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Après avoir présenté l’ensemble des participants à la procédure, dressé une liste des thèmes relevés lors de la lecture ses lettres envoyées par les participants en question, et enfin détaillé ces thèmes au cours d’une analyse de contenu, nous allons à présent nous intéresser à la façon dont les prises de position de la procédure de consultation se structurent. Pour cela, nous effectuerons une analyse de réseau, en portant une attention particulière aux liens entre les participants et les thèmes. Ce chapitre a pour but de mieux comprendre d’une part quels sont les participants qui semblent occuper une place importante dans la procédure, de déterminer quels sont ceux qui se positionnent sur les mêmes thèmes, et enfin de déceler l’éventuelle formation de sous-groupes. D’autre part, ce chapitre permettra de déceler comment les thèmes se structurent et se regroupent au sein du réseau, quels thèmes sont liés les uns aux autres, et quels sont les thèmes centraux et capitaux au sein du réseau. C’est parce que l’analyse de réseau permet d’étudier les différents éléments cités ci-dessus, mais aussi parce qu’elle est particulièrement adéquate pour mettre en lumière le contenu analysé dans le chapitre précédent de ce travail, que nous avons choisi d’y faire recours dans le cadre de ce travail. En effet, l’analyse de réseau complète l’analyse de contenu, en procurant des informations sur les configurations liant les participants et les thèmes entre eux, ainsi qu’en proposant des représentations visuelles de ces configurations. Par ailleurs, il nous est apparu comme une évidence dès le début de notre recherche que les participants à la procédure de consultation pouvaient être envisagés comme un réseau, avec des prises de positions pouvant être abordées comme des liens existants entre eux, et nous avons donc estimé qu’il était judicieux d’en tirer profit. Comme le soulève Hanneman (2001) dans son article :

“Probably most commonly, the boundaries are those imposed or created by the actors themselves. All the members of a classroom, organization, club, neighborhood, or community can constitute a population. These are naturally occurring clusters, or networks.

So, in a sense, social network studies often draw the boundaries around a population that is known, a priori, to be a network” (p.5). Cette perception des limites du réseau nous semble bien s’appliquer au cas de la procédure de consultation. Nous allons maintenant présenter les résultats obtenus au cours de l’analyse de réseau, en les mettant en lien avec ceux de l’analyse de contenu.

Dans l’optique d’effectuer une analyse de réseau, nous avons tout d’abord construit une matrice d’adjacence, sur la base du matériel de recherche de notre étude, c’est-à-dire la procédure de consultation de 2014 sur l’avant-projet de modification du droit de l’adoption, et plus précisément sur les résultats de l’analyse de contenu effectuée au préalable. Cette matrice d’adjacence est aussi appelée matrice two-mode, car elle met en relation les acteurs d’un réseau donné – dans notre cas les 92 participants à la procédure – avec les thèmes sur lesquels les participants ont pris position – ou non (voir annexe 3). Notons que l’ensemble des théories et des termes techniques utilisés dans ce chapitre, propres à l’analyse de réseau, sont principalement tirés du cours du Professeur Eric Widmer « Analyse de réseaux », et du séminaire qui l’accompagnait enseigné par Sabrina Roduit (donnés au printemps 2018 à l’Université de Genève), du Mémoire de Master Crèches vaudoises : entre débat politique et réalités sociales, rédigé en 2007 par Sabrina Roduit, ainsi que de l’article Introduction to Social Network Methods (2001), de Robert A. Hanneman.

Au cours d’une analyse de contenu de l’ensemble des prises de positions des participants, nous avons relevé vingt-sept thèmes pertinents dans le cadre de l’analyse des représentations sociales des participants de la procédure, liées à la thématique principale de l’accès des couples homosexuels à la famille. Nous avons en conséquence construit une matrice de la manière suivante : chaque ligne représente un participant, et chaque colonne représente un thème. Pour chaque participant, nous avons inscrit « 0 » si ce dernier ne s’est pas prononcé sur un thème donné, et nous avons inscrit « 1 » si, au contraire, le participant a pris position sur le thème en question. Les interventions des participants ont donc été codées de manière à obtenir des données « binaires » au sein de notre matrice d’adjacence.

Nous avons effectué cette manipulation pour chaque participant, en notant 1 ou 0 dans l’ensemble des vingt-sept colonnes, représentant chacune un thème, et avons ainsi obtenu notre matrice d’adjacence de base (annexe 3). Les listes complètes des participants et des thèmes dont il est question ici se trouvent respectivement aux pages 31 et 32, ainsi qu’en annexe.

A l’aide des logiciels Ucinet et Netdraw, nous avons réalisé une représentation visuelle du réseau obtenu entre les participants à la procédure de consultation et les thèmes sur lesquels ils ont pris position. Ce type de représentation visuelle est typique de l’analyse de réseau : il est utile pour étudier les liens entre les acteurs et les thèmes qui composent un réseau donné. Le réseau produit (figure 1) est intéressant car il met en relation l’ensemble des participants (en rouge) et des thèmes (en bleu) détaillés au chapitre précédent sur un même graphe. Le réseau obtenu est une représentation visuelle de la matrice d’adjacence two-mode, et nous procure ainsi une vue d’ensemble sur les différentes relations et groupes présents au sein du réseau, bien qu’il soit tout de même complexe à lire et à interpréter.

Notons que les flèches lient les participants aux thèmes sur lesquels ils ont pris position. Il n’existe pas, dans ce réseau, des liens liant les participants ou les thèmes entre eux. Pour obtenir une lecture plus intuitive et plus poussée du réseau formé par la procédure de consultation, il est possible de transformer cette matrice d’adjacence de base en deux matrices distinctes : une matrice des participants et une matrice des thèmes. La première étape de cette opération a donc consisté à transformer la matrice d’adjacence de base two-mode (en annexe) en deux matrices one-two-mode sur Ucinet, représentant alors respectivement les participants en lignes et en colonnes, ou les thèmes en lignes et en colonnes, alors que la matrice d’adjacence de base représente les participants en lignes et les thèmes en colonnes.

Cette manipulation a pour but de mettre en lien les acteurs (ou le thèmes) les uns avec les autres et d’indiquer leur taux de participation (taux d’occurrence). Si l’on s’intéresse à la matrice des participants, une propriété intéressante à étudier est le nombre d’appartenances auxquels chaque acteur est associé. Le chiffre à l’intersection de deux participants indique le nombre de positionnements conjoints, et le nombre total d’affiliations de chaque participant est indiqué sur la diagonale de la matrice. Les intersections comportant le chiffre

« 0 » signifie que les participants ne se sont positionnés conjointement sur aucun thème (voir annexe 4). Une fois la matrice de base transformée, nous avons utilisé le logiciel Netdraw pour effectuer des représentations visuelles des deux matrices engendrées (matrice one-mode pour les participants et matrice one-mode pour les thèmes), que nous allons détailler dans cette partie du travail. Notons que nous avons, dans ce chapitre, utilisé une mise en page particulière et moins rigoureuse que dans le reste de ce travail, dans un souci de fournir des graphiques lisibles et d’obtenir une cohérence optimale entre les graphiques et les explications.

Figure 1 : Réseau de la matrice d'adjacence (two-mode)

Légende

Les rectangles rouges représentent les participants et les rectangles bleus représentent les thèmes.

Les arcs (flèches) lient les participants aux thèmes