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B. Les procédures de mise sous surveillance

2. Les motifs de la surveillance

a) Le soupçon

Des mesures de contrainte ne peuvent être ordonnées que si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (art. 197 al. 1 lit. b CPP). Cette condition est reprise ensuite pour chaque mesure de surveillance. On retrouve

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Art. 210 CPP. L’avis de recherche ne peut cependant que concerner le prévenu. 

575 Art. 282 CPP.  576 Art. 255 al. 1 CPP.  577 Art. 256 CPP.  578

Art. 11 al. 4 lit. c LADN. 

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Art. 260 CPP. 

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l’exigence de respect de la proportionnalité et l’interdiction d’une surveillance générale et abstraite. En l’absence de soupçons suffisants, il ne faudrait pas que la surveillance puisse être opérée à un autre titre pour constituer un dossier permettant ensuite d’obtenir l’autorisation requise pour la surveillance pénale581. Les mesures de surveillance prévues par le CPP ont pour but de rechercher l’auteur de l’infraction ou des preuves liées à l’infraction. Elles ne sont admises que si une infraction a été commise582. En ce sens, il s’agit d’une surveillance répressive583. Le CPP ne prévoit pas la surveillance à titre préventif et ne peut en aucun cas servir de base légale à une mesure de surveillance qui serait instaurée dans ce but584. Il est en revanche admis que la surveillance puisse porter sur les actes futurs dans le cas d’un délit continu, notamment en matière de trafic de stupéfiants, où ce n’est pas tant les délits commis qui sont visés, mais ceux qui sont en cours et le réseau existant585. La seule commission d’actes préparatoires n’ouvre pas la voie à des mesures de surveillance, sauf s’il s’agit d’actes préparatoires délictueux au sens de l’art. 260bis CP

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Jusqu’à l’entrée en vigueur de la LSCPT le 1er janvier 2002, il n’était pas rare que des mesures de surveillance préventives soient ordonnées dans le seul but de glaner des informations pouvant déboucher sur une enquête pénale. Une fois qu’un nombre suffisant d’informations étaient recueillies, plus rien ne s’opposait à l’ouverture d’une procédure pénale et à la mise en place de mesures de surveillance dans ce cadre. Le recours à la surveillance préventive n’était pourtant pas justifié par une menace pour la sécurité, mais servait essentiellement à s’assurer d’avoir assez d’éléments lors de la demande de l’autorisation judiciaire nécessaire à la surveillance pénale. 

582

De manière générale l’art. 197 al. 1 lit. b CPP et pour des exemples les art. 255, 256, 269, 273, 282 et 284 CPP. 

583

OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, p. 545; PIQUEREZ, Traité, p. 612. 

584

L’observation à titre préventif, notamment celle destinée à écarter un danger, doit être régie par la législation sur la police : Message du CF relatif à l'unification de la procédure pénale, p. 1235.  

585

Pour un avis critique : RUCKSTUHL, Technische Überwachungen, p. 150. 

586

Constituent des infractions punissables en tant que telles les actes préparatoires en vue des infractions suivantes suivantes : meurtre (art. 111 CP), assassinat (art. 112 CP), lésions corporelles graves (art. 122 CP), brigandage (art. 140 CP), séquestration et enlèvement (art. 183 CP), prise d’otage (art. 185 CP), incendie intentionnel (art. 221 CP), et génocide (art. 264 CP). En matière d’infractions à la LStup, l’art. 19 ch. 1 al. 6 LStup prévoit que les mesures prises en vue du trafic de stupéfiants sont des délits indépendants. Ils incluent aussi bien la tentative que certains actes préparatoires (ATF 121 IV 198, 200, S., du 19 septembre 1995). 

L’existence d’un soupçon présuppose ainsi que l’infraction a déjà été commise et une mesure de surveillance ne doit pas servir à créer un soupçon587.

383

Pour certaines mesures, la loi parle de soupçons suffisants588, de graves soupçons589 et de forts soupçons590. Le soupçon exigé pour justifier l’emploi d’une mesure de surveillance doit être plus important que celui qui permet d’ouvrir une procédure préliminaire591. Pour le reste, les différentes terminologies n’impliquent à notre sens rien d’autre que l’application générale du respect du principe de proportionnalité592.

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b) Les infractions poursuivies

Les principes de proportionnalité et de prévisibilité impliquent que le justiciable sache à l’avance dans quels cas une mesure de surveillance peut être ordonnée. Comme il n’est évidemment pas possible de dresser la liste de chaque cas d’espèce, on recourt à une norme générale et abstraite, mais suffisamment précise. Plusieurs possibilités s’offrent au législateur. Il peut définir une liste exhaustive d’infractions, les sélectionner uniquement en fonction de la peine minimale encourue, ou se contenter de critères et principes généraux tels que gravité suffisante et proportionnalité.

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587

Par exemple : GOLDSCHMID, Der Einsatz technischer Überwachungsgeräte im

Strafprozess, p. 95; HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, p. 145. 

588

En allemand « ein hinreichender Tatverdacht » et en italien « sufficienti indizi ». Pour les mesures de contrainte en général (art. 197 CPP) et pour l’utilisation de données signalétiques d’un prévenu hors du dossier de la procédure (art. 261 CPP). 

589

En allemand « der dringende Verdacht » et en italien « il grave sospetto ». Pour la surveillance de la correspondance et les autres dispositifs techniques de surveillance (art. 269 CPP), et pour l’obtention des données relatives au trafic, à la facturation et à l’identification des usagers (art. 273 CPP). 

590

En matière de recherches, la loi parle de « fortement soupçonné », respectivement « dringend verdächtigt » dans la version allemande et « sussistano motivi » dans la version italienne (art. 210 CPP). 

591

Si tel n’était pas le cas, les mesures de surveillance seraient automatiquement autorisées pour chaque procédure. 

592

Voir sur la notion de graves soupçons : GOLDSCHMID, Der Einsatz technischer

Überwachungsgeräte im Strafprozess, pp 97-103; HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF

Le législateur n’a toutefois pas adopté une méthode uniforme, puisqu’il n’autorise certains moyens de surveillance que lorsqu’il y a soupçon de commission de certaines infractions, alors que d’autres moyens peuvent être utilisés de manière beaucoup plus large.

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La surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, ainsi que les autres mesures techniques de surveillance ne sont permises que lorsque certaines infractions sont poursuivies. Le législateur en a dressé un catalogue exhaustif à l’art. 269 al. 2 CPP593. Il renferme des contraventions, des délits et des crimes594. Le recours à une liste exhaustive d’infractions, s’il permet une plus grande prévisibilité, n’est pas toujours accueilli favorablement595.

387

      

593

On y trouve des infractions au CP : art. 111 à 113, 115, 118 ch. 2, 122, 127, 129, 135, 138 à 140, 143, 144 al. 3, 144bis ch. 1 al. 2 et ch. 2 al. 2, 146 à 148, 156, 157 ch. 2, 158 ch. 1 al. 3 et ch. 2, 160, 161, 163 ch. 1, 180, 181 à 185, 187, 188 ch. 1, 189 à 191, 192 al. 1, 195, 197, 221 al. 1 et 2, 223 ch. 1, 224 al. 1, 226, 227 ch. 1 al. 1, 228 ch. 1 al. 1 à 4, 230bis, 231 ch. 1, 232 ch. 1, 233 ch. 1, 234 al. 1, 237 ch. 1, 238 al. 1, 240 al. 1, 242, 244, 251 ch. 1, 258, 259 al. 1, 260bis à 260quinquies, 261bis, 264 à 267, 271, 272 ch. 2, 273, 274 ch. 1 al. 2, 285, 301, 303 ch. 1, 305, 305bis ch. 2, 310, 312, 314, 317 ch.1, 319, 322ter, 322quater, 322septies; mais également au droit pénal accessoire : art. 116 al. 3 et 118 al. 3 LEtr, art. 24 LF-CLaH, art. 33 al. 2, 34 et 35 LFMG, art. 88 al. 1 et 2, 89 al. 1 et 2, et 90 al. 1LENu, art. 19 ch. 1 2e phrase et ch. 2, et art. 20 ch. 1 2e phrase LStup, art. 60 al. 1 let. g à i, m et o LPE, et art. 14 al. 2 LCB. Cette liste correspond aux infractions permettant de mettre en place une investigation secrète au sens de l’art. 286 CPP : RHYNER / STÜSSI, Kommentar zu Art. 269-279 StPO, p. 447; ZUFFEREY / BACHER, Art. 269 CPP, n. 24-35 ad art. 269. L’avant-projet de révision de la LSCPT prévoit d’ajouter l’art. 220 CP : Rapport du CF relatif à l'AP LSCPT, pp 40-41. 

594 Cette liste est reprise de l’ancien art. 3 al. 2 LSCPT. Elle comportait quelques lacunes

importantes, qui ont été pour l’essentiel comblées (ajout des art. 129, 135, 139, 143, 144 al. 3, 144bis ch. 2 al. 2, 157 ch. 2, 158 ch. 1 al. 3 et ch. 2, 163 ch. 1, 184, 230bis, 242, 261bis, 267, 271, 272 ch. 2, 273, 274 ch. 1 al. 2, 303 ch. 1, 305, 305bis ch. 2, 317 ch.1, 319 CP, ainsi que des art. 24 LF-CLaH et 33 al. 2 LFMG). Nous ne nous prononcerons pas sur le choix de faire figurer ou non certaines infractions dans le catalogue, ces choix relevant parfois plus de considérations politiques que juridiques. Pour une critique du catalogue d’infractions de la LSCPT, voir notamment : Rapport du CF à la suite des attentats terroristes du 11 septembre

2001, p. 1732; HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 160-176; JEAN-RICHARD-DIT- BRESSEL, Ist ein Millionendiebstahl ein Bagatelldelikt, pp 60-67; STRÄULI, La surveillance de

la correspondance par poste et télécommunication, pp 124-127. Concernant l’élaboration du

catalogue : HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 154-160. 

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Certains auteurs sont opposés à une liste d’infractions, ou souhaitent au moins une clause générale en complément. Voir par exemple dans ce sens : KÜNZLI, Praktische Probleme bei

der Umsetzung des BÜPF, pp 199-201 et 215. En faveur d’une liste d’infractions, par

exemple : GOLDSCHMID, Der Einsatz technischer Überwachungsgeräte im Strafprozess, p. 116. 

La récolte des données relatives au trafic, à la facturation et à l’identification des usagers est possible pour tous les délits et crimes, ainsi qu’en cas d’utilisation abusive d’une installation de télécommunications au sens de l’art. 179septies CP596. Le législateur a renoncé à reprendre le catalogue de l’art. 269 CPP, estimant que l’atteinte est moins grande en matière de récolte de données que lors de l’écoute du contenu de la conversation597. Le résultat n’est pourtant pas très heureux, puisque les contraventions figurant dans le catalogue de l’art. 269 al. 2 CPP permettent la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication ainsi que les autres mesures techniques de surveillance (soit une atteinte théoriquement plus grande), mais pas la récolte des données relatives au trafic, à la facturation et à l’identification des usagers (soit une atteinte théoriquement moins grande). A l’inverse les délits et crimes ne figurant pas dans le catalogue de l’art. 269 al. 2 CPP peuvent donner lieu à la récolte des données relatives au trafic, à la facturation et à l’identification des usagers, mais ne permettent pas la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication ainsi que les autres mesures techniques de surveillance. Les conditions permettant de localiser une personne ne sont ainsi pas les mêmes selon que l’on recourt aux données accessoires, à un IMSI-Catcher, ou à une balise GPS598.

388

La surveillance des relations bancaires, l’observation, ainsi que le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil d’ADN, sont admis dans le cas d’un délit ou d’un crime, alors que seule la poursuite d’un crime permet le prélèvement d’échantillons lors d’enquêtes de grande envergure599.

389

La récolte de données signalétiques, la récolte d’échantillons d’écriture ou de voix, ainsi que les recherches sont possibles pour n’importe quelle infraction600.

390

      

596

L’art. 179septies CP sanctionne une contravention, puisque l’infraction n’est passible que d’une amende (art. 103 CP). Les crimes et délits sont toutes les infractions passibles d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire (art. 10 CP). 

597

HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 37-38 et 219. 

598

Voir pour les données accessoires et pour l’IMSI-Catcher le chapitre 3. Les écoutes téléphoniques p. 38 ci-dessus et pour la balise GPS le chapitre 10. La localisation par satellite p. 68 ci-dessus. 

599

Art. 255, 256, 282 et 284 CPP. 

600

La diffusion d’un avis de recherche n’est toutefois autorisée que dans le cas de délits ou de crimes, et non de contraventions (art. 210 al. 2 CPP).

c) La proportionnalité

Le seul fait qu’il existe un soupçon de commission d’une infraction qui figure, le cas échéant, dans le catalogue ne suffit pas à justifier le prononcé d’une mesure de surveillance. Encore faut-il que celle-ci soit proportionnée. Pour décider du caractère proportionné ou non d’une mesure de surveillance, il faudra tenir compte de la gravité de l’infraction poursuivie, de l’atteinte que représente la mesure, des chances de succès, de la durée et des modalités de la surveillance, etc. En matière de surveillance de la correspondance, de récolte de données relatives au trafic et à la facturation, d’identification des usagers et d’autres dispositifs techniques de surveillance, la loi rappelle qu’il faut non seulement qu’il existe de graves soupçons que l’infraction visée a été commise, mais encore que la mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction (art. 269 al. 1 lit. a et b CPP)601. Pour l’observation, des indices concrets laissant présumer que l’infraction a été commise suffisent (art. 282 al. 1 lit. a CPP). La publication d’un avis de recherche exige, quant à elle, un fort soupçon (art. 210 al. 2 CPP).

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En matière d’analyse d’ADN, le CPP ne rappelle pas la condition de la proportionnalité. Ce principe doit néanmoins être respecté en application des art. 197 CPP et 36 Cst. Il convient d’y être particulièrement attentif, surtout lors d’enquêtes de grande envergure. Le risque est en effet grand dans ce type d’enquêtes d’établir le profil d’ADN de personnes possédant des caractéristiques spécifiques en lien avec l’infraction poursuivie et de ne pas respecter le sous- principe de la nécessité, plutôt que de se limiter aux personnes pour lesquelles il existe des motifs raisonnables de penser qu’elles sont l’auteur de l’infraction602. 392

Certains auteurs contestent le fait que plus l’infraction poursuivie est grave, moins les soupçons doivent être importants603. S’il est vrai que la gravité de l’infraction doit être prise en compte de manière globale dans l’appréciation de 393

      

601

HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 147-152; STRÄULI, La surveillance de la

correspondance par poste et télécommunication, p. 128. 

602

Dans le même sens : ROHMER, Les enquêtes de grande envergure, pp 99-102. 

603

la proportionnalité, et qu’une infraction grave justifie une plus grande atteinte qu’une infraction légère, la gravité de l’infraction reprochée ne doit pas permettre pour autant de se contenter de vagues soupçons. La loi exige des soupçons suffisants, voire de graves soupçons, et cette exigence minimale doit être respectée.

d) La subsidiarité

Certaines mesures de surveillance sont également subsidiaires. Elles ne peuvent être mises en œuvre que si une mesure moins invasive n’est pas envisageable. Le CPP prévoit ainsi que la surveillance de la correspondance, la récolte de données relatives au trafic, à la facturation, et à l’identification des usagers, ainsi que l’utilisation d’autres dispositifs techniques de surveillance ne peuvent être ordonnées que si les mesures prises jusqu’alors sont restées sans succès ou si les recherches n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles en l’absence de surveillance (art. 269 al. 1 lit. c CPP)604. Il en va de même pour l’observation, même si le CPP utilise une terminologie légèrement différente605. Il n’est donc pas nécessaire que toutes les autres mesures envisageables aient été utilisées. Il suffit qu’elles ne puissent raisonnablement pas remplacer la mesure de surveillance envisagée. L’avant-projet de révision de la LSCPT prévoit encore une mesure plus subsidiaire : l’interception et le décryptage de données est une mesure subsidiaire aux mesures de surveillance de la correspondance, ce qui constituerait une double subsidiarité606.

394

Aucun ordre de priorité n’est imposé par le CPP dans le choix d’une mesure de surveillance plutôt que d’une autre607. Il conviendra alors de choisir, en fonction du cas d’espèce, la mesure qui représente l’atteinte la moins grande.

395

      

604

HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 152-154; SCHMID, Praxiskommentar, pp 505-506. 

605

L’art. 282 al. 1 lit b prévoit que l’observation n’est admissible que si d’autres formes d’investigations n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles. Il n’est pas question ici de l’échec des mesures ordonnées précédemment, peut-être parce que l’observation est souvent une des premières mesures à être ordonnée. 

606

Art. 270bis CPP introduit par l’AP LSCPT, Rapport du CF relatif à l'AP LSCPT, pp 42-43. 

607

L’échec d’une surveillance de la correspondance ou des conditions supplémentaires pour l’utilisation de dispositifs de surveillance ou le cumul d’une surveillance de la correspondance et de dispositifs visuels ou sonores est suggérée par certains auteurs. Voir par exemple : GOLDSCHMID, Der Einsatz technischer Überwachungsgeräte im Strafprozess, pp 116-117. 

e) Les autres conditions

En matière de recherches, l’art. 210 CPP pose la double condition que le lieu de séjour de la personne recherchée soit inconnu et que sa présence soit nécessaire au déroulement de la procédure.

396

La récolte de données signalétiques, ainsi que d’échantillons d’écriture ou de voix, n’est soumise à aucune condition particulière. Seule l’utilisation des données signalétiques d’un prévenu hors du dossier de la procédure exige qu’il existe des soupçons suffisants laissant présumer une récidive (art. 261 CPP). 397

D. Le moment de la surveillance