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Contrairement au glucose, le transport des acides gras vers le cerveau ne semble pas impliquer des transporteurs membranaires. Ce transport serait plutôt effectué par diffusion passive à travers les membranes lipidiques et les acides gras seraient séquestrés via leur estérification en Acyl-CoA par différentes protéines comme les FATP et les ACS tel que décrit dans les sections précédentes. Ainsi, les astrocytes associés à la BBB seraient les premières cellules cérébrales à avoir accès aux acides gras en provenance de la circulation périphérique. De plus, ce sont les astrocytes qui métabolisent la grande majorité des acides gras et des corps cétoniques dans le CNS. Ils ont ainsi le potentiel d’être impliqués dans la détection des acides gras dans le cerveau (Yi, Habegger et al. 2011).

La consommation de diètes riches en gras peut induire une activation astrocytaire, gliose, caractérisée par une augmentation des niveaux d’expression du marqueur GFAP. Cette gliose n’est pas liée à la présence d’inflammation puisqu’une diète enrichie à 41 % en acides gras ne produit aucune activation de la microglie ou de troubles cognitifs qui sont associés à la consommation d’une diète enrichie à 60 % (Pistell et al. 2010). Ceci suggère que les astrocytes sont capables de détecter les effets d’une augmentation des acides gras, ou les acides gras eux-mêmes, avant le début de l’inflammation associé à ce type de diète.

Une des démonstrations les plus marquantes de la détection astrocytaire des acides gras est l’activation des astrocytes hypothalamiques 24 heures suivant le début de la prise de nourriture riche en gras (Thaler et al. 2012) et précédent la prise de poids chez ces animaux. Cette activation astrocytaire, est transitoire et réapparaît après plusieurs semaines sur ces diètes riches en acides gras suivant la prise de poids. Cette activation transitoire suggère que les astrocytes sont sensibles aux changements rapides des concentrations centrales d’acides gras. De façon similaire, la consommation

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de diète riche en gras induit le clivage de la caspase 3 dans les astrocytes hypothalamiques après uniquement 3 jours (Guyenet et al. 2013). L’activation de cette caspase est généralement associée à l’activation des voies apoptotiques, mais est aussi impliqué dans plusieurs voies non apoptotiques (Schwerk and Schulze-Osthoff 2003). La détection de différents types d’acides gras dans le cerveau est tout aussi importante, voir plus important, que la quantité. Le passage d’une diète riche en acide gras saturé à une diète enrichie en acides gras insaturés a pour effet de renverser l’inflammation induite par la diète (Cintra et al. 2012).

Les astrocytes en cultures peuvent aussi être activés par la présence de différents acides gras dans le milieu de culture. Des cultures primaires d’astrocytes exposées à des acides gras saturés, comme le palmitate, produit une réaction inflammatoire et une relâche dose dépendent de cytokines. Par contre, cette sécrétion de cytokine n’est pas observée suite à l’incubation avec des acides gras insaturés comme l’oléate (Gupta et al. 2012). De la même façon, le DHA, un acide gras polyinsaturé, peut diminuer de façon dose dépendent et même prévenir la sécrétion de ces cytokines induite par le palmitate (Gupta et al. 2012). Ces effets différents des acides gras saturés et insaturés suggèrent que les astrocytes en cultures sont capables de détecter, et même différentier, la présence de ces différents acides gras.

Les astrocytes du VMH sont capables de détecter les variations dans les niveaux d’acides gras circulants et d’augmentent la production de corps cétoniques en réponse à ces variations. La consommation à court terme de diète riche en gras produit une augmentation des niveaux des acides gras libres périphériques. Cette augmentation stimule la production de corps cétoniques par les astrocytes du VMH pour inhiber la prise alimentaire (Le Foll et al. 2014). Les auteurs suggèrent que les corps cétoniques ainsi produits peuvent altérer les mécanismes de détection neuronaux des nutriments dans le VMH, renforçant l’idée que la détection des nutriments dans le cerveau implique une coopération entre neurones et astrocytes. L’inhibition locale de cette production de corps cétoniques par les astrocytes abolit cette modulation de prise alimentaire (Le Foll et al. 2014, 2015). Ces données renforcent l’idée que les astrocytes sont capables de détecter les variations circulantes d’acides gras et sont capables, via la production de corps cétoniques qui sont acheminés vers les neurones, de moduler la prise alimentaire.

La modulation de la prise alimentaire par les acides gras n’est pas nouvelle, deux groupes différents ont montré que l’administration d’acides gras insaturés dans le cerveau permet de diminuer la prise

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alimentaire (Obici et al. 2002, Schwinkendorf et al. 2011). De plus, l’inhibition dans le MBH de plusieurs enzymes du métabolisme intracellulaire des acides gras incluant l’ACS, l’acétyl-CoA carboxylase et « Carnitine Palmitoyl Transferase » (CPT)-1 ont pour effet d’abolir la détection des acides gras dans le cerveau et prévenir la diminution de la prise alimentaire et l’inhibition de la production hépatique de glucose (Obici et al. 2003, Pocai et al. 2006, Moulle et al. 2013). Bien que ceci ne permette pas de préciser la nature des cellules impliquées dans cette détection, les acides gras sont principalement utilisés et oxydés dans les astrocytes nous permet de supposer leur implication dans ce processus de détection (Guzman and Blazquez 2001, Escartin et al. 2007).

Les astrocytes matures expriment PPARα et γ, deux facteurs de transcription ayant des rôles importants dans la détection des acides gras et la régulation de leur métabolisme (Berger and Moller 2002, Cristiano et al. 2005, Heneka and Landreth 2007). L’apolipoprotéine E (ApoE) est un transporteur de lipides majeur dans le cerveau (Chowen et al. 2016) et est considérée comme un facteur de satiété est principalement exprimé dans les astrocytes (Shen et al. 2008, Shen et al. 2009). Son administration en ICV produit une diminution de la prise alimentaire tandis que l’administration d’anticorps contre ApoE produit l’effet inverse (Shen et al. 2008).

Ces données suggèrent que la détection des acides gras dans le cerveau, tout comme pour le glucose, requiert une participation active des astrocytes. Toutefois, l’étroite association entre les astrocytes et les neurones complique l’évaluation de la détection « astrocytaires » ou « neuronale » des nutriments. Ces deux types cellulaires majeurs du cerveau ont probablement des rôles complémentaires dans la détection du glucose et des acides gras. Ainsi, lorsque l’on évalue l’action centrale du glucose ou des acides gras, il est important de garder en tête un rôle concerté des astrocytes et des neurones dans ces processus.