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EXCEPTIONS LIMITÉES

Dans le document Td corrigé RESTRICTEDCode pdf (Page 128-132)

5.8 Commentant plus particulièrement l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, l'Australie a fait les observations suivantes:

- L'article 30 laissait aux Membres de l'OMC toute latitude pour prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet selon l'article 28 de l'Accord, à condition que ces exceptions:

- ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet;

- ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet; et

- tiennent compte des intérêts légitimes des tiers.

Il s'agissait d'un critère cumulatif car les trois conditions devaient être remplies.

- L'article 30 supposait que, dans certaines circonstances, des exceptions aux droits de brevet, distinctes des limitations prévues à l'article 31, étaient justifiées. Certaines exceptions pertinentes étaient prévues, par exemple, par la Convention de Paris (article 5ter).

Commentant l'Accord sur les ADPIC319, certains auteurs avaient illustré la portée des exceptions autorisées par l'article 30 en citant des dispositions concernant la recherche scientifique, l'expérimentation, l'invention simultanée et l'usage antérieur. La licence implicite permettant à l'acheteur légitime d'un article breveté de le revendre320 ou de le réparer321 pouvait être une autre exception. Pour déterminer si les dispositions en cause de la

318 Otsuka Pharmaceutical Co., Ltd. v Towa Yakuhin K.K., Haute Cour de Tokyo, 6ème Chambre civile, affaire n° 3498(ne), 31 mars 1998; décision confirmée par la deuxième Chambre de la Cour suprême, affaire n° 1998(ju) 153, 16 avril 1999.

319 Voir par exemple, M. Blakeney, Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights: A Concise Guide to the TRIPS Agreement, Londres, 1996, page 87; et D. Gervais, The TRIPS Agreement: Drafting History and Analysis, Londres, 1998, page 159.

320 Voir les décisions citées par Ricketson, op. cit., page 988.

321 Dunlop Pneumatic Tyre Company v Holborn Tyre Co. Ltd. (1901) 18 RPC 22.

loi canadienne entraient dans le champ d'application de l'article 30, il fallait considérer à la fois la portée de ces dispositions et leur application à l'industrie pharmaceutique.

Caractéristiques de l'industrie pharmaceutique

- Avant d'appliquer les dispositions de l'article 30, il fallait examiner les caractéristiques particulières de l'industrie pharmaceutique qui constituaient le contexte de la présente affaire. Les prescriptions rigoureuses auxquelles il fallait satisfaire pour obtenir l'approbation réglementaire des produits pharmaceutiques nouveaux imposaient une charge aux fabricants: le processus d'approbation était long (et, pour le breveté, il pouvait empêcher l'exploitation commerciale pendant une bonne partie de la durée du brevet). Cela entraînait un manque à gagner pour le breveté pendant la période normale d'exploitation exclusive du brevet et cela décourageait l'investissement dans de nouveaux produits ainsi que dans la recherche et les essais cliniques nécessaires pour obtenir l'approbation. Pour le fabricant de produits génériques, les prescriptions réglementaires pouvaient retarder considérablement la mise sur le marché d'une copie après l'expiration du brevet, indépendamment des opérations commerciales et industrielles normales préalables à la commercialisation du produit.

- Les tribunaux et les gouvernements avaient constaté que la charge imposée par la réglementation pesait aussi bien sur les producteurs que la recherche sur les fabricants de produits génériques et ils avaient cherché à résoudre ce problème de diverses façons. Par exemple, un certain nombre de Membres permettaient de prolonger la durée des brevets pour remédier au déséquilibre des droits résultant de l'impossibilité d'exploiter le brevet pendant une grande partie de sa durée. De même, des exceptions limitées aux droits de brevet destinées à servir de "tremplin" avaient été appliquées pour corriger le déséquilibre susceptible de se produire lorsqu'un fabricant de produits génériques ne pouvait entreprendre les préparatifs réglementaires qu'après l'expiration du brevet. La raison d'être de ces deux types de mesures était de rétablir l'équilibre et de faire en sorte que le délai effectif d'exploitation commerciale exclusive soit raisonnable. Ces deux réactions complémentaires avaient le même but: remédier aux effets du processus réglementaire, qui faussent les échanges, tout en veillant à ce que chaque produit pharmaceutique nouveau soit rigoureusement testé afin de préserver l'intérêt général.

- Une application similaire des principes fondamentaux régissant les brevets apparaissaient dans une autre exception largement admise, autorisée par l'article 30 – l'exception d'antériorité mentionnée précédemment. Dans la présente affaire, le fait d'autoriser un tiers à continuer d'utiliser l'invention brevetée constituait une atteinte "justifiée"

à l'exploitation normale parce que, si on l'en empêchait, cela compromettrait l'équilibre des intérêts légitimes du breveté et de l'utilisateur antérieur. En revanche, les dispositions normalement prises pour exploiter un brevet pharmaceutique – préparatifs techniques et industriels, fabrication, distribution, offre à la vente, etc. – n'étaient pas soumises à des obstacles extrinsèques particuliers ou à une perturbation excessive de l'équilibre fondamental des intérêts. Eu égard à ces dispositions, le secteur pharmaceutique était traité essentiellement de la même façon que tout autre domaine technologique.

"Atteinte injustifiée à l'exploitation normale d'un brevet"

- Une exception aux droits conférés par un brevet qui portait atteinte à l'exploitation normale du brevet pouvait être autorisée aux termes de l'article 30 à condition que cette atteinte ne soit pas injustifiée. La notion d'"exploitation normale" d'un brevet avait une portée

plus large que la simple vente de produits brevetés322: elle désignait essentiellement l'utilisation du brevet à des fins commerciales, ou d'une façon qui procurait un bénéfice au breveté. Elle englobait la fabrication du produit breveté à l'échelle industrielle, l'offre de ce produit à la vente, la concession d'une licence d'exploitation ainsi que l'emballage et la préparation du produit breveté en vue de sa vente et de sa distribution.

- La demande d'une approbation réglementaire liée à la technologie pour un produit pharmaceutique se distinguait aisément du processus normal de commercialisation d'un produit breveté. L'équilibre des intérêts dans le cadre des droits de brevet n'allait pas jusqu'à donner le droit d'empêcher des tiers de demander une approbation réglementaire en vue d'une utilisation après l'expiration du brevet. Si la demande amenait incidemment à entreprendre des activités qui empiétaient sur l'exploitation normale (par exemple, un cycle de production à l'échelle préindustrielle ou l'importation d'échantillons), ce serait un excellent exemple d'atteinte justifiée à l'exploitation normale: dans ce contexte, une atteinte "injustifiée" pouvait être définie par référence à l'équilibre fondamental des intérêts dans le cadre du système des brevets. Étant donné que cet équilibre n'était pas compromis par l'activité secondaire consistant à demander une approbation réglementaire, cette atteinte pouvait être considérée comme justifiée. Dans les cas où une exception était autorisée pour permettre des activités qui ne correspondaient pas à des obstacles particuliers à la commercialisation par les concurrents après l'expiration du brevet, l'atteinte à l'exploitation normale pouvait être considérée comme injustifiée.

"Préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet"

- Les intérêts légitimes du titulaire d'un brevet étaient les intérêts acquis par suite de la délivrance du brevet, c'est-à-dire les intérêts découlant du droit d'exploitation exclusive du brevet, droit qui expirait avec le brevet. Un préjudice à ces intérêts légitimes entraînait un dommage, un tort ou une perte en rapport avec l'exploitation des droits conférés par le brevet pendant sa durée. Cela pouvait être dû à la perte de ventes ou de possibilités de concéder des licences, à la diminution des bénéfices retirés des licences ou à une perte de valeur lors de la cession des droits. Un préjudice injustifié était une perte ou un dommage incompatible avec l'équilibre des droits et des obligations établi par le système des brevets; un préjudice justifié signifiait que des pertes pouvaient être subies, mais qu'elles ne privaient pas le titulaire du brevet des bénéfices commerciaux normaux, y compris ceux qui résultaient de la concession de licences en vue de l'exploitation commerciale générale du brevet.

- Le breveté pouvait retirer un avantage commercial en exerçant ses droits de diverses façons: l'intégralité de son revenu pouvait provenir du paiement de droits de licence. Ce dernier pouvait être lié à l'utilisation d'une invention brevetée pour des activités commerciales générales et n'était pas nécessairement limité au paiement d'une redevance sur les ventes finales. Les intérêts légitimes devaient être interprétés dans ce contexte plus large, et un préjudice causé à ces intérêts devait être considéré comme étant plus qu'une simple perte de ventes. Toutefois, les intérêts légitimes avaient des limites: le breveté pouvait en principe demander à un concurrent de payer des droits de licences pour l'utilisation d'un produit pharmaceutique breveté lors de la préparation et de la présentation des documents requis pour obtenir une approbation réglementaire. Mais il se pouvait, dans certaines circonstances, qu'il n'ait aucun intérêt légitime dans le fait de retirer un bénéfice d'un processus réglementaire, distinct de l'exploitation commerciale du brevet. Par ailleurs, si l'on considérait que la perception de droit de licence sur des concurrents qui se préparaient à commercialiser un produit pharmaceutique breveté constituait, en général, un intérêt légitime du breveté, une

322 Voir la définition du terme "exploiter" dans la loi australienne précitée (note de bas de page 315).

exception pour approbation réglementaire qui entraînait pour lui la perte de droits de licence causait un préjudice à ses intérêts, mais de manière justifiée. Cela tenait là encore à ce que l'équilibre fondamental des intérêts n'était pas préservé si le breveté tirait un bénéfice de l'exploitation de son invention uniquement en liaison avec un processus réglementaire extrinsèque.

- Les dispositions "tremplin", qui permettaient aux tiers de faire un usage limité du brevet en vue d'obtenir une approbation réglementaire, avaient pour but et pour effet de faciliter l'entrée des concurrents sur le marché après l'expiration du brevet. Elles n'entravaient en aucun cas l'exploitation commerciale du brevet par son titulaire et elles ne lui causaient pas de perte ou de dommage pendant la durée du brevet. Les pertes apparentes – comme celles dont se plaignaient les CE – étaient la conséquence du passage d'une situation de monopole à une situation concurrentielle après l'expiration du brevet. Le titulaire du brevet n'avait droit à aucune compensation si ses bénéfices diminuaient sous l'effet d'une concurrence loyale, après l'expiration du brevet.

"Compte tenu des intérêts légitimes des tiers"

- La troisième condition formulée à l'article 30 était l'obligation de tenir compte des intérêts légitimes des tiers. La question de savoir si une exception "portait atteinte de manière injustifiée" à l'exploitation normale d'un brevet ou causait un "préjudice" aux intérêts légitimes du titulaire du brevet devait donc être pondérée par les intérêts des tiers; cela donnait à penser que les intérêts des tiers devaient être pris en considération, mais ne primaient pas nécessairement. Cet élément de l'article 30 reflétait l'objectif énoncé à l'article 7, qui était de contribuer à un équilibre de droits et d'obligations. L'exception d'antériorité était un cas évident de prise en compte des intérêts des tiers: ou l'importance de l'intérêt de la tierce partie (droit découlant de la mise au point indépendante de l'invention avant la date de dépôt), le titulaire du brevet n'avait pas le droit d'agir contre elle.

- Les brevetés n'étaient pas les seules parties ayant un intérêt dans la protection des produits pharmaceutiques. L'octroi de cette protection était plus complexe que le simple octroi unilatéral de droits au breveté: c'était un contrat entre l'État et l'innovateur dans le cadre duquel la protection avait pour contrepartie la divulgation des connaissances nouvelles et le fait qu'il était dans l'intérêt général d'encourager l'investissement dans la recherche et le développement de produits pharmaceutiques nouveaux. Les parties intéressées étaient donc aussi les consommateurs privés, les autorités responsables de la protection de la santé publique et les fabricants de produits génériques qui souhaitaient entrer sur le marché après l'expiration du brevet.

- Les intérêts divers des tiers n'entraient pas nécessairement en conflit avec ceux du titulaire du brevet. L'Australie estimait que l'affaiblissement de la protection de la propriété intellectuelle dans le cas des brevets pharmaceutiques ne servait pas les intérêts des consommateurs, des gouvernements et même des fabricants de produits génériques, mais que les intérêts légitimes des tiers résidaient dans le maintien de l'équilibre voulu entre la protection de la propriété intellectuelle et d'autres questions d'intérêt général, comme l'existence d'une concurrence libre et loyale à l'expiration du brevet, un système adéquat de fixation des prix des produits pharmaceutiques, un plus large choix de produits pour les consommateurs, et la poursuite de l'investissement et de la prise de risque dans la mise au point de produits pharmaceutiques nouveaux.

- Les intérêts des tiers étaient en jeu parce que les retards dus à la réglementation après l'expiration du brevet pouvaient retarder considérablement la mise sur le marché de copies et restreindre ainsi la concurrence loyale sur le marché des produits pharmaceutiques. Prévoir

une exception limitée aux droits conférés par un brevet pour permettre de prendre des dispositions en vue d'obtenir une approbation réglementaire était donc une bonne façon de tenir compte de ces intérêts sans porter atteinte de manière injustifiée à l'exploitation normale du brevet et sans causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet.

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