• Aucun résultat trouvé

L’agriculture périurbaine : de la spécificité agricole périurbaine à l’agriculture urbaine

L’agriculture périurbaine continue d’être un objet d’étude, avec des recherches s’attachant à démontrer les différents effets de la proximité à la ville. L’agriculture périurbaine est observée comme un « lieu privilégié d’expérimentation sociale »1 entre

« dégénérescence ou nouvelle dynamique »2, à propos de laquelle on tente de distinguer

dans ses mutations la part de la ville et celle des systèmes agricoles3. On note les multiples

opportunités suscitées par la proximité du marché urbain (l’agriculture de loisirs notamment)4, de même que la diversité des pratiques techniques et sociales des agriculteurs

à leur contact5. La multi-activité ou pluri-activité des agriculteurs n’est pas perçue dans ces

territoires comme un signe de disparition ou de pauvreté de l’agriculture, mais au contraire comme la démonstration d’une combinaison délibérée et efficace des influences négatives et positives de la proximité urbaine6.

Si ses recherches s’intéressent à l’agriculture périurbaine et non à celles des espaces ruraux7, elles démontrent brillamment l’intérêt d’une analyse à l’échelle méso8, qui rappelle

la nécessité de prendre en compte l’effet des dynamiques propres au territoire dans l’évolution de l’agriculture. L’agriculture périurbaine apparaît enchâssée dans une multitude de marchés (des produits agricoles, du foncier agricole et résidentiel, des intrants agricoles, du travail) dont les dynamiques s’inscrivent dans différentes échelles géographiques, et qui affectent de façon différenciée paysages et structures agricoles9.

Les études sur l’agriculture périurbaine sont renouvelées par l’irruption du développement durable et l’acuité de la question alimentaire. Interrogée dans sa capacité à maintenir les paysages et l’environnement, l’agriculture périurbaine est aussi convoquée pour la fourniture de produits de qualité aux consommateurs urbains10. La définition de

de-France : de la « fabrique » de territoires périurbains », Communication au Colloque La dynamique des

territoires en milieu périurbain et le patrimoine naturel et culturel, avril 2006, Université de Montréal, 14 p., consulté

sur la toile : [www.vrm.ca/documents/periurbain_Poulot_texte.pdf].

1 P. Mainié, H. Maillard, 1983, « L’agriculture périurbaine, un lien privilégié d’expérimentation sociale »,

Economie rurale, n°155, pp. 38-40 ; idée que l’on retrouve aussi très largement chez Brynat, Johnston, 1992, op. cit.

2 C. Bryant, 1989, « L'agriculture péri-urbaine au Canada : dégénérescence ou nouvelle dynamique ? »,

Annales de géographie, vol. 98, n°548, pp. 403-420.

3 P. Brunet, J.-P. Charvet, 1994, « Les agricultures périurbaines », Bulletin de l'Association des géographes français,

n°2, p. 226.

4 Bryant, Johnston, 1992, op.cit., B. Ilbery, 1988, « Farm diversification and the restructuring of agriculture »,

Outlook on agriculture, vol.17, n°1, pp. 35-39.

5 E. Landais, J.-P. Deffontaines, M. Benoit, 1988, « Les pratiques des agriculteurs Point de vue sur un

courant nouveau de la recherche agronomique », Études rurales, n°109, pp. 125-158.

6 Bryant, Johnston, 1992, op.cit.

7 Nous retrouvons ici la distinction entre agriculture de l’umland et agriculture de l’hinterland. 8 Bryant, 1997, op. cit.

9 Bryant, Johnston, 1992, op.cit., pp. 95-96.

10 La fonction alimentaire de l’agriculture périurbaine étant plus marquée pour dans les pays du sud, celle-ci

assurant notamment une fonction de sécurité alimentaire moins marquée dans les pays du nord, où l’approvisionnement du à l’agriculture périurbaine est moins quantitatif que qualitatif (C. Aubry, J. Pourias, 2013, « L’agriculture urbaine fait déjà partie du « métabolisme urbain » », in Déméter 2013, Nature et agriculture

24

cette qualité est renouvelée par le mouvement de territorialisation de l’agriculture et les dynamiques propres aux pratiques de consommation. Si l’agriculture périurbaine n’est pas forcément dépositaire d’une image de terroir, elle est le support d’une proximité (spatiale et relationnelle) qui s’exprime notamment dans les circuits courts1. Ceux-ci sont d’ailleurs

analysés comme l’un des seuls traits distinctifs de l’agriculture périurbaine contemporaine2

par ailleurs marquée par la diversité de ses structures et des types de productions3.

Les débats en cours autour de la définition de l’agriculture (péri)urbaine4 démontrent

bien les enjeux actuels, par lesquels l’agriculture est perçue comme pouvant entretenir diverses relations avec la ville. Certains auteurs définissent le caractère périurbain de l’agriculture selon son étymologie, c’est-à-dire la périphérie agricole des villes5. D’autres

s’interrogent sur le caractère plus ou moins urbain de l’agriculture selon l’ampleur de son intégration au projet d’agglomération6. D’autres enfin définissent l’agriculture (péri)urbaine

non seulement par une combinaison de proximités spatiales, relationnelles et fonctionnelles avec la ville : « l’agriculture périurbaine (..) sera considérée comme l’agriculture localisée dans la ville et sa périphérie, dont les produits sont destinés à la ville et pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et urbain non-agricole des ressources qui ouvre sur des concurrences mais également des complémentarités possibles entre ces usages »7 .

Enfin, la question agricole commence à être intégrée dans le champ de l’aménagement et de l’urbanisme. L’agriculture est convoquée dans une perspective de développement durable urbain : les paysagistes s’intéressent à la figure de la « ville-nature »8 ou de la « ville-

campagne »9, qui font de l’agriculture une « infrastructure de la ville durable »10. Quant aux

aménageurs, ils commencent à intégrer la question alimentaire et l’agriculture (péri)urbaine

et l’agriculture périurbaine : histoire, évolution en cours et questions actuelles », Innovations agronomiques, vol. 5, p. 53-67 ; L. Kebir, A. Torre, 2013, « Geographical proximity and new short supply food chains » in Lazzeretti L. (ed), Creative Industries and Innovation in Europe, Concepts, Measures, and Comparative Case Studies. Nex-York, Routledge, pp. 194-211 ; A. Fleury, R. Vidal, 2010. « L’autosuffisance agricole des villes, une vaine utopie ? », La vie des idées. Consulté sur la toile : [http://www.laviedesidees.fr/L-autosuffisance- agricole-des.html] ; B. Lesaffre, 2004, « L‘alimentation des villes : de nouveaux défis pour la recherche »,

Cahiers Agricultures, vol. 13, n°1, pp. 2.

1 Bertrand et al., 2006, op.cit.

2 I. Berthier, 2004, « L’agriculture périurbaine change de nature », Diagonal, n°166, pp. 32-36.

3 J.-C. Bontron, P. Chouipe, 1994, Entre ville et Campagne, les espaces de périurbanisation. Identification et problèmes.

Propositions pour l’action publique. SEGESA (Société d’Etude Géographiques, Economiques et Sociologiques

Appliquées), étude pour le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, Paris, 99 p.

4 P. Moustier, A. S. Fall, 2004. « Les dynamiques de l’agriculture urbaine : caractérisation et évaluation », in

O. Smith, P. Moustier, L. Mougeot, A. S. Fall, Développement Durable de l’agriculture urbaine en Afrique

francophone. Enjeux, concepts et méthodes, Ed. CIRAD / CRDI, s.l., pp. 23-47.

5 A. Fleury, P. Donnadieu, 1997, « De l’agriculture périurbaine à l’agriculture urbaine », Le Courrier de

l’environnement de l’INRA, n° 31, consulté sur la toile : [http://www7.inra.fr/dpenv/fleurc31.htm].

6 P. Nahmias, Y. Le Caro, 2012, « Pour une définition de l’agriculture urbaine : réciprocité fonctionnelle et

diversité des formes spatiales », Environnement urbain, vol.6, pp. 1-16.

7 P. Moustier, A. Mbaye, 1999. « Introduction générale », in Moustier P. et al., Agriculture périurbaine en Afrique

subsaharienne, CIRAD, Montpellier, pp. 7-17.

8 Y. Chalas, 2003, « Urbanisation de la nature et ruralisation de la ville », Revue de Géographie Alpine, vol. 11,

n°4, p 7.

9 P. Donadieu, 2003, « La construction actuelle des villes - campagnes. De l’utopie aux réalités », Histoire

urbaine, vol. 2, n° 8, pp. 159-170.

10 A. Fleury, P. Moustier, 1999, « L’agriculture périurbaine, infrastructure de la ville durable »,

dans le champ de l’urbanisme1. Les documents d’urbanisme récents intègrent l’agriculture

dans la planification urbaine. La législation sur les Plans Locaux d’Urbanisme astreint les communes à créer un Projet d’Aménagement et de Développement Durable dans lequel des zones agricoles doivent être prises en compte. Les Schéma de Cohérence Territoriale font de la question des espaces ouverts entretenus par l’agriculture le cœur de leurs problématiques pour élaborer les logiques structurantes des grandes régions urbaines2. Des

outils de maîtrise foncière se développent, auxquels participent de concert plusieurs échelles de collectivités territoriales3.

Les recherches sur l’agriculture périurbaine démontrent la complexité de l’influence de la ville sur sa périphérie agricole. Conjointement à son intégration dans les territoires de projets et à la prise en compte des enjeux du développement durable dans les politiques publiques comme dans la recherche, l’agriculture à proximité des villes est interrogée dans les rapports fonctionnels qu’elle peut entretenir avec la ville, en termes d’alimentation et plus largement d’environnement.

Outline

Documents relatifs