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L’art. 36 Cst. prévoit que toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et proportionnée au but. L’essence des droits fondamentaux est inviolable et les restrictions graves doivent être prévues par une loi332.

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2. L’ingérence admise par l’art. 8 al. 2 CEDH

La CEDH ne contient pas, comme la Constitution, une norme générale fixant les conditions auxquelles une liberté peut être restreinte333. Chaque article relatif à une liberté précise les conditions de sa propre restriction et énumère les intérêts publics admissibles. Ainsi l’art. 8 al. 2 CEDH précise qu’une ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale n’est admissible que si cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

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Les art. 10 à 12 CEDH contiennent, dans une formulation légèrement différente, les mêmes conditions, qui sont également semblables à celles de la Constitution. On notera que le Pacte II suit la même méthode que la CEDH.

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Sur la théorie générale de restrictions des libertés : AUBERT / MAHON, Petit commentaire, pp 319-331; AUER / MALINVERNI / HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse II, pp 79-119; BIAGGINI, BV Kommentar, pp 75-109; HÄFELIN / HALLER / KELLER, Schweizerisches

Bundesstaatsrecht, pp 90-101; HALLER, The Swiss Constitution, pp 157-162; RHINOW,

Grundzüge, pp 199-206; RHINOW / SCHEFER, Schweizerisches Verfassungsrecht, pp 237-245; SCHWEIZER, Art. 36 BV, pp 727-742. De manière générale et plus particulièrement dans le cas d’une surveillance : BAUM, Der kriminalpräventive Einsatz von Videoüberwachungsanlagen; GOLDSCHMID, Der Einsatz technischer Überwachungsgeräte im Strafprozess, pp 23-42. Dans le cas de l’investigation secrète : VETTERLI, Verdeckte Ermittlung und Grundrechtsschutz, pp 370-372. 

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3. La base légale

L’exigence de la base légale ressort tant de la Constitution que de la CEDH. Les restrictions doivent donc être prévues par une règle de droit, générale et abstraite, qui assure la prévisibilité et la sécurité du droit, ainsi que l’égalité de traitement. La Constitution exige une base légale formelle pour les restrictions graves. Plus une restriction est importante, plus la base légale doit être claire et précise. Le Tribunal fédéral parle d’ailleurs d’une base légale claire et 244

précise334.

ont interprété en ayant égard, au besoin, à des données techniques nouvelles337.

imple précision de la loi par la jurisprudence paraît en revanche plus acceptable.

       

Dans le cadre de la CEDH, la base légale peut consister en une loi formelle ou être d’origine jurisprudentielle, mais elle doit être suffisamment accessible et énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite335. La Cour entend ici la notion de loi au sens matériel et n’exige pas une base légale formelle. Dans les Etats de common law, la Cour considère comme loi une création juridictionnelle. Afin de ne pas créer de différences entre Etats, elle a admis que la base légale de l’ingérence puisse aussi être constituée par la jurisprudence interprétant la loi dans les pays continentaux336. Dans un domaine couvert par le droit écrit, la loi est alors le texte en vigueur tel que les juridictions compétentes l’

A mesure que l’art. 36 Cst. exige, pour les restrictions graves, une base légale formelle, soit une norme générale et abstraite adoptée par le législateur formellement institué par la Constitution, une pure création jurisprudentielle ne serait vraisemblablement pas suffisante en droit suisse. Une s

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334

ATF 116 Ia 118, 122, B., du 27 août 1990 et ATF 136 I 87, 91-92, Demokratische Juristinnen und Juristen Zürich, du 30 septembre 2009. 

335

Sunday Times c. Royaume-Uni, arrêt du 26 avril 1979, série A no 30, § 49. 

336

COUSSIRAT-COUSTERE, art. 8 § 2 CEDH, pp 334-335. 

337

KRUSLIN c. France, arrêt du 24 avril 1990, série A no 176, § 29. Dans cet arrêt, la Cour a admis qu’une jurisprudence établie depuis de longues années par la Cour de cassation et int122erprétant du droit écrit est une base légale suffisante. 

L’examen des lois pouvant servir de base légale en matière de surveillance sera repris ultérieurement338.

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4. L’intérêt public

La restriction à une liberté doit être justifiée par un but d’intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui. La notion d’intérêt public varie dans le temps et dans l’espace. Certaines composantes de l’intérêt public peuvent justifier des restrictions à certaines libertés, alors qu’elles ne suffiraient pas à justifier une restriction à d’autres. L’intérêt public regroupe notamment l’ordre public (sécurité, santé, tranquillité, moralité publique et bonne foi dans les affaires), les préoccupations de politique sociale, d’équilibre écologique, etc. La CEDH ne parle pas d’intérêt public, mais en énumère les principales composantes : la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, et finalement la protection des droits et libertés d’autrui.

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Le Tribunal fédéral estime qu’il y a par principe un intérêt public à élucider des infractions déjà commises et à empêcher de nouvelles infractions au moyen de mesures d’identification339.

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5. La proportionnalité

La Constitution exige que la restriction apportée soit proportionnée au but, ce qui recouvre les critères d’aptitude, de nécessité et de proportionnalité au sens étroit. La restriction doit ainsi être apte à atteindre le but d’intérêt public visé et ne pas être plus rigoureuse que nécessaire. Il doit en outre encore exister un rapport raisonnable entre le but et l’atteinte portée à la liberté340.

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La CEDH parle d’une ingérence nécessaire dans une société démocratique. L’atteinte portée à la liberté doit reposer sur un besoin social impérieux, dont les

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338

Voir à ce sujet le chapitre III. Les principales lois traitant de la surveillance technique, p. 122 ci-dessous. 

339

ATF 120 Ia 147, 151, B., du 15 juin 1994. 

340

ATF 136 I 87, 91-92, Demokratische Juristinnen und Juristen Zürich, du 30 septembre 2009. 

motifs sont pertinents et suffisants, et respecter un rapport de proportionnalité entre le moyen employé et le but341.

Même si l’Etat jouit d’une certaine marge d’appréciation quant à la nécessité de procéder à une perquisition, il faut que son déroulement soit encadré par des garanties adéquates et suffisantes contre les abus de sorte que les ingérences restent étroitement proportionnées au but légitime recherché342.

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6. L’inviolabilité de l’essence des libertés

La Constitution précise encore que l’essence des droits fondamentaux est inviolable, autrement dit qu’il ne peut être porté atteinte au noyau intangible du droit en question. Dans certains cas, le contenu du droit fondamental et le noyau dur se recoupent, par exemple pour le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou encore le droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse343.

253

La CEDH ne contient pas expressément une telle notion de noyau dur, mais la Cour a parfois relevé que la substance même des droits garantis ne devait pas être atteinte. La protection de l’atteinte au noyau dur se fait aussi, implicitement, lors du contrôle de la nécessité dans une société démocratique. L’art. 3 CEDH ne tolère aucune dérogation, indépendamment du comportement de la personne concernée ou de l’infraction reprochée, et même en cas de danger public menaçant la vie d’un individu ou de la nation344.

254

Le Tribunal fédéral considère que les écoutes téléphoniques et l’utilisation de dispositifs techniques de surveillance ne portent pas atteinte au noyau dur de la liberté individuelle. Ces méthodes ne font qu’enregistrer l’expression de la 255

      

341

Sur le principe de la proportionnalité dans la vidéosurveillance dans le cadre de l’art. 8 CEDH et en droit communautaire : MORNET, La vidéosurveillance et la preuve, pp 125-135. 

342

FUNKE c. France, arrêt du 25 février 1993, série A no 256-A, § 57. 

343

Sur le droit à la vie, ATF 98 Ia 508, 514, GROSS, du 28 juin 1972, et sur la garantie d’un minimum vital au sens de l’art. 12 Cst., ATF 131 I 166, 172, X., du 18 mars 2005 confirmé par l’ATF 135 I 119, 123 et 126, S., du 20 mars 2009. 

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conscience et de la volonté, et les agissements que la personne surveillée aurait également eus en l’absence d’une surveillance345.

E. Les exigences fondamentales en matière de