• Aucun résultat trouvé

G. Le contrôle a posteriori

1. Au niveau cantonal

a) Les mesures concernées

Au sens de l’art. 393 CPP, la voie du recours est ouverte de manière générale contre les décisions et les actes de procédure de la police et du ministère public649. Il s’agit notamment des ordonnances prescrivant des mesures de contrainte. Les décisions du tribunal des mesures de contrainte sont en principe définitives650. Un recours peut seulement être déposé contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte si le code le prévoit expressément. C’est le cas après la communication de la surveillance en matière de surveillance de la correspondance651, de surveillance des relations bancaires652, d’utilisation d’autres dispositifs techniques de surveillance653 et d’observation654. Il ne s’agit

427

      

649

PIETH, Schweizerisches Strafprozessrecht, pp 229-231. Sur les voies de recours avant l’entrée en vigueur du CPP, voir par exemple : STRÄULI, La surveillance de la

correspondance par poste et télécommunication, pp 184-190. 

650

Message du CF relatif à l'unification de la procédure pénale, p. 1296. 

651

Art. 279 al. 3 CPP. 

652

Le droit de recours est expressément prévu à l’art. 285 al. 4 CPP, bien que le message du Conseil fédéral ne le mentionne pas : Message du CF relatif à l'unification de la procédure

pénale, p.1296. 

653

pas à proprement parler d’un recours contre une décision du tribunal des mesures de contrainte, mais plutôt d’un recours suite à la communication et dont le but est de contrôler a posteriori l’ensemble de la surveillance.

Le Tribunal fédéral a confirmé, sous l’angle de la LSCPT, qu’un recours contre une décision autorisant la surveillance déposé avant la communication de celle- ci était irrecevable parce que le délai de recours n’avait pas encore commencé à courir655. Le tribunal voulait vraisemblablement éviter de devoir se prononcer sur une surveillance en cours656. Le Tribunal fédéral a rappelé que la décision autorisant (ou refusant) la surveillance est par nature une décision non susceptible de recours657. Il considère qu’en cas de refus de l’autorisation, il n’y a aucun intérêt à communiquer la décision à d’autres personnes que l’autorité qui a ordonné la surveillance. Si la surveillance est autorisée, le caractère secret de la surveillance empêche de communiquer la décision aux personnes surveillées. Le Tribunal fédéral relève que le contrôle juridique de la surveillance au début de la procédure est par nature limité et que le juge compétent pour donner son approbation examine seul, pour garantir la confidentialité de la mesure, tous les intérêts en jeu à ce stade-là. Il lui appartient de prendre également en compte les intérêts des personnes visées, qu'il représente en quelque sorte puisqu'elles ne peuvent pas participer à la procédure658. Cette jurisprudence distingue ainsi le contrôle limité a priori du contrôle plus complet a posteriori. Le Tribunal fédéral ne s’est pas penché sur le cas où la personne surveillée aurait des soupçons voire aurait connaissance de 428

      

654

Art. 283 CPP. La possibilité de déposer un recours n’est pas mentionner dans le texte de la loi, mais la communication perd tout son sens si la mesure n’est pas contestable devant une autorité judiciaire. 

655

ATF 1P.15/2003 du 14 février 2003, et HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 323 et 328. Si cette solution évite à l’autorité de recours de se prononcer lorsqu’une surveillance est en cours et d’indiquer au prévenu s’il fait ou non l’objet d’une surveillance, elle est problématique car elle l’empêche de faire valoir ses droits avant la fin de la surveillance, et de l’atteinte qu’il estime injustifiée. 

656

Dans le même sens, le CPP ne prévoit pas un recours contre la décision ordonnant ou autorisant la surveillance en tant que telle, mais la possibilité d’interjeter un recours après avoir reçu la communication (art. 279 al. 3 CPP). D’une certaine manière, le recours est dirigé contre l’utilisation possible des résultats de la surveillance litigieuse, plutôt que contre l’autorisation de la surveillance elle-même. La surveillance en tant que telle constitue pourtant déjà une atteinte. 

657

ATF 133 IV 182, 183-187, Ministère public de la Confédération, du 15 mars 2007. 

658

la surveillance indépendamment de la procédure d’autorisation. Un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral ne serait pas plus recevable qu’un recours en matière pénale659.

La position du Tribunal fédéral ne peut pas être suivie, puisqu’il existe des cas où il peut être renoncé à une communication. La personne surveillée, si elle a connaissance d’une mesure de surveillance, doit pouvoir immédiatement en faire contrôler le bien-fondé. On ne peut pas exiger d’elle qu’elle attende de recevoir une communication, alors qu’elle ne sait pas quand celle-ci interviendra et même si elle interviendra. Ce sera tout de même un contrôle a posteriori, même si il est légèrement anticipé.Le Conseil fédéral semble partager cet avis, même si ce dernier ne ressort pas du CPP660. De la même manière, le recours ne devrait pas seulement être ouvert à la personne contre qui la surveillance était dirigée comme le prévoit l’art. 279 al. 3 CPP, mais à toute personne surveillée, même accessoirement661.

429

De manière générale, tout acte de procédure peut faire l’objet d’un recours, y compris toute abstention ou toute omission662. Une décision écrite n’est pas nécessaire et le fait qu’une autorisation ultérieure du tribunal des mesures de contrainte puisse devoir être accordée ne semble pas s’opposer à un recours. Il est envisageable, du moins théoriquement, de recourir contre un acte d’exécution de la surveillance. Ce recours sera probablement rejeté au fond, pour autant encore qu’il soit jugé recevable, puisque son objet sera limité à vérifier que la police a agi conformément à la requête du ministère public ou

430

      

659

L’irrecevabilité est premièrement liée, selon le Tribunal fédéral, au fait que le délai n’a pas commencé à courir. Le recours constitutionnel subsidiaire n’est en outre pas ouvert lorsque les conditions de recevabilité des recours ordinaires ne sont pas remplies s’agissant du type de décision : DONZALLAZ, Commentaire LTF, p. 1635. 

660

Alors que le projet de CPP était en discussion devant les Chambres, le Conseil fédéral a relevé dans le message concernant l’ajout de moyens spéciaux de recherche d'informations dans la LMSI que si la personne surveillée n’est pas informée « que des informations la concernant ont été récoltées grâce à de tels moyens, celle-ci ne pourra en général pas l’attaquer, à moins qu’elle n’en ait eu connaissance par une autre voie (…) comme lors de procédures pénales ». Cela signifie que le Conseil fédéral admet qu’un recours puisse être déposé même en l’absence de communication : Message du CF relatif à la LMSI II, p. 4838. 

661

Dans le même sens, retenant que toute personne qui a utilisé un raccordement surveillé est légitimée à recourir : BIEDERMANN, BÜPF, p. 102. Pour un avis contraire : HANSJAKOB,

BÜPF und VÜPF Kommentar, p. 323. 

662

l’autorisation du tribunal des mesures de contrainte. Cette requête ou cette autorisation ne pouvant précisément pas être attaquée selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, elle ne sera pas contestable par le biais d’un acte d’exécution. Une requête pourrait en revanche être déposée devant la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant le droit à un recours effectif garanti par l’art. 13 CEDH.

Dans une affaire liée à la saisie de matériel de propagande, le Tribunal fédéral avait admis la recevabilité d’un recours bien que le texte clair de la Loi d’organisation judiciaire663 (OJ) alors en vigueur l’excluait expressément. Le Tribunal avait retenu qu’en vertu de l’art. 6 CEDH le recourant devait pouvoir porter le litige devant une autorité judiciaire indépendante et que le droit international primait sur le droit national contraire664. En suivant ce raisonnement, et pour autant que l’on admette l’exigence d’un contrôle judiciaire indépendant a priori également lorsque le contrôle a posteriori est judiciaire et indépendant, le Tribunal fédéral devrait entrer en tout temps en matière sur un recours déposé contre une mesure de surveillance en cours665. 431

Le prélèvement d’échantillons d’ADN lors d’enquêtes de grande envergure au sens de l’art. 256 CPP semble échapper à tout contrôle par le biais du recours cantonal. Cette mesure est en effet ordonnée par le tribunal des mesures de contrainte et le code ne mentionne pas que la voie du recours est ouverte. Il faudrait alors saisir directement le Tribunal fédéral. Ce cas de figure est surprenant car la compétence du tribunal des mesures de contrainte est justifiée par le fait que l’atteinte est plus importante puisque les personnes dont l’ADN est prélevé ne sont pas formellement soupçonnées666. Si la décision ordonnant le prélèvement d’ADN ne peut pas être attaquée, l’acte de la police y procédant pourrait éventuellement l’être. Il risque toutefois d’être couvert par la décision du tribunal des mesures de contrainte. L’exigence du double degré de juridiction rappelé à l’art. 80 al. 2 LTF n’étant pas respectée, la loi a été modifiée avant 432

      

663

OJ, RO 1948 473. 

664

ATF 125 II 417, 420 et 426, A., du 26 juillet 1999. 

665

Dans cette hypothèse, le Tribunal fédéral n’écarterait pas un texte de droit interne car contraire au droit supérieur, mais sa propre jurisprudence. 

666

même l’entrée en vigueur du CPP pour exclure les décisions du tribunal des mesures de contrainte de l’exigence du double degré de juridiction667.

Cette situation n’est pas satisfaisante, et vraisemblablement pas conforme à l’idée initiale du législateur668. En matière de surveillance, il a voulu ouvrir largement le contrôle des mesures de contrainte, puisque tous les actes de la police et du ministère public sont sujets à recours. Il faut dès lors admettre l’existence d’une lacune. Cela est confirmé également par le fait que dans d’autres domaines, le code prévoit expressément que le tribunal des mesures de contrainte statue définitivement, excluant ainsi un recours669. Cette lacune doit être comblée en admettant, par analogie avec les autres mesures de surveillance ordonnées par le tribunal des mesures de contrainte et malgré le texte clair de la loi, qu’un recours cantonal peut être déposé également en matière de prélèvement d’échantillons d’ADN lors d’enquêtes de grande envergure. La décision ordonnant de se soumettre au prélèvement est assimilée à la communication. La modification de l’art. 80 al. 2 LTF ne s’y oppose pas et c’est le seul moyen d’exercer un contrôle judiciaire. SCHMID considère, en s’appuyant sur des procès-verbaux de commissions, qu’un recours contre la décision générale autorisant le prélèvement d’échantillons d’ADN lors d’enquêtes de grande envergure n’est pas recevable, mais qu’un recours est en revanche recevable contre l’ordre ordonnant à un individu précis de s’y soumettre670.

433

      

667

La Loi sur l’organisation des autorités pénales (LOAP) adoptée le 19 mars 2010 a modifié les art. 80 al 2 LTF et 222 CPP : FF 2010 1881 et 1883. Voir aussi le Message du CF relatif à

la LOAP, p. 7426. Sur l’exigence du double degré de juridiction : AUER, Schweizerisches

Zentralblatt für Staats- und Verwaltungsrecht, pp 126-128; KUHN / PERRIER, Quelques points

problématiques du CPP; SCHMID, Die Strafrechtsbeschwerde, pp 166-171. 

668

Message du CF relatif à la LOAP, p. 7426. 

669

C’est le cas en matière de garantie de l’anonymat (art. 150 al. 2 CPP) et d’hospitalisation à des fins d’expertise (art. 186 al. 2 CPP, qui précise également que le tribunal statue en procédure écrite). 

670

b) Le recours cantonal

Le recours cantonal est un moyen de droit complet et l’autorité de recours statue avec un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 393 al. 2 CPP)671. C’est au droit cantonal qu’il revient de désigner l’autorité de recours672. Un membre du tribunal des mesures de contrainte ne peut pas siéger également au sein de l’autorité de recours lorsque celle-ci est appelée à statuer sur des recours contre des décisions dudit tribunal. Le CPP ne le précise pas parce que cela va de soi673. S’il est évident qu’une même personne ne peut pas statuer à deux titres dans la même cause, la question de savoir si une personne peut statuer dans une cause en tant que membre du tribunal des mesures de contrainte, et dans une autre cause en tant que membre de l’autorité de recours est moins évidente. Une telle situation ne semble en tout cas pas exclue et risque de se produire dans de petits cantons, bien qu’elle ne soit pas idéale. Celui qui siège dans l’autorité de recours sera moins enclin à sanctionner ses pairs s’ils ont admis trop largement des mesures de surveillance. Il aura tendance à suivre plus ou moins aveuglément la décision précédente, sans effectuer un contrôle approfondi674. 434

Le recours doit être formé par le dépôt d’un mémoire écrit dans un délai de dix jours675. Le délai court dès la notification de la communication ou dès la connaissance de l’acte de procédure qui n’est pas notifié par écrit (art. 384 CPP). Le Tribunal fédéral a jugé qu’un recours déposé avant qu’une communication ne soit notifiée n’était pas recevable676. Le ministère public n’a pas la possibilité de recourir contre une décision du tribunal des mesures de contrainte qui refuse 435

      

671

Message du CF relatif à l'unification de la procédure pénale, p. 1296; JOSITSCH, Grundriss

des schweizerischen Strafprozessrechts, pp 203-206; KUHN, La procédure pénale suisse selon

le futur CPP unifié, pp 161-162; PIETH, Schweizerisches Strafprozessrecht, pp 229-231; SCHMID, Praxiskommentar, pp 755-764. 

672

Message du CF relatif à l'unification de la procédure pénale, p. 1116. 

673

Message du CF relatif à l'unification de la procédure pénale, p. 1114. 

674

Sur le problème posé par l’absence de spécialisation des juges statuant sur des mesures de contrainte : CORNU, L'enquête selon le CPP, pp 75-76. 

675

La LSCPT prévoyait un délai de recours de trente jours (art. 10 al. 5). 

676

ATF 1P.15/2003 du 14 février 2003, et HANSJAKOB, BÜPF und VÜPF Kommentar, pp 323 et 328. 

ou restreint la surveillance ordonnée ou demandée, même s’il est destinataire de la décision677. Il peut en revanche toujours déposer une nouvelle demande. Le recours n’a pas d’effet suspensif (art. 387 CPP). Il ne permet donc pas d’éviter qu’une mesure de surveillance soit exécutée. Tout au plus permet-il d’en contrôler le bien-fondé après coup et d’en annuler les effets. Même lorsque la mesure n’est pas secrète, dans le cas d’un acte de procédure de la police par exemple, il n’est dans les faits pas possible de déposer un mémoire de recours écrit et motivé et encore moins d’obtenir immédiatement une décision de l’autorité de recours, avant même que la police ne procède à l’acte contesté. C’est donc bien un moyen de contrôle a posteriori.

436

Lors du contrôle a posteriori, il est parfois difficile de savoir quels éléments découlent de la mesure de surveillance et quels éléments auraient été également découverts en l’absence de toute surveillance, ainsi que ceux qui étaient connus avant la décision et ceux qui ne l’ont été qu’après. L’autorité de recours ne devrait ainsi statuer que sur la base du dossier tel qu’il était au moment où la surveillance a été autorisée, et non en prenant connaissance des résultats678.

437

Les frais de recours sont mis à la charge de la partie qui succombe679. En matière de surveillance, il est probable que la pratique en vigueur avant l’introduction du CPP soit maintenue, à savoir que l’autorité de recours renonce à mettre des frais à la charge de la personne surveillée qui succombe notamment lorsque le recours a été provoqué par l’attitude du ministère public680.

438

      

677

ATF 133 IV 182, Ministère public de la Confédération, du 15 mars 2007. 

678

RUCKSTUHL, Technische Überwachungen, p. 151. 

679

Art. 426 al. 5 et 428 CPP. 

680