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II.1 Diversité des cellules gliales

II.2.1 Glucose

Dans le cerveau, le transport du glucose se fait majoritairement au niveau des pieds astrocytaires, en contact direct avec l’endothélium de la BBB. Son passage à travers cette membrane est facilité par le transporteur de glucose GLUT1. Ce transporteur est présent sous deux formes différentiées par des niveaux différents de glycosylation et donc leur poids moléculaire (Birnbaum et al. 1986). Dans le cerveau, le variant de 55 kDa est exprimé exclusivement dans l’endothélium de la BBB tandis que le variant de 45 kDa est majoritairement exprimé dans les astrocytes, les épendymocytes ainsi que les membranes du plexus choroïde et de façon très limitée chez les neurones (Simpson et al. 2007). GLUT1 est un transporteur à haute affinité pour le glucose, soit environ 3 mM (Zhao and Keating 2007), il est donc saturé à de faibles concentrations de glucose, permettant ainsi un transport de glucose ininterrompu, et ce, même en période d’hypoglycémie.

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Cette association des astrocytes à la BBB ainsi que l’expression préférentielle de GLUT1 dans les cellules gliales, plutôt que dans les neurones, suggèrent que le transport du glucose est effectué principalement par les astrocytes. Ceci est supporté par plusieurs études employant des analogues non métabolisable du glucose. Ces études montrent que le transport ainsi que l’utilisation du glucose sont plus élevés dans les astrocytes que dans les neurones dans plusieurs modèles in vitro (co- cultures d’astrocytes et de neurones), ex vivo (explants d’hippocampe et de cervelet) ainsi qu’in vivo (Barros et al. 2009, Chuquet et al. 2010, Jakoby et al. 2014). Cette préférence pour le transport et l’utilisation du glucose par les astrocytes est observée surtout lors d’une augmentation de l’activité neuronale. Les auteurs montrent que les premières étapes du métabolisme du glucose, notamment sa phosphorylation par l’hexokinase, sont effectuées dans les cellules gliales (Barros et al. 2009, Jakoby et al. 2014). En effet, l’activité de l’hexokinase est plus élevée dans les cellules gliales de Bergmann et les astrocytes que dans les neurones (Katoh-Semba et al. 1988). Malgré cette utilisation préférentielle du glucose dans les astrocytes, l’oxydation du glucose par les cellules gliales ne représente pas plus de 20 % de l’oxydation totale du glucose (Harris et al. 2012, Hyder et al. 2013). Effectivement, les dépenses énergétiques des astrocytes ne représentent qu’une très petite portion de la consommation d’Adenosine triphosphate (ATP) du cerveau, soit environ 5-15 %. L’énergie produite par la phosphorylation de l’ATP dans le cerveau est presque entièrement dédiée aux processus synaptiques dans les neurones (Attwell and Laughlin 2001, Belanger et al. 2011). Dans le cortex, il est estimé que les divers processus synaptiques sont responsables de plus de 70 % de la consommation d’ATP, soit 44 % pour la transmission synaptique et 16 % pour la propagation des AP et 15 % pour le maintien des potentiels membranaires (Howarth et al. 2012). Les astrocytes transportent donc le glucose de façon disproportionnée par rapport à leurs dépenses énergétiques. Cette disparité entre leur grande capacité de transport du glucose et leur relative faible consommation énergétique suggère que la majorité du glucose transporté dans les astrocytes n’est pas utilisé localement pour la production d’ATP (Barros et al. 2009, Chuquet et al. 2010, Jakoby et al. 2014). Ceci est compatible avec les observations d’Edmond qui suggère que les astrocytes ont un profil beaucoup plus glycolytique qu’oxydatif, quant au métabolisme du glucose (Edmond et al. 1987). Les astrocytes ont une grande activité hexokinase (Katoh-Semba et al. 1988, Sanchez-Alvarez et al. 2004), entraînant sa séquestration intracellulaire par sa phosphorylation en glucose-6-phosphate. Une fois phosphorylé, la majorité du glucose peut être dégradé par la glycolyse pour produire principalement du lactate ou être utilisé pour la synthèse du glycogène (Wiesinger et al. 1997). La

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production d’ATP à partir du glucose dans les astrocytes peut être maintenue presque exclusivement par la glycolyse. De plus, cette glycolyse est maintenue, voire même stimulée, en conditions hypoxiques jusqu’à ce que la production de lactate entraîne une acidose lactique (Zwingmann and Leibfritz 2003). Cette capacité d’utilisation du glucose en condition hypoxique n’est pas observée chez les neurones et permet aux astrocytes de maintenir la production d’ATP dans des conditions hypoxiques ou ischémiques.

Dans le cerveau, seuls les astrocytes sont capables de synthétiser et de stoker des réserves de glycogène en condition non pathologiques (Vilchez et al. 2007, Barros 2013). Ces réserves de glycogène dans le cerveau sont estimées à environ 3-12 µmol/g (Barros 2013). En comparaison, le foie contient des réserves de glycogène d’environ 100-500 µmol/g et le muscle squelettique 300-350 µmol/g (Cruz and Dienel 2002, Brown and Ransom 2007). Le glycogène astrocytaire est une réserve essentielle de glucose utilisée durant les augmentations rapides de l’activité neuronale qui requièrent un apport immédiat de substrat énergétique qui ne peut être fourni assez rapidement par une augmentation du flux sanguin (Brown and Ransom 2007). De plus, le contenu en glycogène dans les astrocytes peut être régulé par le glutamate durant ces périodes d’activité (Brown and Ransom 2007, Sofroniew and Vinters 2010). L’activité neuronale peut même être maintenue exclusivement par le glycogène astrocytaire durant les périodes d’hypoglycémie ou de privation de glucose (Brown et al. 2005, Brown and Ransom 2015). Le glucose peut aussi être dirigé vers la voie du pentose phosphate, qui est une voie anabolique produisant du ribose-5-phosphate, un sucre à cinq carbones nécessaire à la synthèse des acides nucléiques. Cette voie n’est pas favorisée en conditions normales et ne représente que 6 % du glucose utilisé dans un système d’astrocytes primaires en culture (Ben-Yoseph et al. 1994).

Ceci a amené le groupe de Magistretti et Pellerin à élaborer une hypothèse de coopération astrocyte- neurone ou « Astrocyte-Neuron Lactate Shuttle » (ANLS). Ce modèle de coopération métabolique entre les astrocytes et les neurones suggère que le glucose serait initialement pris en charge par les astrocytes, où il serait converti en lactate suite à sa glycolyse avant d’être acheminé vers les neurones pour son oxydation complète. Cette hypothèse de l'ANLS (Figure 5) sera discutée plus en détail dans une section subséquente.

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