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De la morale laïque aux idéaux du socialisme : Emile Durkheim (1858-1917)

Durkheim est lié à une période historique bien précise que le titre déjà cité La République imaginée exprime et résume à la fois. Il traduit l’existence avérée d’une volonté intellectuelle collective de s’approprier l’idée républicaine pour l’affirmer, la consolider et pour permettre la réalisation d’une véritable démocratie. On assiste donc à la construction d’une certaine « doxa » à partir de l’idée de « morale laïque ». Pour ce faire il fallait poursuivre et amplifier le travail entrepris par la révolution française dans le domaine de l’enseignement en posant comme une valeur ou un principe le lien du savoir et de la citoyenneté par l’exercice de la raison critique. S’il s’agit de chercher « l’étymon spirituel » d’une œuvre (Leo Spitzer) ou encore le thème dominant qui la fédère et on regrettera ici dans cette œuvre marquante la partie à jamais manquante sur la morale, le sociologue aurait déclaré qu’il s’est formé lui-même en étudiant de manière très approfondie et ce jusqu’à se l’approprier, la pensée de Charles Renouvier (1815-1903)

Si vous voulez mûrir votre pensée, attachez-vous à l’étude scrupuleuse d’un grand maître, démontez un système dans ses rouages les plus secrets. C’est ce que je fis, et mon éducateur fut Renouvier. (MF, 2007)

Durkheim s’est donc appliqué au début de sa carrière à reprendre systématiquement l’œuvre de Renouvier pour en étudier la morale et la philosophie. Auteur du Manuel républicain de l’homme et du citoyen (1848) mais également de La Science de la morale (1869), Charles Renouvier a également produit un Petit traité de morale à l’usage des écoles primaires

349 Signalons cependant une tentative italienne intéressante et récente du groupe éditorial L’Espresso intitulée « Psicologia, la scienza dell’anima e i suoi maestri » où sont présentés Freud, Jung, Lacan, Watson, Piaget, Basaglia puis des thématiques comme le travail, la religion, la famille, le langage, la sexualité mais où Wallon ne figure pas, ni l’éducation.

350 Par exemple : Histoire des idées sur le langage et les langues Colombat, Fournier et Puech, 2010, Klincksieck.

179 laïques 351(1879 ), trois ans avant les grandes lois laïques (1882-1883) et dont une première ébauche avait paru en feuilleton dès 1875 dans une revue philosophique et politique ( La Critique philosophique ). Ce livre a été republié en 2003 par Marie-Claude Blais 352 qui constate son importance bien qu’il ait été ignoré des chercheurs et soit resté éloigné des programmes officiels, elle écrit à son sujet :

Son absence de postérité scolaire ne l’empêche pas d’être hautement instructif en tant que tentative intellectuelle.

En effet il s’agissait d’affirmer le principe de la primauté de la raison dans un livre, revendiqué « original » par son auteur lui-même, livre où il se propose de fonder la morale laïque :

C’est un texte où la définition d’une morale indépendante des croyances

métaphysiques et des dogmes religieux est poussée le plus loin : la République est un régime qui tire ses principes uniquement de la raison.

Ce renvoi des fondements de toute action dans le for intérieur des consciences

rationnelles a une incidence fondamentale sur la manière d’envisager l’articulation entre éducation morale et éducation civique : réciprocité, respect et autonomie de la volonté.

Ce manuel opte pour une démarche philosophique. Pourtant il ne contient ni

exhortations, ni exemples, ni catalogue. Il défend une démarche déductive où l’idée de justice doit s’imposer comme un principe universel :

La notion de justice est à la portée de tous les âges parce qu’elle est essentielle à toute sociabilité et aux relations élémentaires de toutes les personnes, petites ou grandes, qui ont quelque chose à recevoir et quelque chose à donner en échange.

Il fallait aussi assurer l’efficacité de la morale laïque en mettant en lumière la difficulté majeure de cette étape de sortie de la religion qui sera d’égaler le caractère englobant de celle-ci et Renouvier se pose donc le problème de l’emprise de cette morale sur le comportement de l’enfant :

 Faut-il provoquer l’identification à des héros de devoir et de dévouement au bien public au risque d’exacerber un dangereux nationalisme?

 faut-il demander à l’instituteur de proposer en sa personne un modèle irréprochable au risque d’exiger un exténuant militantisme ?

ou bien, comme tentera Durkheim, en appeler à l’autorité à la fois immanente et transcendante du collectif en faisant fond sur « l’attachement au groupe » qui caractérise l’enfant ?

351 Renouvier avait aussi adapté le Traité d’éthique pédagogique pour les écoles non-confessionnelles du philosophe allemand Herbart, philosophe appartenant à un courant marginal du 19e siècle mais à l’origine de « concepts étranges » comme l’aperception et la forme interne : concepts qui ont disparu ensuite mais qui ouvraient la porte aux notions de conscience de soi et de subjectivité (Céline Trautman-Waller, HTL Agay, 2012)

352 Charles Renouvier Petit traité de morale à l’usage des écoles primaires laïques, INRP, 2003 (bibliothèque philosophique de l’éducation) présenté par Marie-Claude Blais, nos citations sont extraites de ce travail.

180 Bien que s’inspirant fortement de Kant, le moraliste apporte d’importantes modifications à la doctrine Kantienne car il a l’ambition de rendre applicable cette philosophie trop formelle en intégrant des éléments passionnels dans la nature rationnelle de l’homme : recherche du bonheur, poursuite d’intérêts, rôle des sentiments et des affects. (L’éthique est une esthétique) Il veut aussi prendre en compte les inévitables distorsions que subit l’idéal moral « pur » lorsqu’il s’applique aux hommes concrets insérés dans une société et dans une histoire qui dérogent aux principes de justice. (La morale est liée au politique)

Quelques précisions complémentaires sont nécessaires pour réaliser cet ambitieux programme :

 Il entend bien s’adresser à la raison des enfants et établir des principes clairs, véritables prolégomènes de la morale:

Le livre d’éducation le plus élémentaire n’engage pas moins les principes qu’un gros traité où ils sont examinés, comparés et défendus contre les doctrines adverses. »  Il pose distinctement ses marques, non seulement sa morale est indépendante de toute

croyance religieuse mais il rejette également la morale positiviste, morale sentimentale qui compte sur la charité et sur l’amour de l’humanité pour réprimer les instincts égoïstes ; il se démarque également de l’utilitarisme d’un Spencer qui, en prônant le seul intérêt personnel, est un amoralisme.

 Il met en garde contre la méthode inductive car, dit-il, quand on va du concret à l’abstrait on reste soumis à la mode de l’état actuel sans être jamais ramené à un fondement commun.

Il envisage une nécessaire connaissance de la psychologie de l’enfant :

Pour donner une éducation conforme à la raison, l’instituteur doit être initié aux lois de la nature physique et morale et savoir ce qu’on peut raisonnablement demander aux enfants et obtenir d’eux.

Enfin il affirme qu’un Etat démocratique, en pleine maîtrise des fondements du droit et de la justice est nécessairement un Etat enseignant.

Telle était l’idée force de la « Science de la morale » : relever le défi d’une philosophie susceptible de fonder l’éducation moderne du peuple conclut M.C Blais. Après la Révolution (inachevée) et suite aux répliques révolutionnaires du XIXe siècle (1830, 1848, 1871) le souci de fonder une morale « démocratique » pouvant remplacer la religion est largement partagé. L’historienne Michèle Riot-Sarcey parle même de déplacement du politique vers le sociologique par le biais d’un discours pédagogique et moralisateur.353Cependant la complexité de la tâche n’est pas sous-estimée par ces

353

Hincker Louis, Michèle Riot-Sarcey, « Le Réel et l’utopie. Essai sur le politique au XIXè siècle. » In :

Romantisme, 2000, n°110, pp129-131 sur Persée « (…)il s’agit bien pour les contemporains de trouver des solutions pour ordonner une société disparate et divisée, afin d’être en mesure de la représenter (…)cet ordre (…)s’appuie sur une doctrine « sociologique » : c’est par la construction de catégories sociales, par définition

181 « nouveaux idéologues » républicains et le mérite de Renouvier est d’avoir rédigé un traité de morale résolument anti-utilitariste et d’avoir proposé l’étude scientifique de celle-ci en la fondant sur des savoirs philosophiques retravaillés et largement diffusés. L’article du Nouveau Dictionnaire de Pédagogie354 (1911) que James Guillaume consacre à Renouvier est très factuel : il rappelle ses difficultés en 1848 pour faire concevoir que Dieu n’est pas nié mais qu’il vient après la morale et donc après la loi républicaine car nul motif d’agir pris hors de la volonté morale ne saurait être moral. C’est bien une page d’histoire qui s’est écrite avec Renouvier et Durkheim en ayant saisi toute l’importance décida de la poursuivre :

Un projet que Durkheim fera sien ; de Renouvier il retiendra un axiome qui deviendra la base de ce qu’on appellera son « réalisme social » : un tout n’est pas égal à la somme de ses parties. Le « renouviérisme » aura d’autant plus d’importance pour Durkheim qu’il poursuivra la discussion de cette doctrine avec son collègue bordelais, Octave Hamelin, un disciple de Renouvier. (MF, 2007, 52 à 54)

Dans ce travail de réflexion collective quelle est exactement la place de Durkheim et qu’apporte-t-il de nouveau par rapport aux idées de Renouvier que nous avons précédemment exposées ? L’inachèvement de l’œuvre et le désordre éditorial ne facilite pas le repérage des idées durkheimiennes quant à la morale d’autant qu’il s’agit pour lui d’un thème de prédilection et d’une recherche fondatrice sur laquelle il revient sans cesse par différents biais. On peut dire cependant qu’il va se consacrer essentiellement à amplifier la pensée de Renouvier pour tenter de la compléter en la poussant jusqu’à ses limites même si les textes qu’il nous a laissés sont inachevés, éparpillés et disparates. Selon Paul Fauconnet355, la première partie du cours de 1902-1903 est ce que Durkheim a laissé de plus complet sur sa morale théorique. Marcel Mauss aurait cependant déclaré que sur certains points la pensée de Durkheim avait progressé de 1902 à 1917. D’autre part, en 1907-1908, le sociologue a travaillé spécifiquement sur l’enseignement de la morale à l’école primaire mais le manuscrit de ce cours n’est pas établi dans des conditions qui en permettent la publication. A partir de là il est assez difficile de déterminer quelle aurait été la pensée complète de Durkheim sur le sujet de la morale d’autant que les articles de philosophie réunis par Célestin Bouglé en 1924 se révèlent assez novateurs et abstraits sur le sujet. Dans sa préface intitulée « Durkheim sociologue et éducateur » (2012) Serge Paugam tente une synthèse à partir de trois publications posthumes consacrées à l’éducation: L’Education morale, 1925 / Education et sociologie, 1922 / L’Evolution pédagogique en France, 1938 et il rappelle que c’est par la porte étroite de la pédagogie que la sociologie s’est introduite à la Sorbonne. Il remarque tout d’abord que Durkheim considère que les expressions du libre déploiement de la vertu humaine relèvent d’une sphère très spéciale de la vie morale qu’il range du côté de l’esthétique et que dans ce domaine il se montre exigeant et volontariste :

abstraites des groupes sociaux que l’unité politique est pensée par les Constant, Royer-Collard, Saint-Simon, Comte, Thierry, Guizot(…) La politique se ressource dans Rousseau et devient une pédagogie. »

354

Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d’Instruction Primaire, 2e édition en 1911, sous la direction de Ferdinand Buisson, désormais NDP (1911)

355 L’éducation morale : cours professés à la Sorbonne de 1902-1903 et édités par Paul Fauconnet en 1934, republiés en 2012 avec une préface de Serge Paugam. Ce cours est le pendant positif, véritablement sociologique, de l’analyse abstraite sur La détermination du fait social qu’il présente aux philosophes en 1906.

182

Une société comme la nôtre ne peut donc s’en tenir à la tranquille possession des résultats moraux qu’on peut regarder comme acquis. Il faut en conquérir d’autres. (L’Education

morale, p.11)

Puis il explique que parmi les deux grandes causes de suicides que le sociologue a mis en évidence :

L’intégration, appuyée sur le principe de solidarité, qui peut dévier soit par repli égoïste, soit par sacrifice altruiste.

La régulation, appuyée sur les règles, qui peut faillir soit par un fatalisme trop sévère, soit par une anomie trop lâche.

Durkheim s’intéresse davantage au suicide égoïste et au suicide anomique car il est obsédé par le risque de désintégration des sociétés modernes et par la faiblesse des liens qui rattachent l’individu au groupe. De là il s’avère que la moralité ne consiste pas simplement à accomplir certains actes déterminés ; il faut encore que la règle qui prescrit ces actes soit librement voulue c’est-à-dire librement acceptée et cette acceptation libre n’est autre chose qu’une acceptation éclairée. Notre raison n’est pas une faculté transcendante. Tout ce qui est dans ce monde est limité et toute limitation suppose des forces qui limitent. Le préfacier conclut donc à la possibilité de faire une lecture au présent des idées durkheimiennes en revalorisant la notion de « capital culturel » : propriété indivise de toute la société et en revisitant les règles morales pour leur donner de nouvelles formes car la méthode de Durkheim, dit-il, n’est pas dépassée. Nous ne reprendrons pas tous les éléments de la morale durkheimienne mais nous essaierons seulement de mettre en évidence les apports nouveaux qui intéressent notre propos :

Tout d’abord il y a chez Durkheim une insistance sur l’autorité morale de la collectivité (elle-même liée à la société, à la culture et à la civilisation en tant que valeur universelle car même si les civilisations sont très diverses, dit Durkheim, l’idée de civilisation en elle-même est universelle) que ce soit par les termes de raison collective , de représentations collectives ou de conscience collective le sociologue tient à prouver que c’est dans un mouvement dialectique de construction continuelle entre deux polarités, dans une réciprocité délicate entre individu et société que se forment à la fois l’originalité de la personne singulière et la densité du milieu social et culturel dans lequel cette personne peut vivre.

Les consciences individuelles sont en rapport avec la nébuleuse des représentations collectives, imprégnées par celles-ci, investies de l’intérieur d’elles-mêmes par ce régime représentatif d’ordre supérieur. (Bouglé, 1924)

L’expérience n’est donc pas celle de l’individu mais celle du groupe des individus. Ces individus ayant accès à la même pensée sont dotés des mêmes concepts logiques de la société (ou culture) à laquelle ils appartiennent. Ces concepts exercent une sorte de « contrainte d’absoluité » sous la forme d’un universel. Il s’agit bien de faire une socio-logie c’est-à-dire la topographie des modes d’accès à l’universalité de la pensée. De cette idée de conscience

183 collective proche, avons-nous déjà dit, de la conception saussurienne de la Langue356 découlent deux conséquences importantes :

D’une part l’idée s’amorce qu’il existe dans l’individu et dans la société des « représentations inconscientes »357 car l’activité psychique essentiellement représentative déborde les cadres de la conscience. Bruno Karsenti prétend que la pensée durkheimienne ici se trouve confrontée en vertu du socle théorique dont elle procède, à la limite de ce qu’elle peut concevoir car pour le sociologue le concept de « représentation » doit rester opératoire358. Cependant Durkheim a sans doute suivi le cours de Psychologie expérimentale de Théodule Ribot à la Sorbonne. Ce dernier a fait connaître en France les travaux des psychophysiologistes allemands Fechner et Wundt,359 et l’un des premiers en France, il a adopté l’idée d’inconscient en mettant l’accent sur la nature complexe de la personnalité. Durkheim360 a également été influencé dans ses lectures par le théoricien allemand Albert Schaeffle dont il se sent proche par ses analyses pessimistes:

Nous commençons de sentir que tout n’est pas clair et que la raison ne guérit pas tous les maux. Nous avons tant raisonné ! D’ailleurs n’est-ce pas d’Allemagne que nous est venue cette idée que le malheur croît toujours avec la conscience ?

D’autre part pour contrer l’essor de l’individualisme et l’action centrifuge de l’égoïsme, Durkheim explique que le caractère sacré qui est dans tout être humain, caractère qui oblige au respect et à la tenue à distance, vient de son insertion dans une culture et dans une histoire. Et en ce qui concerne la compréhension du processus lui-même le point de vue de l’individu se révèle insuffisant et limité.

Ce caractère lui a été surajouté par la société. C’est elle qui a consacré l’individu ; c’est elle qui en a fait la chose respectable par excellence. L’émancipation progressive de l’individu n’implique donc pas un affaiblissement, mais une transformation du lien social. 361

356« La langue est la partie sociale du langage, extérieure à l’individu, qui à lui seul ne peut ni la créer ni la modifier ; elle n’existe qu’en vertu d’une sorte de contrat passé entre les membres d’une communauté. » CLG p 31

357 « Or on pose en principe que la représentation ne peut se définir que par la conscience ; d’où l’on conclut qu’une représentation inconsciente est inconcevable, que la notion même en est contradictoire. Mais de quel droit limite-t-on ainsi la vie psychique ? (…) De ce qu’on convient d’appeler psychologiques les seuls états conscients, il ne suit pas qu’il n’y ait plus que des phénomènes organiques ou physico-chimiques là où il n’y a plus de conscience. » in Représentations individuelles, représentations collectives, 1898, repris par C.Bouglé, 1924, p 26

358

Selon B.Karsenti les « représentations inconscientes » constituent une entité psychique avec un contenu représentatif ainsi qu’une polarité subjective (à titre d’instance susceptible de se représenter un tel contenu) c’est-à-dire, si nous comprenons bien, qu’il s’agit d’une conceptualisation de l’inconscient comme réalité spécifique irréductible à toute objectivisation psychologique classique donc inaccessible à la raison donc il s’agit bien d’une conception nouvelle qui invalide en partie le projet durkheimien de fonder une science de la morale pour échapper à toute hétéronomie. Cependant il nous semble que le sociologue envisage la vie psychique, comme la langue saussurienne, dans un perpétuel dynamisme et mouvement :

« Tout prouve que la vie psychique est un cours continu de représentations, qu’on ne peut jamais dire où l’une commence et où l’autre finit(…)dans le continuum psychique. » (1898, p. 16-17)

359

Théodule Ribot, La Psychologie allemande contemporaine, Paris, Alcan, 1879

360 Emile Durkheim, compte rendu d’A.Schaeffle, « Baun und Leben des Sozialen Körpers », Revue philosophique, 1885 in MF, 2007

361

184 Contre l’hétérogénéité kantienne radicale de la raison et de la sensibilité, le sociologue montre que les deux domaines sont intriqués (avec un vocabulaire quasi freudien d’attraction et de répulsion, de désidérabilité et d’obligation362 car le sacré est précisément ce qui attire et repousse. Source première par essence ambigüe, il se manifeste sous une forme d’extériorité intérieure rendue représentable où il s’agit d’engager positivement l’affectivité individuelle sur le mode paradoxal de sa négation. Le rapport d’opposition n’est plus entre la raison et la sensibilité mais entre l’individuel et le collectif. Sous cet objectif un peu fou d’élaboration d’une nouvelle idéologie républicaine scientifiquement fondée363 Durkheim n’hésite pas à pointer une certaine ambiguïté de la morale. Les représentations inconscientes doivent être interprétées comme l’effet de l’insertion des représentations collectives au plan restreint de la nature psychique individuelle et cette idée se rapproche plus de celle d’inconscient social développé par Jung que des théories freudiennes. Elle met en avant la force du symbolique que développera postérieurement toute l’anthropologie :

L’activité de l’esprit collectif est encore plus symbolique que celle de l’esprit individuel mais elle l’est exactement dans le même sens. A ce point de vue, il n’y a que différence d’intensité, d’espèce il n’y a pas différence de genre. (Marcel Mauss, 1924)

Cette idée de conscience collective nous semble très novatrice même si sous-estimée et parfois moquée (voir la discussion avec H.Delacroix) peut-être par la difficulté que nous