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ARTICLE 27:1 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC a) Objet, but et sens

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4.16 Le Canada a fait valoir que la portée de l'obligation énoncée à l'article 27:1 de faire en sorte que des brevets puissent être obtenus et qu'il soit possible de jouir de droits de brevet sans discrimination dépendait du sens donné à l'expression "droits de brevet". Il s'agissait de savoir si cette expression:

a) visait les droits de brevet énumérés à l'article 28:1 de l'accord, indépendamment de son article 30 ou de toute mesure autorisée par cet article; ou

b) visait les droits énumérés à l'article 28:1, sous réserve de toute mesure d'exception qui pourrait être prise en vertu de l'article 30.

Toutefois, les règles applicables d'interprétation des traités amenaient à la conclusion que le sens à retenir était celui indiqué à l'alinéa b) ci-dessus. Le Canada a fait état des points suivants à l'appui de son argumentation:

- Comme le stipulait l'article 32 b) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, l'interprétation des termes d'un traité ne devait pas conduire à un résultat manifestement absurde ou déraisonnable. Retenir pour l'article 27:1 le sens indiqué à l'alinéa a) ci-dessus serait manifestement contraire à cette règle d'interprétation. Cela reviendrait à exiger des dérogations générales aux droits de brevet, obligeant ainsi à prévoir des exceptions ne correspondant à aucune nécessité concrète et réduisant plus qu'il n'était nécessaire la protection conférée par les brevets dans tous les domaines autres que ceux où une mesure de rééquilibrage était effectivement nécessaire. Un résultat aussi incongru ne serait pas compatible avec les objectifs de l'Accord sur les ADPIC.

- L'article 31.1 de la Convention de Vienne prescrivait que les termes d'un traité soient interprétés dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Il en découlait un principe fondamental de l'interprétation des traités, le principe de l'effet utile, qui, comme l'avait reconnu l'Organe d'appel, signifiait que "[l]orsqu'un traité est susceptible de deux interprétations, dont l'une permet et l'autre ne permet pas qu'il produise les effets voulus, la bonne foi et la nécessité de réaliser le but et l'objet du traité exigent que la première de ces deux interprétations soit adoptée".73 (Pas d'italique dans l'original)

- L'application de ce principe montrait bien que le sens de l'article 27:1 indiqué à l'alinéa b) ci-dessus était celui qu'il convenait de retenir. L'interprétation de cet article dans le contexte d'autres dispositions permettant des exceptions aux droits exclusifs et à la lumière de l'équilibre global que l'Accord sur les ADPIC cherchait à assurer (notamment en ce qui

73 Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, page 12 et note 21 (citant l'Annuaire de la Commission du droit international, 1966, Volume II, page 239).

concerne le bien-être social et économique) amenait à conclure que les "droits de brevet" qui y étaient visés étaient ceux énumérés à l'article 28:1 de l'Accord, sous réserve de toute mesure d'exception prise en vertu de son article 30.

- Donc, une fois introduites les exceptions limitées susceptibles d'être autorisées, il devait être possible de jouir des droits de brevet minimaux restants dans tous les domaines technologiques. C'était l'interprétation de l'article 27:1 qui était compatible avec l'esprit de l'article 30: l'autorisation d'exceptions qui étaient "limitées" parce qu'elles ne s'étendaient pas à tous les secteurs de la technologie, et qui respectait l'objectif énoncé dans l'Accord sur les ADPIC de l'équilibre à assurer, en évitant une règle antidiscriminatoire qui étoufferait d'autres intérêts importants de la société si elle devait être appliquée "de façon générale", indépendamment des circonstances.

- Les Communautés européennes et leurs États membres ne cherchaient pas à interpréter l'article 27:1 dans son contexte et à la lumière des objectifs des ADPIC mais affirmaient, au contraire, que cet article avait un caractère absolu, de sorte que des

"violations" de ses dispositions ne pouvaient se justifier en vertu de l'article 30. Faute de donner effet aux règles d'interprétation applicables, cette approche menait purement et simplement aux résultats non souhaitables et absurdes mentionnés plus haut. Elle privait les Membres de la possibilité d'imaginer au cas par cas (ou produit par produit) des solutions appropriées à des problèmes précis et les obligeait au contraire à imposer des mesures universellement applicables qui pouvaient être tout à fait inappropriées dans la plupart des contextes. Elle exigeait que les "exceptions limitées" soient illimitées.

b) Travaux préparatoires et pratique ultérieurement suivie

4.17 Le Canada a également fait valoir que le recours aux moyens complémentaires d'interprétation énoncés à l'article 32 de la Convention de Vienne ("travaux préparatoires et circonstances dans lesquelles le traité a été conclu" ainsi qu'à l'examen de "toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité"), confirmait que le sens indiqué plus haut à l'alinéa b) du texte introductif du paragraphe 4.16 était celui qu'il convenait de retenir. Le Canada a fait état des points suivants à l'appui de son argumentation:

- Il était instructif de se reporter à l'historique de la rédaction de l'article 27:1. Sa structure et son libellé correspondaient à deux enjeux de négociation distincts: a) un désir de faire en sorte que sous réserve de certaines exceptions énumérées, des brevets puissent être obtenus pour des inventions dans tous les domaines technologiques74; et b) un désir d'éliminer les dispositions relatives aux licences obligatoires en ce qui concerne les produits alimentaires et pharmaceutiques dans les législations nationales en matière de brevet.75 - L'historique de la rédaction de l'article 27:1 ne fournissait aucun élément de nature à laisser entendre que la prohibition de la discrimination fondée sur le domaine technologique n'avait jamais été conçue comme devant prévaloir sur les exceptions limitées.

- L'interprétation donnée par le Canada était donc compatible avec les circonstances de la négociation. Les États-Unis avaient en ce temps-là dans leur législation une

"exemption Bolar" qui s'appliquait à l'industrie des produits pharmaceutiques (et s'est appliquée plus tard aux appareils médicaux).

74 Il a été fait référence à la déclaration faite oralement par le Président (non publié) à la réunion 10+10 sur les ADPIC, le 16 décembre 1991.

75 Op. cit., page 8.

- L'interprétation canadienne était également compatible avec la pratique ultérieurement suivie. Des exemptions analogues avaient été introduites dans la législation d'un certain nombre de Membres après l'achèvement du Cycle d'Uruguay sur la base – dans la plupart des cas, contrairement au Canada – de leur application à la seule industrie pharmaceutique. Si cette analyse et cette conclusion n'étaient pas les bonnes, toutes ces législations nationales comportant une exemption pour l'exploitation par un pharmacien d'une invention pharmaceutique brevetée au cours de la préparation et de la délivrance d'un composé médicinal seraient discriminatoires quant au domaine technologique dans lequel intervenait l'invention et ne seraient donc pas compatibles avec les obligations de ces États au titre des ADPIC.76

- En conséquence, les mesures canadiennes ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article 27:1 parce que l'expression "droits de brevet" utilisée dans cette disposition, désignait les droits exclusifs énoncés à l'article 28:1 tels qu'ils pouvaient être modifiés conformément à l'article 30.

c) L'article 55.2 1) et 55.2 2) n'a pas un caractère discriminatoire

4.18 Le Canada a également fait valoir qu'en tout état de cause, les mesures d'exception limitées énoncées à l'article 55.2 1) et 55.2 2) n'étaient pas discriminatoires quant au domaine technologique dans lequel intervenait l'invention en cause parce que ces exceptions n'étaient pas expressément liées à un domaine technologique déterminé dans lequel une invention brevetée intervenait. À cet égard, le Canada a fait état des points suivants:

- Les exceptions limitées créées par les mesures contestées de la Loi sur les brevets étaient liées aux brevets d'invention qui concernaient des produits soumis aux dispositions législatives réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente des produits en cause, brevetés ou non.77

- L'allégation selon laquelle, pendant les consultations formelles au titre du Mémorandum d'accord, les autorités canadiennes avaient confirmé que les mesures contestées ne s'appliquaient qu'aux produits pharmaceutiques était inexacte. Le Canada avait constamment maintenu que ses exceptions limitées prévues par la loi ne comportaient aucune discrimination sur la base du domaine technologique et que des réglementations dérivées n'avaient été introduites que lorsqu'elles s'étaient révélées nécessaires.

76 Dix des 15 États membres de l'UE ont prévu une exception pour préparation pharmaceutique en officine (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) ainsi que la Hongrie, l'Islande, la Norvège, la République slovaque, la République tchèque et la Slovénie.

77 En réponse à une question des CE, le Canada a expliqué que les tribunaux canadiens avaient considéré que l'importation non autorisée d'une substance fabriquée à l'étranger selon un procédé pour lequel un brevet canadien encore valide était revendiqué portait atteinte au droit exclusif du titulaire du brevet de fabriquer, utiliser et vendre à des tiers pour utilisation (American Cyanamid Co. v. Charles E. Frosst & Co.

[1965] 2 Ex. C.R. 355 et Wellcome Foundation Ltd. et al. v. Apotex Inc. (1991), 39 C.P.R. (3rd ) 361).

L'article 55.2 2) exemptant la fabrication, la construction et l'utilisation d'une invention brevetée par un tiers pour la production et l'emmagasinage d'articles destinés à la vente après l'expiration du brevet, l'exemption pouvait être interprétée comme s'appliquant à la fois à la fabrication nationale et à l'importation du produit réglementé. Toutefois, les tribunaux canadiens n'avaient pas encore eu à connaître de ce point précis de la portée de l'article 55.2 2) et à statuer sur cette question.

- La question concernant l'application des exceptions limitées du Canada n'était donc pas liée au fait qu'elles prenaient plus visiblement effet pour une industrie déterminée, celle des produits pharmaceutiques. Il s'agissait plutôt de savoir si ces exceptions pouvaient ou non s'appliquer à tous les domaines technologiques comportant la mise au point de produits dont la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente étaient soumises avant leur commercialisation à une réglementation.

- Étant donné les termes expressément employés, ces mesures pouvaient s'appliquer à toutes les industries exigeant pour leurs produits une autorisation préalable à la commercialisation. D'ailleurs, l'exception pour des examens réglementaires avait été invoquée comme moyen de défense dans une action intentée pour contrefaçon de brevet résultant de l'utilisation d'un appareil médical.78

- Le domaine d'application de l'exception pour le stockage – qui allait de pair avec celle pour des examens réglementaires – n'était pas non plus limité par la mention d'un domaine technologique. Par contre, l'exception pour le stockage était limitée dans le temps et n'avait jusqu'à présent pris effet à la suite de l'adoption de réglementations dérivées que pour l'industrie pharmaceutique.

- À ce stade, l'industrie pharmaceutique était la seule où la nécessité d'appliquer l'exception pour le stockage était devenue manifeste. Cela garantissait le caractère limité de cette mesure. Toutefois, le fait que des réglementations dérivées n'avaient jusqu'à présent été promulguées que pour une industrie ne privait pas l'exécutif canadien du pouvoir que la loi lui conférait expressément d'adopter des réglementations relatives à d'autres industries le cas échéant.79

3) ARTICLE 33 DE L'ACCORD SUR LES ADPIC

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