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ARTICLE 55.2 : EXCEPTION POUR LE STOCKAGE

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VII. CONSTATATIONS H. M ESURES EN CAUSE

2) ARTICLE 55.2 : EXCEPTION POUR LE STOCKAGE

7.7 L'article 55.2 2) de la Loi sur les brevets, qui est appelé "exception pour le stockage", est ainsi libellé:

"Il n'y a pas contrefaçon de brevet si l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée, au sens du paragraphe 1), a lieu dans la période prévue par règlement et qu'elle a pour but la production et l'emmagasinage d'articles déterminés destinés à être vendus après la date d'expiration du brevet."

Cette disposition permet aux concurrents de fabriquer et de stocker des marchandises brevetées pendant une certaine période avant l'expiration du brevet, mais les marchandises ne peuvent pas être vendues tant que le brevet n'est pas venu à expiration. Sans cette exception, le droit qu'a le titulaire du brevet d'exclure toute personne de la "fabrication" ou de l'"utilisation" de la marchandise brevetée lui permettrait d'empêcher tout stockage de ce genre.

7.8 L'exception créée par l'article 55.2 2) ne prend effet qu'à partir du moment où les règlements d'application sont publiés. Les seuls règlements publiés à ce jour au titre de l'exception pour le stockage ont été ceux qui ont rendu l'exception applicable aux produits pharmaceutiques. La période pendant laquelle des produits pharmaceutiques peuvent être fabriqués et stockés correspond aux six mois précédant immédiatement l'expiration du brevet.

7.9 Le texte de l'article 55.2 2) autorise uniquement "l'utilisation, la fabrication [ou] la construction" du produit breveté aux fins de stockage. En réponse à une question du Groupe spécial, le Canada a toutefois exprimé l'opinion selon laquelle l'exception serait également interprétée comme autorisant la "vente" d'ingrédients brevetés qui ont été commandés par un producteur qui stocke le produit breveté final – par exemple, dans le cas des produits pharmaceutiques, les ventes effectuées par les producteurs de produits chimiques fins d'ingrédients actifs commandés par le producteur de génériques.376

7.10 Seules peuvent se prévaloir de l'exception pour le stockage les personnes qui ont invoqué l'exception pour l'examen réglementaire prévue à l'article 55.2 1). Cette restriction a pour effet de limiter l'exception aux produits qui font l'objet du type de réglementation des pouvoirs publics en matière de commercialisation visé à l'article 55.2 1). Dans la pratique, seules les personnes qui ont effectivement obtenu l'autorisation réglementaire de commercialiser ces produits réglementés seraient en mesure de bénéficier de l'exception pour le stockage, parce qu'il n'y aurait aucun avantage commercial à disposer d'un stock de marchandises au moment de l'expiration du brevet, à moins d'avoir également l'autorisation réglementaire de vendre ces marchandises à compter de cette date.

Inversement, l'exception pour le stockage complète bel et bien les effets concurrentiels de l'exception pour l'examen réglementaire. Sans l'autorisation additionnelle de constituer des stocks pendant la durée du brevet, les concurrents qui obtiennent l'autorisation réglementaire de vendre à la date d'expiration du brevet ne seraient quand même pas en mesure d'entrer sur le marché à cette date, parce qu'il leur faudrait d'abord fabriquer une quantité suffisante de marchandises.

I. ALLÉGATIONDESPARTIES

7.11 Les CE ont demandé au Groupe spécial de constater que l'article 55.2 1) et 55.2 2) de la Loi sur les brevets canadienne était incompatible avec les obligations du Canada au titre des articles 27:1

376 Voir plus haut la note de bas de page 49.

et 28:1 de l'Accord sur les ADPIC et, dans la mesure où l'article 55.2 2) constituait une violation de l'article 28:1, il était également incompatible avec l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC.377

7.12 Le Canada a fait valoir que ni l'article 55.2 1) ni l'article 55.2 2) ne constituaient une violation de l'une quelconque des trois dispositions de l'Accord sur les ADPIC citées. S'agissant de la violation alléguée de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, il a reconnu que l'article 55.2 1) et l'article 55.2 2) autorisaient un comportement qui entrait en conflit avec les droits conférés par un brevet conformément à l'article 28:1, mais il a allégué que chacune de ces deux dispositions était une exception autorisée par l'article 30 de l'Accord. S'agissant de la violation alléguée de l'article 27:1, il a présenté deux moyens de défense: premièrement, l'article 27:1 ne s'applique pas aux mesures autorisées par l'article 30 de l'Accord et, deuxièmement, même si l'article 27:1 s'applique effectivement aux mesures autorisées par l'article 30, les deux dispositions de la Loi sur les brevets en question ne constituent pas une discrimination en violation de l'article 27:1. S'agissant de la violation alléguée de l'article 33, il a soutenu que l'article 55.2 2) ne constituait pas une violation de l'article 33.

J. PRINCIPESD'INTERPRÉTATION

7.13 Les questions juridiques soulevées dans le présent différend ont trait principalement à des différences d'interprétation des dispositions essentielles de l'Accord sur les ADPIC invoquées par les parties, principalement les articles 27:1, 30 et 33. Les règles qui régissent l'interprétation des Accords de l'OMC sont les règles d'interprétation des traités énoncées aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne.378 Le point de départ est la règle énoncée à l'article 31 1) qui dispose ce qui suit:

"Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but."

Les parties ont présenté des arguments sur chacun de ces éléments, ainsi que des arguments complémentaires fondés sur la pratique ultérieurement suivie par certains Membres de l'OMC, se prévalant ainsi de l'article 31 3) b), dont la partie pertinente est libellée comme suit:

"Il sera tenu compte, en même temps que du contexte: a) [...]; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité."

Les parties ont également avancé des arguments fondés sur l'historique de la négociation des dispositions de l'Accord sur les ADPIC en cause. L'historique de la négociation entre dans la catégorie des "Moyens complémentaires d'interprétation" et est régi par la règle énoncée à l'article 32 de la Convention de Vienne, qui dispose ce qui suit:

"Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31:

377 Chaque fois que les CE se réfèrent à leur allégation selon laquelle l'article 55.2 2) constitue une violation de l'article 28:1 de l'Accord sur les ADPIC, elles parlent d'une violation de "l'article 28:1 pris conjointement avec l'article 33". Le sens précis de cette expression charnière n'a pas été expliqué. Le Groupe spécial a conclu qu'il lui fallait examiner la violation alléguée de l'article 28:1 comme une question distincte et qu'il devrait différer l'examen de l'allégation relative à l'article 33 et du sens exact de l'expression charnière "pris conjointement avec" jusqu'à ce que cette question se pose en fait d'elle-même.

378 Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), entrée en vigueur le 27 janvier 1980.

a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou

b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable."

7.14 Le Groupe spécial a noté que dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, où étaient incorporées certaines dispositions des principaux instruments internationaux préexistants sur la propriété intellectuelle, le contexte auquel il pouvait faire appel aux fins de l'interprétation de dispositions spécifiques de l'Accord sur les ADPIC, en l'espèce les articles 27 et 28, n'était pas limité au texte, au Préambule et aux Annexes de l'Accord sur les ADPIC proprement dit, mais englobait aussi les dispositions des instruments internationaux sur la propriété intellectuelle incorporées dans l'Accord sur les ADPIC, ainsi que tout accord intervenu entre les parties à l'égard de ces accords au sens de l'article 31 2) de la Convention de Vienne sur le droit des traités. En conséquence, comme le Groupe spécial aura l'occasion de l'exposer plus en détail ci-après, l'article 9 2) de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1971) (ci-après dénommée la Convention de Berne) est un élément contextuel important pour l'interprétation de l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC.

7.15 En raison du contexte élargi dont il faut tenir compte au moment d'interpréter les dispositions de l'Accord sur les ADPIC, le Groupe spécial, examinant l'historique de la négociation de l'Accord sur les ADPIC, a conclu que l'interprétation pouvait aller au-delà de l'historique de la négociation de l'Accord sur les ADPIC proprement dit et inclure aussi celui des instruments internationaux sur la propriété intellectuelle qui y étaient incorporés.

K. CHARGEDELAPREUVE

7.16 Les questions juridiques soulevées dans le présent différend concernent principalement des questions d'interprétation juridique – le sens des dispositions de l'Accord sur les ADPIC au titre desquelles les deux dispositions de la Loi sur les brevets du Canada ont été mises en cause. Les faits de base concernant ces questions d'interprétation sont pour l'essentiel incontestés. Toutefois, quelques questions factuelles ont été soulevées en ce qui concerne le sens de certains aspects de la législation canadienne et l'incidence effective de cette législation dans la pratique. En outre, l'application de normes juridiques fait souvent intervenir à la fois des questions de droit et des questions de fait et les désaccords sur l'application de ces normes entraînent donc parfois un désaccord sur les prémisses factuelles. Dans la mesure où il y a effectivement de tels désaccords sur des points de fait, les règles relatives à la charge de la preuve sont susceptibles d'être pertinentes chaque fois que le poids des éléments de preuve ne permet pas de se prononcer de manière définitive. Comme l'Organe d'appel l'a dit au sujet de l'affaire États-Unis - Mesure affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d'Inde379:

"[...] il incombait à l'Inde de présenter des éléments de preuve et des arguments suffisants pour établir une présomption que la détermination faite par les États-Unis concernant la sauvegarde transitoire était incompatible avec les obligations qu'ils tenaient de [...]. Une fois cette présomption établie, il appartenait alors aux États-Unis de présenter des éléments de preuve et des arguments pour la réfuter."380

De même dans la présente affaire, le Groupe spécial était d'avis qu'il incombait aux CE de présenter des éléments de preuve et des arguments suffisants pour établir prima facie que le Canada avait enfreint les articles 27:1, 28:1 et 33 de l'Accord sur les ADPIC. Il appartiendrait au Canada de

379 Document WT/DS33/AB/R, pages 14 à 19 (rapport adopté le 23 mai 1997).

380 Dans d'autres contextes, l'Organe d'appel a utilisé l'expression "commencement de preuve" à la place de "présomption" (voir Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), WT/DS26/AB/R, paragraphe 104).

présenter des arguments et des éléments de preuve suffisants pour réfuter ces éléments prima facie.

Le Canada a, à toutes fins utiles, reconnu la violation de l'article 28, puisqu'en l'espèce il avait eu recours à l'exception prévue à l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC. L'article 30 étant une exception aux obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC, il appartiendrait au Canada de démontrer que les dispositions de l'article 55.2 1) et 55.2 2) sont conformes aux critères énoncés à l'article 30. C'est sur cette base que le Groupe spécial a abordé l'analyse des allégations qui lui avaient été présentées.

L. ARTICLE 55.2 2) (EXCEPTIONPOURLESTOCKAGE)

1) APPLICATION DE L'ARTICLE 28:1 ET DE L'ARTICLE 30 DE L'ACCORD SUR LES

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