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IV. Croyance et lien social, une idylle infinie

1)   Qui j'i-mythe?

Selon E. Durkheim, la société serait « un ensemble d’idées, de croyances, de

sentiments de toutes sortes, qui se réalisent par les individus »159. La société, par l’intermédiaire de ce qu’elle appelle des faits sociaux, influencerait la façon de penser et d’agir des individus. Le degré de croyance que chaque sujet investit dans les mythes, les religions et les traditions qui composent sa culture déterminera ainsi son mode d’inscription dans le lien social.

Les mythes au fondement des sociétés

Selon que l’on se réfère à l’anthropologie, la philosophie, ou la psychanalyse, le mythe semble toujours répondre aux exigences d’une organisation sociale construite sur un récit d’ordre sacré. « Le mythe raconte une histoire sacrée »160 écrivait Mircea Eliade en 1963, dans une étude qui s’attachait à développer les différents aspects du mythe tels qu’ils puissent structurer les sociétés. Les chercheurs semblent s’accorder sur le fait que le mythe renvoie toujours à un événement ayant eu lieu dans un passé qu’il est impossible de dater précisément, « un instant primordial, atemporel »161. De plus, le mythe est systématiquement porteur de sens. C. Lévi-Strauss a pu constater lors de ses recherches qu’ils fournissent une explication aux communautés à propos de faits semblant irrationnels. C’est-à-dire qu’ils prêtent un sens imaginaire à des faits inexpliqués, produisant ainsi une réponse qui s’inscrit dans un discours et des pratiques socialement valorisés et estimés. M. Eliade remarque à ce propos que :

« Ces mythes et ces symboles ne sont pas pour autant des découvertes spontanées de l’homme archaïque, mais des créations d’un complexe culturel bien délimité, élaboré et véhiculé par certaines sociétés humaines »162.

159 Émile DURKHEIM, Sociologie et Philosophie, 1924, cité par José MÉDINA, Claude MORALI,

André SÉNIK, dans La philosophie comme débat entre les textes, op cit.

160 Mircea ELIADE, Aspects du mythes, Éd Gallimard, Coll. Folio Essai, Paris, 1963, p.16.

161 Mircea ELIADE, Images et Symboles, Essais sur le symbolisme magico-religieux, Éd. Gallimard,

Coll. Tel, 1980, p.79.

Dans la même perspective, J. Servier écrit que :

« Les civilisations traditionnelles rendent compte de leur situation géographique, de leur organisation dans l’espace en termes de mythes […] Il y a dans la plupart des cas, un fonctionnalisme des groupes sociaux dont seul le mythe peut rendre compte. Toutes les sociétés traditionnelles sont construites selon un archétype parfait, une vision de la cité idéale »163.

En ce sens, les mythes composent le fond commun de la culture. Ils offrent un cadre de référence pour toutes les formes de vie sociale et spirituelle en fournissant « des modèles

pour la conduite humaine »164 et en conférant ainsi « signification et valeur à

l’existence »165. En effet les mythes sont les récits d’une création, c’est-à-dire qu’ils permettent de saisir la façon dont quelque chose a commencé à être166. Pour Jean-Pierre Sironneau, il faut admettre « qu’aucune nation ne s’est constituée sans produire une

représentation de son unité enracinée dans l’histoire, c’est-à-dire sans produire un mythe fondateur »167. En conséquence, on peut considérer que :

« Les mythes relatent non seulement l’origine du monde, des animaux, des plantes et de l’homme, mais aussi tous les évènements primordiaux à la suite desquels l’homme est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un être mortel, sexué, organisé en société, obligé de travailler pour vivre, et travaillant selon certaines règles »168.

Pour reprendre la pensée de B. Malinowski, nous ajouterons que :

« Dans les civilisations primitives, le mythe remplit une fonction indispensable : il exprime, rehausse et codifie les croyances ; il sauvegarde les principes moraux et les impose ; il garantit l’efficacité des cérémonies rituelles et offre des règles pratiques à l’usage de l’homme. Le mythe est donc un élément essentiel de la civilisation humaine »169.

163 Jean SERVIER, L’homme et l’invisible, Éd. du Rocher, Coll. La pierre philosophale, Paris, 1994,

p.315.

164 Mircea ELIADE, Aspects du mythes, op cit., p.12 165 Ibid.

166 Ibid. p.17.

167 Jean-Pierre SIRONNEAU, Lien social et mythe au fil de l’histoire, Éd L’Harmattan, Coll. Logiques

sociales, Paris, 2009, p.8.

168 Mircea ELIADE, Aspects du mythes, op cit., p.23.

169 Bronislaw MALINOWSKI, Myth in Primitive Psychology, [1926], cité par Mircea ELIADE dans

Les mythes sont donc des fictions qui auraient la spécificité de provoquer l’adhésion des groupes qui les créent et au sein desquels ils se révèlent opérants. Ils composent ainsi les imaginaires collectifs et sont à envisager comme un mécanisme universel. Cette universalité du mythe et sa persistance dans l’évolution des sociétés fut défendue par M. Eliade. Cependant, celui-ci voyant le mythe comme une explication à l’ordre du monde généralise le concept à partir d’une définition élargie et culturelle. Définition qui rappelle l’idée d’inconscient collectif que Carl Gustave Jung défendait à l’encontre de la psychanalyse freudienne et qui révélait un inconscient, non pas constitué à partir du refoulement et des pulsions, donc subjectif, mais à partir d’archétypes communs et partagés :

« Les instincts et les archétypes constituent l'ensemble de l’inconscient collectif. Je l’appelle "collectif" parce que, au contraire de l’inconscient personnel, il n’est pas fait de contenus individuels plus ou moins uniques ne se reproduisant pas, mais de contenus qui sont universels et qui apparaissent régulièrement »170.

Par le concept d’archétype qu’il crée en 1919, CG. Jung désigne une image inconsciente primordiale qui ne pourrait remonter à la conscience et se projetterait à travers les mythes, les arts et la religion, composant ainsi l’inconscient collectif. Bien que repérant l’existence de représentations collectives à travers les mythes et tout ce qui compose la culture d’une civilisation, S. Freud y voit plutôt la manifestation de fantasmes originaires. Ces fantasmes qui bien que se soutenant d’images au symbolisme récurrent, n’en sont pas moins de pures constructions psychiques issues de l’expérience privée de chaque sujet confronté à certaines scènes réelles ou fantasmées durant l’enfance. J. Lacan réfute également la thèse de CG. Jung, en avançant qu’aucune culture ne peut être jugée plus primitive qu’une autre171. De plus, M. Eliade voyait dans le mythe une manière de décrire « les diverses et

parfois dramatiques irruptions du sacré dans le monde »172. Il ajoutait que « c’est cette

irruption du sacré qui fonde réellement le monde et qui le fait tel qu’il est aujourd’hui »173.

170 Carl Gustave JUNG, L’énergétique psychique, Éd. Livre de Poche, Paris, 1973, p.99. 171 Jacques LACAN, Le mythe individuel du névrosé, op cit., p.59.

172 Mircea ELIADE, Aspects du mythe, op cit., p.17. 173 Ibid.

Cette conception du mythe rappelle le psychanalytiquement célèbre mythe que S. Freud relate dans Totem et Tabou. Cependant, la distinction entre M. Eliade et S. Freud illustre le conflit opposant leurs disciplines respectives, en tant que l’anthropologie s’attache à travailler à partir de données relevant « d’histoires vraies »174, tandis que la psychanalyse travaille à partir de systèmes symboliques, réels et imaginaires. C’est pourquoi le mythe de

Totem et Tabou reçut une critique sévère de la part de M. Eliade, C. Lévi-Strauss et

d’autres. Pourtant, le caractère fictif de ce récit n’enlève rien à son efficacité.

Selon E. Durkheim, chaque culture possède son propre réseau conceptuel élaboré non pas à partir d’une réalité matérielle, mais à partir de son cadre social. E. Durkheim parle alors de vérités mythologiques175. C. Lévi-Strauss a une approche structuraliste des mythes, et tout en les percevant comme des manifestations collectives symboliques, il note que ce qui importe réellement c’est la substance du mythe, seulement celle-ci « ne se trouve ni dans le

style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe, mais dans l’histoire qui y est racontée »176. Il évoque ainsi la fonction du mythème en considérant le mythe comme un être verbal, c’est-à-dire « un pur fait de langage constitué par des unités plus importantes

et plus complexes que celles qui constituent la langue (phonème, morphème, sémantème) »177. Selon lui, le mythe permettrait ainsi de donner des renseignements fondamentaux sur les phénomènes sociaux tout en fournissant un « modèle logique pour

résoudre une contradiction »178.

Dans Le mythe individuel du névrosé, J. Lacan interpelle tour à tour M. Eliade et C. Lévi- Strauss et distingue le mythe collectif du mythe individuel. Selon lui, la manifestation du mythe individuel correspondrait à un scénario fantasmatique. C’est-à-dire qu’à travers le mythe, le sujet peut produire un scénario fantasmatique qui viendrait symboliser sa rencontre avec un réel impossible179. Ainsi, « Le mythe dont le support est la fiction,

constitue cette écriture particulière, sur le mode du mi-dire, de la vérité. Celle-ci touche à l’inconscient ; elle concerne le réel de la jouissance »180.

174 Ibid.

175 Voir à ce propos les travaux d’Émile DURKHEIM, Pragmatisme et sociologie, leçon XVIII. 176 Claude LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale I, Éd. Poche, Paris, 1958, p.232. 177 Ibid.

178 Claude LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale I, Éd. Poche, Paris, 1958, p.254. 179 Jacques LACAN, Le mythe individuel du névrosé, op cit., p.28

180 Sophie MARRET-MALEVAL, « L’inconscient aux sources du mythe moderne », Études anglaises,

vol. tome 55, no. 3, 2002. Version téléchargeable sur <https://www.cairn.info/>, consulté en avril 2017, p.5.

Le mythe est en ce sens à comprendre comme une mise en forme de la structure de l’inconscient et donc comme témoignant d’une vérité de celui-ci, « une tentative de donner

forme épique à ce qui s’opère de la structure »181. La fonction du mythe sera donc selon J. Lacan de mettre « en équation sous une forme signifiante une problématique qui doit par

elle-même laisser nécessairement quelque chose d’ouvert, qui répond à l’insoluble en signifiant l’insolubilité, et sa saillie retrouvée dans ses équivalences, qui fournit (ce serait là la fonction du mythe) le signifiant de l’impossible »182. Cet impossible c’est le réel.

En définitive, le mythe peut s’envisager sous différents aspects selon la discipline à partir de laquelle on l’étudie et selon le contexte dans lequel on le situe. Le mot en lui-même s’est popularisé au fil du temps et s’utilise à présent dans le langage courant de différentes façons.

La mytho-logique de l’homme moderne

M. Eliade avait remarqué une différence notable entre l’homme moderne et l’homme issu de société archaïque. Tandis que l’homme moderne ne se sent pas obligé de connaître son histoire complète, l’homme archaïque est « non seulement obligé de se

remémorer l’histoire mythique de sa tribu, mais il en réactualise périodiquement une assez grande partie »183. Ainsi pour lui, dans la société occidentale, le logos l’aurait emporté sur le mythos, ou pour le dire autrement, la logique l’emporte sur le sacré : « un univers

religieux désacralisé et une mythologie démythisée ont formé et nourri la civilisation occidentale, la seule civilisation qui ait réussi à devenir exemplaire »184.

Il est vrai que l’on constate dans la clinique que la société occidentale ne semble plus portée par certains de ses mythes. Ainsi vidée symboliquement, elle manque de repère pour le sujet, d’où l’émergence de nouveaux symptômes qui contaminent tour à tour ces mêmes sujets. Ce déclin de la fonction du mythe, spécifique à l’Occident, nous questionne et une première hypothèse serait de considérer que le mythe, se référant à l’existence d’un Autre, ne peut opérer dans une société où ce qui est mis en péril c’est précisément la garantie l’Autre.

181 Jacques LACAN, Télévision, Éd. Seuil, Coll. Le champs freudien, Paris, 2012, p.51. 182 Jacques LACAN, Le mythe individuel du névrosé, op cit., p.105-106

183 Mircea ELIADE, Aspects du mythe, op cit., p.26. 184 Ibid p.195.

De ce constat, nous pouvons tout de même remarquer l’émergence de nouveaux types de mythes, à savoir le mythe capitaliste et le mythe scientifique. Ainsi, peut-on proposer l’Autre techno-scientifique comme nouveau garant du désordre social ?

Dans le Séminaire XVII, J. Lacan distingue le discours de la science en lien avec le savoir du maître, du discours mythique. Selon lui la science « sert à refouler ce qui habite

le savoir mythique »185, alors que « le savoir en place de vérité c’est précisément le

mythe »186. C’est pourquoi nous suggérons que le mythe techno-scientifique s’inscrit davantage dans une mytho-logique, que dans une vérité mythique. Sa logique menteuse berne le sujet en tentant de l’aliéner à un discours a-subjectif.

Après deux ans d’observation sur son quotidien, Roland Barthes publie en 1957

Mythologies187 qu’il décrit comme « une critique idéologique portant sur le langage et la

culture de masse »188 à partir de l’étude des « mythes de la vie quotidienne française »189. Son questionnement s’amorce à partir de la question suivante : Qu’est-ce que le mythe aujourd’hui ? Pour y répondre, il utilise les outils de la linguistique et de la sémiologie et reprend les théories saussuriennes portant sur le signifiant et le signifié : « toute sémiologie

postule un rapport entre deux termes, un signifiant et un signifié […] Le signe étant le total associatif du signifiant et du signifié »190. Le premier argument qu’il avance est que « le

mythe est un langage »191, car on retrouve dans le mythe le schéma tridimensionnel : le signifiant (l’image acoustique), le signifié (le concept) et le signe (le rapport entre l’image et le concept)192. Il note au passage, que tout comme le signifié, le mythe peut avoir à sa « disposition une masse illimitée de signifiants »193, prenant pour exemple l’acte manqué chez S. Freud dont il dit qu’il s’agit d’un « signifiant d’une minceur sans proportion avec

le sens propre qu’il trahit »194. Le mythe serait donc, selon la conception sémiologique de R. Barthes « un système de communication, un message […] un mode de signification, une

forme […] qui ne se définit pas par l’objet de son message, mais par la façon dont il le profère »195. Il considère ainsi que tout peut s’élever au rang de mythe puisque chaque objet du monde peut s’ouvrir à l’appropriation de la société.

185 Jacques LACAN, Séminaire XVII - L’envers de la psychanalyse, op cit., p.103. 186 Ibid.

187 Roland BARTHES, Mythologies, Éd. Seuil, Coll. Essais, Paris, 1957. 188 Ibid. p.7. 189 Ibid. p.9. 190 Ibid. p.216. 191 Ibid. p.9. 192 Ibid. p.218. 193 Ibid. p.225. 194 Ibid. 195 Ibid. p.212.

Selon lui, « la parole mythique est formée d’une matière déjà travaillée en vue d’une

communication appropriée »196.

Il donne quelques exemples de ce qu’il perçoit comme des « mythes de la vie quotidienne

française »197, moderne devrait-on rajouter. Ainsi, ferait office de mythe, la coupe de cheveux de l’Abbé Pierre en tant qu’elle représente « l’archétype capillaire de la

sainteté »198. Ou encore le magazine féminin Elle qu’il désigne comme un « véritable

trésor mythologique »199. La Citroën DS s’élève au rang de « déesse » de la « mythologie

automobile »200, tandis que le vin devient une « boisson-totem »201, et donc sacrée : « Le

vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromages et sa culture. C’est une boisson-totem »202. Le jouet français de son côté vient représenter quelque chose « d’entièrement socialisé,

constitué par les mythes ou les techniques de la vie moderne adulte : l’Armée, la Radio, les Postes, la Médecine, l’École, la Coiffure d’art, l’Aviation, les Transports ou la Science »203. Enfin, le cerveau d’Albert Einstein devient lui aussi un objet mythique, doté du paradoxe suivant : « la plus grande intelligence forme l’image de la mécanique la mieux

perfectionnée »204. « Le surhomme est ici dépouillé de tout caractère magique ; en lui

aucune puissance diffuse, aucun mystère autre que mécanique »205, ainsi

« Mythologiquement, Einstein est matière, son pouvoir n’entraîne pas spontanément à la spiritualité, il lui faut le secours d’une morale indépendante, le rappel de la conscience du savant »206.

Tout le patrimoine culturel français semble être pris sous la coupe de la mythologie telle que l’envisage R. Barthes, différant des considérations anthropologiques ou psychanalytiques que nous avons vu précédemment. Cette conception encourage le passage dans la société occidentale de la modernité à la post-modernité qui se perçoit au travers de la mutation du sacré mythique vers une technique sacralisée.

196 Ibid. p.213. 197 Ibid. p.9. 198 Ibid. p.58. 199 Ibid. p.140. 200 Ibid. p.165-166. 201 Ibid. p.80. 202 Ibid. 203 Ibid. p.63. 204 Ibid. p.99. 205 Ibid. 206 Ibid.

Reprenons l’étude du mythe moderne sous l’approche psychanalytique. Pour ce faire, l’étude de Sophie Marret-Maleval, « L’inconscient aux sources du mythe moderne »207, n’est pas sans intérêt.

Celle-ci s’attarde sur ce qu’elle désigne comme trois grands mythes modernes du 19ème siècle, à savoir les récits d’aventures de Dracula, de Frankenstein, et d’Alice. S’interrogeant à propos de l’émergence de ces légendes, elle reprend la thèse de J. Lacan lorsqu’il avance que le mythe est à entendre comme une mise en forme de la structure de l’inconscient. Elle relève alors que les conditions nécessaires à la formation d’un mythe moderne serait d’une part que celui-ci véhicule un savoir sur le sujet de l’inconscient qui viendrait s’opposer au discours de la science, et d’autre part, il serait relatif à une époque où subsistait la croyance en l’existence de l’Autre208. Plus loin, elle ajoute que pour parler de mythe il faut que cela « véhicule un savoir sur le Réel et le sujet de l’inconscient qui se

supporte d’un mi dire »209. Ainsi, elle envisage ces figures comme des incarnations d’un Autre réel dont la jouissance est illimitée : « buveur de sang forcené, prédateur, figures

évocatrices du père de la horde dans le mythe freudien de Totem et Tabou »210.

Ces mythes modernes ne répondent pas aux exigences de M. Eliade. Ils ne se rangent pas sous la houlette du récit d’origine et ne véhiculent pas d’archétypes socialement valorisés. Cependant, ils s’inscrivent dans la continuité de la pensée lacanienne en tant qu’ils viennent soulever des énigmes sur le désir, le fantasme, la jouissance des protagonistes et comment de ce fait ils ouvrent vers un savoir sur l’inconscient211. S. Marret-Maleval voit au travers de ces mythes, la mise en jeu d’une dialectique entre le discours de la science qui a pour vocation de forclore le sujet et l’intuition de l’inconscient212. Selon elle :

« le mythe moderne est le produit du discours de la science, mais sa vérité vient en dévoiler les limites, qu’elle porte sur ce qu’il méconnait »213, autrement dit

« Le mythe moderne ouvre à un savoir sur les limites du sens et de la rationalité, en ce sens il est le produit du discours de la science, conséquence du soupçon porté sur le sens par la formalisation scientifique […] mais il constitue une écriture de la vérité refoulée par la science »214.

207 Sophie MARRET-MALEVAL, « L’inconscient aux sources du mythe moderne »,op cit. 208 Ibid. 209 Ibid. p.5. 210 Ibid. p.8. 211 Ibid. p.7. 212 Ibid. 213 Ibid. p.9. 214 Ibid.

L’époque post-moderne dans laquelle le sujet occidental évolue se veut soutenue par une logique scientifique et technique dont les rouages sont à prendre en compte lorsque l’on souhaite interroger le rapport du sujet aux mécanismes qui lui assurent sa subjectivité. C’est donc en ce sens que nous poursuivrons notre questionnement, en se centrant tout particulièrement sur la croyance qui dans la continuité du mythe, codifie l’inscription du sujet dans le lien social.