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Images romantiques et nouvelle curiosité française pour la Serbie (1804-1840)

II. Naissance d’une curiosité pour la Serbie

Face aux événements serbes, une certaine curiosité apparaît en France et dépasse le cadre des romans et des poèmes romantiques. L’actualité de la question d’Orient attire l’attention des Français et rend nécessaire leur présence sur le terrain. Dans ce contexte, il faut s’interroger sur le mécanisme de construction des représentations non littéraires : interroger les sujets des livres parus mais aussi comparer leurs contenus aux ouvrages romantiques. De plus, il faut questionner l’influence de l’approche du terrain sur la construction des représentations, avec les diplomates et les militaires. Ces nouvelles images ne sont pas neutres et expriment, déjà, un point de vue politique sur les aspirations serbes. En France, en effet, la Révolution de 1789 a mis en avant le sentiment national et cette évolution influence les Français dans leur perception de l’Autre : la façon dont ils dépeignent les Serbes et leurs revendications traduit cette nouvelle conception de la nation.

A. Diversité des récits sur la Serbie 1. Récits de voyage

Alphonse de Lamartine n’est pas le seul à avoir effectué un voyage littéraire en Orient. L’Illyrie et la Dalmatie, ou mœurs, usages et coutumes de leurs habitants et de ceux des contrées voisines, écrit en allemand par Belsazar Hacquet et traduit en français par J.-B. Breton en 1814, revendique par exemple son appartenance à des sources littéraires. Dans son introduction, le traducteur explique avoir adapté l’ouvrage allemand au public français et y avoir « ajouté diverses particularités curieuses, extraites de l’excellent ouvrage de M. Fortis »279. Pourtant,

d’autres types de voyages mènent à l’écriture de récits de voyage. François Pouqueville, par exemple, publie en 1805 son Voyage en Morée, à Constantinople, en Albanie et dans plusieurs autres parties de l’Empire ottoman. Il fait partie de l’expédition d’Égypte en tant qu’officier de santé chirurgien et part pour l’Orient en 1798. Il y est fait prisonnier un an plus tard et livré au pacha qui gouverne la Morée dans le Péloponnèse. Peu après, il est nommé médecin du pachalik par Ahmed Pacha et son statut lui permet de voyager. Ainsi introduit-il le premier tome de son ouvrage en expliquant qu’il a « cru faire une chose utile et présenter un ouvrage absolument neuf, en donnant la description de la Morée, et de l’Albanie, enfin en donnant ce qui n’était pas

279 Belsazar Hacquet, traduit de l’allemand par J.-B. Breton, L’Illyrie et la Dalmatie, ou mœurs, usages et coutumes

58 publié sur Constantinople »280. Il rentre en France en 1801, publie son ouvrage en 1805 puis est nommé consul général à Janina auprès d’Ali Pacha. Ce poste lui permet de continuer ses voyages et recherches et de publier un Voyage dans la Grèce281 en 5 volumes en 1820 et 1821. Le baron Félix de Beaujour a lui aussi laissé des traces de ses voyages en Orient. Après avoir été secrétaire de légation à Munich (1790), puis à Dresde (1791) et consul général en Grèce (1794), il retourne en France où l’abbé Sieyès le fait nommer membre du Tribunat. Lors de son séjour en Grèce, pendant la Révolution française, il compile des informations mais ne publie pas ses impressions militaires par crainte d’éveiller l’ambition de la Russie ou de l’Autriche. Il craint également une nouvelle guerre avec la Turquie qui pourrait déclencher une « guerre générale en Europe »282. En 1816, il devient consul général à Smyrne, puis, en 1817, inspecteur général des établissements français dans le Levant. Il effectue ainsi une inspection par ordre du gouvernement283 « dans toutes les échelles du Levant »284. Lors de ce voyage, il compile de

nouvelles informations, mais il attend 1829 pour les publier, estimant qu’elles ont alors perdu de leur importance politique et que la faiblesse de l’Empire ottoman a déjà été révélée : « Mon travail n’a plus l’importance politique que j’y attachais, et ne peut plus être considéré que comme un objet de curiosité, ou, si l’on veut, d’instruction topographique et militaire »285. Félix

de Beaujour fait partie d’un mouvement de découverte des Balkans qui donne lieu à des publications dans la première moitié du siècle. Charles Pertusier, au service de l’ambassade à Constantinople, publie des Promenades pittoresques dans Constantinople et sur les rives du Bosphore en quatre tomes, en 1815, ainsi qu’un ouvrage sur la Bosnie en 1822. Amédée Chaumette des Fossés embrasse lui aussi la carrière diplomatique en 1803 à Bucarest et publie une dizaine d’années plus tard un Voyage en Bosnie dans les années 1807 et 1808. Le baron Boislecomte, déjà cité, fait un voyage en Serbie et en tire des comptes rendus envoyés au ministre des Affaires étrangères qui est alors Henri de Rigny : « Je voudrais pouvoir présenter à Votre Excellence un compte des revenus de la Serbie aussi détaillé que celui que j’ai eu

280 François Pouqueville, Voyage en Morée, à Constantinople, en Albanie et dans plusieurs autres parties de

l’Empire ottoman, Paris, Gabon et compe, 1805, T. 1, p. I.

281 François Pouqueville, Voyage dans la Grèce, 5 vol., Paris, F. Didot, 1820-1821. Édition de 1826 appelée Le

voyage de la Grèce. Et Histoire de la régénération de la Grèce, comprenant le précis des événements depuis 1740 jusqu’en 1824, 4 vol., Paris, F. Didot, 1824.

282 Félix de Beaujour, Le voyage militaire dans l’Europe ottomane ou description de ses frontières et de ses

principales défenses, soit naturelles, soit artificielles, avec cinq cartes géographiques, Paris, F. Didot, 1829, T. 1,

p. 1.

283 Midhat Šamić explique que dès Napoléon sont imposées des reconnaissances des Balkans, notamment pour

établir ses plans de conquête mais aussi pour connaître les pays avoisinant les pays conquis. Voir Midhat Šamić,

Les voyageurs français en Bosnie : à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe et le pays tel qu'ils l'ont vu, Paris,

Didier, 1960, p. 136.

284 Félix de Beaujour, Le voyage militaire dans l’Europe ottomane… op. cit., p. 2. 285 Ibid.

59 l’honneur de lui envoyer pour la Valachie et la Moldavie »286. Si ce dernier ne publie pas ses

observations, leur consultation permet aujourd’hui de conclure à une proximité entre ses discours et ceux publiés à la même époque.

Ce ne sont pas là des exemples exhaustifs, et d’autres récits de voyages en Orient circulent au début du siècle, traduisant un nouvel intérêt pour l’Europe orientale. Les diplomates, ainsi que les militaires et les médecins, voyagent beaucoup sur le territoire revendiqué par les Serbes, et plus largement dans les régions voisines, et deviennent des acteurs de terrain riches producteurs d’images véhiculées en France grâce à leurs publications ou leurs correspondances. Ainsi faut- il faire la distinction entre les acteurs qui connaissent le terrain et ceux qui relayent des représentations issues du courant préromantique et romantique.

2. L’intérêt des géographes

Les géographes font eux aussi preuve de curiosité pour la Serbie dans la première moitié du XIXᵉ siècle. En 1807, les Annales des voyages, de la géographie et de l’histoire sont lancées et permettent la parution d’articles très variés, notamment en géographie. Ainsi, en 1813, le géographe Malte-Brun287 y publie un article intitulé « Lettres d’un voyageur russe sur la Serbie », qui est un compte rendu d’un ouvrage russe décrivant un voyage effectué en Moldavie, Valachie et Serbie en 1808. Il y explique que « la partie la plus intéressante de son voyage, c’est celle qui concerne la Servie ; [...] c’est aussi celle dont nous allons faire connoître [sic] la substance »288. L’article est l’occasion d’évoquer les habitudes serbes, comme les « pantalons à la turque »289 des femmes, mais aussi de décrire la campagne serbe ou la forteresse de Belgrade. Le géographe évoque « la position géographique de cette ville célèbre »290, ajoutant

286 Lettre du baron Boislecomte au MAE, 3 juin 1834. AMAE, Mémoires et documents Turquie, carton 76

(P/7040).

287 Fondateur de la Société de Géographie en 1821.

288 Conrad Malte-Brun, « Lettres d’un voyageur russe sur la Serbie », dans Annales des voyages, de la géographie

et de l'histoire, vol. XVII, 1812, p. 308-309. Compte rendu de Ivan Kamenzkoi, La Servie. Esquisse historique, géographique et statistique, Berlin, s. n., 1808.

289 Ibid., p. 313.

290 Ibid., p. 322. De manière plus générale, la ville de Belgrade est beaucoup évoquée dans les ouvrages français

au début du siècle. Au confluent des Empires habsbourgeois et ottoman, elle occupe une place stratégique et fait l’objet de batailles successives. Le comte de Salaberry, décrivant une bataille qui se déroule en 1716 résume ainsi l’importance de la ville dans le contexte balkanique : « Belgrade, cette ville si célèbre pour avoir été le but constant des plus formidables efforts, prise et reprise tour à tour depuis deux siècles par les Impériaux et par les Ottomans, allait donc être défendue avec le même courage, mais attaquée avec une science, une habileté, une témérité toute nouvelle ». Charles-Marie Salaberry, Histoire de l’empire ottoman, depuis sa fondation jusqu’à la paix de Yassi

60 que « la géographie de ces contrées a besoin d’une révision »291. Il illustre ainsi la nouvelle curiosité de géographes qui prennent conscience du terrain d’étude que constitue la région.

Le géologue Ami Boué (né à Hambourg en 1794, d’origine française, il publie beaucoup en français) fait lui aussi mention de la géographie du territoire serbe. En 1832, il publie par exemple l’article « Sur la Servie » dans le Bulletin de la société géologique de France, dans lequel il synthétise les travaux d’un géographe autrichien :

M. de Hauslab, capitaine au corps des ingénieurs géographes autrichiens, a exécuté une mission en Turquie, ce qui lui a donné l’occasion d’étudier la géographie et la géologie des bords des deux Bosphores et de la chaîne du Balkans. Il a tenu un journal très complet de son voyage et de la configuration du pays qu’il a traversé.

[…] la Servie offrirait le même fait que le pays de Passau et l’Autriche supérieure, puisque le Danube y coule actuellement dans une fente du sol de granite et de gneiss, tandis qu’entre ces montagnes primaires et les Alpes il y a des montagnes de molasse, et assez près des Alpes, un très ancien et vaste canal d’écoulement occupé encore en partie par les eaux de la Traun […]292

La France et l’Autriche servent d’éléments de comparaison pour définir le territoire étudié, et il cherche à insérer ces études dans un champ plus général :

M. Hauslab a particulièrement étudié la géologie par rapport aux opérations militaires, et il a trouvé que cette science pouvait donner a priori au militaire beaucoup d’aperçus importans [sic], non seulement sur la nature des routes du pays, mais encore sur la forme particulière et le nombre des défilés, sur leur défense plus ou moins facile, sur le genre de végétation et de subsistances. En un mot, pour la guerre dans les montagnes la géologie lui paraît fort utile.293

La géographie devient un outil au service des autres acteurs de terrain, ce qui doit les inciter à travailler ensemble : Boué tente de convaincre de l’utilité de ses compétences. En 1835, il s’installe à Vienne et apprend le serbe et le turc pour voyager en Turquie d’Europe294. À la suite

1717, Eugène de Savoie s’empare de nouveau de la forteresse de Belgrade, mais la ville est rendue aux Ottomans par le traité de Belgrade en 1739.

291 Conrad Malte-Brun, « Lettres d’un voyageur russe sur la Serbie », op. cit., p. 323.

292 Ami Boué, « Sur la Servie, d’après Pirsch et sur le Schipka-Balkan, ainsi que sur la Thrace, d’après M. le

capitane de Hauslab », dans Bulletin de la société géologique de France, Paris, 1832, T. III, p. 97 et 98.

293 Ibid., p. 100.

61 de trois voyages dans les Balkans (en 1836, 1837 et 1838295), il publie notamment en 1840 un ouvrage intitulé La Turquie d’Europe ou observations sur la géographie, la géologie, l’histoire naturelle, la statistique, les mœurs, les coutumes, l’archéologie, le commerce, les gouvernements divers, le clergé, l’histoire politique et l’état politique de cet empire296.

Les informations relayées par les diplomates peuvent également être prises en compte dans la constitution de connaissances géographiques sur la Serbie. Citons par exemple le baron Boislecomte qui envoie au ministère un rapport chiffré sur la population serbe :

D’après cette base on pourrait évaluer ainsi la population de la servie : Enfans [sic] de 2 ans : 130 000

Hommes de 7 à 60 ans payant le caratch297 : 300 000 Femmes du même âge : 300 000

Hommes et femmes au dessus de 60 ans : 70 000 Population chrétienne et juive de Belgrade : 14.000 Cziganes ou bohémiens : 10 000

Turcs : 13.000 Total 837 000.298

Il rapporte d’autres éléments, comme les appartenances religieuses de la population, la description des villes principales et des habitations, ou encore le nombre d’étrangers présents sur le territoire serbe. Peu à peu, les géographes et les autres acteurs de terrain tels que les diplomates ou les militaires permettent donc aux Français d’établir des prémices de connaissances scientifiques sur la Serbie.

B. L’actualité serbe

1. Les insurrections serbes

Outre la diversité des récits sur la Serbie en circulation, l’actualité serbe alimente la nouvelle curiosité des Français pour la province ottomane. À l’automne 1803, des Serbes commencent à

295 Voyages détaillés dans son Recueil d’itinéraires publié à Vienne en 1854 (2 vol.).

296 Qui, d’après le géographe Kiepert est, en 1876, encore l’ouvrage le plus complet sur la géographie de la Turquie.

Voir Ami Boué, Catalogue des œuvres, travaux, mémoires et notices du Dr. Ami Boué, Vienne, Ferd. Ulrich et fils, 1876, p. VIII-IX.

297 Tribut que les non musulmans payent au sultan.

62 préparer une insurrection. Les autorités ottomanes sentent un soulèvement se préparer et font mettre à mort des notables locaux, ce qui attise encore la colère des Serbes. Les principaux dirigeants serbes se réunissent alors en assemblée à Orašac le 15 février 1804, décident le début de l’insurrection et élisent Karadjordje pour prendre sa tête299. Alors que la rébellion doit au

départ rétablir l’autorité du sultan contestée par les janissaires, elle prend finalement le caractère d’une lutte pour la création d’un État serbe300.

Dans un premier temps, les diplomates postés dans l’Empire ottoman ne font pas preuve d’inquiétude à propos de ces événements. Ainsi, Guillaume Brune, ambassadeur de la République française à Constantinople, écrit-il le 19 germinal an 12 (avril 1804) que le gouvernement ottoman « a découvert tous les complices de Georges qui pouvaient encore inspirer des inquiétudes : elle continuera, quoique la Conspiration ne présente plus aucun danger, à recueillir tous les renseignements [...] »301. Le 21 floréal an 12 (mai 1804), il

ajoute que : « Des troubles violents ont éclaté en Romelie. Vingt-sept Agas se sont ligués pour empêcher qu’on ne forme des troupes à leurs dépens. Le deis [...] m’a fait dire que ces troubles et ceux de la Servie n’auraient aucune suite et qu’ils n’inquiétaient pas la Sublime porte »302.

Pourtant, le mouvement se poursuit et, peu à peu, ces événements sont connus du public français. En témoigne le géographe Conrad Malte-Brun dans un compte rendu publié en 1812 d’un ouvrage sur la Serbie : « Ce que Kamenzkoï dit sur l’origine et les progrès de l’insurrection, ne contient presque rien qui ne fût déjà connu par les journaux politiques »303.

En 1826, un rapport envoyé au ministère des Affaires étrangères précise aussi que « Les causes et la marche de cette insurrection, d’abord négligée à dessein par la Porte, fomentée et ensuite ouvertement favorisée par la Russie, sont trop connues pour qu’il soit nécessaire d’en présenter

299 Dušan Bataković, Histoire du peuple serbe, Lausanne et Paris, L’âge d’homme, 2005, p. 139.

300 Nicolas Pitos, Marianne face aux Balkans en feu : perceptions des guerres balkaniques de 1912-1913 dans

l'espace médiatique français, thèse réalisée sous la direction de Joëlle Dalègre, INALCO, Paris, 2014, p. 60-61.

Voir aussi lettre du baron Boislecomte, diplomate important qui réalise une mission secrète pour le Quai d’Orsay dans les différentes régions de l’Empire ottoman. Il arrive en Serbie en mai 1834 et écrit au MAE le 1er juin 1834 :

« Première insurrection 1804-1813. Les intrigues et l’insubordination des janissaires agitaient alors tout l’Empire ; [...] réunis à une foule d’aventuriers, ils n’aspiraient à rien moins qu’à se rendre maîtres du pays en conservant seulement le nom du sultan ». AMAE, Mémoires et documents Turquie 50 MD, carton 76 (P/7040).

300 Lettre de Brune au ministre des Relations extérieures, 19 germinal an 12. AMAE, Politique Turquie, carton 208

(microfilm P/619).

301 Ibid.

302 Lettre de Brune au ministre des Relations extérieures, 21 floréal an 12. Ibid. 303 Conrad Malte-Brun, « Lettres d’un voyageur russe sur la Serbie », op. cit., p. 395.

63 le tableau »304. Dans les milieux informés, qui lisent la presse, les insurrections qui se déroulent dans l’Empire ottoman sont donc connues.

Non seulement les Français sont au courant de ces insurrections, mais ils sont aussi conscients de leur importance dans le contexte politique européen. Un ouvrage de Charles Pertusier sur la Bosnie, paru en 1822, fait mention du voyage de l’ambassade française de Costanitza jusqu’à la frontière de la Roumélie en 1812. Devenu officier d’artillerie, Pertusier est envoyé en Dalmatie vénitienne, avant d’être nommé au service de l’ambassade à Constantinople, poste qu’il occupe jusqu’à la chute de Napoléon. Au cours de ce voyage, il fait état du sérieux des insurrections serbes :

À Guetude nous commençâmes à entendre parler des Serviens insurgés. [...] Si le gouvernement agit prudemment, il continuera à traiter avec de grands ménagements une population belliqueuse qui peut devenir un ennemi domestique aussi terrible pour le moins que les Grecs du Péloponèse [sic]305.

La même année, paraît un ouvrage de l’avocat Berton, qui relate le règne de Selim III (1789- 1807) : « L’Empire ottoman était déchiré par l’insurrection de presque tous les pachalis ; l’Égypte et la Syrie, la Servie, les deux principautés au-delà du Danube lui échappaient »306. Il fait également le récit de la seconde insurrection, menée par Miloš Obrenović :

En 1815, la Servie s’insurge de nouveau, et la Porte rassemble contre une seule province, toutes ses forces disponibles : l’Europe paraît s’inquiéter de cet armement général, comme si toute la chrétienté était menacée ; et cependant les Turcs, plusieurs fois vaincus, perdent Belgrade, et abandonnent la Servie, pour courir aux autres frontières du Nord, où, à force de supplices, ils étouffent quelques germes d’insurrection, et d’où ils semblent menacer la Russie et compter sur la protection de l’Autriche. Inutiles préparatifs ! La peste campe au milieu d’eux !307

304 Rapport « Sur la Servie », envoyé au MAE, 24 mars 1826, AMAE, Mémoires et documents Turquie, carton 13

(P/14946).

305 Charles Pertusier, La Bosnie, considérée dans ses rapports avec l’empire ottoman, Paris, Gosselin, 1822,

p. 326-327.

306 Jean-Michel Berton, Les Turcs dans la balance politique de l’Europe au XIXème, ou Considérations sur l’usurpation ottomane et sur l’indépendance de la Grèce. Suivies d’une nouvelle traduction des lettres de lady

Montagne sur la Turquie..., Paris, Doudey-Dupré, 1822, p. 32.

64 Le ministre plénipotentiaire Boislecomte envoie une série de lettres au ministère des Affaires étrangères pour décrire la situation de la Serbie au moment où il y voyage, en 1834. Il y fait lui aussi un récit des insurrections serbes :

Ce coup hardi fut exécuté par dix hommes qui étaient dirigés par Czerni George, destiné bientôt à jouer un grand rôle dans son pays. CG se mit aussitôt à parcourir les campagnes entraînant les uns et forçant les autres de se joindre à lui contre les Turcs. Il existe entre les membres de la nation serbienne un sentiment de confraternité qui dans les grandes occasions les a toujours fait agir tous ensemble, et qui en constitue véritablement la force. En peu de mois toute la nation se trouva soulevée et les janissaires obligés de se réfugier dans les villes ne purent se maintenir que dans les plus fortes places. [...]