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DISCUSSION, CONCLUSION

L'arrivée dans les années 1980-90 des techniques spatiales (télédétection, MNT et leur support informatique SIG) a paru une remarquable opportunité pour changer de regard et promouvoir une hydrologie renouvelée.

C’est tout d’abord une nouvelle façon de regarder l’espace, une nouvelle appréhension faisant intervenir les caractéristiques spatiales des nouvelles données : aspect surfacique, aspect continu et détaillé. Ceci implique l’émergence de modélisations ou de schémas nouveaux qui intègrent dès le départ une dimension spatiale donc des relations d’espace à travers la connaissance fine des chemins de l’eau et donc des processus élémentaires. La genèse de la modélisation TOPMODEL (Beven et Kirkby, 1979), est de ce point de vue intéressante, et ceci explique certainement son large développement : elle allie la fois la description fine et détaillée de la morphologie (MNT) sur la totalité du bassin versant, et une conception basée sur une schématisation poussée des processus élémentaires.

C’est aussi l’arrivée de nouveaux paramètres descripteurs : température, pente, humidité du sol, couverture végétale, ... dans leur diversité et leur variabilité tant temporelle que spatiale et avec une mesure continue sur l’espace.

C’est également une porte ouverte vers la régionalisation d’information (exportation de connaissance de bassins vers des bassins non jaugés), avec l’idée de base qu’un régime hydrologique (par exemple un quantile Q(T)) provient d’une combinaison entre l’effet du bassin versant en tant que matrice réceptacle des eaux et celui du climat :

Q(T) = bassin ✳ Climat (T = période de retour)

La télédétection permet de développer la connaissance du contexte « bassin », de définir

des outils d’exportation des résultats vers des zones mal connues pour faciliter la

comparaison des bassins entre eux et permettre au-delà du simple constat de ressemblance, de transposer des résultats en se basant sur des descripteurs ou indicateurs numériques. Quelques modélisations proposent d’ailleurs l’intégration de la connaissance de l’occupation du sol soit par modèles globaux (ex : la méthode des curve numbers, du SCS, US soil Conservation Service, 1972) soit par modèles de plus en plus distribués (HYDROTEL (Fortin et al., 1995) SHE model (Bathurst, 1993).

On constate toutefois des blocages pour l’utilisation des données de télédétection et des MNT pour l’hydrologie : paramètres peu compatibles, dilemme spatial temporel. Selon Viné (1997), deux freins limitent le couplage entre la télédétection et la modélisation hydrologique : la faible connaissance de l'impact du rôle hydrologique des états de surface et le problème du changement d'échelle. Nos travaux tentent d'apporter une contribution dans ce cadre. Au-delà des travaux de prétraitements et de traitement d’image, préalables à leur utilisation, l’ensemble des recherches s’est développé autour de deux idées : la première idée concerne la hiérarchie des échelles dans le paysage et les niveaux d’organisation, qui permet de mieux comprendre et organiser à la fois les recherches sur images, telles que la « résolution

optimale », ou les méthodes d’agrégation ou de désagrégation des connaissances

hydrologiques ; on a montré l’intérêt de ces approches ainsi que leur complémentarité dans la recherche des seuils de rupture d’échelle

La deuxième idée concerne l’utilisation de l’approche spatiale comme outil d’interrogation et de validation sur des recherches plus fondamentales concernant en particulier les processus

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élémentaires et les chemins de l’eau sur le bassin versant. En effet, permettant de décrire, de caractériser finement le bassin versant, elle permet de s’interroger sur l’impact de telle variable, de tester des hypothèses de fonctionnements. Elle ouvre alors la voie à des vérifications locales (il faut alors que les protocoles d’observation soient adaptés), ce qui bouscule de façon intéressante l’acceptation des résultats d’une modélisation. Indicateurs (ex : distances au réseau), impact de la végétation sur les écoulements, recherche d’aires saturées, … peuvent être appréhendés directement à des niveaux d’échelles intermédiaires entre le local et le global. Tout ceci est en relation avec le délicat problème d’équifinalité des modèles hydrologiques pour lequel l’utilisation des données spatiales aide à resserrer le champ des jeux – solutions possibles (Gineste, 1998).

Cette meilleure compréhension des fonctionnements hydrologiques est un des enjeux de l’apport de la télédétection à l’hydrologie. Car la solution à ces problèmes d’assimilation des données images ne saurait être obtenue par le seul recours à des avancées technologiques nouvelles. Ce sont les phases de réflexions quant aux processus élémentaires, de compréhension fine des écoulements, de connaissance des chemins de l’eau et de conceptualisation qui sont fondamentales. Le développement rapide des techniques spatiales creuse un écart (un "gap") croissant entre ces deux évolutions, la première, technologique, avançant à grandes enjambées, tandis que la deuxième, de réflexions et conceptualisations, marque le pas (Givone , conférences vie et société, Paris 1999). Les hydrologues ne peuvent que lancer des avertissements : attention au tout informatique, aux modèles physiques qui ne sont plus désormais contraints par les problèmes de temps de calcul (Beven, 1989).

Un des gros problèmes des modélisations hydrologiques voire hydrauliques est le manque de données de validation (Beven, 1993 ; Bates et al, 1998).

Certaines données de télédétection sont porteuses de validation et de connaissance par elles-mêmes (températures de surface, humidité du sol) et sont potentiellement une réponse directe à ces besoins.

Par contre pour décoder les images et pour comprendre l'impact hydrologique de tel élément (occupation du sol, morphologie), la télédétection et l’analyse spatiale ont besoin de mesures. Ce qui implique un certain retour vers le terrain.

D’une part on observe une disparité très forte entre la quantité fabuleuse (et toujours croissante) de données relatives à la vision spatiale des bassins versants et leur caractérisation cartographique, en regard du peu de données sur leur fonctionnement hydrologique, basées sur de rares points de mesure isolés.

D’autre part on note que les mesures de terrain impliquées par l’approche spatiale doivent être différentes de celles des méthodes classiques et doivent venir en complément des mesures traditionnelles : elles supposent un étalement dans l’espace qui peut être synonyme de multiplication des sites de mesures.

D’où le souci d’une réflexion sur les protocoles de mesures de terrain.

Vu le coût des mesures de terrain, il est exclu de multiplier à outrance le nombre de stations de mesures classiques, lourdes en personnel et matériel. Il faut imaginer, pour la thématique d'étude, des protocoles allégés couvrant de nombreux points, informatifs de la variabilité spatiale, en complément des quelques points de mesures lourdes qui donnent une référence stable et une variabilité temporelle. C’est pourquoi nous avons préconisé des mesures à deux vitesses : les observations temporelles, ponctuelles, en mode habituel gagnant à être couplées à des mesures allégées nombreuses (plus d’une centaine de points-nitrates dans les bassins du Gers, plus de cent points-débits dans le Réal Collobrier …), pour la connaissance de la variation spatiale ; mais ceci n'est applicable qu’à des situations particulières avec une attention particulière sur le fait que ces observations doivent être comparables, ce qui exclut les phases de variation rapide.

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Perpectives de recherche

L’ensemble des questions de recherches portant sur les problèmes de relations spatiales entre objets semble prometteur. Nous avons montré les premiers résultats obtenus pour la caractérisation hydraulique d’une plaine d’inondation, révélant les potentialités de ces analyses de type « réseau » et positions relatives. Auzet indique (1996) : la recherche sur les processus est intéressante, fondamentale et nécessaire mais elle ne peut tout régler : un aspect complémentaire tient dans la façon dont ces processus s’organisent dans l’espace. La disposition des objets dans l’espace peut être plus importante que leur contribution numérique individuelle.

Ainsi apparaissent l’intérêt de la formalisation des relations d’espace et de temps, et comme nombre d’informations apparaissent incertaines, l’introduction de mesures floues, voire de raisonnements qualitatifs (Travé-Massuyès et al., 1997. L’importance de ces données est dans leur nombre et leurs relations fonctionnelles : la mise en cohérence d’un grand nombre de données faiblement qualifiées en utilisant des relations d’espace peut générer des documents informatifs.

Les modélisations ou schémas obtenus selon ces approches ne sauraient en aucun cas remplacer ou rivaliser avec les modélisations classiques : ils sont d’un autre registre et doivent venir en complément pour validation conjointe, meilleure connaissance, aide au calage, et dans certains cas comme données d’assimilation dans les modèles.

Au-delà de la représentation spatiale des objets qui implique une meilleure maîtrise des changements d’échelle (changement de paramètres utiles quand on change de niveaux d’organisation, recherche d’indicateurs liés à l’échelle), une hydrologie nouvelle à base de raisonnements spatiaux doit être développée. Ce qui implique une importance renouvelée des chemins de l’eau. Ce qui inclut aussi la détection des réseaux : Gascuel et al. (1999) remarquent que, dans l’espace continu, il existe des objets linéaires qui sont d’une grande importance dans la circulation des eaux, qui sont à la base des discontinuités de l’espace. « Beaucoup de choses sont du linéaire dans le milieu naturel, ce qui nécessite un axe fort pour le caractériser et le développer ».

C’est en ce sens que l’hydrologie classique peut être renouvelée par l’approche spatiale, en dépassant les modèles classiques et en valorisant pleinement la connaissance nouvelle apportée par les images mais en valorisant aussi les relations d’espace et les liens fonctionnels entre les entités hydrologiques étudiées. C’est dans ce sens que devraient s’orienter des recherches complémentaires.