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dominant : « la Transformation »

2.2.3. Des médiateurs et leurs intérêts contradictoires contradictoires

Il n y pas vraiment eu de débat contradictoire au sein de la direction du parti autour de l’adoption du nouveau référentiel, car il y a eu un consensus général. Pour Lulu Jonhson, membre du NEC de 1994 à 1997, « au sein du NEC, il n’y a pas eu de

débat animé là-dessus, où certains auraient défendu cette position contre d’autres. C’était un sentiment général, on était tous d’accord »406. Pour Phillip Dexter, membre du NEC de 1997 à 2007, « il y avait un sentiment général au sein de la

direction de l’ANC, dans l’ANC globalement, qu’il y avait eu réconciliation sans réparation, que pendant les années Mandela on avait été trop accommodants avec

les Blancs. Tout le monde était d’accord là-dessus »407.

Mais s’il y avait bien un sentiment commun diffus, au sein du parti, encore fallait-il que certains acteurs internes à l’ANC s’en emparent, le formalisent et s’en fassent les interprètes. Comme on va le voir, certains acteurs intra-partisans se sont faits les médiateurs privilégiés du nouveau référentiel et ont pesé de tout leur poids dans son élaboration et sa diffusion, en le passant au prisme de leurs propres buts et intérêts. Si l’environnement (positionnements des autres partis, conditions socio-économiques, grands évènements politiques, etc)408 émet des pressions sur le parti, c’est par l’action de quelques uns de ces acteurs intra-partisans, qui ont souvent une marge de manœuvre et poursuivent leurs propres stratégies, que ces inputs sont sélectionnés et pris en compte par le parti. Ces acteurs intra-ANC qui participent au processus de décision et se mobilisent pour l’adoption du nouveau référentiel n’ont pas les mêmes intérêts, les mêmes rationalités, ni même la même définition du problème, la même interprétation de ce qu’ils entendent par « Transformation ». Comme le dit Jeremy Cronin, membre du NEC depuis 1991, « en 1997 il n’y a pas

vraiment eu de débat pour savoir s’il fallait mettre l’accent sur la correction des inégalités ou pas, car il y avait une congruence sur le fait que « Maintenant, c’est l’heure de la Transformation ». Le débat portait plutôt sur : qu’est-ce qu’on

406 JOHNSON Lulu. Député de l’ANC au Parlement sud-africain, ex-membre du NEC de l’ANC et ex-Président de l’ANC Youth League. Entretien avec l’auteur. op. cit.

407

DEXTER Phillip. Membre du NEC. Entretien avec l’auteur : Cape Town, 12 novembre 2007.

408 Dans le cas qui nous intéresse, ces inputs de l’environnement sont les positionnements très critiques des principaux partis d’opposition, la stagnation des inégalités raciales comme le démontrent les indicateurs socio-économiques, la TRC, la résistance des élites blanches aux politiques d’affirmative action du Gouvernement.

entend par « Transformation » ?»409. Si consensus il y a sur le nouveau référentiel, c’est bien d’un « consensus hétérogène »410 qu’il s’agit. Avec le nouveau référentiel, tous ces acteurs s’accordent in fine sur la réaffirmation d’une valeur fondatrice du parti, suffisamment vague et consensuelle pour rassembler tous les sous-groupes contenus dans l’ANC, celle du nationalisme africain.

2.2.3.1. Mandela, ou la caution du nouveau référentiel Par son discours tonitruant en ouverture de la Conférence de Mafikeng, Mandela est celui qui rend public et communique à l’extérieur le nouveau référentiel de l’ANC. Avec son ton très offensif à rebours de son personnage de Père de la nouvelle nation, Mandela désarçonne les politiciens d’opposition, journalistes, et commentateurs. Comment expliquer que le médiateur principal du référentiel précédent de la réconciliation et de la sud-africanité commune se fasse subitement le premier médiateur du nouveau référentiel ?

La première chose qu’il faut analyser et prendre en compte pour comprendre le rôle de Mandela dans la formulation du nouveau référentiel, c’est le statut à l’ANC et le processus de rédaction du « Political report », ce document que Mandela présente et lit aux délégués de la conférence. Le « Political report » est présenté aux délégués par le Président du parti au nom du NEC dans son ensemble. Il est censé représenter les vues du NEC, et non celles du Président. Pour Mafikeng, il a d’ailleurs été rédigé collectivement : si Mandela a fourni quelques grandes orientations411, ce sont principalement Thabo Mbeki et Joel Netshitenzhe qui l’ont rédigé412. Le discours d’ouverture de Mandela à Mafikeng est autant l’expression des vues et des intérêts de Mandela que de ceux de ses collègues.

Deuxièmement, il faut prendre en compte le contexte de l’allocution de Mandela, qui est celui d’une conférence du parti : même si cette session d’ouverture de la conférence est publique et qu’y assistent de nombreux

409

CRONIN Jeremy. Membre du NEC et Vice-secrétaire général du SACP. Entretien avec l’auteur : Cape Town, 16 octobre 2007.

410 PADIOLEAU Jean-Gustave. L'ordre social : principes d'analyse sociologique. op. cit. p. 191.

411 DUARTE Jessie. Porte-parole de l’ANC et membre du NEC. Entretien avec l’auteur : Johannesburg, 21 février 2008. Jessie Duarte a été pendant plusieurs années l’assistante personnelle de Mandela à la Présidence du pays.

412 NKOMFE Mandla. Chief Whip de l’ANC au Parlement provincial du Gauteng et membre du sous-comité d’Education politique du NEC. Entretien avec l’auteur. op. cit.

journalistes et analystes, c’est avant tout en tant que Président de l’ANC, devant les délégués et la direction de son parti, que Mandela s’exprime. Une conférence partisane est un rituel central de la vie du parti, hautement chargé de puissance symbolique : il est une mise en scène du groupe, de ses valeurs. Dans son étude du discours politique, Christian Le Bart insistait sur la contextualité du discours : certaines occasions de la vie politique (une campagne électorale, par exemple) sont plus propices à certains types de discours413. La conférence d’un parti apparaît comme une telle occasion, favorable à l’expression de discours mobilisateurs et offensifs, à l’attention de délégués chauffés à blanc. L’acteur Mandela est contraint par le contexte, celui d’une conférence, par son rôle de Président du parti et les attentes de comportement qui y sont liées : pour sa dernière allocution en tant que Président de l’ANC, il doit agir comme un commandant qui tient la barre, et produire un discours galvanisant et mobilisateur. Mohammed Valli Moosa, collègue de Mandela au NEC, met bien en lumière ces contraintes inhérentes au rôle (au sens sociologique) de Président du parti et au contexte particulier d’une conférence partisane. A un analyste qui l’interpelle sur le ton offensif du discours de Mandela envers l’opposition et la communauté blanche, il rétorque : « « Qu’auriez-vous dit si vous deviez parler devant votre conférence, vos

délégués ? L’ANC est un parti politique, et il est le leader de ce parti. A la conférence, on veut voir Nelson Mandela, et on veut qu’il soit comme il doit être »414. Mathews Phosa, membre du NEC, lui aussi interrogé sur ce discours, corrobore : « Vous devez garder à l’esprit qu’il ne parlait pas à la nation, mais

aux membres de l’ANC, donc c’était du très bon Mandela, pas du tout « a-mandela-esque ». Oui, il parlait en tant que commandant, en disant « Vous êtes mes soldats, et voici la ligne à suivre, gardez à l’esprit où nous voulons aller, et

soyez vigilant envers ceux qui veulent freiner le processus de transformation » 415.

Pour mettre en scène la communauté partisane, le « Nous », il est toujours symboliquement efficace de désigner le « Eux », si ce n’est l’ennemi, au moins

Certains l’attribuent exclusivement à Mbeki, comme Cronin, ce qui est significatif de l’identification de Mbeki avec le nouveau référentiel, comme on va le voir plus tard.

413 LE BART Christian. Le discours politique. op. cit. p. 40.

414

MOOSA Valli Mohammed. Ministre des Affaires provinciales et des Affaires constitutionnelles et membre du NEC. Entretien avec Padraig O’Malley. op. cit.

415 PHOSA Mathews. Membre du NEC et Premier du Mpumalanga. Entretien avec Padraig O’Malley, 23 janvier 1998. Disponible sur www.omalley.co.za.

l’ « Autre ». C’est ainsi que le discours de Mandela est une charge tous azimuts contre « les contre-révolutionnaires », « l’establishment blanc », « les Blancs qui refusent le changement », à même de rassembler les militants.

Troisièmement, le discours de Mandela est également dirigé vers l’opposition interne à l’ANC et à la Triple-Alliance. En énumérant longuement et sur un ton apocalyptique les contre-révolutionnaires qui menaceraient l’ANC et ses conquêtes démocratiques, Mandela et les rédacteurs du rapport entendent envoyer un message aux voix critiques internes, à ceux qui, dans l’ANC et la Triple-Alliance, contestent les politiques du Gouvernement, en particulier économiques. « Qui nous critique et critique le Gouvernement collabore avec les contre-révolutionnaires », disent-ils en creux. Vers la fin de son discours, Mandela attaque nommément les partenaires de l’ANC dans la Triple-Alliance, le SACP et surtout Cosatu, ainsi que SANCO, la fédération d’associations locales affiliée à l’ANC. Cette prise à partie reflète bien les vues et les intérêts de Mandela, mais surtout ceux de Thabo Mbeki : le SACP, Cosatu et SANCO se sont montrés très critiques, avant la conférence, de Gear (Growth, Employment and Redistribution), le programme économique adopté par le Gouvernement en 1996, projet porté par Mbeki, ce qui a passablement inquiété et irrité ce dernier. En listant les nombreuses menaces externes, le discours de Mandela constitue un rappel à la discipline et à la solidarité destiné aux critiques internes: c’est bien ainsi que Jeremy Cronin, un des principaux visés (en tant que Vice-secrétaire du SACP, il s’était montré très critique de Gear), comprend le discours et reçoit le message416.

Enfin, c’est précisément parce qu’il est le zélateur inlassable de la réconciliation nationale et de la nation arc-en-ciel que Mandela, alors qu’il abandonne sa fonction de Président de l’ANC à Mafikeng et qu’il va, moins d’un an et demi après, laisser sa place à la présidence du pays, doit présenter en personne à la nation le nouveau référentiel qui va informer les politiques de ses successeurs. C’est une stratégie de la direction de l’ANC : avant de laisser la place à une nouvelle génération de leaders, Mandela doit introduire lui-même le nouveau référentiel et y apporter sa caution, avec sa stature de Père de la nation et de la réconciliation, pour servir de « paratonnerre » aux nouveaux dirigeants qui le

mettront par la suite en application. C’est ce qu’explique candidement Pallo Jordan, chargé d’expliquer le discours aux journalistes : les politiques de correction des inégalités et de déracialisation de l’économie que vont mener les nouveaux dirigeants de l’ANC vont, dit-il, provoquer des tensions dans la société sud-africaine, et « le but du discours est de faire en sorte que les nouveaux leaders

du parti ne soient pas tenus responsables de ces tensions »417.

Mandela, en bon soldat du parti, accepte de personnellement présenter à la nation et d’adouber le nouveau référentiel, un référentiel bien différent de celui dont il était devenu la vivante incarnation. Il faut ici prendre en compte la culture politique particulière de l’ANC qui, à la suite d’une histoire marquée par la clandestinité et le centralisme démocratique, valorise fortement le leadership collectif, l’effacement de l’individu derrière l’institution partisane418.

Les rédacteurs du discours de Mandela étaient d’autant plus convaincus de la nécessité de faire endosser le nouveau référentiel par Mandela qu’ils décelaient chez les médias et la communauté blanche un sentiment que Mbeki, concerné au premier chef, appelait « l’exceptionnalisme Mandela »419 : la distinction de Mandela du reste de l’ANC, Mandela étant en quelque sorte considéré comme la bienheureuse exception venue confirmer la règle, un leader africain charismatique et pro-réconciliation qui va malheureusement laisser la place à une horde d’africanistes sans envergure déterminés à s’en prendre aux Blancs. Le discours de Mandela répond à cette perception, en apportant la caution du vieux dirigeant au nouveau référentiel, et en critiquant directement ceux qui annoncent la déchéance et le désastre qui s’abattront sur le pays « quand Mandela s’en ira »420.

2.2.3.2. Thabo Mbeki, le nouveau référentiel pour légitimation

Thabo Mbeki succède à Mandela à la présidence de l’ANC à la conférence de Mafikeng, et à la présidence de l’Afrique du Sud à l’issue des élections nationales de juin 1999. De la même façon que son prédécesseur en est venu à incarner le

417 LODGE Tom. The ANC’s 50th Conference. A house of many mansions?. op. cit.

418 Sur cette culture politique de l’ANC qui valorise l’unité, le collectif et la discipline, voir DARRACQ Vincent. « Nous nous retrouverons au Limpopo ! » : la National Policy Conference de l’ANC (juin 2007). op. cit. pp. 196-197, et The African National Congress (ANC) organization at the grassroots. African Affairs, 107, 429. pp. 601-603.

419 GEVISSER Mark. Thabo Mbeki, the dream deferred. op. cit. p. 709.

référentiel de la réconciliation, Mbeki est le médiateur principal du nouveau référentiel, qui est un élément central de sa stratégie de légitimation.

Quand son biographe demande à Mbeki, des années plus tard, ses points de divergence avec Nelson Mandela du temps où il était son Vice-président à la tête de l’Etat (1994 – 1999), il confesse un différend : leurs approches respectives de la réconciliation raciale. Mandela, explique Mbeki, a été trop conciliant et accommodant avec la communauté blanche, en insistant beaucoup trop sur la réconciliation aux dépens de la Transformation. Ce faisant, dit-il, Mandela a non seulement mis en péril la correction des inégalités raciales mais également, en se complaisant dans un discours peu exigeant qui lui vaut la célébration immédiate des médias et des Blancs, il a mis des bâtons dans les roues de son successeur, condamné à endosser le rôle du « méchant » quand il voudra mettre en place les nécessaires et inévitables politiques remettant en cause les intérêts blancs. Mbeki explique d’ailleurs être intervenu à plusieurs reprises auprès des habituels rédacteurs des discours de Mandela, Joel Netshitenzhe et Jakes Gerwel, pour leur demander d’en rectifier le contenu en s’étendant moins sur la réconciliation et plus sur la Transformation421.

De fait, de l’avis de tous ses collègues à l’ANC, Mbeki a joué un rôle prépondérant dans l’adoption et la promotion par l’ANC du nouveau référentiel422. Que ce soit la conférence où il est élu Président du parti qui adopte le nouveau référentiel n’a rien d’une coïncidence. De fait, Mbeki n’a pas ménagé ses efforts pour faire reconnaître le nouveau référentiel par son parti, et par la société sud-africaine plus largement. Dès juin 1997, plusieurs mois avant la Conférence de Mafikeng, il tient au Parlement pendant le Débat sur le Budget un long discours qui ne passe pas inaperçu et qui préfigure le discours de Mandela de Mafikeng, les résolutions de la conférence et son propre « Two nations speech ». Tous les thèmes mis en avant quelques mois plus tard sont déjà là : la réconciliation illusoire tant

421

GEVISSER Mark. Thabo Mbeki, the dream deferred. op. cit. pp. 707-709.

422 HOGAN Barbara. Député de l’ANC au Parlement sud-africain et ex-membre du NEC. Entretien avec l’auteur : Cape Town, 5 septembre 2007.

MOSTERT Cheslyn. Ex-Coordinateur du sous-comité économique du NEC. Entretien avec l’auteur : Johannesburg, 10 décembre 2007.

NKOMFE Mandla. Chief Whip de l’ANC au Parlement provincial du Gauteng et membre du sous-comité d’Education politique du NEC. Entretien avec l’auteur. op. cit.

ZITA Langa. Député de l’ANC au Parlement sud-africain et Président de la Commission parlementaire sur le Tourisme et l’Environnement. Entretien avec l’auteur. op. cit.

qu’elle n’est pas suivie d’une transformation fondamentale des inégalités raciales structurelles, la race et la couleur qui divisent la nation en deux peuples, la priorité à donner à des Africains toujours au plus bas de l’échelle sociale du fait de l’héritage de la colonisation et de l’apartheid, les partis d’opposition qui critiquent la nécessaire discrimination positive en se drapant dans le non-racialisme, les Blancs qui refusent d’admettre leur culpabilité pour les exactions du passé et mettent ainsi en péril la construction d’une nation réconciliée, les racistes et les afro-pessimistes qui pensent que les Africains sont incapables de gouverner423. Significativement, c’est Mbeki qui rédige en grande partie le discours de Mandela de Mafikeng, dans lequel il fait endosser le nouveau référentiel par le patriarche. En mai 1998, pour son premier discours public important depuis son élection à la tête du parti, c’est en personne et sans avancer masqué derrière Mandela qu’il expose en détails au Parlement le nouveau référentiel, dans son « Two nations

speech ». En octobre 1998, quand paraît le rapport final de la TRC, c’est également

lui qui en conteste les conclusions424 et qui amène l’ANC à se pourvoir en justice pour en faire suspendre la publication (sans succès), alors même que le Président Mandela a fait savoir qu’il en acceptait sans réserve les conclusions : ce qui est signifié par ce geste, c’est que l’ANC de Mbeki n’est pas prêt à la réconciliation à tout prix, à accepter au nom du pardon d’être mis sur le même plan que les anciens oppresseurs425.

En incarnant publiquement le nouveau référentiel, Mbeki poursuit une stratégie de légitimation. Il était jusqu’ici un homme méconnu, dans l’ombre encombrante de Mandela, dont de nombreux éditorialistes mettaient en doute la capacité à se hisser à la hauteur de son prédécesseur426. Avec son « Two nations

speech », et les réactions véhémentes que ce dernier provoque chez les partis

d’opposition, de nombreux journalistes et éditorialistes, et en réfutant les conclusions de la TRC, Mbeki fait la démonstration aux autres et à lui-même de sa

423MBEKI Thabo. Speech of Deputy President Thabo Mbeki, at the National Assembly During the Debate on Budget Vote No. 2. Cape Town, 10 juin 1997.

424 Au motif qu’elles ne feraient pas de distinction morale entre les exactions commises par les officiels et les forces de sécurité de l’ancien régime et celles commises par l’ANC.

425 Gevisser discute avec Mbeki du refus par ce dernier du rapport de la TRC. GEVISSER Mark. Thabo Mbeki, the dream

deferred. op. cit. pp. 710-712. Sur ce sujet, voir également CHERRY Janet. ‘Just war’ and ‘Just means’: Was the TRC

wrong about the ANC?. Transformation, 42, 2000. p. 9-28.

426 Voir par exemple ces éditoriaux du Mail & Guardian, le journal de l’intelligentsia sud-africaine : Mr Fix-It turns to Mr-Fluff-It. Mail & Guardian, 4 mai 1995.

capacité à heurter et à déranger, et par là la démonstration de son propre pouvoir. Nous sommes en présence d’un exemple de ce phénomène connu que les analystes de la décision appellent « la décision pour la décision »427. Mbeki et son futur gouvernement ne vont certainement pas saisir les avoirs des Blancs ou les exproprier de leurs terres, Mbeki n’en a jamais eu l’intention et cela lui importe peu ; mais en allant à rebours du discours consensuel majoritaire précédemment, en choquant et en suscitant par ses discours de l’émoi, de la fureur, de la dramatisation, il se voit reconnaître son pouvoir, son importance, et fonde sa légitimité.

Une fois Président du pays, Mbeki n’a de cesse de rappeler le nouveau référentiel, de s’en faire le porte-parole public dans les occasions les plus solennelles, aux tribunes les plus prestigieuses. Lors de sa première Adresse à la Nation de février 2000428, à l’occasion de son discours inaugural à la Conférence mondiale sur le Racisme organisée par les Nations Unies à Durban en septembre 2001429, Mbeki se fait fort d’inlassablement rappeler le racisme qui sévit en