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Comment la grammaire scolaire a-t-elle pratiquement enseignée la notion de phrase ? Si on est sûr que cette notion a été privilégiée au détriment d’autres tout aussi utiles à l’écriture (par exemple les propositions, la période, le paragraphe ou encore le texte) on s’est peu penché sur l’apprentissage formel des phrases françaises tel que l’école l’a enseigné or c’est finalement la langue dite « maternelle » qui a été ainsi fixée par la didactique scolaire. Ce que Sartre nommait le « pratico-inerte » ne témoigne-t-il pas d’une certaine rigidité dans la conception du langage qui empêchait finalement d’envisager l’écriture en elle-même comme une pratique politique ?

Si on part des acquis de l’école laïque, se dégagent deux certitudes :

1) La notion de phrase (ou proposition) est nécessaire pour écrire parce qu’elle seule permet d’appréhender les relations entre les mots qui permettent d’identifier les fonctions utilisées qui permettent d’orthographier correctement et de donner ainsi forme à la signification intentionnelle et d’être « auteur » de ce que l’on écrit.

2) L’étude de la syntaxe par le biais de la grammaire aide l’élève à maîtriser les règles de l’orthographe et à participer ainsi à la construction de son langage dans une langue normée à laquelle il accepte de se conformer.

Est-on certain en revanche que les deux notions de « syntaxe » et de « construction » recouvrent la même réalité ? Cette opposition de concepts est absolument datée : elle n’existe ni avant le milieu du XVIIIe siècle, ni après le milieu du XIXe siècle. (Delesalle, 1984) La tendance sera à établir une équivalence entre les deux mots (pour éluder le problème, dirions- nous):

 Au XVIIe siècle, dans la grammaire de Port Royal, le chapitre XXIV s’intitule : « De la syntaxe, ou construction des mots ensembles. »

 A l’autre extrémité, on trouve dans La Vie des mots d’A.Darmesteter (1887) cette phrase : La construction ou syntaxe est la fin où tend toute langue, Simone Delesalle précise qu’il est le lieu de coïncidence entre « catégorie » et « fonction » (LF n°22, 1974) Thierry Baccino et Pascale Colé parlent d’ « anaphore conceptuelle » contenue dans le verbe qui souvent implique une causalité implicite et « l’accord grammatical permet de sélectionner sans ambiguïté le référent de la représentation intégrée. » c’est la réintégration cognitive ! (Que sais-je ? déjà cité)

90 puisque les mots, sous les formes grammaticales qui leur sont propres, doivent se combiner en phrase pour exprimer la pensée.

L’école dans sa pratique du français écrit a dû résoudre d’une manière ou d’une autre la question et comme le dit l’auteure de l’article : La construction, elle, survivra dans la pédagogie. Elle ne pouvait survivre qu’en arrimant la grammaire à la logique. L’autonomie de la grammaire est préservée si elle se met au service de la logique et inversement la logique ne peut se développer qu’en suivant la grammaire, le raisonnement étant conçu comme un jugement développé, apprendre à écrire c’est donner à chacun les instruments d’une autonomie pour pouvoir utiliser l’entendement et la volonté dans l’échange en langue. On peut donc dire que le projet scolaire traditionnel est fondamentalement lié à des entreprises normatives et qu’il a cherché à assurer la permanence d’une forme de pensée logique inspirée du latin. Etait-ce licite ? La grammaire semble tellement imbriquée dans le domaine de la pensée qu’elle a pu parfois apparaître comme un moyen curatif 174 mais la finalité de son enseignement n’était-elle pas plutôt la tentative de tendre vers un discours de type « scientifique » L’écriture implique l’entrée dans une forme de rationalité (« La Raison graphique » de Jack Goody)

« Distinguer onoma (nom) et rhema (verbe) comme le fait Platon dans Le Sophiste suppose par exemple un triple effort de décontextualisation, de catégorisation différentielle, de nomination. (…) Même si le sens (le contenu) de cette terminologie métalinguistique n’a cessé de varier dans le temps, on peut dire que c’est bien l’écriture qui ouvre la possibilité de la cumulation des savoirs par objectivation, fixation, transmission continue, réélaboration, accrétion (répétition ouverte à la variation) (…) Ce qu’ajoute l’écriture, c’est la dimension de « méthodologie intellectuelle » (JM Fournier, 2010, « Le seuil de l’écriture ? », p.53- 56) (soulignés dans le texte)

En posant clairement des règles et des paradigmes on « formalise » le langage pour essayer d’éviter toute la problématique de l’altération des discours, pour au contraire se ménager des possibilités de reformulation et de transcodage, pour baliser tout ce qui constitue le champ sémio-linguistique complexe de l’autrement dit et de l’autrement fait donc tout ce qui permet que s’établisse finalement la communication individuelle et sociale. Etait-ce si néfaste de régler les discours sur une langue commune pour vouloir que chaque sujet puisse s’approprier la langue et l’écrire ?

Mais cette langue ne pouvait être issue d’une seule tradition : si la Grammaire Générale a bien servi de « matrice » à la grammaire scolaire par son utilisation de la logique et de la raison, la tradition rhétorique ne pouvait être escamotée et l’enseignement du français même dit « moderne» se devait de la prendre en compte ne serait-ce que pour assurer une continuité culturelle et pour envisager l’unification du primaire et du secondaire. Il convient donc d’essayer d’envisager le legs de la grammaire scolaire dans sa dimension téléologique de remotivation et de reconceptualisation du système de la langue enseignée.

L'apport des travaux d’André Chervel (1977) est d’avoir mis à jour le processus de complexe « hybridation » que représentait l’histoire de la grammaire scolaire. En effet c’est à

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91 partir des classes du Petit lycée que s’est élaboré le contenu de l’enseignement de la langue pour l’école élémentaire, pour le primaire supérieur et pour les sections modernes du secondaire avec le « demi-Lhomond », partie française de la grammaire latine, choisi par la révolution française (Chervel, 1977) auquel s’est ajouté le « Noël et Chapsal » issu de la GGR de Port Royal. Pour simplifier on parlera de la tradition rhétorique latine des collèges humanistes opposée à la tradition philosophique logique de Port Royal. Déjà dans le dernier chapitre de la GGR (1660) intitulé : Des Figures de construction les Messieurs, comme à regret, avaient bien été obligés de reconnaître l’existence d’un domaine de la langue échappant à la logique mais important pour l’expression et l’imagination : ils avaient retenu quatre figures (la syllepse ou conception, l’ellipse ou défaut, le pléonasme ou abondance et l’hyperbate ou renversement) en les justifiant ainsi :

Mais parce que les hommes suivent souvent plus le sens de leur pensées, que les mots dont ils se servent pour les exprimer, et que souvent, pour abréger, ils retranchent quelque chose du discours, ou bien que, regardant à la grâce, ils y laissent quelque mot qui semble superflu, ou qu’ils en renversent l’ordre naturel ; de là est venu qu’ils ont introduit quatre façons de parler, qu’on nomme figurées, et qui sont comme autant d’irrégularités dans la grammaire, quoiqu’elles soient quelquefois des perfections et des beautés dans la langue. 175

Les savoirs métalinguistiques ne sont pas spéculatifs mais techniques : ils relèvent de traditions linguistiques variées et leur émergence s’impose comme des objets techniques nécessaires pour appréhender la langue et le langage dans sa dimension culturelle. Comme l’explique André Chervel, l’ouvrage fondamental du XIXe siècle est La Nouvelle grammaire française de Noël et Chapsal, 1823, parce que pour la première fois est adjointe une partie d’exercices pour apprendre la grammaire : renversement de valeurs qui marque la naissance de la grammaire scolaire et qui est une toute autre perspective permettant l’apprentissage de l’écriture :

Pour la première fois une grammaire permettait de rationaliser la quasi-totalité des problèmes de l’orthographe d’accord, ce qui offrait le double avantage de justifier cette orthographe et d’en faciliter l’acquisition. Pour de longues années la théorie chapsalienne allait donner la seule explication plausible des trois accords fondamentaux du français : accord du verbe avec son sujet, accord de l’attribut avec le sujet, accord du participe avec le régime direct 176

Ce progrès se heurte à deux écueils importants, sources de difficultés pédagogiques: le premier est que les deux discours du grammairien, le discours du mot et le discours de la proposition, ne se rejoignent pas. Sur un axe on a un sujet, un verbe et un complément et sur l’autre axe on a un sujet (ou thème) et un attribut complexe (ou prédicat) Or les deux approches ne peuvent rester étrangères l’une à l’autre même si elles donnent lieu à une double analyse : l’analyse grammaticale et l’analyse logique, très éloignée l’une de l’autre. L’analyse grammaticale renverse les hiérarchies dans l’esprit de l’enfant. En focalisant l’attention sur le mot isolé, elle pousse à perdre le sens des ensembles pour réaliser avant tout les accords orthographiques de proximité. C’est l’antithèse exacte de la rhétorique, écrit A.Chervel (1977, p.278) et l’analyse logique ne permet pas de découvrir la pensée de l’auteur et d’en saisir

175 Arnauld et Lancelot, Grammaire Générale et Raisonnée, Allia, 2010, p.148 176

92 toute la valeur pour deux raisons symétriques : quand on descend de la proposition vers le mot on ne retrouve pas la partie du discours. Quand on remonte au contraire du mot vers la proposition on ne recrée pas une proposition correcte parce que logique et grammaire ne s’accordent pas. Les agrégés de grammaire choisis pour enseigner dans le petit lycée (P.Boutan177) ont bien été obligés de construire eux-mêmes une synthèse entre ces deux tendances différentes de la grammaire178 et de poursuivre ainsi la « grammatisation » du français pour en faire une langue enseignable aux non-latinistes et donc au plus grand nombre sans perdre les ressources de la rhétorique latine transposée dans de nombreux écrits français et notamment dans les œuvres littéraires : réservoirs de divers langages et travail de forgerie de la langue. Rappelons que seuls les concours de grammaire, véritable agrégation du pauvre, sont véritablement accessibles aux enseignants de base déjà en fonction, cette accessibilité repose sur une capacité d’autoformation entretenue par les revues pédagogiques et sur une tradition d’entraide active dans le corps enseignant. Comme l’a bien montré Renée Balibar, avec les élèves du primaire et a fortiori ceux des EPS confrontés aux phrases françaises complexes de la littérature, le colinguisme latin-français ne pouvait fonctionner et il y a eu forcément confrontation à ce problème et invention de solutions nouvelles. Si elle idéalise la fée grammaire 179 résultat d’ une théorie en exercice, 180elle ne montre pas la manière dont cette théorie a pu fonctionner181. Seule l’orthographe grammaticale, garante de la synthèse entre les deux grammaires, a pu assurer la raison d’être et la validité scientifique de cette « deuxième grammaire » mais Renée Balibar parle sévèrement de cette orientation :

Tous les historiens de la langue française sous la IIIe République ont professé que le « remue –ménage » révolutionnaire dans le vocabulaire s’accompagnait d’un « retour à la

177 Pierre Boutan Histoire de l’enseignement du français à l’école élémentaire de 1850 à 1900, Thèse de Paris V Paris-Descartes sous la Direction de Claude Lelièvre, 1994

La Langue des Messieurs, 1996, A.Colin « Dès lors l’appellation « Brachet et Dussouchet » couvre tous les

niveaux et tous les enseignements.(…) Brachet vient du Supérieur et Dussouchet des petites classes de l’enseignement secondaire.(…)

Jean Dussouchet (1834-1910) entre à La Société linguistique de Paris, patronné par Egger et Bréal (…) Membre

de plusieurs commissions, en particulier sur l’enseignement secondaire de jeunes filles(…) Buisson le choisit comme maître d’œuvre des articles consacrés à la langue française dans son Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Enfin il est assurément à l’origine du mouvement qui(…) aboutira à la première nomenclature grammaticale officielle en 1910.

178 C’est ce que constate S.Karabétian (HEL, 20, 2, 1998) déjà chez Guérard (1852)

« Contrairement à un usage que rien, suivant nous, ne saurait justifier, nous avons placé les figures de grammaire à la suite de l’analyse logique, en tête de la syntaxe et non à la fin. Nous avons la conviction intime que par là nous avons rendu beaucoup plus facile l’étude de la syntaxe. » (Préface à la première édition)

Dans la grammaire latine scolaire, la syntaxe figurée constitue longtemps une partie obligatoire avant de se diluer dans les syntaxes d’accord, écrit l’auteur de l’article. Il poursuit en décrivant les hésitations des grammaires scolaires pour classer les figures (Hamon, 1966) il conclut ainsi : Nous pouvons considérer que ces

hésitations et ces atermoiements proviennent du fait que la composante rhétorique – à laquelle appartient très nettement l’étude des figures en grammaire scolaire - est mal articulée avec la composante syntaxique ainsi que le traduit l’hésitation sur le répertoire et le classement des figures(le couple figures de grammaire/ figures de construction constituant une illustration du flottement.

179 L’Institution du français, PUF, 1985, p.310

180 « Le français enseigné » dans ch.2 de Histoire de la langue française 1880-1914, ouvrage collectif sous la direction de Gérald Antoine et Robert Martin, éditions du CNRS, 1985, p.271

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Elle montre au contraire ses « ratés » dans l’étude du cahier de Joseph Achard elle écrit par exemple : « En fait ce sont les contenus implicites des conventions et des exemples grammaticaux qui lui échappent en « analyse ». Il travaille sur des règles qui occultent les pratiques linguistiques indispensables au sens. » HLF p.283

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discipline » dans la syntaxe. Ils s’en sont félicités. Le fétichisme actuel de l’orthographe en France est une forme bornée de ce culte.182

Par opposition à cette syntaxe trop formelle, elle encense la syntaxe créative de Victor Hugo (p.103 et sq) qui aurait ensuite engendré celle de Rimbaud mais outre que ces deux auteurs, même dans la douleur, avaient appris le latin, leur syntaxe est poétique avant tout et difficile à utiliser pour le langage courant. On peut dire que si, au XXe siècle au grand regret de Jean-Paul Sartre, la prose poétique s’est imposée dans la littérature, c’est peut-être dû à l’un des exercices de français le plus couramment pratiqué dès 1880 où il s’agissait de « traduire » en prose des textes poétiques, souvent des poèmes de Victor Hugo. Et le seul moyen de ne pas perdre le sens quand les élèves écrivaient était de s’accrocher fermement à la syntaxe et donc à l’orthographe grammaticale.

Le deuxième écueil pédagogique souvent souligné est celui de l’orthographe française elle- même. L’idée a perduré tout au long du XXe siècle que les difficultés persistantes en écriture seraient dues à une orthographe trop difficile appuyée sur une grammaire primaire illogique et non scientifique, bâtie uniquement pour justifier cette orthographe. C’est un peu la thèse défendue par André Chervel que nous reprenons ici en la simplifiant.

Les instituteurs font alors des efforts considérables pour acquérir une orthographe qu’ils ignoraient jusque-là dans leur grande majorité, pour enseigner aux enfants des campagnes issus de familles incultes et patoisantes, pour créer de toute pièce une grammaire scolaire spécifique au français, grammaire dont la seule finalité est de permettre un enseignement rationnel de l’orthographe grammaticale. C’est dire que le passé récent de l’orthographe française est intimement mêlé à la culture populaire la plus élémentaire. 183 ( nous soulignons)

André Chervel a longtemps critiqué l’orthographe française difficile et illogique d’un point de vue scientifique mais en même temps il a prouvé que cette même orthographe était le résultat d’une construction collective du Primaire essentiellement et d’un secondaire associé dans une certaine mesure par les EPS et le moderne et qu’elle avait donné lieu à une culture populaire étendue et résistante même si limitée dans ses effets. Contestons donc cette thèse en osant inverser le rapport de dépendance de la grammaire à l’orthographe pour penser que c’est bien la grammaire qui a permis par l’orthographe d’arriver aux relations logiques établies par tout discours et donc in fine que seule l’orthographe offre une réelle possibilité d’ accéder à l’écriture, accès certes formel et exigeant mais unique accès que ne permet pas la seule matière à exprimer puisqu’ il s’agit précisément par l’écriture de donner à voir donc de donner forme à la matière. Un apprentissage fondé uniquement sur de nouveaux savoirs psycho-cognitifs184 même en intégrant peu à peu les apports linguistiques ne saurait suffire ni même être efficace comme le constate Jacques David :

182

Que sais-je déjà cité 183

A.Chervel, Le FA n°97, mars 1992 « La réforme de l’orthographe en France »

184 « Quels apports linguistiques pour l’enseignement/apprentissage de la littératie ? » Jacques David, 2011, Le Français, discipline d’enseignement : histoire, champ et terrain, Riveneuve éditions,

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Certes (…) les aspects linguistiques sont restés souvent au second plan, sans doute parce que les modalisations cognitives considéraient les composantes linguistiques de l’oral et de l’écrit comme des variables annexes, peu déterminantes dans l’acquisition de la lecture ou de la production écrite.

De même que les modèles rhétoriques pris dans la littérature n’offrent pas de règles sûres et formalisables pour les nouveaux discours puisque le contenu de pensée postulé dans tout écrit ne peut jamais se couler exactement dans les formes déjà existantes ; il doit plus ou moins être adapté et réélaboré pour exprimer vraiment ce que l’on désire exprimer, il demande donc une dextérité et une aisance résultat d’un long travail de familiarisation ( Sonia Branca) Reste que seul l’apprentissage de la grammaire par l’orthographe et pour l’écriture conditionne le développement de « la culture populaire la plus élémentaire » et que rien ne saurait s’y substituer pour démocratiser et donc moderniser la pratique de l’écriture. L’enseignement se doit d’installer une langue commune techniquement fonctionnelle et potentiellement esthétique ou scientifique.

Mais une question reste entière : comment est-on parvenu à faire écrire des élèves qui, dans le primaire, n’y arrivaient pas ? Tous les témoignages concordent : la rédaction primaire reste l’exercice le plus décevant de tout le système d’enseignement. Si c’est une conquête d’abord sociolinguistique (autant que psycholinguistique) 185 il est faux de croire qu’une méthode pourrait tout arranger. La comparaison que fait Franck Marchand entre les IO de 1923 encore empreintes du rationalisme de Port Royal et d’une conception durkheimienne de l’éducation en totale opposition avec celles de 1938 imprégnées du psychologisme de l’élan vital tout Bergsonien ne suffit pas à expliquer les difficultés rencontrées. De même que la déploration quant au manque de théorie précise de la langue sous-jacente à ces IO ni l’espoir fondé dans le structuralisme triomphant et les abandons de « l’idéologie petite bourgeoise » véhiculée par les textes choisis n’apportent de solutions, tout au plus constate-t-il que de la prise de conscience de la faiblesse des résultats provient l’inquiétude manifestée. Ainsi enregistre-t-il le découragement devant un phénomène qu’on ne comprend pas. Mais cette inquiétude et ce découragement ne témoignent-ils pas d’un besoin récurrent d’une linguistique « pédagogique » ou encore d’une linguistique de « l’apprentissage » qui proposerait une description de la langue en fonction des exigences de l’enseignement de l’écriture ? L’enseignement du français dit « langue maternelle » (FLM) présente trois caractéristiques importantes186 :

 Ses enseignants constituent une masse énorme (sans même prendre en compte l’espace de la francophonie) et ils ont un statut clair.

185

François Ters, « L’orthographe dans son contexte sociolinguistique »in Langue Française n°20, 1973, pp.75- 85 « Il n’existe pas un enfant normal qui se montre incapable de conquérir l’essentiel de la langue de son milieu au cours de ses quatre premières années (…) Il faut dix à douze années et davantage pour une conquête active et l’on n’a jamais fini d’apprendre cette langue de civilisation, outil de pensée, de création, d’expression, de transmission et de communication dans la durée comme dans l’espace. »

186

95  Cet enseignement se caractérise par un ancrage institutionnel fort : les

problèmes d’enseignement du FLM sont au cœur de l’Université avec ses diplômes.

 L’histoire du FLM s’identifie à l’histoire de l’école c’est-à-dire à une tradition ancienne bien antérieure au développement de la linguistique.