusieurs études in vivo montrant que le lactate est suffisant pour soutenir l’activité neuronale en hypoglycémie sévère et qu’il peut même être oxydé de façon préférentielle par rapport au glucose (Wyss et al. 2011). D’autres études suggèrent que l’apport de lactate vers les neurones, plutôt que le glucose, est un processus important de la « Long Term Pontentiation » (LTP) chez le rat. Ces études montrent que l’inhibition de l’ANLS, par l’inhibition de l’export de lactate par les astrocytes ou par l’inhibition de sa capture par les neurones, inhibe la LTP et la formation de la mémoire à long terme chez les animaux (Newman et al. 2011, Suzuki et al. 2011). Ces observations sont supportées par une étude plus récente montrant une restauration du conditionnement opérant par une infusion de lactate dans l’amygdale basolatérale lorsque l’ANLS est inhibé au niveau de la glycogénolyse dans cette région (Boury-Jamot et al. 2016).

III.1.2 Corps cétoniques

Tout comme le lactate, les neurones peuvent oxyder des corps cétoniques pour soutenir leur activité électrique (Izumi et al. 1998). Par contre, il semblerait que les corps cétoniques ne soient métabolisés que dans certaines conditions de déficit énergétique ou durant le développement néonatal. Cette dernière est une période de transition qui est caractérisée par un changement drastique dans la disponibilité des différents nutriments. Les nouveau-nés passent d’un apport constant de glucose et

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faible en acides gras, à un apport discontinu de lait maternel riche en acides gras et pauvre en glucose. Dans ces conditions, les corps cétoniques deviennent la principale source d’énergie pour les neurones (Cotter et al. 2011). Ceci est supporté par des observations ex vivo sur des explants de rats postnataux, où certains corps cétoniques comme le β-hydroxybutyrate (BHB) sont suffisants pour le maintien de l’activité neuronale d’explants provenant de rats âgés de 15 jours, mais pas de rats âgés de 30 jours (Izumi et al. 1998). En effet, les corps cétoniques, principalement produits par le foie, sont transportés à travers la BBB par le transporteur MCT1. De plus le transport de BHB vers le cerveau est augmenté d’environ 7 fois durant la période périnatale (Morris 2005) probablement due au niveau d’expression du transporteur MCT1, jusqu’à 25 fois plus élevée durant cette période qu’à l’âge adulte (Leino et al. 1999).

Bien que le foie semble être la principale source de corps cétoniques pour le cerveau, les astrocytes ont aussi la capacité de les synthétiser à partir d’acides gras ou de leucine (Auestad et al. 1991, Bixel and Hamprecht 1995). Cette production de corps cétoniques pourrait être dédiée à leur oxydation dans les neurones. Ceci est corroboré par des études montrant que les astrocytes sont les principaux utilisateurs des acides gras dans le cerveau (Edmond et al. 1987, Edmond 1992) et que la majorité de ces acides gras sont destinés à la production de corps cétoniques dans des conditions de pénurie de glucose et d’hypoxie (Takahashi et al. 2014). La navette des corps cétoniques serait donc un mécanisme mis en place pour protéger les neurones d’une déficience énergétique associée au manque de glucose ainsi qu’à l’hypoxie. Contrairement au glucose et au lactate, la production de BHB dans les astrocytes et son oxydation dans les neurones ne sont pas inhibés durant par l’hypoxie (Blazquez et al. 1999). Les corps cétoniques peuvent être considérés comme des facteurs neuroprotecteurs en agissant en tant que source d’énergie alternative.