• Aucun résultat trouvé

NATURE DES DROITS CONFÉRÉS PAR UN BREVET

Dans le document Td corrigé RESTRICTEDCode pdf (Page 125-128)

5.7 L'Australie a exposé son point de vue sur la nature des droits qu'un brevet conférait à son titulaire:

- L'article 28 de l'Accord sur les ADPIC disposait que le titulaire d'un brevet de produit jouissait du droit exclusif d'"empêcher des tiers agissant sans son consentement d'accomplir les actes ci-après: fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer à ces fins ce produit" (un brevet de procédé conférait des droits analogues). Avant même qu'il ne soit question d'exceptions particulières, l'article 28 limitait les droits conférés au droit d'empêcher des tiers d'accomplir certains actes, sans pour autant donner au breveté le droit d'entreprendre ces actes. De plus, contrairement à la protection d'un secret commercial, un brevet ne pouvait servir à empêcher un tiers de prendre connaissance de l'invention brevetée et des moyens de la mettre en œuvre puisqu'il avait précisément pour fonction de permettre cela. De plus, une vérification pratique ou une démonstration pouvait être nécessaire à cette fin, ce qui impliquait l'utilisation d'éléments de l'invention divulguée.

- Le système des brevets avait pour but de rendre publiques les technologies nouvelles et de promouvoir l'innovation: les brevets devaient contribuer à l'enrichissement du corpus commun de connaissances et servir de base à de nouvelles innovations; ceux qui étaient affectés par un brevet devaient aussi avoir la faculté de déterminer si l'invention fonctionnait

311 Article 5ter de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (1967).

312 Note de bas de page relative à l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC.

comme prévu et si elle était effectivement "susceptible d'application industrielle" ou "utile".313 Cela avait amené les tribunaux et les législateurs à reconnaître le droit des tiers de procéder à des essais et d'utiliser à des fins expérimentales une invention brevetée sans qu'il y ait contrefaçon du brevet.314

- Les tribunaux de nombreux pays avaient aussi déclaré à maintes reprises que l'objet de la "fabrication" ou de l'"utilisation" d'un produit breveté était essentiel pour déterminer si ces actes portaient atteinte aux droits du breveté. En régime de common law, les tribunaux considéraient que la fabrication ou l'utilisation par un tiers constituait une contrefaçon si elle avait un but commercial manifeste. Dans l'affaire British Motor Syndicate v John Taylor &

Sons (1900) (17 RPC 723 (CA)), le tribunal avait estimé que, pour qu'il y ait contrefaçon du brevet, la "fabrication" devait avoir lieu à des fins commerciales, et que toute utilisation qui privait le breveté du bénéfice commercial de son invention était une contrefaçon. De même, dans l'affaire Union Carbide's (Culbertson's) Application (1971 RPC 81), le tribunal avait estimé que, pour qu'il y ait contrefaçon, il fallait que l'utilisation ait un but commercial.

- Selon le droit écrit et la jurisprudence de nombreux pays, la portée de l'exclusion était liée à l'activité commerciale au sens large. Cela expliquait pourquoi l'Accord sur les ADPIC et les législations nationales prévoyaient le droit exclusif de fabriquer, utiliser et offrir à la vente, et pas seulement de vendre.315 Cela avait des incidences sur la forme des intérêts commerciaux à prendre en compte: "[Pour qu'il y ait contrefaçon,] il faut que la fabrication ait un but commercial. Il n'est pas nécessaire cependant que le but soit la vente effective; il suffit que l'utilisation prive le breveté du bénéfice commercial de son invention, même dans une mesure limitée."316

- L'article 31 b) et c) considérait "l'utilisation publique à des fins non commerciales"

comme une exception possible aux droits conférés par un brevet. L'Accord reconnaissait donc qu'au moins certaines formes d'utilisation non commerciale pouvaient être limitées par les droits exclusifs définis à l'article 28. Par conséquent, en appliquant l'Accord à une législation nationale, il apparaissait que certaines utilisations non commerciales étaient réputées constituer une contrefaçon aux termes de l'article 28 et devaient être justifiées par référence aux articles 30 ou 31.

313 Article 27:1 de l'Accord sur les ADPIC.

314 Voir l'article 27 b) de la Convention sur le brevet communautaire (1989), les législations nationales en la matière, comme la Loi sur les brevets du Royaume-Uni citée précédemment (voir la note de bas de page 145), et la jurisprudence établie dans certains pays: Frearson v Loe (1878) 9 Ch D 48, Proctor v Bailey &

Son (1889) 6 RPC 538 (CA); Smith Kline & French v Micro Chemicals (1970) 60 CPR 193; Pharbita and Medicopharma v ICI, Cour suprême des Pays-Bas 1992; Klinische Versuche II, Cour suprême fédérale d'Allemagne 1998 RPC 423; Wellcome Foundation Limited v Parexel International and Others, Cour d'appel de Paris 1999; Otsuka Pharmaceutical Co. Ltd v Towa Yakuhin KK, Cour suprême du Japon 1999, Affaire n° 1998.

315 En vertu de l'article 13 de la Loi australienne sur les brevets de 1990, un brevet confère à son titulaire, pendant la durée du brevet, le droit exclusif d'exploiter l'invention et d'autoriser des tiers à l'exploiter.

Le terme "exploiter" est défini, dans le cas d'un brevet de produit, comme désignant "la fabrication, la location, la vente ou la cession de toute autre façon du produit, l'offre de fabriquer, louer, vendre ou céder de toute autre façon le produit, l'utilisation ou l'importation du produit ou sa conservation dans le but d'accomplir l'un de ces actes"; il en va de même pour un brevet de procédé.

316 S. Ricketson, The Law of Intellectual Property, Sydney, 1994, page 984.

- Le fait de demander une approbation réglementaire pour la copie générique d'un produit pharmaceutique breveté obligeait à accomplir certaines activités en rapport avec l'invention brevetée. Certaines de ces activités n'étaient pas du tout visées par les droits exclusifs définis à l'article 28. Celles qui entraient dans le champ d'application de cet article devaient être justifiées au regard de l'article 30. Dans certains cas, les activités nécessaires pour obtenir une approbation réglementaire étaient autorisées dans le cadre d'une licence obligatoire, d'une utilisation par les pouvoirs publics ou d'une autre utilisation prévue à l'article 31, mais cela n'était pas directement en question dans la présente affaire. La fabrication et le stockage devaient être considérés comme des activités intrinsèquement commerciales et pouvaient de ce fait entrer dans le champ d'application des droits exclusifs prévus à l'article 28.

Approbation réglementaire

- S'il ne donnait pas en soi le droit d'exploiter effectivement une invention, le droit de brevet était fondé sur le principe que le breveté devait avoir une possibilité raisonnable de réaliser de justes bénéfices commerciaux. Cette possibilité pouvait être compromise par la réglementation de l'utilisation de certaines technologies et par l'obligation de procéder à des essais et d'obtenir une approbation pour des raisons de santé publique, de sécurité ou de protection de l'environnement. Étant donné la nature des produits pharmaceutiques, ce processus demandait nécessairement beaucoup d'effort et de temps, surtout s'il s'agissait d'un composé nouveau (et non d'une copie). Bien souvent, cela retardait considérablement la mise sur le marché de produits pharmaceutiques nouveaux pour les titulaires de brevets et, à un moindre degré, pour les fabricants de produits génériques concurrents désireux de commercialiser des copies. Par ailleurs, en tant que catégorie de produits, les produits pharmaceutiques nouveaux procuraient au public des avantages exceptionnels et supposaient des niveaux de risque et d'investissement élevés.

- Les dispositions à prendre pour obtenir une approbation réglementaire variaient selon les législations nationales, mais certaines n'étaient pas visées par l'interprétation très large des droits exclusifs conférés par un brevet. Un brevet ne pouvait pas empêcher un concurrent de préparer des documents justificatifs requis et d'acquitter un droit pour demander une approbation réglementaire, activités qui n'étaient pas visées par les droits définis à l'article 28.

Il se pouvait qu'une autorité de réglementation approuve la commercialisation d'une copie uniquement par référence à la documentation, sans qu'il y ait utilisation ou fabrication du produit pharmaceutique breveté. Il existait aussi un droit largement reconnu, compatible avec les articles 28 et 30 lus conjointement, de procéder à des essais pour déterminer la faisabilité technique de l'invention brevetée et pour servir de base à de nouvelles recherches. La question de savoir si la demande d'une approbation réglementaire pouvait constituer une contrefaçon du brevet se posait lorsque le processus d'approbation réglementaire nécessitait des essais et des recherches plus poussés ou spécialisés et la production limitée d'échantillons.

- En Allemagne et au Japon, la Cour suprême avait récemment estimé que l'utilisation d'un brevet pour procéder à des essais et à des expériences dans le but d'obtenir l'approbation réglementaire d'un produit pharmaceutique entrait dans le champ des exceptions réglementaires aux droits de brevet pour la recherche et l'utilisation à des fins expérimentales.

La Cour suprême allemande317 avait déclaré que l'intention d'utiliser les résultats d'expériences et d'essais en vue d'obtenir une approbation réglementaire n'était pas pertinente pour déterminer si un acte relevait de l'exception pour utilisation expérimentale. La Cour

317 Klinische Versuche II, Cour suprême fédérale d'Allemagne 1998 RPC 423.

suprême japonaise318, quant à elle, avait fait observer que le refus d'autoriser, au titre de l'exception pour la recherche, l'utilisation expérimentale en vue d'obtenir une approbation réglementaire, avait pour effet de prolonger la durée effective de la protection par le brevet et, de ce fait, allait à l'encontre des principes fondamentaux du système des brevets, selon lesquels la société tirait avantage du fait que tout le monde pouvait utiliser l'invention après l'expiration du brevet.

- Comme le montraient ces affaires, l'exception pour la recherche (qu'il s'agisse d'une exception a priori à la définition même des droits de brevet ou d'une exception spécifique au titre de l'article 30) pouvait constituer le fondement juridique de l'utilisation pertinente d'un brevet en vue d'obtenir l'approbation réglementaire d'une copie. Toutefois, des exceptions supplémentaires ou distinctes au titre de l'article 30, outre l'exception pour la recherche, pouvaient être nécessaires pour quelques-unes au moins des mesures prises en vue d'obtenir cette approbation.

Dans le document Td corrigé RESTRICTEDCode pdf (Page 125-128)