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La montée en puissance du circuit mort et sa concentration

1.3 et à la temporalité fluctuante des exploitations

3. L A VILLE RELAIS DE LA POLITIQUE NATIONALE DE MODERNISATION DE LA FILIERE VIANDE

3.2. La montée en puissance du circuit mort et sa concentration

L’expédition depuis la Corrèze dans l’après-guerre et jusqu’aux années 1960 se pratique à la fois en vif et en mort. Le circuit vif s’appuie sur les outils d’abattage, de transformation et de commercialisation des grandes places de consommation. Le pouvoir corporatiste des bouchers usagers de ces abattoirs est vu par l’Etat comme un frein à la modernisation de la filière viande3, et le développement de l’abattage dans les zones de production permettrait

par ailleurs de créer des outils d’abattage et de transformation maîtrisés par les producteurs (coopératives, SICA, etc.).

L’expédition en carcasses depuis la Corrèze, s’appuyant sur un réseau dense d’abattoirs, se développe au détriment du circuit vif en Corrèze, jusqu’à importer nombre de bestiaux. L’action de l’Etat, traduite au niveau départemental par un plan d’équipement en abattoirs publics en 1967 appuie encore le processus de concentration des outils d’abattage pour leur

1 Note des Renseignements Généraux de l’arrondissement de Brive, 8 août 1952, Arch. Dep. de la Corrèze,

165W5575.

2 Arch. Dep. de la Corrèze, 208W6889. 3 S. Muller, op. cit., p. 61.

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rentabilité. Le développement et la concentration du circuit mort, s’ils ne signent pas la mort du circuit vif, font évoluer le positionnement de ce dernier dans la filière viande.

3.2.1. Le circuit mort d’expédition : extension et croissance hors des limites départementales

Le réseau d’abattoirs dans le département (seize en 1953, quatorze en 1966 et neuf en 1973) est dédié à l’expédition de carcasses ou à l’abattage pour la salaison. En 1953, hormis ceux de Tulle et Brive, qui abattent pour la consommation locale, les abattoirs du département abattent à plus de 60 % des viandes pour l’expédition (voir Figure 1.22).

Figure 1.22. Tonnages des différents abattoirs du département traités pour l’expédition ou la consommation locale en 1953.

Sources : tonnages traités relevés dans les différents contrôles préfectoraux des abattoirs du département, Arch. Dep. de la Corrèze, 1057W39 à 42.

Un abattoir dédié à l’expédition comme celui d’Allassac abat l’équivalent du tiers des porcs produits dans le département, et le tonnage traité (1 800 tonnes de viande nette) dépasse celui d’une ville de 50 000 habitants comme Saint-Nazaire à la même époque, alors qu’Allassac compte à l’époque moins de 4 000 habitants1.

De même que pour les foires, les différents abattoirs du département sont en concurrence, non seulement en termes de distance mais aussi selon les services qu’ils offrent aux expéditeurs. Or les municipalités qui ont un abattoir semblent très attachées à y attirer l’abattage pour l’expédition, qui est en général l’objet de gros volumes – Brive applique par exemple un tarif réduit de taxe d’abattage pour l’expédition de 1951 à 19592.

De plus, la municipalité s’emploie à faire les aménagements et agrandissements nécessaires des frigorifiques de l’abattoir de la ville pour qu’ils continuent d’être utilisés par les expéditeurs, et ce à plusieurs reprises3. La municipalité de Tulle quant à elle communique

sur les facilités offertes à l’expédition et l’exportation depuis son abattoir4.

Les augmentations de la part de production abattue sur le département, constatées dans le Tableau 1.7, indiquent tout d’abord que le circuit mort, pour l’expédition, est bien croissant au cours de la période. Il supplante le circuit vif, et oriente encore plus les outils d’abattage vers l’expédition qu’ils ne l’étaient : en 1967, les bouchers expéditeurs traitent 91,2 % de la viande abattue dans le département5.

Cependant on remarque, particulièrement pour les veaux et les porcins, le niveau élevé de ces chiffres. En effet, le réseau d’abattoirs traite plus de viande qu’il ne s’en produit au niveau départemental, et des veaux et porcins sont importés pour la boucherie (quelques- uns sont importés à l’état maigre pour engraissement ou renouvellement du cheptel départemental6). Le veau de Corrèze, élevé au lait sous la mère, a acquis une telle

réputation sur les marchés de boucherie des grandes places (principalement en Ile-de- France, dans l’Est et sur la Côte d’Azur, qui sont les trois régions où ces veaux sont principalement expédiés) que les opérateurs corréziens achètent des veaux hors de Corrèze pour les commercialiser en tant que veaux corréziens7 (voir Figure 1.23). Si plus de 100 %

des veaux produits en Corrèze sont abattus, c’est bien parce que des veaux sont importés – un boucher-expéditeur d’Allassac, Guy, a commencé à acheter des veaux dans les régions de Marmande et Bergerac à partir du milieu des années 19608. On remarque la même

situation pour les ovins (72 % des ovins abattus en 1967 proviennent d’un autre

1 Meynier, 1962, op. cit., pp. 49-71.

2 Délibérations des 30 novembre 1951 et 8 janvier 1959, Arch. Mun. de Brive, 1D40-76.

3 Délibérations des 30 novembre 1948, 25 juillet 1952, 17 mars 1954 et 18 février 1955, Arch. Mun. de

Brive, 1D38 à 62.

4 Des communiqués de presse apparaissent dans la presse spécialisée (le Journal des foires et marché) en 1954 en

vantent les « possibilités étonnantes ». Une première expédition de 76 carcasses de veaux a été effectuée depuis Tulle vers les Halles de la Villette, en moins de 25 heures, abattage et transport compris. Arch. Dep. de la Corrèze, 166Pr1.

5 Etude de la DDA de Corrèze sur la filière viande en 1967, Arch. Dep. de la Corrèze, 1378W62. 6 G. Bouet, 1971, « La production agricole du Limousin », Norois, n°71, pp. 477-489.

7 Etude de la DDA sur la commercialisation des viandes en 1967, Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W199. 8 Entretien avec M. Guy, l’un des plus gros marchands de bestiaux du département et directeur de la société

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département1) et les porcins (les abattages du département représentent 116 % de la

production corrézienne).

Tableau 1.7.Production animale et abattage en Corrèze, 1950 -19692.

Bétail / Année Production (têtes) Abattages (têtes) Part de la production abattue dans le département (%) GROS BOVINS 1950 20 000 9 620 48,1 % 1969 25 300 17 640 69,6 % VEAUX 1950 89 570 84 790 94,7 % 1969 107 900 176 200 163,2 % PORCINS 1950 176 200 73 300 41,6 % 1969 145 100 168 700 116,2 % OVINS 1950 74 800 44 060 58,9 % 1969 132 500 127 300 96,1 %

Source : statistiques agricoles de l'INSEE Limousin, 1950 et 1967, Arch. Dep. de la Corrèze, PER39.

Dans le cas des porcins, il faut prendre en compte les entreprises de salaisons, qui ont besoin d’importer des porcs charcutiers afin d’assurer la rentabilité de leurs équipements et la pérennité de leur gamme. Les trois plus importants salaisonniers de Corrèze en 1966, situés à Allassac (Ets. Valéry, 90 salariés), Ussel (Ets. Limoujoux, 50 salariés) et Egletons (Paul Mazeyrat, 45 salariés) drainent une partie de la production porcine des départements de la Haute-Vienne, Dordogne, Puy-de-Dôme, Cantal, Creuse et Aveyron3. Pour les bovins

et ovins, l’importation est particulièrement prégnante pour les opérateurs qui ont en charge un abattoir : certaines salaisons privées, mais aussi la SICAVICO qui, ayant repris l’abattoir de Tulle lorsque celui-ci a été retiré du plan d’équipement en abattoirs publics, doivent lisser leurs approvisionnements afin d’assurer la rentabilité de l’outil d’abattage.

La capacité de la filière corrézienne d’expédition et de salaisons à importer des bestiaux des départements limitrophes est telle que le conseil général prévoit pour la rentabilité de l’Unité Départementale d’Abattage (abattoir moderne installé en 1970) qu’elle soit fournie au trois-quarts par des bestiaux importés d’autres départements4.

1 Etude de la DDA de Corrèze sur la filière viande en 1967, Arch. Dep. de la Corrèze, 1378W62.

2 La production, disponible uniquement en tonnes de viande nette, a été convertie en tête à partir du poids

moyen des bestiaux constaté dans le département aux mêmes années.

3 Arch. Dep. de la Corrèze, 1378W62 et 391W12952.

4 Délibération du Conseil général de Corrèze des 12 et 13 décembre 1969, Arch. Dep. de la Corrèze,

Figure 1.23. Zones d’approvisionnement, zones d’expédition de la filière viande en Corrèze, 1967.

Source : étude de la direction départementale de l’agriculture sur la commercialisation des viandes en Corrèze, 1964 (Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W199), et rapport de la direction départementale de l’agriculture sur l’abattoir corrézien, 1967 (Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W212).

La suppression des tueries, qui va de pair avec la concentration du réseau public d’abattoirs (voir paragraphe suivant) a pour effet de concentrer les opérateurs de l’expédition. Avec les travaux engagés pour les abattoirs par diverses communes, ces dernières préfèrent donner la prééminence dans l’utilisation à une entreprise capable d’assurer l’activité au détriment des salaisonniers et bouchers artisanaux qui assurent pourtant une part importante et stable de l’abattage1. A partir de 1970, les bouchers-

détaillants font de moins en moins leurs achats de bestiaux eux-mêmes2 et ne fréquentent

plus les foires, se fournissant auprès des gros chevillards installés dans les abattoirs. En

1 Soufflet, 1983, op. cit.

2 Entretien avec un producteur à la retraite à la foire, qui indiquait qu’à partir de 1970 les petits bouchers ne

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1970, l’expédition par rail ne représente plus que 2 % des expéditions1, qui se font

majoritairement par la route, suite aux incitations des expéditeurs pour que les transporteurs du département s’équipent en camions réfrigérés2.

De 1950 à 1970, le circuit mort d’expédition se développe au détriment du circuit vif. Les besoins des expéditeurs de Corrèze sont tels que des circuits d’importation de bestiaux dans le département se mettent en place, pour la salaison ou avant d’être expédiés en carcasses vers les grandes places de consommation.

3.2.2. Le plan d’équipement en abattoirs publics de 1967 : la concentration du circuit mort d’expédition pour assurer la rentabilité des équipements

En une quinzaine d’années, le circuit mort est devenu majoritaire dans l’expédition pour la viande de boucherie. Au moment où se met en place une politique nationale d’équipement en abattoirs-directeurs (qui doivent abattre au moins 4 000 tonnes de viande nette par an), la filière d’expédition est encore morcelée sur l’ensemble du territoire, les tueries particulières existent encore, et l’abattage public est assuré par neuf abattoirs, dont seulement trois traitent plus de 4 000 tonnes de viande nette à l’année (Brive, Tulle et Lubersac).

Les abattoirs publics ont été considérés jusqu’à cette époque comme relevant d’abord d’un service public3, et offrant aux professionnels de la filière une meilleure hygiène de

l’abattage et de la préparation des viandes : « durant la première moitié du XXème siècle, les

abattoirs n’ont pas vocation à être économiquement rentables et l’amélioration des conditions sanitaires du travail a pour seule finalité de garantir la santé publique »4. A partir

des années 1950, la politique des abattoirs publics entre dans une première phase de modernisation, au sein de laquelle l’offre d’un service public est petit à petit remplacée par une vision modernisatrice et industrielle de la filière viande, où l’abattoir public devient un instrument-clé de la productivité de la filière. La question du rendement qualitatif et quantitatif des carcasses, du rendement du cinquième quartier5 ainsi que des économies

d’échelle sont alors intégrées par le Commissariat au Plan, traduit au niveau départemental par la réalisation de plans d’équipement en abattoirs publics. La concentration des abattages depuis les tueries vers les abattoirs publics relève désormais d’une politique publique fondée sur le contrôle sanitaire et fiscal de l’abattage : « les pouvoirs publics, en manifestant leur volonté d’intensifier les contrôles sanitaires et fiscaux, vont impulser un mouvement de concentration dans une logique administrative qui donne la priorité aux abattoirs publics aux dépens de tueries particulières et des abattoirs privés »6. Certains

conseillers généraux de Corrèze tentent de plaider la cause des tueries qui sont en règle au

1 Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W211.

2 Entretien avec Guy, marchands de bestiaux, le 15 novembre 2011. 3 Bourdonnaye, op. cit., pp. 135-147.

4 S. Muller, op. cit., p. 56.

5 Le cinquième quartier d’une bête est constitué des abats et des issues. A partir de 1960, les industries

pharmaceutiques et d’aliments pour animaux commencent d’utiliser le cinquième quartier, dont ils ont alors besoin en volume important et dans un conditionnement garantissant sa qualité.

regard de l’inspection sanitaire, mais la Préfecture rappelle que le gouvernement, ayant répondu à cette question, indique que les tueries doivent être fermées, car « le suréquipement [en outils d’abattage] est nuisible »1 à la rentabilité des abattoirs-directeurs,

et donc à la modernisation de la filière viande française.

Avec l’entrée de la France dans le marché commun et le développement des transports réfrigérés qui intègrent le circuit mort à l’échelle nationale et européenne, la rentabilité des outils de transformation devient fondamentale. La domination exercée sur le marché de la viande par les grandes places de consommation est remise en cause par cette politique qui veut installer les outils de transformation dans les régions de production2. Il s’agit

notamment pour l’Etat de développer la coopération agricole, et ainsi de casser le pouvoir corporatif sur la filière dont disposent les bouchers des grandes places de consommation3.

L’ensemble de la filière viande et du circuit d’expédition doit être transformé et adapté aux exigences de la modernité des outils, mais aussi de l’efficacité du marché et des investissements des producteurs. Le préfet de Corrèze rappelle sa mission concernant la filière viande : il s’agit « d’implanter des abattoirs sur les lieux de production de façon à permettre la vente des animaux en carcasses par les producteurs ou leurs associations à disposition desquels devront être les abattoirs publics, ou privés, agréés par le plan »4.

L’évolution démarre avec la loi du 8 juillet 1965, qui impose la structuration du marché de la viande à l’échelle nationale par la mise en place d’abattoirs publics, disposant de tous les services nécessaires à la transformation et au stockage, mais surtout à la rentabilisation de l’abattage. La concentration de l’abattage dans des abattoirs qui traitent au minimum 4 000 tonnes par an doit permettre la rentabilisation du cinquième quartier, qui représente 11 % de la valeur de l’animal5. Seuls les abattoirs inscrits au plan (et traitant donc plus de

4 000 tonnes de viande nette à l’année) peuvent avoir l’agrément du Ministère de l’Agriculture pour l’exportation hors du pays. Le plan d’équipement en abattoirs publics de la Corrèze est lancé en 1967. Au vu de l’état des différents abattoirs et de la capacité de la filière de production et de commercialisation du département, il est décidé qu’une unité moderne, traitant 20 000 tonnes de viande nette à l’année, doit être créée6. Les débats sur la

localisation de cette Unité Départementale d’Abattage, dont l’installation implique la fermeture de certains abattoirs publics, agitent le Conseil Général et les représentants professionnels de l’agriculture jusqu’en 19707. La nécessaire industrialisation de la filière

viande au stade de l’abattage ne peut se faire qu’avec la concentration des outils : « l’industrialisation s’avère impossible dans les chefs-lieux de cantons : on ne peut saupoudrer de petites unités à cause de leur rentabilité »8.

1 Extrait des questions au gouvernement, 18 novembre 1961, Arch. Dep. de la Corrèze, 1057W40. 2 Soufflet, 1983, op. cit, pp. 51-60.

3 S. Muller, op. cit., p. 61.

4 Note du préfet de Corrèze, 3 mai 1960, Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W199.

5 Rapport de la DDA sur l’abattoir corrézien, 1967, Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W212. 6 Délibération du Conseil général du 11 janvier 1968, Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W212. 7 Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W199, 211 et 212.

8 Réunion de la section corrézienne du Comité National des Produits Laitiers, 4 avril 1969, Arch. Dep. de la

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Figure 1.24. Evolution des abattoirs de Corrèze prévue par le plan départemental d’abattage.

Sources : Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W199, 211 et 212.

Pour le nouvel abattoir corrézien, d’échelle départementale et qui sera la pièce maîtresse du plan d’équipement pour le département, la DDA de Corrèze prévoit : le développement de la commercialisation par cheville au détriment de la carcasse pour les bouchers détaillants ; le développement de la grosse coupe pour les collectivités et chaînes de distribution ; ainsi que le stockage sous régime de grand froid et le désossage afin d’assurer les débouchés existants du circuit mort et d’en ouvrir de nouveaux à l’export1. Le nouvel

abattoir départemental doit permettre l’augmentation des rendements carcasses, en permettant une meilleure valorisation du cinquième quartier, mais aussi en incitant, par le biais de la Chambre d’Agriculture et des comités de développement cantonaux, une production dont les caractéristiques permettent un meilleur rendement2.

Avec la mise en place du plan national d’abattoirs-directeurs, les régions de production doivent désormais disposer d’outils de transformation complexes afin d’expédier en pièces et non plus en carcasses ; d’outils de transformation centralisés qui permettent de meilleurs rendements et assurent la compétitivité ; et enfin de moyens de stockage importants pour réguler les quantités disponibles sur le marché. Ce plan est traduit au niveau départemental

1 Rapport de la DDA sur l’abattoir corrézien, 1967, Arch. Dep. de la Corrèze, 1217W212. 2 Ibid.

par un plan directeur lancé en 1952 et finalisé en 1967, organisant la concentration des outils d’abattage – et notamment la création d’une unité départementale de 20 000 tonnes. Conjointement, les tueries particulières sont fermées (deux cent sept en 1960, et dix-sept en 1970). Le réseau public d’abattoirs se concentre (voir Figure 1.24) : deux abattoirs sont repris par des industriels privés, un par une coopérative, et sept ferment.

3.2.3. L’évolution des opérateurs du circuit vif : d’un maillon de l’expédition à un maillon de l’élevage

Avec le déploiement du circuit mort et l’incitation de l’Etat et de ses services déconcentrés pour la diminution de l’expédition en vif vers les grandes places de consommation, le circuit vif existant en Corrèze évolue et, se détachant de la boucherie, s’oriente vers la valorisation de la souche génétique limousine pour développer les exportations pour l’embouche.

En 1950, le circuit vif d’expédition exporte depuis le département des bestiaux pour la boucherie, l’embouche ou même l’élevage – nous n’avons pas de données précises quant à la répartition des marchands de bestiaux ou des expéditeurs dans l’une ou l’autre de ces catégories. En 1950, l’expédition sur pied concerne principalement les bovins (13 000 expédiés, dont 9 000 hors de France) et quelques porcins (moins de 500 à l’échelle du département)1. Ces expéditions sont dirigées vers les grands centres de consommation où

les opérateurs corréziens expédient aussi en carcasses (Paris, Est de la France, Côte d’Azur). Certaines de ces expéditions se font par rail, depuis les villes tenant des foires importantes comme Brive, et les données disponibles nous indiquent qu’elles sont le fait des grands marchands de bestiaux du département (Herbert à Objat par exemple, qui expédie entre 10 et 25 % des porcs apportés aux foires de Brive et Tulle en 1950 et 19512)

ou de marchands venus des régions vers lesquelles la Corrèze expédie.

En 1950 le circuit mort n’a pas encore supplanté le circuit vif et les expéditeurs en vif ou marchands de bestiaux sont encore nombreux à la fin des années 1970 notamment parce qu’ils travaillent aussi comme intermédiaires entre producteurs pour l’élevage. Si une partie des achats pour l’élevage se fait à la ferme grâce aux réseaux de sociabilité entretenus entre producteurs3, les marchands de bestiaux ont depuis longtemps un rôle

d’intermédiaire pour l’embouche – pratiquée par les agriculteurs, parfois de manière artisanale, avant l’industrialisation de la filière bovine. Dans les années 1950, ce circuit d’embouche concerne principalement les veaux de huit jours, qui sont en général dans le bassin de Brive croisés d’une mère laitière et d’un père limousin – ces « veaux gris » sont le plus souvent engraissés au lait et vendus pour la boucherie vers 4 à 5 mois4, comme les

veaux de lait sous la mère5, par de petites exploitations traditionnelles.

1 Rapport de la DSA publié dans l’Union Paysanne, 1950, Arch. Dep. de la Corrèze, 142-143Pr1. 2 Arch. Dep. de la Corrèze, 208W6889 et 165W5575.

3 Entretien avec Lucien Delpy, agriculteur membre du conseil municipal de 1966 à 1975, a qui d’autres

exploitants réservaient ses veaux de huit jours dès la naissance, le 21 novembre 2011.

4 Idem.

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Figure 1.25. Zones d’expédition ferrée du bétail sur pied pour la boucherie depuis six foires de Brive et de Tulle, 1950 et 1951.

Source : Contrôle des expéditions depuis les foires de Brive et Tulle, 1951, Arch. Dep. de la Corrèze, 208W6889. A partir des années 1960 se développe un circuit vif d’exportation pour l’embouche de bovins maigres ou semi-finis, tout d’abord veaux de Lyon et de Saint-Etienne, puis broutards1. La Corrèze, comme l’ensemble du Limousin, élève deux très bonnes souches

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