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Existe-t-il des convergences didactiques dans le champ de l’enseignement de

Nous voudrions essayer d’exposer les différentes conceptions pour ensuite envisager de les discuter et tenter d’exposer clairement quels sont les apports linguistiques qui détermineraient des parcours d’enseignement obligatoires108. D’autant que les responsables de ce numéro constatent, dans leur présentation, une dichotomie très forte, sur la question de l’orthographe, entre la théorie et la pratique avec une restriction prudente ainsi formulée :

Si tant est que nous possédions quelques connaissances supposées des éléments théoriques fondamentaux de la matière.

Cette prudence permettra dans un premier temps de dédouaner la responsabilité des enseignants de français dont il est plus commode de postuler le manque d’informations fondamentales et la persistance dans des analyses trop superficielles plutôt que de supposer une compétence professionnelle acquise en même temps qu’un savoir traditionnel transmis, contestable sans doute, mais savoir quand même, nécessairement produit et installé par l’efficacité d’une certaine pratique. Ce qui revient également à constater la difficulté de faire de la « science appliquée » et même à poser la question : « faut-il en faire ? » si, comme le soulignait Jean-Claude Milner, on ne peut séparer les recherches et les applications :

Il n’existe pas de pédagogie autonome, n’existent que les nécessités inhérentes à la clarté des explications, à la précision et à l’exactitude des données. 109

Nous avons recensé, dans l’article déjà cité, cinq problèmes que nous allons examiner successivement et que l’on peut formuler sous forme de questions :

 Quels sont les rapports de l’oral et de l’écrit pour l’apprentissage du langage?

 Faut-il simplifier l’orthographe ?

 La lecture est-elle une opération plutôt idéographique ou plutôt phonographique ?

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Comme le signale Michel Fayol, on parle beaucoup (et presque exclusivement) d’illettrisme relativement à la lecture. Or la situation des adultes vis-à-vis de la production écrite est encore plus restrictive. ( l’Apprentissage

de l’écriture de l’école au collège, Sylvie Plane et Jacques David, PUF, 1996) 108 Jacques David, 2011

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67  Doit-on associer ou dissocier les opérations de lecture et d’écriture ?

 Faut-il raisonner pour écrire ?

Il est important de voir comment ces questions nous permettent d’avancer aujourd’hui pour essayer d’atteindre une certaine cohérence dans l’enseignement du français. Auparavant nous tenons à préciser que l’accord se fait au départ sur la théorie de la double articulation d’André Martinet, théorie qui postule deux plans différents d’organisation du langage humain :

Une langue est un instrument de communication selon lequel l’expérience humaine s’analyse, différemment dans chaque communauté, en unités douées d’un contenu sémantique et d’une expression phonique, les monèmes ; cette expression phonique s’articule à son tour en unités distinctives et successives, les phonèmes, en nombre déterminé dans chaque langue, dont la nature et les rapports mutuels diffèrent eux aussi d’une langue à une autre.110 (nous

soulignons)

Les monèmes (ou mots) constituent la première articulation, celle qui construit les relations syntaxiques et donne sens aux discours. Les phonèmes (ou sons, représentés par des graphèmes ou lettres) constituent la seconde articulation : ils sont en nombre limité dans chaque langue et permettent, dans un principe d’économie, le plus grand nombre de combinaisons possibles. Ils ne sont pas en eux-mêmes porteurs de sens mais ils aident à établir ce sens par distinction et opposition comme l’illustrent parfaitement les nombreux mots monosyllabiques du français par exemple :

bout/cou/doux/fou/goût/houx/joue/loue/mou/nous/pou/roux/sous/toux/vous Selon André Chervel (1977, p.283) la théorie fonctionnaliste de Martinet viendrait de la notion de « fonction » empruntée à la grammaire scolaire :

Le fonctionnalisme, tel est bien aussi le nom qu’André Martinet donne à sa doctrine. Il associe une analyse formelle des « monèmes » (les plus petites unités significatives) à une théorie des fonctions héritée de la grammaire scolaire. Sa définition de la fonction comme « la contrepartie linguistique de la relation entre un élément de l’expérience et l ‘ensemble de l’expérience »111 est une variante moderne des définitions métaphoriques données au XIXe siècle, où la fonction des mots est comparée à celle des hommes dans la société (Aubertin) des soldats dans l’armée (Brachet) ou des rouages de la machine (Riom)

Ainsi la grammaire scolaire constitue-t-elle une culture commune de base dont on ne peut faire abstraction, même en linguistique, et il nous semble que c’est bien la prise en compte des pratiques enseignantes qui est confirmée par André Martinet lui-même dans cette citation extraite du Français sans fard (1969) :

110 André Martinet, Eléments de linguistique générale, A.Colin, 3è éd, 1991, p.20 111

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Pour clarifier les problèmes, on a intérêt à reprendre la distinction que font les instituteurs entre l’orthographe dite d’usage et l’orthographe grammaticale. (p.79).112

Inversement on peut dire qu’André Martinet est le linguiste qui a eu en retour une grande influence sur les savoirs scolaires puisque ses travaux ont inspiré, entre autres, Nina Catach dans ses recherches sur l’orthographe, Laurence Lentin pour l’apprentissage du langage en maternelle, Eveline Charmeux pour ses positions sur la lecture et Emile Genouvrier pour l’élaboration d’une grammaire scolaire.

Il était donc normal que nous partions de sa définition de la langue même si d’ores et déjà nous pouvons en signaler les limites puisqu’elle ne prend en compte volontairement que l’oral et ce dans un unique souci de communication. Sa distinction entre langue et parole renvoie à une comparaison mécaniste entre code et message bien qu’au fil du temps, il ait cherché à préciser une conception de la langue113, créative et généreuse mais illusoire et utopique car elle relève d’une prise de position tout à la fois élitaire et anti-intellectuelle en faveur de la primauté de l’oral. Or le langage oral, dans sa naturalité114 apparente, est le résultat d’une transmission éducative plus ou moins consciente mêlée à une détermination sociale plus ou moins efficiente et comme le rappelle Nina Catach :

La parole, tout autant que l’écrit, peut être l’objet d’un monopole ou d’une transmission restreinte et il faut également garder des repères solides pour construire un discours oral efficace. (Pratiques n°25, 1979)

On peut dire qu’André Martinet, comme Saussure115, s’est heurté au même paradoxe : l’écrit n’est pas la langue mais seul l’écrit permet de figurer la langue car Il n’y a de phonèmes que dans une formation monématique (ibid) Seul l’écrit segmente le flux du langage et permet le repérage des différents éléments. Si « code » il y a dans la langue

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Signalons que cette distinction est opérée depuis le XVIIIe siècle par P.Restaut dans « Ses Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise avec des observations sur l’orthographe » 1730, 1770

113 « Un code suppose des unités préexistantes. Une langue ne saurait être décrite comme un code parce que les unités de langue ne préexistent pas à la langue, parce qu’une langue ne consiste pas en des étiquettes accrochées à des réalités données une fois pour toutes de toute éternité, d’une communauté humaine à une autre communauté humaine. Une langue représente une organisation sui generis des données de l’expérience. » A.Martinet : Le parler et l’écrit dans De la Théorie linguistique à l’enseignement de la langue dir Jeanne Martinet, PUF, 1974

Il faudrait réétudier l’héritage saussurien présent chez Martinet et comprendre comment il arrive à concilier un refus de tout innéisme ou structure mentale sous-jacente avec l’importance qu’il accorde à l’oral (choix du locuteur restreint au système, sorte de « carte forcée ») au point d’élaborer une médiation provisoire dite « alfonic » sorte d’écriture simplifiée soumise à la labilité d’une parole auto-constructrice donc fragile et limitée. Pour Saussure la succession dans la linéarité est celle des signes et non des phonèmes : le signe est graphique, visuel, articulatoire et acoustique. (CLG p.26) Il doit être associé à la fois à un sens et opposé à d’autres sens.

114 Dans Pédagogie scientifique, la maison des enfants, Larousse 1921, Maria Montessori rappelle le cas du « sauvage de l’Aveyron » longuement étudié par le professeur Itard (1789) qui a bien montré que la vie sociale

est érigée sur une base de renoncements et de contraintes

115 CLG « Il est impossible de faire abstraction d’un procédé par lequel la langue est sans cesse figurée » (p.44) « Quand on supprime l’écriture par la pensée, celui qu’on prive de cette image sensible risque de ne plus apercevoir qu’une masse informe dont il ne sait que faire. »(p.55)

69 pour assurer « la communication des messages », c’est l’orthographe qui remplit ce rôle comme l’explique Saussure :

La langue apparaît réglée comme un code or ce code est lui-même une règle écrite, soumise à un usage rigoureux : l’orthographe. (CLG p.47)

Mais il nous semble qu’on pourrait d’ores et déjà se poser la question de savoir si l’orthographe (grammaticale) n’est vraiment qu’un code ou encore une simple technique linguistique permettant d’apprendre à écrire :

Pourquoi l’orthographe grammaticale est-elle considérée comme intouchable y compris par les réformistes très décidés ? se demande François Lentz 116 parce qu’elle permet/permettrait

le contrôle de l’acquisition des mécanismes d’accord(…) Mettre en cause, avec quelque ampleur, le code écrit du français (…) c’est, de proche en proche, s’obliger à une réflexion difficile, douloureuse peut-être, sur la langue, l’école, la société.

Néanmoins nombreux sont les linguistes désireux de privilégier l’oral dans les recherches effectuées comme dans les applications promues et ce en réaction à la conception traditionnelle de la langue française écrite, sorte d’instance supérieure et terrorisante, comme l’a définie Antoine Meillet en 1917:

Qui ne s’est pas assoupli l’esprit par une longue gymnastique est hors d’état d’écrire le français avec quelques propriétés d’expression.(…) Il faut n’avoir pas conscience des difficultés pour se résigner sans trembler à écrire quelques lignes en français. . (Bally, 1931, 20)

Cette critique a été reprise et amplifiée dans les années 70 pour dénoncer une pratique dogmatique et figée de l’enseignement du français écrit, arc-boutée sur une utilisation maximaliste de la dictée. Ce mouvement d’idées s’est traduit par un engagement presque militant en faveur de l’oral qui viserait à promouvoir la création d’une langue plus « naturelle » et plus « démocratique », orientation que le plan Rouchette (1971) a validée sous la forme d’une valorisation primordiale d’une communication orale efficace. Reste à définir précisément comment se déroule l’apprentissage de l’oral et donc comment se fait l’articulation entre la libération de l’expression117 et la structuration de la langue ; nous aborderons ainsi notre premier problème : Sommes-nous face à deux systèmes autonomes et différents comme le pense Eveline Charmeux ou avons-nous les deux faces d’un même système comme le pense Nina Catach ?

Si l’on pense que la langue est d’abord orale (de toutes façons l’enfant apprend à parler bien avant de savoir écrire) et que l’écriture n’est qu’un système second, presque « une deuxième langue », nouvelle et spécifique, on partira du phonème pour constater ses différentes transcriptions graphiques et l’on s’appuiera sur la comparaison entre les deux systèmes dans une démarche d’acquisition de type contrastif. Il faudra pourtant choisir un axe

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Pratiques n°5, fév 1975 « L’Orthographe en question : principes théoriques et prolongements pédagogiques » 117 Sachant qu’il n’est pas d’expression orale libre pour l’élève car tout discours se réalise toujours en présence du groupe-classe et dans l’inégalité normative de la présence du maître, in LF n°6, 1970, Jean Peytard : « Apprentissage de la langue maternelle » (pp.35-47)

70 dominant c’est-à-dire aller de l’oral vers l’écrit (ou inversement de l’écrit vers l’oral). Selon Eveline Charmeux :

L’autonomie n’est pas à situer dans des systèmes différents de langue mais dans des réalisations de la parole : l’oral permet une communication directe alors que l’écrit est une communication différée. (P n°46)

On maintient cependant une perception cloisonnée et autonome de l’oral et de l’écrit comme relevant d’expériences différentes. Or il semble difficile de mener des apprentissages séparés tout en faisant obligatoirement des comparaisons entre les deux systèmes pour élaborer une didactique fondée avant tout sur la possession d’un oral riche et sur une compréhension rapide en lecture : opération conçue comme un « acte-lexique » qui, en prélevant des indices orthographiques et en allant de mot en mot, reconstruit la signification.. Mais l’écrit ne risque- t-il pas d’être ainsi vécu comme un code abstrait et arbitraire dont l’accessibilité restreinte est entretenue par une orthographe difficile ? Comme le dit Eveline Charmeux118 dans son ouvrage le plus diffusé:

L’orthographe désigne l’ensemble des contraintes qui permettent d’écrire d’une manière conforme aux nécessités de la communication. ( nous soulignons)

Cette vision d’une orthographe fondée sur des règles intangibles renvoie à la notion de « faute » qui n’est plus acceptable dans les conceptions actuelles de l’éducation, même si elle a le mérite de rappeler que la dimension « affective » de l’apprentissage est essentielle, en orthographe plus qu’ailleurs, puisqu’il s’agit de poser des « règles », de déterminer des « normes » pour les faire fonctionner et les respecter. Cependant il faut reconnaître que ces méthodes de lecture prônées, méthodes dites « idéographiques » voire « globales », aujourd’hui largement décriées, ont eu l’incontestable mérite de souligner que la vraie lecture est une opération visuelle, presque exclusivement idéographique et synthétique, induite par une familiarisation et une automatisation que seul un long entraînement permet de conforter. Reste à combler le « vide » installé entre l’oral et l’écrit car, même pour ceux qui possèdent une lecture aisée, on parlera « d’alphabétisation restreinte » voire même « d’illettrisme »119si l’orthographe est vécue comme un obstacle à la pratique de l’écrit.120

La responsabilité propre qui incombe (à l’école), et qui est relativement neuve, c’est de rendre possible au plus grand nombre l’accès au monde de l’écrit (…) Cette responsabilité implique que (l’école) dispose d’outils de description et d’apprentissage les plus rationnels possibles pour que l’orthographe ne fasse plus obstacle mais constitue au contraire le moyen d’accès du plus grand nombre à l’aventure de l’écrit. ( Christian Puech, 1999)

118 Eveline Charmeux, La Lecture à l’école, Cedic, Paris, 4è éd, 1975, p.58

119 Anne Marie Chartier, « L’Illettrisme », Le FA n°98, 1992 : « Dans la société des élèves à perpétuité (…)les analphabètes du XIX e disparaissent mais les illettrés du XX e sont là (…)Ainsi lorsqu’on recule d’un siècle dans l’examen du phénomène l’illettrisme apparaît comme cette réalité sans cesse en voie de disparition, sans cesse redéfinie et renaissante qui découle des mutations de nos espaces culturels et économiques en tant qu’ils affectent toutes les relations sociales à la langue. »

120 Christian Puech dans « Une Représentation visuelle : l’orthographe », « Le Français à l’école, un enjeu politique et historique » Hatier, 1999, p.118)

71 On peut alors adopter une position mixte en considérant que la langue est fondamentalement de nature orale mais que l’écrit en donne une image assez fidèle. C’est le courant phonographique qui reconnaît une certaine autonomie à la langue écrite mais sans raison de privilégier davantage l’oral ou l’écrit car la signification se construit dans les deux systèmes pareillement.

Il n’y a pas continuité naturelle entre l’oral et l’écrit (…) parce qu’ils relèvent de deux matérialités : un système toujours premier, le temps et le son, donc l’oreille ; un système dont l’apprentissage est essentiellement scolaire et second, l’espace et le tracé, que maîtrise l’œil. (…) Cependant, parce que nous sommes aussi au sein d’une même langue, le mot comme unité de sens et comme unité morphologique y fonctionne de façon identique, la hiérarchisation syntaxique (relation de transitivité par exemple) y est la même et participe des mêmes propriétés linguistiques.121

La langue écrite reflète en grande partie les structures du langage oral et les met en évidence, en retour elle influe sur l’oral dans une interaction dont on a mal mesuré jusqu’ici l’importance. Pour utiliser au mieux le langage, il faut être capable de faire des correspondances structurales entre la norme orale et la norme écrite (Jacques Goody) et il s’agit d’en permettre l’accès par la lecture et par l’écriture au plus grand nombre en facilitant les allers-retours entre les deux systèmes.

L’orthographe française est avant tout un système d’écriture fait pour faciliter la lecture et ce système est mixte c’est-à-dire que l’écriture du français est à la fois alphabétique : chaque lettre correspond à un son et tout ce qui se prononce se transcrit d’une manière ou d’une autre et idéographique : de nombreuses lettres ne traduisent aucun son, mais apportent une information de sens importante. De plus, à chaque son correspondent plusieurs graphies, dont le choix n’est pas indifférent (ex : mer, mère, maire) Concrètement pouvoir s’appuyer sur des correspondances « graphèmes-phonèmes » fournit incontestablement une aide à l’apprentissage et il vaut mieux garder la notion de « phonème » même si celui-ci n’a pas de sens ni d’existence propre car lui seul permet de discerner les différents mots. L’unité n’est pas la lettre mais le graphème (transcription du phonème) dans une solidarité écrit/oral. Il existe quand même 80% de correspondances graphie-phonie en français : langue à l’orthographe qualifiée parfois d’opaque en opposition aux langues à l’orthographe dite « transparente » telles l’italien et l’espagnol et ce parce qu’une grande partie de la morphologie est composée de lettres muettes. Comme le rappelle Nina Catach :

L’orthographe du français est faite pour le lecteur. On y trouve toujours l’oral mais plus que l’oral. (P. n°46)

Dans le but de faciliter l’accès à l’écrit on pourrait tenter de rapprocher les deux codes pour homogénéiser la langue, on pourrait essayer de rationaliser l’orthographe et de lever ainsi les obstacles : puisque tous (sauf cas pathologiques) « parlent » ; tous devraient pouvoir lire et écrire. Il s’agirait ainsi de « libérer l’expression »… Mais ce serait peut-être alors réaliser la sombre prophétie d’André Martinet livrée à la fin du Français sans fard comme une admonestation aux « lettrés » coupables de défendre des points de vue esthétiques, logiques et étymologiques sur la langue : Mais pouvons-nous être sûrs que, dans cent ans

121

72 d’ici, la forme écrite du langage humain n’aura pas complètement cédé la place à une conservation mécanique de la parole ? Pour repousser (ou pour accélérer) cet état de la culture, une question s’impose :

Doit-on réformer l’orthographe ?

Nina Catach a défendu, avec ténacité, cette option. En effet l’histoire nous enseigne que la langue a constamment évolué, qu’il est donc inutile de vouloir la figer et qu’une sorte de mise à jour et de modernisation, en accord avec les nouveaux usages informatiques, s’imposeraient. Les recherches de Nina Catach et de son équipe ont permis de sortir de l’affrontement stérile et ancien entre les puristes et les réformateurs du français pour proposer une théorie scientifique de l’orthographe du français, décrite précisément comme un

plurisystème (nous soulignons) composé de :

 80 à 85 % de phonogrammes (correspondances graphèmes-phonèmes)  3 à 6 % de morphogrammes (marques grammaticales ou lexicales)  3 à 6 % de logogrammes (distinction des homonymes essentiellement) avec un pourcentage restant de lettres muettes historiques.122

Cette description marque un incontestable progrès et peut servir de base solide pour la réflexion didactique123. Cependant, pour les réformateurs, il conviendrait d’enlever les lettres inutiles et les complications étymologiques : tout ce qui gêne, jusque l’accord du participe passé (le décréter toujours invariable avec avoir et toujours variable avec être ?). Ensuite, puisque l’alphabet est jugé insuffisant pour noter tous les graphèmes (26 lettres pour 36 phonèmes environ), il faudrait rajouter quelques éléments de graphémologie permettant de discriminer les unités vides : les cénèmes des unités pleines : les plérèmes pour aller vers une orthographe sémantique et renforcer ainsi la concentration symbolique du système. Mais selon les analyses d’O. Ducrot, on fait un mauvais usage de la logique en voulant que la langue ait une structure logique par force alors qu’elle doit avoir une fonction logique : celle que nous lui donnons par nos usages 124 Et à vouloir trop rationaliser le

système, ne risquerait-on pas de le complexifier et de le dénaturer? Il faut prendre garde