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1.3.2.1. Les premières années : entre modération et radicalisme avorté

Jusqu’à 1920, l’ANC multiplie les pétitions, envoie des délégations plaider la cause des Africains auprès des gouvernants de l’Empire, sans succès. Il a su s’imposer comme le vecteur principal des aspirations des Africains, mais ses méthodes constitutionnelles et non-violentes, profondément respectueuses des autorités et de l’Empire, sont un échec.

De 1918 à 1930, l’agitation sociale flambe. Le prolétariat africain urbain s’organise et multiplie les actions militantes, grèves, manifestations, notamment dans l’industrie minière. L’ANC, assimilationniste, qui s’est jusqu’ici désintéressé des questions sociales et des aspirations des ouvriers, est éclipsé par des organisations plus radicales, aussi bien dans leurs discours que dans leurs méthodes. L’Industrial and Commercial Workers’Union (ICU) est l’organisation politique africaine majeure des années 1920. Fondé en 1919, c’est originellement un syndicat. Il adopte un ton et des méthodes beaucoup plus militants que l’ANC. Son idéologie est un mélange d’anticapitalisme et de nationalisme africain radical inspiré du penseur jamaïcain-américain Marcus Garvey et de son slogan « L’Afrique aux Africains ». « I see you, White man » (jeu de mots avec les initiales du mouvement) est le slogan menaçant de l’ICU. Au milieu des années 1920, il comptera jusqu’à 80 000 membres, principalement recrutés dans la classe ouvrière africaine. Faute de capacités organisationnelles, il s’effondrera à partir de 1928. Dans les campagnes du Transkei, c’est un mouvement millénariste mené par

Wellington Butelezi qui mobilise, de 1921 à 1927, appelant au boycott des impôts, avec des mots d’ordre inspirés par le nationalisme exclusif de Garvey. Le

Communist Party of South Africa (CPSA), fondé en 1921, importe en Afrique du

Sud les idéaux et doctrines socialistes et communistes, et se range en 1928 derrière l’objectif de la création d’une « République indigène indépendante », étape intermédiaire vers le socialisme.

C’est James Thaele, le Président de la branche de la province du Cap de l’ANC, qui introduit en premier le Garveyisme à l’ANC. Mais c’est la figure de Josiah Gumede, Président de l’ANC de 1927 à 1930, qui incarne une tendance plus radicale du mouvement, à la fois sur la question nationale et la question sociale, et dans les méthodes. Gumede est sensible à la fois au Garveyisme et au socialisme des Bolcheviks russes. Il revient enthousiasmé d’une visite de l’URSS aux côtés de James LaGuma, leader du CPSA. Il inaugure une collaboration de l’ANC avec le CPSA, et tient des discours enflammés et radicaux. Il ne faut rien attendre de l’Empire britannique, dit-il, et les Soviétiques sont les seuls amis des races opprimées ; la lutte contre l’impérialisme et le capitalisme, pour une république noire, le suffrage universel, la restitution de la terre et la justice sociale doivent être les nouveaux mots d’ordre ; l’ANC doit se tourner vers des modes d’action plus militants, comme le boycott des impôts. De tels discours programmatiques, et en particulier leurs accents socialistes, ne passent pas bien auprès de la « vieille garde » des fondateurs du mouvement, notamment heurtés dans leur foi chrétienne. En 1930, Gumede est déposé par cette vieille garde (Pixley Seme devient le nouveau Président), qui réaffirme une ligne politique modérée et les méthodes de collaboration et discussion avec les autorités : le tournant radical a fait long feu198. Dans les années 1930, l’ANC touche le fond. Miné par les rivalités personnelles et idéologiques, s’en tenant à une ligne modérée et conservatrice qui l’empêche de prendre la mesure des revendications des travailleurs africains, il voit ses effectifs chuter, et son influence toujours plus limitée. L’adoption des lois de ségrégation de 1935-6 par le Gouvernement Hertzog et sa passivité en face des ces nouvelles restrictions des droits des Africains entérinent l’inefficacité de sa ligne modérée et sa désorganisation.

1.3.2.2. Le nationalisme africain de l’ANC Youth

League et le non-racialisme de la Freedom Charter Sous la présidence du Dr Xuma, élu en 1940, l’ANC se relève peu à peu. Xuma et ceux qui l’entourent rebâtissent les structures de l’ANC, chaperonnent un vrai renouveau organisationnel. Les rangs du mouvement sont ouverts aux femmes, la Chambre haute des Chefs, jamais en ordre de marche, est dissoute. En termes d’idéologie, le ton change aussi, sous l’influence des autres nationalismes anti-colonialistes qui efflorent un peu partout dans le monde, et des engagements nouveaux pris par les Alliés envers les peuples colonisés dans la Charte de l’Atlantique. En 1943, l’ANC publie les African Claims, qui examine point par point les engagements de la Charte de l’Atlantique à la lumière du contexte sud-africain : l’ANC demande désormais des droits politiques, économiques, sociaux, à répertorier dans un Bill of Rights, pour l’intégralité de la population du pays, et également des réformes économiques et sociales.

Mais c’est avec la création de l’ANC Youth League (ANCYL), en 1944, que l’ANC va définitivement radicaliser son discours nationaliste et ses méthodes. De jeunes clercs et professionnels, ambitieux et fatigués de l’insuccès et de l’inaction de leurs aînés, constituent le noyau de l’ANCYL : Oliver Tambo, Peter Mda, Nelson Mandela, Walter Sisulu, Jordan Ngubane. Anton Lembede, le premier Président de l’ANCYL, est son théoricien en chef, qui va transformer le discours de l’ANC. Lembede est un jeune instituteur zulu, issu d’une famille d’agriculteurs pauvres, qui mène par correspondance des études de philosophie. Il vient d’arriver à Johannesburg, pour travailler dans la profession judiciaire : il est choqué par les vicissitudes de la vie urbaine des Africains dans la « nouvelle Babylone », la pauvreté, le culte de l’argent, la violence, le commerce du sexe, la fascination pour la figure du gangster, autant de marques selon lui de la décadence morale d’un peuple qui n’a plus de repère et ne sait plus qui il est. Inspiré par les nationalistes romantiques européens du 19ème siècle (notamment l’Italien Joseph Mazzini, qu’il cite abondamment) et observateur attentif du mouvement nationaliste afrikaner (avec lequel il partage finalement une même conception du nationalisme), Lembede croit en l’existence et la destinée naturelle des nations. Pour redonner sa fierté au peuple africain et lui permettre de revendiquer sa pleine place dans le concert des nations, il faut une idéologie, celle du « nationalisme africain », ou

comme le dit Lembede, l’ « africanisme ». Le nationalisme de Lembede est un nationalisme politique, particulièrement offensif : l’Afrique est la terre de l’Africain, et c’est lui qui doit en tenir les rênes, dans le continent en général et en Afrique du Sud en particulier. C’est un nationalisme psychologique : une affirmation positive de la fierté d’être Africain, de la grandeur de l’être africain et de sa civilisation. C’est ainsi aussi un nationalisme culturel : pour Lembede, le système de valeurs européen est marqué par l’individualisme, la recherche du bonheur et de l’enrichissement personnel ; a contrario, le système de valeurs africain traditionnel se définit par le communalisme, l’humanité, un certain cosmogonisme, et il faut lui redonner vie pour faire revenir à lui-même un peuple africain perdu car acculturé. Il s’agit aussi d’exalter l’histoire glorieuse du peuple africain, ses héros. C’est enfin un nationalisme à tonalité panafricaine : pour Lembede, les Indigènes de tout le continent ne forment qu’une seule nation, qui devra s’unir pour rejeter hors d’Afrique le colon blanc199.

En 1944, l’ANCYL publie son « Manifeste », et en 1948 son document

Basic Policy. La doctrine de l’ANCYL est marquée par un nationalisme africain et

un radicalisme plus affirmé que ceux de la « maison-mère ». L’ANCYL croit dans « la destinée divine des nations »200 et son mantra, annoncent ces documents, c’est « le nationalisme africain », ou « africanisme ». L’africanisme, cela signifie que

« les Africains doivent lutter pour le développement, le progrès et la libération nationale afin d’occuper leur place légitime et honorable parmi les nations du

monde »201. Le point de départ théorique de cet africanisme, disent les documents,

est ce constat historique : « L’Afrique a toujours été, et est encore, le continent de

l’Homme noir », qui a « un droit premier et inaliénable »202 sur elle. En effet, les Africains sont les « fils du sol » qui doivent lutter pour l’ « auto-détermination » et la « libération nationale », et « rejeter la domination étrangère » pour établir « une nation africaine forte et confiante en Afrique du Sud » 203. L’ANC est un « mouvement de libération nationale »204.

199 GERHART Gail. Black power in South Africa : the evolution of an ideology. Berkeley : University of California Press, 1978. p. 54-77.

200 ANC Youth League. Congress Youth League Manifesto. Johannesburg, 1944.

201

Ibid.

202 ANC Youth League. Basic Policy of Congress Youth League. Johannesburg, 1948.

203 Ibid.

L’ANCYL va ici plus loin que l’ANC n’est jamais allé. L’ANC entendait construire une nation africaine, mais s’arrêtait là : jamais il ne contestait la domination blanche, il entendait seulement étendre graduellement la participation des Africains au régime. L’ANCYL parle en termes de libération nationale et d’auto-détermination, et affirme le droit inaliénable des Africains à diriger l’Afrique du Sud du fait de leur autochtonie. Mais l’ANCYL ne va pas jusqu’à exiger le départ du territoire des autres groupes raciaux, et des Blancs en particulier. Elle prend acte du fait que les quatre groupes raciaux sont installés en Afrique de Sud de manière permanente. Elle demande seulement la mise en place d’une démocratie pleinement non-raciale, avec le suffrage universel individuel et le démantèlement de toute la législation discriminante, sur les droits politiques, économiques, le droit du travail, la répartition de la terre. Si le discours est différent, les mesures concrètes exigées par l’ANCYL sont donc largement identiques à celles de l’ANC, telles que formulées dans les African Claims.

Le nationalisme africain professé par l’ANCYL a des implications en termes de stratégies du mouvement. D’abord, en termes d’alliances. Les Africains doivent se libérer par eux-mêmes : pas de collaboration avec les autorités de l’Union ou de l’Empire, qui a montré son inefficacité, ni avec les libéraux blancs, ni avec les organisations de résistance indiennes. Avant d’envisager des collaborations avec les organisations représentant d’autres groupes raciaux, l’ANC doit unir les Africains dans un nationalisme positif et offensif, pour rendre aux Africains leur dignité et leur confiance en eux-mêmes. Surtout, pas de collaboration avec les communistes, de quelle race que ce soit, que l’ANCYL accuse de vouloir faire dévier l’ANC de sa mission nationaliste : les Africains, dit l’ANCYL, sont opprimés en tant que nation, et non en tant que classe, et le socialisme est une idéologie étrangère205. Ensuite, c’est toutes les méthodes d’organisation et de mobilisation de l’ANC qui doivent être revues. L’ANCYL constate l’échec des méthodes adoptées par ses aînés (délégations, pétitions) et prône un militantisme actif: mobilisation de masse, boycotts, manifestations, grèves.

Malgré l’opposition de l’ANCYL, les années de présidence de Dr Xuma, de 1940 à 1949, voient une intensification des relations entre l’ANC et le Parti communiste d’un côté, et les organisations indiennes, de l’autre. L’ANC multiplie les actions communes avec le Parti communiste (conférences, ateliers, manifestations). En 1947, le Dr Xuma signe au nom de l’ANC un accord de collaboration avec le Natal Indian Congress du Dr Naicker et le Transvaal Indian Congress du Dr Dadoo, le « Pacte des Docteurs ».

1949 est une grande année pour l’ANCYL. A la conférence de l’ANC, le candidat soutenu par l’ANCYL, James Moroka, l’emporte contre le Dr Xuma, que l’ANCYL trouvait trop modéré. Plusieurs membres de l’ANCYL entrent dans la direction de l’ANC, dont Walter Sisulu, qui obtient le poste stratégique de Secrétaire général du mouvement. Surtout, sur l’insistance de l’ANCYL, l’ANC adopte un programme, le Programme of Action, qui reprend la plupart de ses idées206. Répondant à la victoire électorale de 1948 des nationalistes afrikaners du National Party, qui commencent déjà à mettre en place leur grand projet d’apartheid, le Programme of Action représente pour l’ANC un tournant à la fois idéologique et stratégique. Il reprend la rhétorique nationaliste de l’ANCYL (« combat de libération nationale », « auto-détermination », « indépendance

politique », etc), et il annonce un changement radical de méthodes et de modes de

mobilisation : l’ANC prône désormais les actions militantes et contestataires (grèves, manifestations, boycotts) et est prêt à devenir un mouvement de masse207.

1.3.2.3. La Freedom Charter, pierre angulaire du non-racialisme

Son Programme of Action plaçait l’ANC sur le chemin d’une confrontation directe avec le nouveau régime de l’apartheid. L’ANC étrenne sa nouvelle peau et ses nouvelles méthodes militantes en 1950, pour protester contre l’adoption du

Population Registration Act et du Suppression of Communism Act. S’inspirant des

techniques de résistance passive utilisées avec succès en Inde par le Mahatma Gandhi (que Gandhi avait étrennées pendant les 22 ans qu’il passa en Afrique du

206 FEIT Edward. Generational Conflict and African Nationalism in South Africa: the African National Congress 1949-1959. International Journal of African Historical Studies, 5, 2, 1972. p. 181-202.

Sud) 208, l’ANC organise deux journées de désobéissance civile, avec grèves et boycotts, le 1er mai et le 26 juin 1950. Pour cette campagne de mobilisation, il intensifie ses collaborations avec les organisations anti-apartheid non-africaines, en particulier indiennes, et le Parti communiste209. Des jeunes fondateurs de l’ANCYL autrefois férocement africanistes et opposés à toute collaboration avec les mouvements non-africains, désormais membres de la direction de l’ANC (Walter Sisulu, Oliver Tambo, Nelson Mandela, en particulier), ont parcouru leur propre Chemin de Damas et se sont, autant par pragmatisme que par conviction, convertis au non-racialisme210.

Cette campagne de mobilisation de masse, en collaboration avec les organisations non-africaines, culmine avec la Defiance Campaign. Entamée le 26 juin 1952 (le jour anniversaire de la mobilisation de 1950), elle dure plusieurs mois, constituée de boycotts du système de laissez-passer, de rassemblements massifs, de manifestations, de séances de prières publiques. L’ANC, grâce à son nouveau visage militant et ses campagnes de mobilisation, n’est plus une clique de gentlemen éduqués, mais un mouvement de masse, qui compte à la fin de 1952 100 000 membres. Sa collaboration avec les organisations non-africaines est officialisée par la constitution d’un front uni, la Congress Alliance, qui rassemble autour de l’ANC le South African Indian Congress (SAIC, organisation indienne), le Congress of Democrats (COD, organisation blanche fondée en 1953, rassemblant les communistes blancs depuis la dissolution du Parti communiste en 1950), et le South African Coloured People’s Organization (SACPO, organisation

coloured)211.

L’initiative-phare de la Congress Alliance est le Congress of the People et l’adoption de la Freedom Charter212. En juin 1955, à l’initiative des quatre partenaires de la Congress Alliance, 3000 délégués se réunissent dans une assemblée, le Congress of the People, à Kliptown (un quartier de Soweto), où ils

208 Le Mahatma Gandhi, alors jeune avocat, est arrivé en Afrique du Sud, à Durban, en 1893. En 1894, il fonde le Natal

Indian Congress, dont il devient le Secrétaire général. La nouvelle organisation milite pour la reconnaissance des droits

politiques de la population indienne d’Afrique du Sud dans la Province du Natal. Gandhi élabore en Afrique du Sud sa théorie de la résistance passive. Il rentre en Inde en 1915.

209 Voir là-dessus EVERATT David. Alliance politics of a special type: the roots of the ANC-SACP Alliance 1950-54.

Journal of Southern African Studies, 18, 1, 1992. p. 18-39.

210

Nelson Mandela raconte avec minutie sa conversion personnelle au non-racialisme au début des années 1950 dans son autobiographie. MANDELA Nelson. Un long chemin vers la liberté : autobiographie. Paris : Fayard, 1995. 658 p.

211 DUBOW Saul. The African National Congress. Stroud: Sutton Publishers, 2000. p. 46-58.

débattent et adoptent la Freedom Charter. La Freedom Charter n’est pas un simple programme d’action : c’est une déclaration de principes, en quelque sorte une Constitution alternative dans laquelle les organisations exclues du jeu politique développent leur vision d’une Afrique du Sud non-raciale, démocratique et prospère, et des valeurs et principes qui l’irriguent.

Le non-racialisme est le premier de ces grands principes. Voilà les premiers mots de la Freedom Charter : « Nous, peuple d’Afrique du Sud, déclarons, à notre

pays et au monde : l’Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent, Blancs et Noirs ». La Freedom Charter, rédigée principalement par l’intellectuel

communiste blanc Lionel « Rusty » Bernstein, est un document écrit avec subtilité, mélange de grands principes et de propositions concrètes, propres à contenter les différentes organisations qui la promeuvent et les groupes sociaux variés que celles-ci représentent, Noirs et Blancs, travailleurs et classes moyennes, agriculteurs et entrepreneurs. La Freedom Charter est depuis 1955 la référence idéologique centrale de l’ANC, sans cesse rappelée, invoquée, célébrée213.

Dans le sillage de l’adoption de la Freedom Charter, l’ANC, le SAIC, le COD et le SACPO, rejoints par un syndicat multi-racial, le South African Congress

of Trade Unions (SACTU), mettent sur pied un Comité Consultatif National,

multi-racial, comprenant des délégués des cinq organisations, pour coordonner leurs actions. Mais la Freedom Charter ne passe pas bien chez les plus fervents nationalistes africains de l’ANC. Menés par des anciens de l’ANCYL tels que Peter Mda, l’alter ego de Lembede, ceux-ci, s’arc-boutant sur le Basic Policy de l’ANCYL et sur une interprétation particulièrement nationaliste du Programme of

Action de l’ANC de 1949, réprouvent le non-racialisme affirmé de la Charte, qui

dévie selon eux des principes nationalistes de l’ANC. L’Afrique du Sud n’appartient pas aux Blancs et Noirs, affirment-ils, mais avant tout aux Africains, les « fils du sol ». Ils sont en désaccord profond avec les dispositions de la Charte concernant la qualification du régime de l’apartheid, et la nature de la lutte contre le régime : contrairement à une Freedom Charter qui avance que le combat anti-apartheid est un combat de tout « le peuple d’Afrique du Sud » contre un vague

213

Bien plus tard, comme on le verra dans le 1er chapitre de la 2ème partie, les partisans à l’ANC des politiques économiques libérales du Gouvernement Mbeki et ceux qui s’y opposent s’affronteront pour l’interprétation de la

système injuste (une « forme de gouvernement basé sur l’inégalité et l’injustice »), les africanistes affirment que le combat de l’ANC est un combat nationaliste et racial, un combat de la majorité africaine dominée contre l’oppression blanche, un combat des Africains contre les Blancs. Il ne saurait donc y avoir aucune collaboration de l’ANC avec les organisations non-africaines, a fortiori blanches, qui corromprait la dimension proprement nationaliste du combat des Africains et détournerait ce dernier de ses objectifs. En 1959, ces nationalistes mécontents quittent l’ANC pour former le Pan-Africanist Congress (PAC), autour de Peter Mda, du jeune intellectuel Robert Sobukwe, de Potlako Leballo et de Josias Madzunya. Ils prétendent revenir aux fondamentaux nationalistes de l’ANC dont ce dernier se serait écarté214.

Face à la stratégie de mobilisation de l’ANC et des autres mouvements anti-apartheid pendant les années 1950, le gouvernement du National Party se raidit et intensifie la répression. A partir de 1956, des dizaines de leaders de l’ANC, du COD et du SAIC et du SACPO sont traduits en justice dans le fameux Treason

Trial, sous les chefs de tentative de déstabilisation de l’Etat et de trahison (la

plupart seront acquittés). Le 21 mars 1960, le PAC organise une journée de mobilisation contre le système de laissez-passer. A Sharpeville, au sud de Johannesburg, la police ouvre le feu sur les manifestants, en tuant 69. Dans la foulée, le 8 avril, le gouvernement interdit l’ANC et le PAC.

1.3.3. Les années d’exil et de clandestinité : la