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Ce chapitre fournit des remarques concernant les MNT et les chemins de l’eau, étudié au LCT dans le cadre des études sur le bassin versant de Réal Collobrier (thèses de Weesakul 1992, Puech 1993, DEA de Adam 1996) ainsi que dans le cadre du projet européen NOAH sur la Moselle (Charleux, thèse en cours). Les points d’études concernent :

- une réflexion sur la qualité des MNT et des plans dérivés, incluant l’influence de la

résolution ;

- la caractérisation de paramètres locaux (pentes, indice morphologique) ;

- la caractérisation des chemins de l'eau.

6.1. REFLEXIONS SUR LA QUALITE DES MNT ET DES PLANS DERIVES

Rappelons que le relief perturbe les images de télédétection à visée oblique et inversement que cette perturbation (effet de "parallaxe") peut être mise à profit pour définir les MNT. En retour les MNT deviennent correcteurs de tous les effets perturbateurs du relief soit géométriques (Pigot, 1991 ; Kasser et Polidori, 1999), soit radiométriques (Nguetora, 1993). Les MNT sont porteurs de la morphologie du terrain et peuvent donc renseigner l'espace hydrologique sur ses grandes structures (crêtes, limites de bassin, cheminement de l'eau ...) mais aussi sur les éléments locaux du relief (pente, azimut).

La plupart des logiciels actuels de SIG ou de traitement d’image ont une rubrique MNT pour calculer facilement à l’aide du plan de base (altitude) des plans dérivés simples (pentes et azimuts). Des logiciels spécifiques du couplage MNT-hydrologie sont en développement rapide et permettent de gérer certains aspects de la morphologie hydrologique, tels que limites de bassins, détermination des directions d’écoulement, du réseau hydrographique …

On peut citer à titre d’exemple : LAMONT (Depraetere, 1990), HYDROKIT (1997),

RIVERTOOLS (1999).

Les spécifications de qualité d’un MNT s’arrêtent généralement à la détermination des incertitudes sur le plan altitude (Polidori, 1995). Par exemple un MNT issu d’images satellitales SPOT est censé avoir une RMS (erreur quadratique moyenne) de l’ordre de 5 à 10 m en altitude. D’une part ces ordres de grandeur sont incompatibles avec la qualité recherchée pour les calculs hydrauliques en plaine. Même les très hautes résolutions (métriques) ne ramènent pas l’incertitude en altitude à une valeur compatible avec les exigences hydrauliques qui sont de quelques centimètres (projet NOAH, 1999). On est contraint à utiliser des sources de données différentes, plus précises, de type topographique. Les données satellitales peuvent par contre servir de plans supports pour une présentation efficace des résultats hydrauliques (ex logiciel SCAROZI de la société SIEE, 1997).

D’autre part les plans et informations utiles à l’hydrologie peuvent être des plans dérivés : pente, indice topographique, limites de bassin ou tracés de réseau hydrographique … et il peut être intéressant de juger de la qualité « hydrologique » des MNT, i.e. vis à vis de certains plans spécifiques (thèse Charleux en cours).

Plan altitude

La qualité du plan altitude dépend des 4 phases de sa création : 1/ obtention des données de base, 2/ sélection des points, 3/ interpolation et 4/ stockage.

Les données de base sont les images, semis de points, courbes de niveau. On doit se rappeler en particulier pour le cas des courbes de niveau, que chacune des 4 phases de la création comporte ses erreurs et artefacts, et que le MNT final ne saurait être plus précis que les données dont il est issu. Le tracé automatique des limites de bassin versant par exemple ne pourra être plus précis que ceux opérés directement sur les lignes de niveau.

De la même façon, la sélection des points obéit souvent à des impératifs informatiques : compression des données et accélération des calculs, ce qui conduit à garder le maximum

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de points dans les zones à variation rapide du relief, en général les zones pentues. Or ces critères de sélection des points peuvent être en opposition avec les critères de qualité vis à vis de l'hydrologie. C'est le cas pour la caractérisation des "chemins de l'eau" qui exigerait beaucoup de points en plaine, et peu en zone accidentée.

Les modes d'interpolations sont généralement eux aussi définis selon des schémas statistiques : fonctions spline, interpolation selon la distance ... Quelques essais de création de MNT "hydrologiques" ont été effectués utilisant une interpolation selon la ligne de plus grande pente (Lourtie, 1989 ; Proy, 1986) qui nous ont servi à définir le premier MNT du Réal Collobrier (Weesakul, 1992). La cohérence hydrologique est meilleure (moins de "trous" et "bosses") mais la maintenance de tels logiciels est délicate et n'est pas viable vis à vis des logiciels du commerce.

Enfin, le stockage (mode régulier "raster") ou mode irrégulier (réseaux TIN, triangulary irregular network) influe sur la qualité des résultats. Le mode irrégulier est censé s'ajuster à une meilleure représentation des lignes de structure, contrairement au mode raster qui donne des valeurs ponctuelles selon des lignes arbitraires. Toutefois pour les calculs et modélisations ultérieures, le mode raster est souvent le seul acceptable, si bien que l'intérêt initial des TIN peut disparaître si l'on doit passer par une phase de "rastérisation".

Globalement en fait, la qualité du MNT n'est pas souvent gênante tant qu'il ne s'agit que de l'utilisation du seul plan altitude [simulations de vols, images 3D, influence de l’altitude … ], d'autant plus que l'altitude étant une variable d'état, elle est peu sensible aux effets d'échelle donc peu sensible à la résolution. Par contre tous les défauts de construction sont amplifiés lorsqu'on passe aux divers plans dérivés.

Plans dérivés

Le plan pente est le plan dérivé le plus simple. Le calcul des plans "pente" et "azimut" s’effectue généralement à l’aide du plan "altitude" z par une méthode de filtre glissant. On définit d’abord les gradients dz/dx et dz/dy, d’où l’on déduit le vecteur gradient total : sa longueur définit la pente et sa direction l’angle d’azimut.

Le filtre est défini par un "élément structurant" carré de taille impaire : 3, 5, 7… n+1. Avec un élément structurant de taille n+1, les gradients sont donc calculés sur une base de n pixels, mais les résultats sont affectés à chaque pixel. Un effet de lissage apparaît ; pentes et azimuts dépendent alors non seulement de la résolution de la grille mais aussi de la méthode d’interpolation et notamment de la taille de l’élément structurant.

La figure 6.1 montre les variations fortes quand on change d’algorithme : fort lissage avec celui de Proy (1986) à élément structurant 5*5, résultats à directions préférentielles tous les 45° avec celui du logiciel IDRISI à élément structurant 3*3, plus brutal.

IDRISI, 3*3, gradient dz/dx = 1/2 0 0 0 1 0 1 0 0 0 PROY, 5*5, dz/dx = 1/108 1 4 0 4 1 2 8 0 8 2 3 12 0 12 3 2 8 0 8 2 1 4 0 4 1

Figure 6.1 : histogrammes des azimuts. Effets de la méthode d'interpolation. MNT 20 m, bassin du Réal Collobrier (Puech 1993) 0 10 20 30 40 50 60 0 45 90 135 180 225 270 315 360 Nb d e val eu rs PROY IDRISI

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6.2. EFFET DU SURSOL : QUEL MNT EST DEFINI ? SOL OU COUVERTURE ?

Les MNT issus de corrélations de vues stéréoscopiques (satellitales ou aériennes) donnent une altitude qui correspond à la partie supérieure des objets présents à la surface de la terre : cimes des arbres, toits des constructions … ce que l’on nomme parfois "sursol". Dès lors deux MNT coexistent : soit le MNT 1 représentatif du terrain naturel (celui qui est porté sur les cartes topographiques et qui intéresse les écoulements), soit le MNS2 représentatif de la surface des objets (issu de couples stéréoscopiques photo ou images de télédétection). La différenciation MNT-MNS est rarement précisée à l’heure actuelle. Par un raccourci significatif, les producteurs de données en provenance de couples stéréoscopiques fournissent sous le nom MNT des plans qui sont en fait des MNS : la précision affichée ne correspond plus à ce qu’attend l’utilisateur.

Figure 6.2 : Différenciation MNT – MNS, due à la présence de "sursol"

La différenciation devient d’autant plus nécessaire que l’on va vers les résolutions fines. La confusion qui était acceptable avec des résolutions de 100 m, ne l’est plus quand on passe à des valeurs métriques. Par exemple, étudiant la corrélation entre les pentes du MNT issu de cartes IGN et celles du MNS issu de photos aériennes, Charleux (1997) trouve une meilleure adéquation quand la résolution passe de 5 à 40m. On retrouve ici un thème déjà discuté, celui de la résolution optimale : la résolution la plus fine n'est pas obligatoirement la meilleure, notion que les effets de sursol rendent clairs dans le cas des MNT.

Pour obtenir le MNT du terrain naturel, il faut nettoyer les MNS en éliminant les objets gênants par rectification locale de l’altitude. Par exemple pour définir une zone de débordement de crues, Devernay (projet NOAH, 1999) a éliminé les arbres isolés de façon manuelle en leur imposant l’altitude du contexte.

L’arrivée des « MNT Laser » devrait permettre de résoudre certaines de ces ambiguïtés, puisqu’ils sont censés repérer et séparer les deux couches d’altitude et cela avec des résolutions très fines : dès lors que des trouées, même de faible dimension, apparaissent à travers la couche supérieure (ex : feuillages), l’écho laser récupère des points issus tantôt du terrain naturel, tantôt du sursol. Les enveloppes maximales et minimales fournissent alors MNS et MNT, tandis que leur différence informe directement sur la hauteur des objets.

1 MNT Modèle Numérique de terrain - DEM Digital elevation model

2 MNS modèle numérique de Surface - DSM Digital surface model ;

Noter que les notations ne sont pas normalisées : la couche relative au sursol est parfois nommée MNE - modèle numérique d'élévation - (Kasser et Polidori, (1999)- ce qui peut entraîner des confusions avec le DEM.

MNT terrain naturel MNS surface

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6.3. LES MNT POUR LA DETERMINATION DES RESEAUX HYDROGRAPHIQUES

6.3.1. Extraction numérique du réseau hydrographique

La méthode la plus classique pour déterminer un réseau hydrographique passe par trois étapes : 1) la définition d’une image raster des directions d’écoulement ou flux ; 2) la définition d'une image raster des flux accumulés ou surface drainée Sd ; 3) la segmentation de l’image en pixels «rivière» et pixels «versant» selon que Sd est supérieure ou inférieure à un seuil appelé «surface drainée critique Sdc » (figure 6.3).

Les critères de direction de flux suivent plusieurs variantes : critère d’altitude, critère d’azimut. La solution la plus simple utilise la seule altitude (Devos et al., 1989) : la direction d'écoulement retenue est celle du pixel le plus bas parmi les 8 voisins (en 8-connexité). Elle est codée en 8 valeurs, par exemple un codage de 0

à 8 selon le schéma suivant : Figure 6.3 : MNT et réseau hydrographique ;

son calcul :1/ direction des flux 2/ cumul 3/ seuillage

8.NW 1.N 2.NE

7.W 0. 3.E

6.SW 5.S 4.SE

0 n'a pas de direction de sortie. C'est un puits ou un « trou ».

6.3.2 Les défauts dans le calcul des réseaux hydrographiques

Plusieurs défauts perturbent le calcul : la présence de trous, l'incertitude sur les points de démarrage des drains et le calcul anarchique des directions d’écoulement ou des limites du bassin.

Les trous

Les MNT sont généralement pleins de "trous" et de "bosses". La majorité des trous sont des artefacts de calcul générés lors des différentes phases de création : interpolations, stockage. Mais ils peuvent aussi provenir du sursol perturbant la surface des MNS, ou encore d’effets de lissage dus à la résolution utilisée : par exemple, une gorge étroite est invisible sur un MNT et provoque une remontée erronée de la ligne d’eau.

Le nombre de "trous" créés peut être très élevé. On a noté par exemple sur divers MNT issus de courbes de niveau les fréquences suivantes (Puech, 1996) :

- interpolation par ligne de plus grande pente : MNTde Tiébélé (zone sahélienne) à 30m, 1trou pour 40 pixels ; MNT Réal Collobrier à 20m, 1 trou pour 31 pixels !

- interpolation TIN (trianguled irregulary network), BVRE Réal Collobrier à 30 m , 1 pixel sur 8 est un trou ! ! !

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Comme les trous piègent les écoulements, une solution simple pour donner au MNT une cohérence hydraulique consiste à faire passer un algorithme de type « bouche-trou » : par exemple un algorithme itératif qui relève les altitudes des trous pour leur donner une valeur supérieure au voisin le plus bas et permettre un écoulement. Le MNT obtenu devient cohérent, mais s’éloigne des données initiales.

Des algorithmes de ce type existent dans de nombreux logiciels du commerce (Arc-info par exemple).

L'effet de ce bouchage est rapide et efficace. Il efface les irrégularités locales, mais il gomme aussi maints détails de variabilité du relief qui pourraient être intéressants pour mieux définir la position du réseau hydrographique. La figure 6.4 illustre cet effet sur la vallée de la Seille : le MNT initial comporte une succession de creux non jointifs (en bleu sur l'image) qui suivent le tracé réel de la rivière. L'algorithme bouche-trou efface toutes ces informations isolées : le réseau calculé par la suite (trait noir) prend un chemin aléatoire dans la zone homogénéisée (ici en beige).

Figure 6.4 : MNT, vallée de la Seille Où commence le drain ?

Dans la solution classique de calcul du réseau hydrographique exposée ci-dessus, le choix du seuil de Surface drainée critique Sdc est arbitraire, uniforme, alors que dans la nature il varie fortement, selon des critères qui dépassent la seule morphologie.

Or ce choix arbitraire d'une surface drainé critique unique peut être une gêne pour l'étude de l'amont des bassins versants, puisque le tracé calculé s’éloigne du tracé réel. Le chevelu s’étoffe quand Sdc diminue, jusqu’à remplir tout le bassin quand Sdc=0 (figure 6.5). En conséquence la notion de « rivière » est incertaine donc également celle de « distance à la rivière ».

Figure 6.5 : incidence du seuil de surface drainée sur le calcul du réseau hydrographique. A gauche, chevelus calculés avec des seuils de 4 et 0.2 ha (Bassin des Maurets, Réal Collobrier, MNT à 20m de résolution). A droite, détermination des zones à moins de 200m de la « rivière », pour les deux mêmes seuils : la notion de distance à la rivière dépend fortement du seuil choisi.

Pour définir une solution correcte il faut revenir aux questions de fond : qu'est ce qu'un réseau ? Où commence t-il ? (Montgomery et Dietrich, 1988). Dans la nature, hors les zones

Sd=4ha Sd=0.2 ha Sd=4ha Sd=0.2 ha 0 1km 180 200 220 ALTITUDE (m)

Extraction MNT Image SPOT

RESEAU HYDROGRAPHIQUE A PARTIR D’UN MNT