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Chapitre troisième : Les différentes typologies et classification des

Morphologie 6. réduction de la forme

4) Nature et divers aspects de l’unité linguistique néologique :

S’interroger sur la nature des éléments linguistiques susceptibles de constituer des néologismes est l’une des plus grandes questions que doit se poser n’importe quel chercheur en ce domaine avant même l’examen de ces unités linguistiques néologiques. D’une manière générale, on considère qu’il s’agit de mots dont la nouveauté est soit formelle soit sémantique. Cependant, Sablayrolles (1996 : 06) admet que cette conception est trop limitative pour rendre compte de la néologie dans le fonctionnement de la langue.

4-1) Genre et caractéristiques de l’unité linguistique néologique:

4-1-1 Genre de l’unité néologique :

Ni le « morphème », la plus petite unité porteuse de sens, ni le « mot », résultat de l'association d'un sens donné à un ensemble de sons donnés susceptible d'un emploi grammatical donné (Meillet, 1921, 30, cité dans Marouzeau 1969, J. Picoche, 1977), ne se révèlent pertinents pour l’étude de la néologie qui doit prendre en compte des unités d’autres dimensions. Celles-ci, c’est-à-dire les unités peuvent être des unités simples, indécomposables ou des unités complexes comprenant des formes affixées ou composées, ainsi des syntagmes prépositionnels pouvant aller jusqu’à la phrase ou au texte. Le néologisme se situe donc entre ces deux niveau : du morphème au syntagme.

92 La lexie : simple, composée et complexe :

Le concept de lexie46 a été proposé pour nommer toutes les unités déjà citées qui sont fort

différentes mais unies par des caractéristiques communes. Ce concept s’est même bien

implanté dans la lexicologie récente47. Ce terme de lexie que l’on doit à B. Pottier pour

désigner toute « unité lexicale mémorisée ». Dans ses travaux, il fait la distinction entre lexies simples (c’est-à-dire les mots. Exemples : chaise, pour, manger), lexies composées, marque formelle de la présence de plusieurs éléments. Exemples : tire-bouchon, rez-de- chaussée et lexies complexes, séquence en voie de lexicalisation à des degrés différents. Exemples : la guerre froide, prendre des mesures. A son tour, J. Tournier (1985) en fait la distinction, fondée sur la nature et le nombre d’éléments formant la lexie : lexies primaires, affixées, composées, prépositionnelles (syntagmes prépositionnels lexicalisés); lexies complexes (toutes les autres lexies, jusqu’à la phrase lexicalisée), lexies textuelles (textes comprenant plus d’une phrase).

Cependant, G. Gross (1996, pp.7-8) cité dans une note en bas de page, n’emploie pas ce mot de lexie. Il oppose ce qu’il appelle mots racines ou mots simples et mots construits au sein desquels il distingue les mots dérivés et les mots polylexicaux ou complexes.

4-1-2 Caractéristiques des lexies néologiques :

Les caractéristiques que possèdent conjointement ces unités néologiques sont plusieurs :

- Au niveau fonctionnel : ces unités ont le même statut et même type de distribution que ce qu’on appelle traditionnellement des « mots » ou les monèmes autonomes selon A. Martinet. « Le mot est l’archétype de la lexie. Tous les mots sont des lexies mais, si l’inverse n’est pas vrai, en l’occurrence toutes les lexies ne sont pas des mots, elles en ont cependant quelques caractéristiques fondamentales. » (J-F Sablayrolles, (2000 :149).

46 Selon le dictionnaire de linguistique (2002, p.282), la lexie est l’unité fonctionnelle significative du discours,

contrairement au lexème, unité abstraite appartenant à la langue. La lexie simple peut être un mot : table, la lexie composée peut contenir plusieurs mots : brise-glace et la lexie complexe est une séquence figée : en avoir plein le dos.

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- Au niveau sémantique : elles sont porteuses de sens. Elles associent un signifié et un signifiant donc, ce sont des signes monosémiques qui font preuve d’une stabilité référentielle dés leur apparition, d’ailleurs c’est l’une des principales raisons d’exister comme l’a déjà souligné Wagner cité par Sablayrolles (1996 :07), qu’un des rôles des néologismes « est d’inclure dans la trame conceptuelle du discours un peu de ce qui, dans l’univers, se perd à jamais, faute d’un nom qui permette de le faire passer dans le discours ».

- Ces unités font appel à la mémoire : Les néologismes sont susceptibles d’être mémorisés, au même titre que les unités lexicales qui existent déjà. Elles viennent s’ajouter alors au stock lexical existant. Cependant, si les individus n’en souviennent pas ou ne les réemploient pas cela relève d’un autre problème. J-F Sablayrolles (2000 : 150) écrit dans une note en bas de page : « les capacités mémorielles individuelles font varier le stockage effectif, et cela n’est pas linguistiquement pertinent. » Il suffit que ces néologismes soient accumulés comme un tout, quelles que soient la dimension et la complexité de l’unité.

4-1-3 Différentes formes de lexies néologiques:

- La complexité des lexies néologiques :

Il est intéressant de remarquer que les éléments susceptibles d’être des néologismes sont très variables dans leur statut, leur taille et leur complexité (1996 :8-9). Ces éléments forment une sorte de continuum qui part d’éléments qui ne sont pas initialement des signes (suite de lettres ou de sons, syllabes), qui passe par des signes linguistiques autonomes (mots) et non autonomes (morphèmes) jusqu’à des séquences longues et complexes (phrases, énoncés).

- Unité inférieure au mot :

A l’instar de Sablayrollles48, des segments primitivement inférieurs au mot peuvent

également constituer des néologismes: des morphèmes non autonomes, préfixes, suffixes tels que ex, re- ou -isme peuvent devenir des lexies néologiques. Exemple : les ex- et le

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capitalisme (= ex dirigeants politiques), ex-conjoint, ex-communiste, ex-mari,... Cependant, ce type de néologies reste relativement rare.

- Néologismes flexionnels :

Parmi les éléments : fonctionnel, sémantique et mémorisé qui caractérisent la lexie,

s’ajoute le fait flexionnel49. Toute forme nouvelle, qu’elle remplisse un vide (exemple du

verbe défectif : ils closirent ; flexion nominale incomplète : pluriel de causal : causals ou

causaux; création d’une forme féminine écrivaine) ou qu’elle soit formée

« régulièrement » pour une lexie à flexion irrégulière (nous closons ou nous nous allerons) relève de la néologie.

- Néologismes du niveau du mot :

Ces lexies néologiques du niveau du mot sont très nombreuses. Elles relèvent de trois grands types : - la néologie formelle (dérivés, composés et mots valises- la néologie sémantique (antonomase, métaphore et métonymie mais on omet souvent les extensions et restrictions de sens si importantes chez Beal (1897) cité par Sablayrolles, ainsi que les emprunts. A cela, s’ajoute le type des néologismes syntaxiques par changement de construction. Ce type de procédé néologique caractérise surtout le langage des jeunes. Nous pouvons citer comme exemple le changement de construction du type transitivation de verbes intransitifs, ou inversement construction de verbes transitifs, donné par Sablayrolles j’hallucine signifie « je suis victime d’hallucination »et non « je provoque des hallucinations ».

- Unités d’un niveau originel supérieur au mot :

Les unités néologiques qui, par la taille ou la complexité sont des unités supérieures au mot peuvent être considérées comme unités lexicales des associations de mots. Mais, cette manière de considérer des groupes comme des unités n’est pas nouvelle. « Nous considérons aussi comme des composés les groupes formés d’un nom et d’un adjectif, quand ils expriment un concept simple, une unité psychologique ». (HLF, tome XIII, 2ème partie, p.76, cité par Sablayrolles). Ainsi, les concepts de synapsie d’E. Benveniste ou de synthème d’A. Martinet recouvrent en grande partie ces unités complexes.

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Selon le nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage (1995, p.432), les flexions font partie de systèmes de conjugaison ou de déclinaison.

Inexistantes au XIXème siècle, ces formes seraient en usage au XXème.

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Cependant, ces lexies néologiques sont pour la plupart obtenues par détournement de lexies qui sont soit des unités de langue: des locutions, des proverbes, des expressions soit des unités discursives secondairement transformées en lexies. Ces détournements se font par adjonction, suppression ou transformation d’éléments. Ces lexies associent d’une manière contradictoire du figé et du nouveau. Exemple cité par J-F Sablayrolles: Liberté, égalité, parité comme slogan féministe. Dans notre corpus, nous avons relevé l’exemple suivant : Chacun pour soi et tout pour moi au lieu de : chacun pour soi et Dieu pour tous. Plus longues et plus complexes que ces lexies, s’ajoutent les lexies textuelles : il s’agit des textes parodiques dont l’analyse relève d’autres principes.