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La naissance de la République

Dans le document L'opposition public-privé (Page 125-133)

La République romaine

3.1. La naissance de la République

La République romaine est née d’institutions préexistantes, entre autres étrusques, et de l’influence de la pensée révolutionnaire des Grecs à propos de la citoyenneté. Elle a donc une source interne et une source externe. Dans ce qui suit, je cherche à décrire à grands traits les étapes les plus marquantes de cette transformation. Mon idée est de rendre compte de la dynamique collective dont j’ai dit quelques mots ci-dessus.

L’histoire des débuts de Rome, de l’époque monarchique puis de la naissance de la République, est largement faite de récits semi-légendaires. Bien qu’ils travestissent la réalité historique, ce qu’ils racontent n’est pas sans valeur. Ils nous disent quels étaient les fondements idéologiques par lesquels les Romains légitimaient leurs institutions. En premier lieu, le récit nous apprend que la République est fondée sur le rejet de la monarchie absolue. Si ce rejet ne fut pas aussi net sur le moment que dans la légende, les Romains furent durablement portés à refuser qu’un roi les gouverne. C’est ainsi que César, même s’il fut peut-être tenté de prendre le titre de roi, s’en tint à celui de dictateur : bien qu’il fût nommé à vie et qu’il ait donc reçu les pouvoirs d’un roi, le symbole du mot était encore trop fort240. Comme le rejet de la monarchie absolue est ce par quoi les Grecs comme les Romains se sentaient supérieurs aux autres peuples, c’est de là que je partirai241.

Dans la légende, le personnage dont la carrière concentre tous les errements attribués à la monarchie est Sextus Tarquin, le dernier roi étrusque de Rome. Les élites romaines le considéreront à la manière dont les Grecs voyaient le despotisme perse ; comme un Perse du dedans. Dans cette veine, Tite-Live signale notamment qu’il fut le premier roi « qui rompit avec la tradition de ses devanciers de tout soumettre au Sénat : du fond de sa maison [domesticis], il régla les affaires publiques [rem publicam]. »242 Encore imprégné d’esprit républicain, cet historien ne pouvait trouver d’affirmation plus forte pour discréditer ce roi. Le scandale auquel remonte finalement la déposition de Sextus Tarquin fut le viol qu’il perpétra contre Lucrèce. Ainsi, lorsque Cicéron choisit de frapper les esprits par l’exemple d’un acte contraire au droit naturel, il évoque ce viol243. C’est vers 509 que la monarchie étrusque aurait pris fin244.

Sur le plan historique, les événements sont moins clairs. Pour s’en rendre compte, quelques mots sur le fonctionnement de la monarchie étrusque sont nécessaires. Cette monarchie est absolue, autrement dit despotique. Par elle, le modèle de gouvernement est similaire à celui des familles. En résumé, il est patriarcal. Dans la famille, le

240 S

UÉTONE, Vies des douze césars, tome I, livre I, LXXIX, pp. 53-54.

241

Pour se rendre compte du profond ancrage de l’odium regni à Rome, on peut consulter : MARTIN, L’idée

de royauté à Rome. Haine de la royauté et séductions monarchiques. 242 T

ITE-LIVE, Histoire Romaine, livre I, XLIX, p. 80.

243 C

ICÉRON, Traité des lois, livre II, V, § 10, p. 43.

244

gouvernement est l’apanage du pater familias. Son pouvoir est la patria potestas et il est quasi illimité vis-à-vis de ceux qui y sont soumis, sa famille et dans une certaine mesure ses clients. Pour eux, il fait la loi et est lui-même « sui juris, autonome »245 (il est sa propre loi, se dirige lui-même). L’extension du pouvoir du roi à toute la cité et la nature divine dont il se prévaut246 lui valent un nom différent de celui du pouvoir du pater

familias. Il se dit imperium. En principe, le roi est conseillé par une assemblée de patres familias, qui est de fait l’aristocratie romaine. Cette assemblée est, ou deviendra, le

Sénat247.

Comme le relève Tite-Live, les recommandations sénatoriales n’ont pas force obligatoire à la fin de la monarchie étrusque, alors qu’elles avaient un certain poids jusque-là. En d’autres termes, l’imperium n’était plus contrôlé par la patria potestas, même indirectement. C’est en ce sens que la monarchie étrusque est un despotisme : seuls les commandements du roi tiennent lieu de loi. Toutefois, il faut relever que si les Etrusques ont retiré son pouvoir au patriciat, ils se sont ménagé le soutien de la plèbe, soit de ceux qui n’étaient pas patriciens, ni clients de patricien. La défaite de la monarchie est donc la victoire de l’aristocratie patricienne et non celle du peuple dans son ensemble, car elle retire à la plèbe son relais politique.

La première transformation institutionnelle d’importance est donc le fait des seuls patriciens. Elle consiste à limiter les pouvoirs de ceux qui occupent la place laissée vacante par le roi et à donner la haute main au Sénat. Dès 509, le roi est remplacé par deux consuls qui gouvernent par roulement d’abord, puis collégialement par la suite248. Peut- être sur la base de ce qui était apparu en Grèce, leur mandat est limité dans le temps, en principe à une année249. C’est bien sûr le Sénat qui nomme les consuls par cooptation. Au lieu d’abolir le despotisme, il le transforme en despotisme aristocratique. Enfin, le pouvoir religieux, important étant donné la sacralité de l’imperium, est remis au grand pontife, lui aussi homme du Sénat.

Signe d’une continuité, le pouvoir détenu par les consuls conserve le nom d’imperium. Et la plèbe, à la merci de détenteurs de l’imperium moins à son écoute que les rois, exige d’être protégée de son exercice abusif. Pour y parvenir, elle se constitue graduellement en un corps politique. De leur côté, les patriciens travaillent à renforcer leur domination, si bien que finalement la plèbe arrachera des réformes par la contrainte. C’est en 495 que cette nouvelle évolution s’amorce :

245

SCHMIDLIN, Droit privé romain I, p. 110.

246 H

UMBERT, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, p. 184 s.

247 G

AUDEMET, Les institutions de l’Antiquité, p. 148.

248 En fait, entre 509 et 449, ce sont des préteurs qui occupent la fonction suprême. Ils gouvernent par

roulement, possédant ainsi l’entièreté de l’imperium lorsqu’ils en sont dépositaires. Hormis cela, ils sont les équivalents des consuls. LE GLAY et alia, Histoire romaine, p. 49. HUMBERT, Institutions politiques et

sociales de l’Antiquité, p. 192. MOMMSEN, Le droit public romain, tome I, p. 41 et tome III, p. 75.

249 L’hypothèse d’une origine grecque de cette limitation vient du fait qu’elle ne semble avoir aucun

Cependant, tandis que la guerre avec les Volsques était imminente, la cité était en guerre avec elle-même et en proie à une haine intestine entre sénateurs et plébéiens, dont la principale cause était l’esclavage pour dettes [nexum]250.

Il est intéressant de noter que la cause première de ces réformes est la même que celle qui porta Solon au pouvoir. A Rome, toutefois, le nexum dura jusqu’à la lex poetelia en 316251. La solution romaine du moment naît de la perpétuation du rapport de force : par une sécession, la plèbe se constitue en corps politique vers 494252. C’est à cette époque qu’elle nomme ses premiers représentants, les tribuns. A force de menaces extérieures rendues existentielles par les dissensions internes, le patriciat finit par s’en accommoder. De luttes intestines confinant à la guerre civile, les antagonismes entre la plèbe et le patriciat se déroulent donc de plus en plus dans l’arène politique.

En tant que contrepoids à l’imperium des consuls, les tribuns sont au départ au nombre de deux et ont un mandat de durée limitée. Ils ne sont toutefois pas des copies des consuls. La collégialité dans laquelle ils travaillent est une nouveauté et il faut envisager que les consuls ont repris ce système des tribuns, non l’inverse253. Mais surtout, contrairement aux consuls et aux autres magistrats, les tribuns ne possèdent pas l’imperium. Tite-Live nous restitue alors l’élément central de leur statut :

On consentit à accorder à la plèbe des magistrats spéciaux et inviolables [sacrosancti], chargés de prendre sa défense contre les consuls, et à exclure tout patricien de cette fonction254.

Les plébéiens ont juré de se venger de quiconque porterait atteinte aux tribuns. Ces derniers sont donc devenus des personnages sacro-saints, protégés de l’imperium par un serment. A partir de là, l’imperium n’est plus un pouvoir absolu puisque, pour ainsi dire, un contre-pouvoir qui l’annule lui est opposable. La puissance tribunicienne est donc le versant négatif du pouvoir positif qu’est l’imperium255. Les tribuns ne seront d’ailleurs jamais des magistrats au sens strict puisqu’ils ne pourront ni être possesseurs de l’imperium, ni prendre d’auspices. Ils se caractérisent donc comme une « contre- magistrature »256.

250 T

ITE-LIVE, Histoire romaine, livre II, XXIII, p. 33.

251 G

AUDEMET, Les institutions de l’Antiquité, p. 148.

252

TITE-LIVE, Histoire romaine, livre II, XXVIII, p. 41.

253 H

UMBERT, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, p. 193.

254 T

ITE-LIVE, Histoire romaine, livre II, XXXIII, p. 49.

255 Les propos attribués par Tite-Live au consul Appius (en fonction avant 449), farouchement défavorable à

la plèbe, résument cette idée. Les tribuns sont de simples citoyens (privatum esse), sans imperium et sans magistrature (sine imperio, sine magistratu), ce qui revient au même. Pour qui les conteste, leur pouvoir est somme toute illégitime et rendu effectif seulement par les possibles violences exercées par la plèbe en vertu de son serment. TITE-LIVE, Histoire romaine, livre II, LVI, p. 87.

256

La puissance tribunicienne est légalement reconnue comme telle en 449, par les Leges

Valeriae Hortensiae. A partir de là, l’inviolabilité des tribuns engagera non seulement les

plébéiens, mais le peuple entier, donnant a posteriori tout son sens à leur sacro-sainteté. Sauf exception, le domaine de compétence des tribuns est limité à l’enceinte de la cité, le

pomoerium. Là, l’usage que les tribuns peuvent faire de leur inviolabilité consiste en

quelque sorte à étendre cette protection aux plébéiens qui en font la demande (c’est l’auxilium) puis, plus tard, à tout citoyen. Au départ, le tribun s’interpose physiquement entre les exécuteurs de l’imperium consulaire et les individus ciblés. A terme, toutes les décisions consulaires peuvent être suspendues préventivement par les tribuns (prohibitio) ou cassées (intercessio). Seul un autre tribun peut suspendre la décision d’un tribun257.

Parallèlement à ce processus, un autre aboutit en 449, lui aussi initié par la plèbe. Rattachée au divin comme l’imperium, la loi était un secret auquel seuls certains initiés avaient accès. Sa connaissance comme son interprétation échappaient donc à la plèbe. En d’autres termes, les lois n’étaient pas publiques. Pour parvenir à sortir des blocages occasionnés par les tribuns, il devint néanmoins nécessaire au patriciat de trouver un accord avec la plèbe à ce propos. Le premier tribun à avoir posé les exigences plébéiennes fut Terentilius Harsa, vers 462 :

Il s’en prenait surtout au pouvoir des consuls [consulare

imperium], qu’il trouvait excessif et intolérable dans une

république [liberae ciuitati] : « Son nom seul était moins odieux ; mais, en fait, il était presque plus dur que le pouvoir royal. On avait deux maîtres au lieu d’un [duos pro uno dominos] et leur pouvoir était démesuré et sans limite. »258

Dans cette optique, les tribuns successifs exigeront pendant des années des lois « propres à assurer la liberté et l’égalité [aequandae libertatis, « une égale liberté », ndr] »259. En d’autres termes, que les lois soient fixées par écrit, rendues publiques et valables pour tous. C’est de cette façon que Rome passera graduellement à un régime que les Grecs auraient dit « isonomique ».

Pour écrire ces lois, les Romains adoptent une démarche originale, qu’on désigne usuellement par le nom de ceux qui l’ont mise en œuvre, les décemvirs, ou par le résultat final, la Loi des XII Tables. Historiquement, à la suite d’un accord entre patriciens et plébéiens, une commission de dix hommes est formée et voyage pour étudier les lois de cités étrangères. Le nom d’Athènes, et particulièrement celui de Solon, sont mentionnés régulièrement comme la source majeure des lois romaines ainsi créées260. Il est toutefois probable que les décemvirs se soient particulièrement intéressés à des cités grecques plus

257 G

AUDEMET, Les institutions de l’Antiquité, p. 150.

258 T

ITE-LIVE, Histoire romaine, livre III, IX, p. 15.

259 T

ITE-LIVE, Histoire romaine, livre III, XXXI, p. 49.

260

proches dont la constitution était inspirée des réformes soloniennes, celles de Sicile. Cela nous indique toutefois que les innovations politiques des Grecs étaient manifestement connues à Rome avant 449.

Sur cette base, on comprend que les revendications de la plèbe sont à mettre en relation avec les événements politiques qui se déroulaient en Grèce. En résumé, la contribution grecque à l’édification de la République est plébéienne. Cela apparaît nettement dans la fonction des tribuns, qui agissent comme les agents de la non-domination face à l’imperium consulaire, que Terentilius Harsa assimile à la domination en nommant domini les consuls. Par là, ils reprennent à leur compte cet idéal dont l’unique cas apparu jusque- là était grec. Cela apparaît tout aussi nettement par la récurrence de la conjonction des mots « liberté » et « égalité ».

Dans leur première mouture, les lois que les décemvirs rédigent sont formées de dix tables affichées sur le forum, c’est-à-dire publiquement. Elles ne sont pas comparables à ce que nous nommerions une constitution et leur contenu est assez divers. Par exemple, les tables I et II concernent la procédure civile. Elles sont fondamentales, leur promulgation rendant la justice accessible à tous. La table IV concerne la famille et contient une loi qui nous donne la mesure de l’étendue de la patria potestas par la limite qu’elle lui impose : « si un père vend [loue, ndr] son fils trois fois, le fils est libre du père » 261, c’est-à-dire qu’il n’est plus soumis au paterfamilias. Par cette limitation, le droit n’est plus seulement établi afin de réguler les rapports entre propriétaires, comme nous l’avons vu à propos de Dracon, mais aussi afin d’encadrer ce qu’un propriétaire peut faire de sa propriété. Dans le cas présent, il me semble que l’idée est même de considérer un fils comme une personne potentielle, ou actuelle, plutôt que comme un individu. Une telle décision était sensée du fait qu’à Rome, on pouvait être citoyen tout en restant assujetti à son paterfamilias.

A ces tables, de nouveaux décemvirs, qui feront l’objet d’une vindicte durable, en ajouteront deux, portant le total à douze262. Cicéron qualifie ces nouvelles tables d’« iniques »263. La disposition particulièrement visée est celle qui interdit les mariages entre patriciens et plébéiens. On notera qu’elle fait l’objet de la prudence des historiens, notamment parce qu’on ne sait pas si cette loi entérinait une tradition ou introduisait une nouveauté. Quoi qu’il en soit, elle sera abrogée peu après, en 445, ce qui ouvrira la porte à des divisions de classe moins nettes.

Vers 377, soit quelques années après le sac de Rome attribué au chef gaulois Brennus, ce nouveau développement atteint son point critique. Il a une nouvelle fois le nexum pour origine. Pour faire valoir leurs exigences, les tribuns Licinius et Sextius bloquent pendant

261 Si pater ter filium uenum duit, a patre filius liber esto. C

RAWFORD (éd.) « Roman Statutes ». In Bulletin

of the Institute of Classical Studies, p. 631. 262 T

ITE-LIVE, Histoire romaine, livre III, XXXVI, pp. 54-57.

263

cinq ans toute élection à la magistrature, hormis celle des édiles et tribuns de la plèbe264. En 367, le patriciat baisse les armes : le Sénat adopte en bloc les lois licinio-sextiennes, qui ouvrent le consulat à la plèbe265, mettent fin au nexum et modifient l’octroi de l’ager

publicus.

Avec ces lois, Licinius et Sextius ont d’une certaine façon trahi ceux qu’ils représentaient. Par elles, la fonction de tribun cesse d’avoir pour fin la défense des intérêts du peuple lorsqu’ils sont mis en danger par les possesseurs de l’imperium. En effet, en contradiction avec les exigences de cette fin, une fin supplémentaire est attribuée aux tribuns : devenir consul, accéder à l’imperium. De ce fait, la contre-magistrature tribunicienne devient une forme de magistrature, bien qu’elle n’en aura jamais les insignes. A partir de là, les tribuns joueront alors un rôle de contrepoids, alimentant ainsi le processus régulateur par leur influence sur la législation. De ce point de vue, Licinius et Sextius ont suivi la dynamique de leur temps : ils ont achevé de dissoudre l’Etat dans l’Etat qu’était la plèbe en l’intégrant aux institutions romaines. Qu’on regarde l’action de ces deux tribuns comme la mise sous cloche de revendications légitimes ou comme la résorption d’une excroissance de l’Etat, force est de constater qu’elle a offert une certaine stabilité intérieure à Rome, en mettant fin au gros des conflits entre patriciens et plébéiens. Dirigée par une noblesse renouvelée et désireuse d’obtenir mérites et honneurs sur le champ de bataille, Rome ira alors à la conquête de la péninsule italienne, jusqu’en 264, année où commence la première guerre punique. Acclamés imperatores pour leur exercice victorieux de l’imperium, les chefs militaires conquerront le monde connu. Stabilisée, la République s’apprête déjà à devenir l’Empire.

3.2. L’imperium

Dans ce qui précède, j’ai voulu brièvement montrer par quelles étapes Rome a pris une forme politique républicaine. Nous avons vu que ce n’est pas seulement par la substitution des consuls aux rois que cet avènement a eu lieu, mais surtout par l’accumulation des victoires plébéiennes. Le plus important à noter est que cette dernière s’est soldée par une fusion de la tribunicia potestas dans l’imperium. La République est devenue une quand l’Etat dans l’Etat que formaient la plèbe et ses tribuns a disparu. Dans ce qui suit, il ne sera donc plus question du pouvoir des tribuns, considérant que nous pouvons l’intégrer à l’imperium. Maintenant, nous réfléchirons donc à l’imperium.

Comme l’indique le verbe imperare, « donner un ordre », l’imperium se définit comme je définis le pouvoir, c’est-à-dire par la création de normes. De plus, imperare souligne l’hétéronomie du pouvoir, qu’il procède ou non de la domination. En son sens le plus simple, l’imperium est une potestas, un pouvoir, comme on le signifie au moyen de

264 T

ITE-LIVE, Histoire romaine, livre VI, XXXV, pp. 61-62.

265

l’expression « l’empire du droit ». On peut évidemment aussi considérer qu’imperium renvoie à l’empire comme étendue territoriale sur laquelle ce pouvoir s’étend. Parce qu’il s’étend sur tout le territoire, l’imperium a alors cela de particulier qu’il est la souveraineté, le pouvoir souverain. Par opposition, si la propriété est un pouvoir des propriétaires, il ne s’étend que sur des parties d’un territoire. De ce fait, imperium est le nom du pouvoir auquel aucun autre pouvoir n’est supérieur, de la summa potestas. Cette spécificité est marquée par le fait que les pouvoirs considérés comme hiérarchiquement inférieurs sont désignés par le terme générique de potestas. Par exemple, la tribunicia potestas ou la

patria potestas266.

Les Romains manifestaient nettement le fait qu’au pouvoir s’oppose la contrainte physique, la force. Pour le voir, le plus simple est de décrire les signes tangibles de l’imperium que sont les licteurs, qui accompagnaient les titulaires de ce pouvoir267. Les uns vont donc avec les autres, si bien qu’Appien décrit pédagogiquement les hauts fonctionnaires en fonction des licteurs qui leurs sont attribués, sans par ailleurs proposer

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