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8A.1. CARTOGRAPHIE DE LA REGENERATION FORESTIERE : RESULTATS CARTOGRAPHIQUES

La méthode de traitement d'image a été présentée en partie I, chapitre 2. Les principaux résultats sont une estimation de l'évolution des taux des différentes strates pour les deux bassins brûlés avec des cartographies associées (Cf. Tableau 8.1, 8.2 et planches II.2 et II.3). Années Strates 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Arborée 11 11 11 11 11 11 11 Arbustive 0 32 42 47 50 52 54 Herbacée 0 11 13 12 10 8 7 Sol nu 73 29 18 14 12 12 12

Tableau 8.1 : évolution des strates en % bassin du Meffrey (Viné, 1997)

Années Strates 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Arborée 5 5 5 5 5 5 5 Arbustive 0 15 23 29 33 36 39 Herbacée 0 12 18 18 17 15 13 Sol nu 69 42 29 22 20 19 18

Tableau 8.2 : évolution des strates en % bassin du Rimbaud (Viné, 1997)

Figure 8.1 : Evolution temporelle selon la représentation de Chernoff

La figure 8.1 représente sous un schéma symbolique de Chernoff [XX], l'évolution temporelle des différentes strates pendant la durée de l'étude. Apres le feu, les arborés ont quasiment disparu et ne repoussent guère ; pendant les 6 années ultérieures, les herbacés reprennent en premier (années 1 et 2) puis sont supplantés par les arbustifs. Pour une durée d'observation plus longue (15 ans et plus, selon les espèces), les arborés finiraient par supplanter à leur tour les arbustifs. A l'issue des 6 années, le couvert végétal apparaît très différent de ce qu'il était avant le feu. On verra cependant que la perturbation hydrologique a disparu, et que les écoulements reviennent à des conditions proches de ce que l’on avait avant le feu : écarts de comportement inférieurs aux incertitudes dues aux modèles et aux mesures hydrologiques.

8a.2. EVOLUTION HYDROLOGIQUE

L'évolution hydrologique a été définie en utilisant les données hydrologiques du Réal Collobrier (gestionnaire, le Cemagref d’Aix en Provence). Elle a concerné plusieurs variables : débits annuel et mensuel pour la partie "production", coefficient de la courbe de récession pour la partie "transfert". Trois critères importants ont guidé notre démarche :

- comparer plusieurs bassins et ne pas se cantonner à l'évolution d'un seul

Avant Feu Après feu

Année 0 Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5

Légende Arboré

Arbustif Herbacé

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8a Dynamique de la reprise végétale après incendie

- ne pas considérer "UN" état après incendie car la période post-feu est une phase fondamentalement dynamique

- éliminer l'effet temporel climatique

L'année de l'incendie suit en effet deux années aux pluviométries particulièrement faibles : 500 mm en 1988 et 530 mm en 1989 pour une moyenne interannuelle de 983 mm (période 1972-84, sur le bassin principal dit "Pont de fer", in Viné, 1997). Les nappes étaient donc très peu rechargées en 1990. Aussi, les écoulements observés juste après l'incendie (automne 1990) ont été perturbés par rapport à la normale par deux effets d'influences opposées :

- La sécheresse atténuant les écoulements, en particulier par la nécessité de recharger les nappes avant d'observer des écoulements conséquents.

- L'incendie accentuant les écoulements.

Pour mettre en évidence l'effet "feu", on ne peut donc s'attacher à l’évolution temporelle d’un seul bassin brûlé, en regard d'un comportement supposé normal avant feu.

Production

L'évolution temporelle a été étudiée à l’aide de modèles calés sur la période avant feu. Au pas de temps annuel, le modèle choisi (normale avant feu) suppose une relation linéaire entre débit annuel Qan et pluie annuelle Pan :

Qan = a . Pan + b [8.1] modèle annuel

Il donne d'excellents résultats dans le cas des bassins du Réal Collobrier (Lavabre et al 1995).

Au pas de temps mensuel, le modèle choisi est GR2M du Cemagref, modèle mensuel à 2 paramètres : A, paramètre de production et B, paramètre de vitesse de destockage (Michel, 1991 ; Makhlouf et Michel, 1994).

Pour le bassin i on notera [Modelei] le débit estimé par le modèle et Qobsi le débit observé.

L'analyse des paramètres optimaux du modèle révèle leur instabilité. Leibrech (1994) a mis en évidence pour le modèle GR2M une plage très variable de couples optimaux - selon le critère de Nash - pour les 2 paramètres A et B du modèle. Dans un graphique [A, B], les « collines » d’iso-valeur de Nash apparaissent très allongées (figure 8.2) : on se trouve en présence de jeux-solutions équifinaux, donnant des résultats identiques avec des valeurs numériques disparates, et empêchent de choisir la solution correcte à partir de ces seules indications. Ici est mise en évidence une forte liaison entre « A optimal » et « B optimal » qui interdit de rattacher l’évolution temporelle de l’une ou de l’autre de ces valeurs à une quelconque explication physique...

Figure 8.2. « collines » d’iso valeur pour le critère de Nash. Modèle GR2M appliqué au Réal Collobrier (Leibrech, 1994)

L’évolution temporelle n’a donc pas été étudiée sur les paramètres des modèles mais notre choix a porté sur les débits estimés par les modèles, variables plus stables.

95%

PARAMETRE B PARAMETRE A

90 %

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8a Dynamique de la reprise végétale après incendie

[Modelei] est le débit estimé pour le bassin i, modélisé et calé avant le feu. Il ne représente

bien le comportement du bassin qu’en l’absence de perturbation forte. En cas d’incendie, un correctif fonction du temps doit être appliqué (noté βfeu(t) ). De même pour des phases de sécheresse forte comme en 1988, un deuxième coefficient correctif sera introduit ; il est noté

βsécheresse(t)). On a observé en effet des écarts aux modèles dans le même sens pour

ces années-là, révélant une mauvaise prise en compte de la mémoire interannuelle : ne serait-ce que par leur calage, les modèles utilisés ont des comportements de type boite noire ce qui suffit à expliquer des dérives en cas de perturbation forte. On a fait l’hypothèse que 1/ les effets de feu et sécheresse sont multiplicatifs et 2/ qu’ils sont identiques d’un bassin à l’autre. Dès lors les nouveaux modèles, rectifiés, s’écrivent :

[Modelei] * βfeu(t) * βsécheresse(t) [8.5] pour un bassin i brûlé

[ModeleJ] * βsécheresse(t) [8.6] pour un bassin J non brûlé

Les relations [8.5] et [8.6] permettent d’éliminer l’effet sécheresse et conduisent à l'expression :

βfeu(t) = (Qobsi(t)) / [Modelei]) / (QobsJ(t)) / [ModeleJ]) [8.7]

i est relatif à un bassin brûlé et J un bassin non brûlé.

L'évolution de ce rapport au cours du temps conduit aux figures 8.3 et 8.4. La perturbation due au feu apparaît clairement :

- Près de 100% d'augmentation au pas de temps annuel pour le bassin du Rimbaud, la

perturbation durant 2 à 3ans;

- Une perturbation mensuelle encore plus forte atteignant des rapports de 7 pour le mois d'octobre puis baissant régulièrement, 5 en décembre, 4 en mars ... Ici encore la perturbation dure 2 à 3 ans.

Ces perturbations sont nettes mais leur valeur numérique doit être prise avec précaution : elle provient d'un rapport avec d'autres bassins à effet sécheresse fort qui, peut-être, perturbe plus fortement les rapports que le feu lui-même (Viné 1997) ; par ailleurs la suppression brutale du couvert arboré peut créer des modifications locales de la pluviométrie [Lavabre et al, 1997].

Figure 8.3 : Evolution annuelle Figure 8.4 : Exemple d'évolution mensuelle Comparaison d'un bassin brûlé (Rimbaud) ( mois 01-02-03) avec 2 non brûlés (Valescure, Vaubarnier)

Ecart à la normale après élimination de l'effet climatique (bassin du Rimbaud)

En comparant la période 1990-92 (après feu) à la période 1984-87 (avant feu et avant la sécheresse 88-89), Taupiac (1995) note, malgré des pluies similaires, une très forte augmentation du nombre de crues et du volume de crue. Il estime des valeurs relatives entre bassins brûlés (Rimbaud, Meffrey) et bassins non-brûlés (Vaubarnier) : les rapports de

80 0 1 2 3 4 85 Janvier Février Mars 70 75 90 95 βfeu 0.6 1.0 1.4 1.8 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 Date de l’incendie βfeu Rimbaud / Valescure Rimbaud / Vaubarnier

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8a Dynamique de la reprise végétale après incendie

nombre de crues Rimbaud / Vaubarnier ou Meffrey/Vaubarnier augmentent de 1 à 3, tandis que ceux sur les volumes de crue passent de 1 à 7.

Transferts

Pour les transferts notre choix a porté sur une variable robuste : la pente de la récession Pr en mode logarithmique selon l'expression

Q(t) = Q(tmax) . e -Pr. (t-tmax) [8.8]

Où Q(t) est le débit observé, tmax l'instant de départ du calcul, après le pic de crue. Le coefficient de récession est alors calculé, dans la partie en récession de l'hydrogramme, par :

Pr = - Ln (dQ/dt) [8.9]

Avant feu, sur tous les événements considérés, Pr est toujours inférieur à 1,5. Après feu, ce même coefficient atteint des valeurs qui dépassent 5, signe d'une accélération forte de la décrue, d'une "nervosité" accentuée du bassin. Cet effet dure beaucoup plus longtemps sur le bassin du Meffrey (3 années hydrologiques) que sur le Rimbaud (1 année) - Cf. figure 8.5.

Figure 8.5. Effet du feu sur les transferts : variabilité forte du coefficient de récession (Viné 1997). Incendie en 08.1990

8a.3. COMPARAISON DE L'EVOLUTION HYDROLOGIQUE ET DU COUVERT VEGETAL.

La comparaison porte sur les durées de phénomènes.

La perturbation hydrologique sur la production dure 2 à 3 ans sur les deux bassins. Elle se termine alors que le taux de sol nu est retombé à environ 30% de l'espace total (couvert végétal 70%). Sans que ce chiffre soit très précis, il semble montrer un effet fort du couvert végétal dans la régulation de la production.

Pour les transferts, les durées observées sur les deux bassins sont dissemblables : 1 an sur le Rimbaud et 3 ans sur le Meffrey. On remarque toutefois que le bassin du Meffrey a subi d'importants travaux forestiers les ans 1 et 2 après l'incendie : remise à nu d'une partie importante du bassin près de l'exutoire. Cela peut expliquer des réponses rapides du bassin (fort coefficient Pr) pendant environ 3 ans, sans observation de volumes importants (faible impact sur la production). Le fait que ce bassin présente une zone importante quasi nue, à fonctionnement hydrologique particulier, peut être rapproché d'idées sur les aires contributives : une prépondérance numérique de certains éléments qui expliquent à eux seuls la majorité du fonctionnement.

Nos conclusions rejoignent celles de Jones et Grant (1966), cités par Auzet (1996) : les coupes forestières sont génératrices d’un accroissement du volume des crues, tandis que

Rimbaud Meffrey 0 1 2 3 4 5 6 Plage de variabilité maximale avant feu

1990 1991 1992 1993 1994 1995 Coefficient de récession

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8a Dynamique de la reprise végétale après incendie

les travaux forestiers, routes et pistes accroissent le débit de pointe, la vitesse de réponse, en liaison avec la modification des chemins de l’eau.

La surface du bassin versant croissant, l'impact de la structure du paysage se perd dans la variabilité des éléments qui composent le bassin versant. A titre d'exemple, sur les basins versants brûlés du Réal Collobrier, Viné (1997) a pu mettre en évidence un impact de l'incendie sur les bassins qui avaient plus de 80% de l'espace brûlé. Par contre sur les bassins ayant "seulement" 40% (ou moins) de l'espace brûlé l'impact était indécelable. De la même façon Nascimento (1995) n’a pu déceler d’impact sur la relation pluie débit, après mise en drainage de 8% du bassin versant du Ru du Four. Mettre en évidence de tels impacts ne sera donc possible qu'en relation avec des bassins versants sur lesquels la dominance de tel élément sera effective. D'où l'importance de bien définir les bassins utiles pour cette mise en évidence et le retour sur les questions de protocole pour une approche spatiale : notion de bassins "purs", ceux pour lesquels le thème étudié dépasse largement 50% de l'espace. Inversement l’intérêt de connaître précisément la description d’un bassin très grand, hétéroclite, est minime, dans la mesure où le foisonnement des divers types d’occupation du sol moyenne toute réponse hydrologique.

8a.4. CONCLUSIONS

Des comportements hydrologiques similaires peuvent être obtenus avec des couvertures végétales très dissemblables (avant feu : forêt continue de chênes et pins - après feu : garrigue arbustive) : c'est l'ensemble des strates végétales qui conditionne le ruissellement et non pas le seul élément arboré.

Dans le cas de la régénération forestière après incendie, l’impact hydrologique et sa durée sont différents entre production et transfert. Les phénomènes de transferts reviennent plus vite à la normale (effet de surface, retour à des conditions normales de sol) que les phénomènes de production (effet de volume, de l'évapotranspiration de la végétation, de la remise en place d'une végétation absorbante )

L'augmentation de la production du bassin semble dépendante du taux du couvert, avec retour vers des conditions avant feu quand ce taux avoisine les 70%. L'augmentation de production est très forte sur les événements immédiats après le feu. Les effets induits sont visibles aux pas de temps mensuels et annuels.

Les vitesses de transferts semblent liées plus directement à l'état du sol : l'augmentation des vitesses de transfert dure peu de temps ; elle s'atténue en quelques mois et disparaît dès que les herbacées couvrent le domaine.

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8b Dynamique de l’humidité des sols

CHAPITRE 8B