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Chapitre PREMIER : Présentation du corpus : méthode de la collecte des

2) Le journal Le Quotidien D’Oran:

Le Quotidien d’Oran qui fait partie de la presse francophone algérienne s’écrit dans une langue non nationale fournissant ainsi l’exemple d’un rapport à l’autre qui n’est pas imposé de l’extérieur, mais produit de l’intérieur. Cette presse écrite francophone a joué et joue encore un rôle politique, économique, sociale et culturel qui, pensons-nous, n’est pas assumé par la presse écrite arabe. Ainsi, il faut reconnaître qu’en Algérie, les tirages de la presse écrite francophone ont toujours été supérieurs à ceux de la presse arabophone. Alors, on imprime plus de journaux dans la langue de Molière qu‘aux heures de la colonisation, il faut souligner que la seule ville d’Alger la capitale compte plus de six quotidiens francophones

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d‘information politique : El Moudjahid, Liberté, le Soir d’Algérie, Le Matin, Alger Républicain, bénéficiant d‘une grande fidélité de la part du lectorat algérien.

2-1 Création et émergence du journal le Quotidien d’Oran : 2-1-1 Historique du journal :

Avec les évènements d’octobre 1988 dont les causes sont essentiellement économiques et sociales, le pays a connu un grand changement dans tous les domaines. L’émergence d’une presse privée et partisane variée et dynamique a vu le jour, mais cela après plusieurs défaites du MJA (Mouvement des journalistes algériens) dans une bataille du démantèlement de la presse écrite du secteur d'état. Selon A. Hanifi (1996), en page trois, quinze lignes d'un texte de deux cents lignes signé APS (agence officielle Algérie Presse Service) sont réservées à la libéralisation de la presse. « Afin de permettre l'émergence d'une presse d'opinion de qualité, le conseil des ministres a décidé d'autoriser les journalistes en fonction actuellement dans les entreprises de presse appartenant au secteur public d'exercer dans les organes qui leur paraissent les plus conformes à leurs opinions et à leur vocation. Leurs rémunérations et l'évolution de leur carrière demeureront garanties par le budget de l'Etat (…). »

En effet, les corollaires de la démocratie (liberté d’opinion et d’expression) font de la transition, (1988-1990) l’émergence de médias indépendants, presse écrite privée en particulier. Cette mutation surtout médiatique, que connait l’Algérie depuis plus de trente ans, a aussi une incidence directe sur la dynamique et l’évolution des langues utilisées par les journalistes.

En avril 1990, la loi de la presse, concernant le changement du Code de l’Information a été promulguée pour le lancement d’une presse indépendante et privée. En effet, cette loi a été le théâtre d’un grand changement dans le paysage de la presse écrite et a ouvert la voie à de très nombreux titres des principaux quotidiens de la langue française, qui ont paru au lendemain de la loi 1990 dont nous retiendrons principalement Le Quotidien d’Oran (1994).

2-1-2 Création et fondation du Quotidien d’Oran :

Le Quotidien d’Oran est né exactement le 14 décembre 1994 mais son premier numéro est paru le 14 janvier 1994, sans aide de l’Etat. C'est une entreprise "SPA". Ce quotidien

journalistique doit sa naissance à la volonté de faire exister un traitement de l’information.

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Cette production journalistique a, en effet, accompagné l’aspiration de la société algérienne pour une information plurielle en touchant à tout domaine qu’il soit politique, économique, sociétal, culturel médiatique, sportif, …etc.,

2-1-3 Une ligne éditoriale pas comme les autres :

Cette production journalistique est fondée par un groupe de citoyens. Sa nature juridique est particulière car il s’agit d’une Société par actions. Le quotidien est composé de 80 actionnaires. Chaque actionnaire ne dispose que de dix actions. Du point de vue social et politique, le profil de ces actionnaires est extrêmement hétérogène et ils sont tous d’origine régionale différente. Ils sont de l’Est et l’Ouest des quatre coins d’Algérie et leur appartenance politique est différentes ce qui donne une liberté éditoriale aux gestionnaires du produit. « Leurs profils vont du petit fonctionnaire à l'industriel (…) Leurs colorations politiques soient les plus larges possibles. Leurs origines géographiques et ethniques aussi ».99

Par ailleurs, une grande et totale liberté est léguée de la part de ces actionnaires au

directeur du journal, Mohamed Benabbou, qui est en même temps le président directeur

général, vu sa grande expérience journalistique. Cette ligne éditoriale est définit par son fondateur comme suit :

«…fondamentalement, nous nous refusons d’imposer une direction à notre lectorat. Je suis convaincu en définitive que notre progression, que tout le monde s’accorde à dire qu’elle est spectaculaire, est due au fait que chacun se retrouve dans Le Quotidien d’Oran. Ma première préoccupation en tant que responsable de cette [édition] est de veiller à maintenir et à sauvegarder dans le traitement de l'information ce qui est commun à tout le monde sans préjugés et sans tabous, c’est-à-dire l'intérêt commun de tous, ceux qui sont braqués à l'ouest comme ceux qui le sont à l'est, ceux qui regardent à droite comme ceux qui s'en tiennent à gauche »100

Cette ligne éditoriale qui doit sa naissance à l’appétence de la société algérienne d’avoir une source d’informations plurielles, n’est pas soumise ni au pouvoir ni aux cercles de l’opposition. C’est une presse journalistique qui vise à préserver un point d’équilibre entre le

pouvoir et l’opposition.C’est la raison pour laquelle que son fondateur M. Benabou dit « …

99 Source : M. BENABOU, Directeur de publication. 100

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Ceci fait que nous sommes estimés par l'opposition comme par le pouvoir. C'est, il est vrai, une fastidieuse gestion ».101

2-1-4 Le Quotidien d’Oran (une édition nationale) :

A sa naissance, c'était un journal qui ne paraissait qu'en Oranie, car les moyens techniques ne permettaient pas de le faire imprimer ailleurs, par exemple à Alger et Constantine. Mais en

1997, c’est-à- dire, trois ans après sa création et avec le développement des Tic, le journal

avait commencé à être tiré à l'échelle nationale. Alors ce quotidien est sorti de son ancrage historico- géographique Oran et sa région pour devenir une édition nationale et depuis cette date il est reconnu comme premier quotidien francophone du pays avec le plus grand tirage. Il est donc imprimé à Oran (Ouest), Alger (centre) et Constantine (Est), ce qui lui permet une diffusion au niveau national et rallier un lectorat national important.

Longtemps considéré comme étant le premier quotidien francophone du pays et celui de quotidien de référence pour la presse étrangère avec un tirage actuel estimé à 425000 exemplaires. Ce chiffre le classe en 2ème position des tirages de la presse quotidienne algérienne et en 1ère position si l'on ne tient compte que des quotidiens d’expression française. Mais, il semblerait que Le Quotidien d'Oran se soit fait devancer ces dernières années par El Watan, un autre quotidien francophone de la presse algérienne. Il faut

également souligner que Le Quotidien d'Oran est le seul support francophone à respecter le

Code de l'Information algérien qui exige la publication quotidienne des chiffres de tirage.

Nous remarquons en page deux (du journal) le nombre d'exemplaires tirés quotidiennement.

C'est aussi le premier journal national qui a acquit sa rotative, c'est-à-dire, ses moyens d'impressions. Car, comme toute la presse nationale on imprimait dans les imprimeries d'Etat. 2-1-5 La production journalistique du Quotidien d’Oran (qualité du contenu et le cadre formel) :

2 -1-5- a) Le cadre formel :

Concernant le cadre formel, cette ligne éditoriale met à la disposition de ces lecteurs un

journal de trente deux pages en format tabloïd. Depuis sa création, cet organe de presse fut sa

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M. Benabou, Directeur de publication

Technologies de l'information et de la communication

Le format tabloïd est un format de journal qui correspond à la moitié des dimensions d’un journal

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parution en noir et blanc mais il a vite changé de maquette en introduisant des couleurs à la fin de l’année 2007. En 2002, Le Quotidien d’Oran a son site Internet. En plus de la version papier, ce quotidien met à la disposition de ses lecteurs deux versions online/on-line. En effet, le lecteur peut consulter ces deux versions électroniques HTML et PDF sur le site Internet du

quotidien : http://www.lequotidienoran.com. C’est ainsi que ce journal est devenu accessible à

tout lecteur algérien et même pour les observateurs qui s’intéressent à la scène algérienne. Aujourd'hui cette indépendance technologique permet au journal de devenir une entreprise éditrice de son journal. Contrairement à d’autres quotidiens, ce journal ne possède aucune présence sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter.

2-1-5-b) La qualité du contenu de la production journalistique du Quotidien d’Oran :

Le Quotidien d'Oran est un quotidien généraliste qui traite aussi bien des sujets intérieurs que des sujets d'actualité internationale. Mais son seul privilège est l'analyse politique et le débat d'idées que ce soit pour les sujets nationaux ou étrangers. Ainsi, une petite place

particulière est consacrée à l'actualité de la ville d'Oran et de sa région.

Son contenu éditorial est marqué par une très bonne qualité de la production journalistique. En effet des journalistes, d’une très grande expérience, lui assurent cette qualité de production. Ce journal a bénéficié du talent et du génie de journalistes très expérimentés, tel que Mohamed Benabbou Le président directeur général et directeur de la publication et de nombreux universitaires qui ont assuré la qualité de la langue et une couverture médiatique. C’est ainsi que s'est forgée une solide réputation de cette production journalistique.

Le Directeur de la Publication reconnaît personnellement le talent, l’ingéniosité et la façon d’écrire ainsi que l’esprit créatif au niveau de la langue des jeunes journalistes qui font la fierté de tout le personnel du Quotidien d'Oran. Dans la préface du recueil où sont

rassemblées des chroniques journalistiques102 le Directeur de la Publication affirme : « Le plus

curieux chez l'auteur est cette maîtrise de la phrase qui va de paire avec la connaissance de la vie et de ses soubresauts, alors qu'il vient à peine de quitter les trente ans d'âge. Cette compétence langagière se manifeste fortement dans sa production écrite avec un talent que tout le monde ou presque reconnaît à "Kamel DAOUD" ».

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Exceptionnellement dans son édition de jeudi, Le Quotidien d'Oran rassemble les meilleures contributions des intellectuels et journalistes. Nous assistons alors à la parution des reportages de qualité, des informations inédites et des articles de fond.

En général, dans cette production journalistique, nous retrouvons plusieurs discours (social, politique et culturel) dans les différentes chroniques du journal. Ces dernières permettent de fonctionner pour nombre de lecteurs comme exposant une opinion «réelle» du vécu quotidien dans un cadre formel.

2-2) Le genre journalistique de la chronique :

Pour définir le genre journalistique, on prend appui sur trois ouvrages du journalisme dont est consacré respectivement au classement des journalistiques : J. De Broucker (1995), M.Voirol (1995), J. Mouriquand (1997).

J. De Broucker ainsi que M. Voirol distinguent deux grandes familles de genres rédactionnels : les genres ou les articles d’information et les genres ou les articles de commentaire dont la chronique fait partie. Dans Le Dictionnaire Le Littré, elle se trouve définie comme un article de journal. « Aujourd'hui, dans les journaux, partie où l'on raconte les principaux bruits de ville »103.

Pour J. De Broucker (1995), la chronique est « L’article dans lequel une « signature » rapporte ses observations, impressions et pas réflexions au fil du temps passé. […] C’est en quelque sorte un journal d’auteur à l’intérieur d’un journal de journalistes. L’auteur en question, qui d’ailleurs peut être ou ne pas être un journaliste, a ses propres critères de sélection et d’appréciation du ou des sujets dont il désire s’entretenir selon son humeur. »

D’après cette citation, nous comprenons que le chroniqueur n’est pas forcément un journaliste ou une personne qui a reçu une formation dans le domaine journalistique. C’est d’ailleurs le cas de l’auteur de la chronique Tranche de vie qui était avant tout un homme de théâtre et qui avait reçu une formation dans la réalisation cinématographique (nous développons ce détail dans les pages qui suivent).

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Selon G. Blas, la chronique est un des genres journalistiques qui « doit être courte et hachée, fantaisiste, sautant d’une chose à l’autre et d’une idée à la suivante sans la moindre transition. » Elle est un article écrit au jour le jour. Elle se présente comme un reflet de la vie quotidienne. Mais, qui selon M. Voirol, brasse plutôt les idées. La chronique en tant que genre journalistique a pour objet de dénoncer les travers de la société « de développer des idées, de livrer une opinion, d’affirmer une opposition » (Voirol, 1995 : 18). C’est une lecture personnelle de l’actualité par son auteur et une façon de la raconter dans la plus grande liberté avec la bonne humeur et avec la légèreté de l’esprit. Donc, selon l’auteur, toute chronique est forcément « subjective ». Cette définition correspond parfaitement à notre chronique Tranche de vie.

2-3) Les marques de subjectivité de l’énonciateur dans la chronique :

En ce qui concerne ce genre journalistique, la chronique, on peut la caractériser seulement par l’ « article de commentaire » qui montre l’engagement fort de l’énonciateur ou du chroniqueur. P. Charaudeau (1997) entend par engagement « degré d’engagement (+/-) », le fait que l’énonciateur manifeste plus au moins sa propre opinion ou ses propres appréciations dans l’analyse qu’il propose ou dans la façon de mettre l’évènement en scène. Ceci se traduit par le caractère subjectif de la chronique journalistique appelé aussi subjectivème par C. Kerbrat-Orecchioni (1980). Il s’agit des unités linguistiques de tout niveau qui fonctionnent dans le discours comme indices marquant l’inscription et les modalités d’existence du seul locuteur-scripteur dans son discours. L’auteur propose une classification sémantique de la subjectivité dans le lexique :

2-3-1 La subjectivité évaluative :

Comportant les jugements de valeur de l’énonciateur. Ce dernier se sert soit des mots valorisants (les mélioratifs, généralement des adjectifs) dans le cas d’appréciation ou dans le cas contraire, c’est-à-dire dans le cas d’une dépréciation, il se sert des termes (des adjectifs) dévalorisants (les péjoratifs).

2-3-2 La subjectivité affective :

A travers laquelle l’énonciateur exprime ses sentiments. A son tour D.Banks (2005 :260) souligne qu’il existe des textes où le locuteur veut se mettre en avant, souligner sa subjectivité de ses propos. Dans la presse également, que l’auteur soit individuel ou collectif, l’on perçoit les traces de son passage. On le voit surtout dans les éditoriaux. La présence de l’auteur se

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ressent non seulement dans les mots et les phrases qu’il utilise, mais même au niveau des phonèmes, et dans la ponctuation. Pour cela l’auteur utilise le terme sublocution, néologisme qui désigne l’ensemble des moyens linguistiques dont dispose le locuteur pour marquer sa présence dans l’énoncé. Selon l’auteur la sublocution peut se diviser en : - modalisation, ou domaine de jugement (appréciatifs), (judicatifs) ou (contradictifs). – modulation, ou domaine de l’expressivité des divers sentiments du locuteur.

2-4) Les caractéristiques linguistiques de la chronique journalistique :

Sur le plan linguistique, la chronique en tant que genre journalistique est également un genre littéraire car elle doit ses « caractéristiques à l’écriture, au talent de littéraire de l’auteur ». Production journalistique qui entretient des liens étroits avec la littérature, l’écriture de la chronique est souvent remarquable par la maîtrise de la langue. Rédigée souvent par des écrivains, la chronique est l’espace journalistique où écrivains peuvent s’introduire. Les Chroniques Italiennes de Stendhal publiées dans la Revue des Deux Mondes, le premier roman de Barbey d’Aurevilly, Amour impossible, sous-titré « Chronique parisienne » sont de bons exemples. A ces écrivains et chroniqueurs, nous pouvons citer également Bernard Frank au Monde et au Nouvel Observateur, Philippe Meyer à Radio France. Dans la presse algérienne, la chronique est souvent rédigée sous la bonne plume de certains écrivains comme Mouloud Achour (le journal EL Moudjahid), Tahar Djaout (le journal Algérie-Actualité), Youcef Zirem Ahmed Benzelikha et Kamel Daoud et Fodil Baba Hamed (le journal Le Quotidien d’Oran).